Avait-elle dormi pendant trois jours sans s’arrêter lorsqu’enfin, les délégations Kumojines et Sunajines avaient pris la décision de quitter Konoha ? Peut-être ; personne n’avait de preuve de cela. Après ce mois entier de préparation, de travail intensif, de sommeil réduit et, elle devait l’avouer, parfois de stress, toute la pression et l’adrénaline étaient retombées d’un coup, la laissant seule avec une immense fatigue physique et morale. Dans sa grande mansuétude, Genkishi lui avait accordé quatre jours de repos – même pas une semaine entière, considérant que les affaires mises en pause à cause de ses exubérances ne pouvaient se permettre d’attendre davantage.

Après être retournée aux affaires générales (des choses passionnantes administratives), il fallut tout de même passer par un moment peu glorieux relatif à l’examen : ils avaient été plus d’une trentaine à se présenter à l’examen au sein du village, mais très peu avaient obtenu le précieux sésame que constituait une promotion. Des choix difficiles, pour certains, plus simples pour d’autres, mais l’un comme l’autre avait la désagréable finalité de devoir annoncer aux malheureux la terrible nouvelle : ils resteraient Genins.

Ainsi, Miyako, une fois les décisions prises définitivement aux côtés de l’Hokage, se chargea d’envoyer des courriers. Pour ceux dont l’évidence d’une non-promotion se présentait, un simple courrier suffit ; pour les autres, en revanche, il faudra passer par la case d’un entretien, surtout pour les plus prometteurs – ou pour ceux ayant fait état d’une problématique différente, comme, au hasard, ce Genin ayant laissé échapper ses invocations ayant créé un grabuge au sein des tribunes de l’épreuve numéro 2. Kobayashi Kyoshiro et… Bouba, visiblement, avaient donc été convoqués. A l’heure exacte du rendez-vous, ils frappèrent à la porte et se présentèrent dans le bureau de l’Aburame. Assise dans son fauteuil, elle avait le dossier du Genin bien ouvert devant elle.

- Allez-y, je vous en prie.

Elle les invita à s’avancer et à s’assoir – si tant est que le lémurien en était capable.

- J’ai beaucoup entendu parler de vous, Kobayashi Kyoshiro.

Tu as volé l'armure de ton père, t'es enfui de chez toi, pris l'apparence d'un soldat, abusé ton officier-commandant, déshonoré l'armée de Chine, détruit mon palais… Pardon, erreur de discours. Mais Kyoshiro avait laissé un souvenir plutôt bon auprès de son examinateur attitré lors de la première épreuve, même s’il avait échoué, comme beaucoup, à comprendre que la journée n’était pas une solution pour avancer. Dommageable, car il aurait pu aller bien plus loin. Un potentiel bien expliqué dans les rapports, mais qui s’accompagne de ce petit encart auprès d’Amaya. Une chance pour lui qu’elle se trouvait dans ses habits de serveuse ce jour-là, ou ni lui ni son lémurien n’aurait eu de yeux pour la voir se trémousser.

- En bien, comme en moins bien. Commençons par cette histoire dans les tribunes.

Miyako avait un ton calme et presque chaleureux, pour un incident qui aurait pu coûter bien plus à Konoha et au Kobayashi. Au-delà du danger que représentait l’assassin privé du Kage, que ce serait-il passé si le lémurien s’en était pris à un étranger ? A un ninja haut placé d’un autre village ? Bon, Genkishi et elle auraient été sans doute en mesure de se sortir de cet embarras, plaidant des excuses plausibles comme « Kyoshiro est perturbé » ou « Vous savez, son intellect ne lui permet pas d’outrepasser celui des lémuriens qu’il est censé contrôler », mais Tegami Hazure semblait assez… spéciale pour faire exploser la tribune à cause de ce genre d’incident.

- Êtes-vous au courant que votre… démonstration dans les tribune… aurait pu mener Konoha à un incident diplomatique majeur pouvant mener jusqu’à une guerre ? N’avez-vous donc aucun contrôle sur vos invocations ?

Elle se tourna vers le lémurien, arquant un sourcil. Il semblait pourtant docile, aujourd’hui.

- La deuxième raison de votre présence ici concerne l’examen Chûnin. Après délibération, nous avons considéré que vos progrès étaient insuffisants à l’heure actuelle pour vous permettre de passer Chûnin. Et cela n’a rien à voir avec les frasques de votre Kuchiyose.

Elle avait décidé d’y aller directement, sans tourner autour du pot. Dépendamment de la personne, de l’implication qu’elle avait et de l’investissement qu’elle avait mis dans l’examen, la nouvelle pouvait être difficile – alors, il valait mieux enlever le pansement d’un coup. Avant d’appliquer un peu de pommade.

- Néanmoins, vos efforts et votre potentiel n’ont pas échappé aux examinateurs, qui n’ont pas caché leur enthousiasme de vous avoir vu évoluer dans la première partie de la première épreuve. Comprenez par-là que Konoha vous considère comme un élément prometteur qu’il va falloir aider à progresser.

Elle s’arrêta un instant.

- Dites-moi, Kyoshiro, quels sont vos projets, à court, moyen et long terme ? Konoha sera ravi de vous soutenir dans ceux-ci… si c’est dans ses moyens.

- Oh je ne blâme pas votre invocation, je ne suis personne pour vouloir m’opposer aux us et coutumes d’une race d’animal ninja. Néanmoins, je blâme son invocateur qui, en toute connaissance de ces habitudes, l’a sciemment invoqué au sein du Colisée.

Et si le lémurien s’était invoqué seul, cela en disant long sur les capacités de Kobayashi et son contrôle sur son pouvoir – elle préférait ne pas l’évoquer, tant une réponse en ce sens gâcherait toute l’image qu’elle s’était faite de Kyoshiro. Elle le gratifia néanmoins d’un sourire.

- Vos excuses sont inutiles, aucun incident grave n’a été déploré, personne n’a été blessé, aucune guerre n’a été déclarée. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Je tenais simplement à… éclairer ce qui aurait pu se passer.

Et lui faire comprendre aussi ce qu’il encourait si « ce qui aurait pu se passer » s’était passé. Elle écouta avec plus d’attention ce qu’il lui disait concernant ses projets, son avenir, et même un peu de son passé. Elle n’en demandait pas tant, mais c’était apparemment le propre de tous les orphelins de rappeler qu’ils étaient orphelins. Miyako nota quelques mots dans le dossier face à elle pendant qu’il continuait de parler, fronçant légèrement du nez à l’évocation des démons.

- Je n’ai… jamais entendu parler de ce genre de plantes…

Elle n’était pas botaniste et sa connaissance des plantes se limitait difficilement à la survie de la plante verte qui trônait dans son salon, mais l’existence d’une telle flore aurait déjà fait grand bruit dans le Yuukan. Surtout au vu de l’incroyable puissance destructrice dont était affublé ces Bijuus. L’Aburame tapota le bureau avec son crayon avant de se redresser. Raesthra avait donc créé des vocations. Kumo aura au moins fait une chose de positive dans son histoire.

- Je vois. Je n’y vois personnellement aucun inconvénient, si tant est qu’Hushita Akiro ait le temps et l’envie de vous prendre sous son aile. Néanmoins, cette formation ne devra pas prendre le pas sur votre rôle de shinobi, sans quoi la promotion vers le grade supérieur pourrait se voir compromise…

Elle nota tout cela dans le dossier en même temps qu’elle parlait.

- Promotion qui sera d’autant plus importante puisqu’elle vous permettra une plus grande liberté dans l’organisation de votre temps personnel et dans vos recherches, voyages et permissions. Je vous conseille donc de travailler d’autant plus à votre grade, Kyoshiro. La réussite des missions est une chose, la maturité en est une autre. Prouvez-nous que vous n’êtes pas simplement cette personne qui ne peut contrôler son invocation qui s’amuse à faire danser les Konohajins lors d’évènements importants. Elevez-vous pour être davantage à la hauteur.

Il devait mûrir, sans aucun doute. Konoha attendait beaucoup de ses chûnins. Il devait aussi montrer qu’il était capable de prendre des risques, que malgré ses allures bon enfant, il serait capable d’être sérieux, responsable et digne dans les moments cruciaux. C’est ce qu’on attendait de lui, et c’est ce qui lui permettra de passer Chûnin – et alors se spécialiser entièrement dans la voie qu’il a choisie.

- Passer Chûnin sera également la condition à la réalisation de missions relatives à Arashi, et donc une étape indispensable à la réalisation de votre… autre projet.

Kyoshiro devait comprendre la nécessité de monter en grade.

- J’aimerais néanmoins apporter deux précisions. Premièrement, et je doute que vous l’ignorez, toutes les personnes ayant enquêté de près ou de loin sur les Bijuus ou des éléments s’y rapportant sont, à ma connaissance, restés bredouille.

Et c’était pour le mieux. Faire face à une infime partie de la puissance que ces démons semblaient avoir selon les récits relèverait du suicide.

- Deuxièmement, concernant Raesthra. J’aimerais vous rappeler que malgré sa compétence, son professionnalisme et son amabilité, il reste un shinobi d’une nation étrangère… et que par conséquent, les informations auxquelles vous aurez accès ne peuvent, en aucun cas et sous aucun prétexte, sauf ordre contraire ou permission, lui être communiquées.

Donc aucune collaboration. On ne collabore pas avec l’ennemi potentiel.

Une infusion ? Elle réprima une grimace : elle se droguait au thé, elle aussi, mais plutôt de ces thés addictifs et sucrés qui n’ont de thé que le nom. Enfin qu’importe, elle fit un signe de tête en remerciement au Kobayashi, l’écoutant d’une oreille attentive. Miyako fut cependant troublée par l’exemplaire dextérité du lémurien qui, non content d’être un boute-en-train qui fait danser les serveuses, semblait être en plus un excellent architecte.

Kyoshiro avait compris la portée dramatique (toujours plus) qu’aurait pu avoir le geste de son lémurien ; apparemment, la prise en charge du genin par Akiro était déjà acté de son côté ; et il semblait conscient des problèmes éventuels d’une collaboration poussée avec Kumo dans la situation actuelle pouvaient causer. Visiblement, tout était réglé.

- Très bien. Je ferai en sorte de modifier vos attributions sous peu, pour orienter vos missions et votre temps libre dans l’accomplissement de votre projet.

Elle ne pouvait lui garantir que tout ce qu’il ferait serait en rapport avec ces prérogatives, mais au moins l’administration saura qu’un apprenti archéologue était disponible, et pourront donc s’appuyer sur ça lorsque la situation l’exigerait. Ce n’était pas une vocation courante, et c’était toujours intéressant de varier les profils.

- Continuez dans cette voie, Kyoshiro. C’est la bonne pour la concrétisation de vos projets.

Un examen certes en demi-teinte mais ayant impressionné, une vocation trouvée, les moyens pour la concrétiser… Le Kobayashi n’était plus très loin du grade qui lui permettrait de s’épanouir davantage. Les rapports de mission étaient exemplaires, l’activité du Genin aussi : il n’était qu’à quelques pas d’être un Chûnin. Il ne lui manquait, au fond, que de quelqu'un qui le guide et le canalise un peu plus.

- Et comme je vous ai dit, Konoha fera tout pour vous aider dans cette voie. Le meilleur moyen de progresser, c'est de suivre les conseils d'un senseï. J'ai vu que vous ne faisiez actuellement partie d'aucune équipe.

Est-ce que ça justifiait certains comportements du Kobayashi ? Peut-être ; avec une figure d'autorité quotidienne à ses côtés, il pourrait murir plus rapidement et apprendre davantage.

- J'ai donc pris la liberté de vous en attribuer une.

Kinzoku Razan était, depuis peu, rentré d'Arashi. Quelques jours de repos lui avaient permis de repartir du bon pied malgré les horreurs dont il avait été témoin. Il l'avait également accompagnée à Tetsu et s'en était plutôt bien sorti. Il était rigoureux et sérieux, et avait réussi à acquérir toute la confiance de Miyako et de Genkishi.

- A partir d'aujourd'hui, vous serez supervisé par Kinzoku Razan, un Chûnin ayant fait ses preuves au sein du village. Il vous contactera sous peu pour votre première rencontre.

Inutile d'en dire plus : il devait déjà connaître les modalités de faire partie d'une équipe, des exigences et des contraintes que cela amenait, certes, mais également des avantages indéniable que cela comportait.

- Ce sera tout pour moi. A moins que vous n’ayez d’autres questions ou d’autres demandes, vous pouvez y aller.

La journée était encore longue, mais pas dénuée d’intérêt. Cet entretien lui avait permis de rencontrer une nouvelle pousse de Konoha, de ceux qui, plus tard, propageront à grande échelle la Volonté du Feu. Le Kobayashi était, sans nul doute, l’un des éléments les plus prometteurs du village. Elle espérait pouvoir assister à sa progression et à son ascension. Qui sait, peut-être aurait-il une place prépondérante, à l’avenir, au sein du village. Elle n’en doutait pas une seule seconde.