- Miyako s’est grandement améliorée depuis la dernière fois que je l’ai vu combattre.

Portant son thé à ses lèvres, l’Hyûga assit en tailleur regardait la plaine en contrebas où l’Aburame affrontait deux des ninjas assignés à la garde du Seigneur du Feu.

- Il lui reste encore beaucoup à apprendre.

Fit-il imperturbable comme à l’accoutumée quand on voulait extraire de lui toute forme de compliment. Teruo ricanant légèrement du fait que la critique de l’Ombre ressemblait plus à un compliment quant au potentiel de sa protégée qu’à une réelle insulte, il finit toutefois par porter également la tasse à ses lèvres.

- Avec les temps qui courent peut-être serait-il plus prudent à l’avenir que tu restes barricadé à la capitale au lieu de vagabonder aux quatre coins du pays.

Fit l’Hyûga désapprobateur alors qu’il examinait toujours le combat acharné de son apprentie. Où étaient les innombrables nuées ou ses papillons aussi hauts qu’une montagne ? Faisait-elle durer le spectacle exprès pour impressionner son prestigieux spectateur ?

- Tu sais bien que je ne risque rien, pas avec une telle escorte. Et puis quel message renverrais-je au peuple si je me terrais comme un animal apeuré dans mon palais ? Ce qui est arrivé à Mogasashi est un drame comme le Pays du Feu n’en a pas vu depuis longtemps. Cependant, nous ne pouvons pas pour autant nous arrêter de vivre. Et puis … J’ai pleinement confiance en toi pour retrouver ce Jinsei et apaiser les esprits de toutes ces âmes perdues.

Silencieux, l’Hyûga se crispa au rappel de ce massacre sur lequel il n’avait toujours pas avancé. Quant à l’escorte … S’ils étaient tous aussi incompétents que les deux qu’avait proposé Teruo pour une joute amicale, l’Ombre avait de quoi se faire du souci et inciter d’autant plus son Daimyo à limiter ses innombrables parties de chasses.

- Ah. Enfin. Regarde ça. Miyako a beau s’être entrainée, elle ne pourra rien face à Sukiko. Ses genjutsus sont reconnus pour être des emprises mentales sans pareilles.

Agitant son doigt en direction de la kunoichi rousse qui venait de pratiquer discrètement ses mudras dans le dos de l’Aburame, Teruo sourit, fier de ses hommes alors que Genkishi roulait des yeux.
 
- Oui le combat est en effet fini.

Réagit-il avec un soupir. Ce combat futile se terminerait enfin oui, mais pas en faveur de sa garde comme son vieil ami semblait le penser. Réagir vite et fort. Voilà la consigne que l’Hyûga avait inculqué à la gamine il y avait de cela des années sur comment combattre un illusionniste. Sûrement se souvenait-elle de cette leçon.


- Entre.

Fit-il sur la terrasse abritée du pavillon alors que la pluie tombait drue sur l’ensemble du jardin méticuleusement taillé. Assis, méditant les yeux fermés alors que le panneau de papier se refermait parmi les bruits de clapotements, il laissa à l’enfant le choix de sa position.

- Ton tuteur m’a confirmé que cette semaine vous couvriez les bases du Genjutsu. Que pourrais-tu me dire de ce que tu as retenu ?

Toujours les yeux fermés, il s’exprima posément, incitant l’adolescente de maintenant quinze ans à s’exprimer librement comme à l’accoutumée.

- Contre vous deux, donc ?

Elle haussa un sourcil, son air sérieux et légèrement condescendant rappelant de plus en plus les mimiques faciaux de Genkishi. Après plusieurs heures de route dans la nuit noire à un rythme très soutenu, ils étaient enfin arrivés dans une bourgade proche du Mont Kagirinai, où Teruo avait décidé de rencontrer son ancien ami et Hokage. Un « sommet » rare qu’il avait demandé pour faire le point, après plusieurs mois de silence et de politique de l’autruche, qu’il ne pouvait plus poursuivre après qu’un village entier avait été rayé de la carte d’Hi no Kuni. Comme à son habitude, l’Hyûga s’était offusqué de cette demande, jugeant le lieu inapproprié, dans le contexte actuel, pour un déplacement de l’homme le plus important du pays, et par conséquent de la cible prioritaire de ceux voulant attenter au pays.

Ayant laissé les rênes du village la cheffe du clan Yamanaka en leur absence, à Miyako et à lui – ce que l’Aburame ne manqua pas de lui reprocher au détour d’un sarcasme dont elle avait le secret – l’Hokage et son bras droit s’étaient rendus au point de rendez-vous, trouvant le Daimyô au contact de son peuple comme s’il vivait dans le meilleur des mondes possibles, seulement affublés de ses gorilles habituels ; des shinobis triés sur le volet assurant jour et nuit la protection du Seigneur du Feu. Miyako les connaissait vaguement : faisant partis de l’armée shinobi du village, ils étaient forcément reliés à Konoha, bien qu’elle ne les ait jamais réellement vu dans l’enceinte des remparts.

- Ouais ! Teruo-Sama pense que ce serait une bonne idée. T’es quand même la numéro 2 de Konoha, donc supposément la deuxième plus forte shinobi du pays. On veut pas se faire laminer non plus.

Sukiko était présomptueuse, arrogante, mais ce n’était rien face au sourire satisfait du gros bras qui partagerait son combat. Un certain Riamu, de lointains souvenirs. Miyako soupira : refuser une demande du Daimyô, en plus de paraître puérile et irrespectueuse, agacerait grandement Genkishi. Depuis que son autre nièce s’était invitée chez lui, lui rappelant à quel point l’Aburame était posée, utile, calme, intelligente et mature, il l’avait laissée tranquille et avait même partagé des moments de complicité intense, comme le fait de ne pas soupirer quand elle tentait une blague ou accepter de tamponner une lettre sans lui dire de le faire elle-même. Et elle comptait bien poursuivre son ascension dans le cœur de tonton Hyûga.

Alors, elle accepta le deux contre un, pendant que les deux hommes les plus puissants de Hi prirent la direction d’une salle en hauteur d’où ils pourraient voir ce simulacre de combat. Le spectacle devait d’ailleurs être pathétique : elle ne voulait pas humilier ses opposants, d’autant qu’ils étaient deux, mais force était de constater qu’ils faisaient de la peine. Peut-être était-ce parce qu’elle avait été entraînée par Genkishi, ou qu’elle avait progressé à un point si haut que la « base » n’était plus de taille, n’empêche qu’elle n’eut pas à se fatiguer pour se protéger et asséner des coups gentillets. Un brouillard simple d’insectes, qui ne les impressionna pas et dans lequel ils entrèrent pour l’atteindre. Amateurs…

Pourtant, ses insectes se retournèrent contre elle, le brouillard se transformant en une tornade d’insectes se créant autour d’elle et prête à la dévorer. Elle haussa un sourcil. Vraiment ?


Elle entra sous les ordres de son oncle. Elle avait quinze ans et était trempée jusqu’aux os. La pluie tombait abondamment sur la capitale d’Hi no Kuni. Lorsque le Hyûga n’était pas disponible, et lorsque cela concernait des apprentissages basiques, il déléguait l’éducation de sa nièce à des hommes de confiance. Le dernier en date lui avait appris les bases du Genjutsu… Ou, plutôt, lui avait rappelé. Elle croisa les bras en soupirant.

- Tu veux dire, mon tuteur qui me prend pour une débilos à me rappeler sans cesse que « gneuhgneuhgneuh un Genjoutsou est une perturbation du système de chakra qui affecte ta perception sensorielle » ? Celui même qui sait pas prononcer correctement « Genjutsu » ?

Elle mima la fille un peu trop excitée, la peste qui raconte une histoire tordante et juteuse à ses autres amies pestes.

- Alooooooooooooooooooors, le genjOUtsOU c’est une perturbation du système de chakra qui affecte ma perception sensorielle, permettant des attaques mentales pouvant affecter grandement le physique de la cible lorsque le genjOUtsOU est d’un haut niveau. J’ai bon, dis ? Je gagne un bon point ?

Elle se renfrogna et alla s’assoir en face de Genkishi.

- Grand-mère me l’a dit, je l’ai lu quinze fois, tu me l’as rappelé, le voisin me l’a rappelé, ya même un gars dans la rue une fois qui m’a interpelé pour me dire ce qu’était le Genjutsu – et lui au moins savait le prononcer correctement. J’ai compris, merci, et je vois pas où ça me mène.

- Sans ton insolence habituelle ta réponse n'en aurait été que mieux.

Ouvrant les yeux il se tourna vers la gamine insupportable, révélant la petite araignée sur son épaule, muette jusqu'à présent.

- Comme ton tuteur et tes lectures ont dû te le dire, le genjutsu est l'une des maîtrises les plus délicates et les plus meurtrières d'un shinobi. Comme tu le sais, il existe énormément de façon de se défaire d'une illusion, mais la difficulté première consiste surtout à s'apercevoir de la perturbation chakratique que tu viens de mentionner ... Et à s'en défaire à temps.

La petite araignée à ses côtés agita nerveusement ses petites pattes, dégageant un souffle de chakra que la jeune fille aurait pu capter si ses prouesses en sensorialité avaient été plus aiguisées. Un jour peut-être ...

- Tout combat chakratique se résume souvent à un instant. A une opportunité, une seule. Et le genjutsu est capable sans grand souci de créer cette possibilité.

Chargeant sa paume en chakra, il l'apposa dans le dos de la gamine, la sortant de l'illusion formée plus tôt qui consistait à laisser son image à sa place première alors qu'il s'était calmement levé pour se déporter derrière la jeune Aburame.

- Ta grand-mère a décidé de venir tester ta progression à la fin du mois. Peut-être ne le savais-tu pas, mais elle a perfectionné au fil de ses années sa maîtrise du Genjutsu ... Et je m'en voudrais de te présenter aussi peu préparée face à elle.

La jeune albinos n'avait bien sûr aucune chance, cependant ce n'était pas une raison pour permettre à la vieille femme d'avoir un avantage de poids.

- Bien évidemment, en connaissant ses capacités tu seras j'en suis sûr plus vigilante à ses illusions mais ça ne sera pas la même chose dans tes combats futurs, il faudra aiguiser ton esprit critique et logique tout en veillant à parfaire tes talents sensoriels. Mais chaque chose en son temps. Tout d'abord dis moi, toi qui semble être devenue experte en la matière, comment se sort-on d'un genjutsu ?

Et voilà, une énième dissertation sur un truc qu’elle connaissait déjà. Peut-être que si les gens arrêtaient de la prendre pour une gamine, elle arrêterait d’être « insolente ». Olala le genjutsu c’est dangereux, olala il en suffit d’un, olala pfiuuuuuuuuuuu on peut s’en sortir quand même hein ! D’accord, merci Platon, mais ça lui dit pas où tu veux en venir.

Une pression dans son dos la sortir de l’illusion dans laquelle elle avait été plongée à son insu. Légèrement vexée, elle soupira ostensiblement.

- Tu sais quand même que je sais ce qu’est une illusion ? T’étais pas obligé de me montrer toute l’étendue de ton talent pour ça. Si tu veux me montrer que tu peux me battre en trois secondes, je te remercie, je pense que deux suffiront.

Elle perdait patience. L’Aburame avait acquis beaucoup de qualités et de talents, au sein du clan de sa grand-mère et depuis son arrivée à la capitale. Mais tous ses efforts pour rester calme et digne dans certaines situations s’évaporaient lorsqu’on parlait de son entraînement, de ses apprentissages – et d’autant plus lorsqu’elle se retrouvait seule avec son oncle. Qui, pour le coup, était, lui, un modèle de patience, elle pouvait en convenir.

Miyako reprit cependant son calme lorsqu’il évoqua la venue très prochaine de sa grand-mère. Elle ne l’avait plus vu depuis qu’elle l’avait confiée à Genkishi. La perspective l’excitait tout comme elle l’effrayait : comment jugerait-elle la progression de sa petite-fille ? Ne regretterait-elle pas d’avoir usé de son influence et de sa réputation pour accéder au Hyûga ? Douce Benzaiten, si ça se trouve elle se dira que Mizuki aurait été une meilleure élève… Quel échec.

L’Aburame se contenta de se redresser, attendant la suite ; son oncle n’aurait pas lâché une bombe sans un plan. Et elle commençait à en dessiner les contours : les cours sur le genjutsu étaient une chose, savoir s’en défendre en pratique était une autre. Reprenant une grande bouffée d’air, elle écouta la question de Genkishi avant de rassembler ses souvenirs et de réciter la leçon qu’elle avait entendue environ 387 fois.

- Soit tu dissipes, soit tu subis une blessure assez grave, soit tu te fais insuffler du chakra par une tierce personne.

Léger sourire. Oui, « tierce personne » la faisait sourire, ça faisait très guindé, bien loin de la façon dont elle s’exprimait.

- Et il faut évidemment savoir que l’on se trouve dans une illusion avant. Je gagne un bon point, cette fois, ou tu vas encore m’en priver ?

Bon elle espérait quand même avoir deviné qu’il allait lui apprendre à dissiper une illusion. Sinon… Bah sinon tout ça ne servait à rien, et ils perdaient tous les deux du temps. Miyako s’en fichait de perdre du temps, par contre Genkishi avait des menus responsabilités au gouvernement qui devrait l’empêcher de faire des discours inutiles.

Du moins elle l'espérait.

Si insolente ... Si désagréable ... Mais si ... similaire à lui. Bien que plus respectueux et mesuré à son âge il se souvenait de son désir d'indépendant qu'il l'avait guidé sur cette voie. C'était justement car il ne supportait plus l'inaction ou la médisation des shinobis plus expérimentés à son encontre qu'il avait décidé de voler de ses propres ailes, de forger son propre destin. Ainsi, que l'Aburame s'insurge de la sorte ne l'étonnait pas. Mais elle devait également comprendre qu'elle évoluait également ... Et que l'évaluation de la vieille Aburame y serait pour beaucoup sur la suite des événements.

En effet, si la kunoichi de renom venait la tester, c'était avant tout suite à la dernière requête de l'Hyûga quant au devenir de sa pupille pour qui il envisageait déjà la supervision d'équipes lors d'interventions plus délicates. Mais aussitôt avait-elle appris ses intentions, que la vieille femme lui avait rappelé qu'il n'en serait rien sans son aval.

- Oui tu gagnes un bon point.

Fit-il en levant ses yeux morts au ciel.

- Toutefois, tu aurais pu en gagner un autre si tu m'avais donné quelques stratégies que tu aurais employé pour contrer un utilisateur de Genjutsu.

Comment cela rien n'était jamais assez bien ?

- La dissipation est en effet une possibilité viable et ce que je tâcherai de t'enseigner aujourd'hui. Toutefois qu'il s'agisse de Kai ou de douleur auto-infligée, tu devras avant tout te rendre compte que tu te trouves dans un Genjutsu. Dans un combat avec un partenaire, tu pourras compter sur ce dernier pour te sortir d'une illusion, mais dans un duel, la tâche sera plus ardue. Il existe toutefois des solutions faciles d'accès étant donné tes capacités sans que tu n'aies besoin de te blesser. Lesquelles selon toi ?

Petit questionnaire surprise. Laissant la jeune fille répondre, le militaire continua.

- Tu devras entraîner ton oeil et tes autres sens au combat pour détecter ces possibles indices minimes qui suggéreraient que ton adversaire utilise ses talents d'illusioniste. Et je pense d'ailleurs que le combat avec Cho te permettra de t'améliorer sur ce point.

Se craquant l'auriculaire, il incita la petite araignée à lancer une illusion visible sur la jeune fille. Activant son Byakugan afin de visualiser le réseau chakratique de la gamine, l'Hyûga continua et compléta ses premières explications.

- Concernant la dissipation, nous allons commencer par un léger genjutsu. Au moment où je te parle ton cerveau est actuellement soumis à une légère perturbation de chakra te faisant en toute logique voir une réalité déformée. Ainsi la dissipation la plus courante et facile consiste à pertuber le chakra qui traverse tes nerfs craniens. Etant donné le ... réseau ... qui t'habite, peut-être vaudrait-il mieux que tu sortes un maximum de tes insectes pour qu'ils ne soient pas pris d'une bouffée d'hystérie lors que tu tenteras de disrupter ton système chakratique.

La laissant s'exécuter, il continua son discours.

- Je te laisse donc dans un premier temps malaxer ton chakra comme à chacune de tes techniques puis de le perturber. Certains l'augmentent soudainement afin de disrupter le fragile équilibre interne, et d'autres veillent à l'atténuer idem brutalement pour briser tous les effets chakratiques dont ils seraient victimes. Je te laisse tester ce qui te semble le plus pertinent, la rupture et la recirculation étant à mon sens le plus compliqué.