Elle court.
Elle court vite.
Elle court vraiment, vraiment très vite.

Ses pas résonnent dans toute la demeure Hyûga. On dirait un éléphant qui a vu une souris.
Elle traverse toute la baraque à une vitesse phénoménale, dérange tout le monde, attire tous les regards.
Évidemment, parce que Shizue est comme elle est, elle n’en a rien à faire. Ça l’empêche pas de courir, ça l’empêche pas de foutre un bordel sans nom.

Mais il y a une raison !
Cette fois, c’est pas sorti du chapeau, c’est pas juste pour embêter son monde.
Cette fois, c’est pour du sérieux.
Du très très sérieux.

Elle ouvre la porte sans toquer, en sachant pertinemment qu’elle va se prendre une méga mandale pour avoir fait ça.
D’ailleurs, c’est la première chose qui lui vient à l’esprit quand ses yeux écarlates se posent sur Genkishi.
Il va la défoncer.
Il va même pas chercher à comprendre.
Il va la jeter sans discernement, en lui déblatérant encore quelques trucs en disant que, quand même, elle pourrait faire un effort.
Elle pourrait arrêter d’être stupide.
D’être chiante.
D’être l’exaspérante petite Shizue qui n’a aucune éducation, aucune manière.

Ils savent tous les deux que ça ne servirait à rien, mais il faut quand même qu’il le fasse.
Par principe.
Et parce que, finalement, exactement comme Shizue est Shizue, eh bien, Genkishi est Genkishi.
Mais tant pis.
Elle a ouvert.
Elle a fracassé.
Elle va se faire fracasser à son tour.
Mais l’heure est grave.

« Hé y a un examen Chûnin ?! »

Un air de chien battu sur son visage. Il lui a déjà dit. Bien sûr, lors de leur dernière séance. Mais son cerveau a mis cette information de côté. Parce que, bon, les prochaines semaines, c’était lointain. Là, ça l’est plus trop.

« Nan là c’est grave par contre Tonton ! »

Pour faire simple, Shizue ne se sent absolument pas prête pour ça. Sauf que son ressenti est complètement oblitéré par un autre.
Elle veut y aller.
Elle s’en fout de l’état dans lequel elle en ressortira. Ça, c’est pas grave, elle sera soignée de toute façon.
Mais elle veut y aller.
Genre, y a pas de négociation.

« J’propose qu’on double le nombre d’entraînements. »

Elle le pose comme ça. Il est l’Hokage. Il est la puissance la plus importante du village.
Il a plein de choses à faire.
Vraiment plein de choses.
Trop de choses.
Mais non. Elle s’en fout, Shizue. Parce qu’elle doit aller à cet examen. C’est une question de vie ou de mort.

« Ce serait con, quand même, que la chère nièce du Hokage, passe pour une super plouc à cet examen, non ? »

Son regard se voile.

« Comment ça je dis ça comme si j’étais sélectionnée pour y aller ? »

Ses lèvres s’arquent.

« Bah c’est parce que j’le suis, non ? »

Ses bras se croisent.

« Ou, au moins, j’suis en passe de l’être. »

Et c’est le drame.

« N’est-ce pas, cher Tonton Genkishi ? »

Un drame qui va lui coûter cher.
Très cher.

Il a juste prononcé un mot.
Rien qu’un.
Un seul petit mot qui a fait courir un frisson le long de son échine.
Elle l’a regardé, elle l’a fixé. Elle l’a pas quitté.
Ses jambes semblaient prêtes à la faire courir, pourtant.
La faire courir vite. Très vite.
Et très loin.

Parce que la tasse de thé avalée d’un coup, le seul mot prononcé, tous ces signes ne lui ont indiqué qu’une chose : il va la défoncer.
Il ne va pas attendre. Il ne va pas être gentil.
Il ne va pas être doux.
Il ne va rien être de tout ça.

Là, il va l’emmener dans le jardin, l’entraîner comme d’habitude.
Sauf qu’il va la défoncer.
Il ne va lui laisser aucune chance.
Genkishi sera là, lointain, alors qu’il y aura l’Hokage qui voudra lui mettre les plus grosses pêches de l’histoire.

Elle le savait.
Bien sûr qu’elle le savait.
Si ça l’empêchait d’agir, ça se saurait.

Elle laisse une goutte de sueur descendre le long de son front, pour disparaître après sa joue.
Elle est dans une merde, mais une merde.
Pas certaine de vouloir y participer, à cet examen, finalement.
Pas certaine de vouloir aller dans les jardins.
Pas certaine de vouloir continuer à vivre.

À peine arrivés, il lui tombe déjà dessus. Il lui en met plein le bec.
Ça tire, ça canarde, ça vole. Elle a même pas commencé l’entraînement qu’elle est déjà à bout.
Merde.
Merde, merde, merde.

Il active son Byakugan après son premier sermon.
Sans plus attendre, il fonce à pleine vitesse, lui met divers coups ici et là. Shizue a beau se défendre de son mieux, force est de constater que ça ne sert à rien.
Pas de chakra pour aujourd’hui.
Pas de chakra ?
Alors qu’il va la déglinguer sans lui laisser une chance d’implorer sa clémence ?
Quoi ?

Elle serre les dents.
Le dernier coup la fait voler sur une courte distance. Ses pieds restent ancrés dans le sol tandis que Shizue récupère de l’air tant bien que mal.
Il ne va pas la lâcher.

Elle est réellement dans la merde.
Et c’est peu de le dire.

La première leçon est de ne pas courir. Ne pas courir tant qu’il n’y a pas urgence.
Mais là, c’était une urgence, non ?

« Ok. »

Elle ne dit rien de plus.
En dire davantage, c’est s’exposer à se faire fouetter plus fort encore.

Shizue hoche doucement la tête, se remet en position.

« Ne pas courir. »

Inspire.

« Pas de chakra, sinon ? »

Dresse les mains.

« Soit. »

Elle fonce, agite les mains à son tour. En haut, en bas, tape partout sans trop réfléchir.
Enchaîne à pleine vitesse pour trouver une faille.
Les bras, non. Les jambes, non plus. Trop bas.
Plus haut.
L’abdomen.
Elle tente de faire la même chose que son mentor et vise les points les plus sensibles.
Reste à voir si ça va fonctionner.

Il est vraiment de mauvais poil, le tonton.
Savoir qu’il allait réagir comme ça n’atténue pas la douleur de ses représailles.
Il y va de toutes ses forces, sans chercher à savoir si ça va lui faire mal ou non. Au contraire, c’est comme s’il cherchait à lui faire mal.
Comme s’il désirait lui passer un message.
Lui faire comprendre quelque chose.

Oui, mais lequel ?

Shizue l’observe bouger, tape ici, là, puis là, mais rien n’y fait. C’est un échange stupide, futile, qui ne la mène à rien.
Il use de toute sa rapidité et des faiblesses de sa nièce pour frapper dans son cou et la mettre à terre.
Elle s’effondre net, les mains et les genoux au sol.

Qu’est-ce qu’il veut lui dire ?

Il lui donne une seconde leçon. Réfléchir avant d’agir. Se demander si tel ou tel acte est utile avant de le réaliser. Mais pas seulement. Il applique ça à la parole, aussi.
Se demander si c’est utile.
Si ça sert à quelque chose.

Parce que ça, là, tout ça, ça sert à quoi ?
À part lui en mettre plein la poire quand il est remonté ?

Non, non, c’est pas ça.
Genkishi est strict, mais ce n’est pas un bourreau.
Il ne lèverait pas la main pour le simple plaisir de lever la main sur elle.
Il y a autre chose.

Mais quoi ?

Il lui a dit, au début de l’entraînement, qu’ils n’useraient pas de leur chakra.
Il lui a dit que ce serait la leçon du jour.
Or, Genkishi ne perdrait pas son temps en palabres.
Les mots, les discours, tout ça, il ne les fait que parce qu’il le doit. Ça le fait chier de raconter tout ça.
Là, Shizue est presque certaine que ça le gonfle. Qu’il a mieux à faire.
Mais qu’il se sert précisément de ces leçons pour lui inculquer quelque chose.

Elle se relève.
Il se repositionne.
Ils se fixent.
Puis il revient à pleine vitesse, dans toute sa vélocité habituelle.

Sauf que la main n’est plus une main.
La main est un poing.
Et la main vise dangereusement son abdomen.

Elle inspire vivement et, sans chercher à la parer, parce qu’elle sait pertinemment qu’elle ne le pourra pas, Shizue plonge sur le côté.
Elle fuit.
C’est une tactique de lâche, mais ça lui permet d’esquiver l’offensive de son oncle.

Ça lui permet.
D’esquiver.

Elle se redresse vivement, ne prend même pas le temps d’épousseter ses vêtements.

« C’est ça ! »

Shizue se remet en place.

« Tu veux pas que j’utilise mon chakra parce que tu veux pas que je me défende comme d’habitude ! »

Oublié le sermon précédent.
Son attention s’est focalisée sur le reste.

« Tu veux que je t’esquive ! »

Elle se remet en place, prête à encaisser de nouveau.

« Bon, évidemment, tu veux pas que je me jette comme une loque sur le sol, mais que je m’échappe ! »

Réfléchir avant d’agir.

« Si j’avais encaissé ton poing, je serais encore au sol à chercher mon air. Mais là, comme j’ai plongé, je l’ai esquivé. Pas de dégât à prendre en compte et pas de temps à perdre à chercher comment parer. J’ai qu’à fuir ! »

Connecter ses neurones, les faire fonctionner pour autre chose que casser les bonbons des autres.
Elle se sent revigorée.

« On recommence ! »

Qu’il frappe.
Qu’il cogne.
Qu’il la mette à terre.
Mais bon dieu, qu’il fasse d’elle une puissante et fière Hyûga.
Quoi qu’il en coûte.

Elle a chopé le truc.
Il a pas l’air super surpris, mais il a cet habituel air blasé sur le visage.
Difficile de lui arracher un sourire, au Genkishi.
Il souligne quand même qu’elle a compris, qu’elle sait ce qu’il attend d’elle. C’est déjà un bon début.

Il enchaîne rapidement avec la nécessité de se montrer mesurée. Il faut qu’elle limite toute excitation superflue, tous mouvements inutiles, de manière à garder une flexibilité suffisante pour réagir à ce que fait son adversaire.
Barbant, barbant, barbant.
Mais d’une logique implacable.
Il en profite pour ajouter la dernière leçon du jour, qui n’est autre que se montrer digne de ses racines.
Shizue peste.
Encore plus barbant.
Suivre les traces d’une lignée, c’est chiant. C’est ce qu’elle veut, au fond, mais qu’on lui mette dans la poire comme ça, ça lui plaît rarement.
Voire jamais.
Elle a l’impression de ne pas être à la bonne place. Ou de ne pas pouvoir parvenir à y arriver.
Bref c’est compliqué, mais il ne faut pas qu’elle se laisse abattre.

Genkishi est froid, certes, ce n’est pas non plus le plus doux ni le plus patient des enseignants, mais il ne pense pas à mal.
Bien évidemment, derrière ses grands airs et son travail, y a le désir de faire d’elle une Hyûga qui lui fasse pas honte, mais y a aussi une certaine bienveillance.
Enfin, c’est ce qu’elle aime à se dire.

Il revient vers elle, recommence à porter divers coups en changeant régulièrement les angles d’approche. Son but est de la forcer à bouger, pour qu’elle puisse anticiper et prévoir quand employer telle ou telle attaque. Ses coups sont moins brutaux qu’au début de l’entraînement, comme s’il avait relâché la pression.
Il frappe moins fort.
Mais il frappe quand même pas mal.
Shizue se base sur ses jambes de plus en plus. Elle pare certains coups avec ses bras, non sans difficulté, mais parvient à en esquiver pas mal en bougeant correctement.

Une fois qu’il a fini, il lui indique qu’elle devra s’entraîner avec d’autres personnes pour que ce réflexe devienne parfaitement naturel.
Comme tout le monde se bat d’une manière particulière, il faut qu’elle soit au contact d’un maximum de personnes pour pouvoir anticiper autant de possibilités qu’il n’existe de personnes.
Meh. Ça aussi, c’est chiant, mais ça veut dire : bagarre. Beaucoup de bagarres.
Et ça, en vrai, c’est pas si mal.
Y a un côté chiant à la théorie, tout autant qu’il y en a un dans les grandes leçons. Mais y a un certain plaisir à y trouver, surtout quand ça veut dire dégommer des gens en toute légalité.
Elle hoche la tête.

« Noté. »

Si les indications sont données, la leçon n’est pas terminée.
Il reste encore quelques petites choses à voir.
Comme le fait que les combattants ne soient pas tous rodés au corps-à-corps. Certains choisiront plutôt la distance.
C’est ce que Genkishi tente de lui montrer en lui envoyant une aiguille de chakra.
Shizue se concentre et pousse sur ses jambes.
Le mouvement est encore imparfait, mais il commence à venir.

« Je vois ce que tu veux dire. Tu peux l’refaire, voir ? »

Juste histoire d’être sûre.
Elle en profite pour embrayer sur la suite.

« Oh d’ailleurs tu fais un truc particulier, toi ? J’sais pas, quelque chose que j’ai pu manquer en te regardant faire ? Ou alors une mauvaise posture de mon côté ? »

Elle hausse les épaules.

« ‘serait dommage que j’me fasse avoir parce que je chope un mauvais réflexe. Surtout en situation critique. »

Sur ses lèvres trône un sourire d’enfant. Elle est pleine de bonne volonté, elle veut lui montrer tout son investissement.
Et en même temps lui rappeler qu’elle n’est pas encore aussi forte que lui. Ça lui vient pas aussi naturellement.
Donc il faut être sûre ! Parfaitement certaine !

Des bourrasques.
Une.
Puis deux.
Elle esquive difficilement la première, poil de cul comme on dit, mais la deuxième se passe bien mieux.
Elle observe le résultat de ses efforts, plutôt satisfaite.
Genkishi lui indique la fin de l’entraînement. Ah, pas mal, ça.
Franchement pas mal.
Pas de petite précision supplémentaire, mais ça lui paraît moins nécessaire. Voire plus du tout. Tant mieux !

Il lui ajoute quelques conseils, comme le fait d’apprendre à anticiper. Plus elle sera capable de prévoir les mouvements adverses, plus elle sera capable d’esquiver ce qui la ciblera.
Jusque-là, Genkishi répond à sa réputation : il est un grand combattant Hyûga.
Il est bien plus qu’un oncle à qui elle doit le toit, sa situation et toutes ces choses. Il est un mentor, quoi qu’on en dise.
Alors, il n’est pas le plus doux, de toute évidence, mais il est probablement le meilleur pour elle.
Celui qui lui mettra trois claques quand il faudra les lui mettre.

Elle hoche la tête.

« Ça marche ! »

Alors qu’il se met en route pour la quitter, comme à chaque fois que l’entraînement prend fin, il commet l’irréparable.
Enfin, irréparable, non, mais il lui dit un truc qui la fait rager.

Elle doit ranger le thé.
Ranger et nettoyer.
Alors qu’elle n’y a pas touché.
Elle n’a pas pris une seule goutte de ce thé.
Rien.
Pas même un sucre histoire de dire.

Et elle doit le ranger ?
Elle ?

Shizue bout dans son coin.
Mais Genkishi a dit : pas de course, pas de cri. Rien. Le calme.
Il veut le calme alors qu’il la prend pour sa bonniche ?
Alors qu’ils ont tout ce qu’il faut pour ça ?!
C’est quoi ce foutage de trogne ?

Shizue enrage fort, à tel point qu’elle fait tout et se remet directement en route.
Cette fois, c’est pas contre Genkishi qu’elle va lutter. Ce sera pas lui son entraîneur.
Ce sera n’importe lequel des ploucos qui croisera sa route.
Genin, pas Genin, peu importe !
Elle veut la bagarre, la grosse bagarre, la bonne bagarre !
Celle qui vide les poumons et calme l’esprit.
Celle bien violente qui laisse des bleus, fait saigner le nez. Qui casse des putains d’os, bordel !

Et dehors, elle peut courir ! Elle peut faire du bruit, tout le monde s’en fout !
De toute façon, tout le monde la prend pour une cinglée irrespectueuse, alors elle s’en tamponne le coquillard !

Arrivée sur le terrain, Shizue regarde alentour.
Ils sont nombreux, aujourd’hui.
Tant mieux.

Ça fait encore plus d’adversaires que prévu.
Donc encore plus de bagarre.