Enfin ! Rester un jour de plus dans cet hôpital aurait été une torture pour la guerrière Kumojin. Non pas que la célébration de la reconquête des galeries ou même les différents festivals estivaux lui avaient cruellement manqué. Kimiko avait en horreur ces festivités et autres joyeusetés pendant lesquelles tout le monde prétendait, l’espace d’un instant, d’être plus heureux que la veille. Afficher un regard de marbre, c’est ce qu’elle savait faire de mieux. Et elle avait eu de quoi s’entraîner pendant son séjour hospitalier : entre cette infirmière pro-Seika et son camarade de chambre délirant, elle s’était retenue plus d’une fois d’hausser les sourcils. Mais ces quelques jours en immersion dans le milieu de la santé lui avaient au moins servi à se faire une opinion définitive sur le ninjutsu médical : ces techniques fastidieuses demandaient bien trop d’entraînement et de patience pour qu’elle en fasse réellement une corde à son arc. Après tout, ses jutsus de soutien ne lui avaient pas servi face à Waiya Aoyagi. Il était grand temps qu’elle retourne à ce qu’elle savait faire de mieux : frapper, et frapper fort.
Quoi de mieux pour se remettre en jambes qu’une petite mission ? Après une douche et un repas bien mérités, Kimiko ne prit même pas le temps de s’assurer que Manzo allait bien. Il lui avait rendu visite plusieurs fois à l’hôpital, et en ne le voyant pas en rentrant chez elle, elle s’avisa qu’il devait s’amuser dehors. Elle fit fleurir un morceau de papier du bout de ses doigts et lui laissa une note brève sur la table de la cuisine.
« Partie en mission. Besoin de me dégourdir. »
En route pour le palais du Raikage. Elle n’avait pas mis les pieds au bureau des missions depuis près de deux semaines, et cela semblait être pour elle une éternité. C’était bien l’un des seuls endroits où elle se rendait avec une démarche allante. Véritable continuité de sa carrière de consultante dans la police, remplir des missions était devenue son activité favorite. Coffrer des voyous, sécuriser la population, partir en voyage, encadrer un concours animalier…
« Encadrer un concours animalier !?- Je regrette Senbaru-sama, j’ai reçu pour consigne explicite de ne pas vous attribuer une mission d’un rang trop élevé. Il semblerait que la Raikage elle-même se soucie de votre convalescence.Indignée, Kimiko tira sur les pansements qui recouvraient encore un de ses avant-bras.
- Mais je vais bien ! s’écria-t-elle en agitant les bandages tel un drapeau blanc. Pourtant, il n’était pas question d’abandonner.
Le village a besoin de moi pour ce que je sais faire de mieux, et j’ai moi-même grand besoin de m’y remettre. Laissez cette tâche aux genins et autres manants.L’air offusqué, elle s’approcha du tableau sur lequel étaient placardées les missions de rang B. Mais la doyenne qui s’occupait des assignements ne semblait pas vouloir démordre :
- Justement, cette mission est prévue pour deux personnes. Votre partenaire, la genin Betsumei Ayako, vous attend déjà sur place. Vous ne voudriez pas faire faux bond à une de nos nouvelles recrues, tout de même ? Quelle image renverriez-vous ?La tête de la panthère pivota au ralenti vers la vieille dame toujours sagement assise. Les yeux plissés, la moue désabusée. L’image qu’elle renvoyait à cette dignitaire était le cadet de ses soucis. Mais visiblement, elle ne lui laissait pas le choix.
« J’aurai ta peau, Seika Itoe », pensa-t-elle presque à voix haute.
Résignée, elle attrapa avec dédain le parchemin sur lequel était agrafé une note "rang D". Lisant plus en détails les consignes du jour, elle sortit de la salle sans accorder un autre regard à la fonctionnaire.
- J’vous r’mercie pas ! grommela-t-elle en sortant.
Elle profita du trajet pour remettre ses bandages en place. Aussi lunatique soit-elle, elle avait bien conscience qu’elle devait éviter le surmenage pendant au moins quelques jours. Car réouvrir ses plaies, cela signifiait retourner dans cet hôpital de malheur. Hors de question ! Elle se fit une raison en arrivant sur une place mineure des quartiers résidentiels. Ben oui, les Mojuzuka n’avaient pas le luxe de s’accaparer la grande place, symbole de la fête de la musique. Les fêtes d’été prenaient une place toute particulière dans la culture Kumojin. Aussi Kimiko n’avait jamais été très enchantée à l’idée de s’y rendre. On l’avait assez forcée étant petite à présenter de magnifiques origamis à l’occasion de la fête du printemps, moment fort pour le clan Senbaru. Alors généralement, lorsque venait le solstice d’été, elle avait déjà eu sa dose de festivals pour l’année.
Pour un concours organisé sur le tas, pour la toute première fois cette année, les Mojuzuka avaient mis les moyens. Et les Kumojins le leur rendait bien : la panthère des nuages n’avait jamais vu cette place aussi noire de monde. Pourtant, elle n’eut aucun mal à y repérer sa partenaire de mission. En marge de la foule, nombreux étaient ceux à la regarder avec de grands yeux ronds. Kimiko avait l’habitude du regard des autres, elle qu’on voyait toujours comme un monstre sans coeur. Mais peut-être que ce n’était pas le cas de cette genin.
- Betsumei Ayako, je présume ? Je suis Senbaru Kimiko, et nous allons faire équipe pour cette mission. Toi qui es arrivée tôt sur place, tu pourrais me faire un topo sur la situation ?Kimiko en avait déjà assez de ce langage protocolaire qu’elle s’efforçait d’employer quand elle prenait la casquette de cheffe d’équipe. Mais une telle mission exigeait-elle vraiment qu’elle applique avec rigueur la chaîne hiérarchique ? Elle attendait de voir la réaction de la kunoichi ailée. Un look atypique qui lui était pourtant bien familier, si bien qu’elle ne le fit même pas remarquer.