An 129 - Aux abords du clan Mekata, Yama no Kuni.

Il était une fois un jeune marin pas comme les autres. Il naviguait sur le plus beau des bateaux jamais conçus.
Ce qui rendait le navire si majestueux n’était pas ses voiles, toutes de noires vêtues, ni son imposante coque grinçante. Non. Ce qui le rendait digne d’un conte de fée était sa capacité hors norme, incroyable, à peine pensable : voler.

Le Silver, tel était son nom, naviguait à travers cieux. Les eaux lui étaient peux familières. Lui, préférait les nuages, la voie du ciel. Car, tel l’aigle qui fond sur sa proie, le Silver prenait par surprises ses adversaires. Les marins n’avaient quasiment jamais les yeux pointés vers le ciel. Ils préféraient s’accommoder des vagues, des filets, des poissons. Et jamais ils ne prenaient la peine d’envoyer leurs regards vers les nuages.
Telle était leur première erreur.
Telle était leur dernière erreur.
Car, des navires qui croisaient le Silver, peu en subsistaient.
Son existence était telle un mythe, une légende, dont les marins ce seraient bien passés.

Mais il était réel. Bel et bien là. Et c’est à bord de ce navire qu’Isao était depuis désormais deux mois.
Il avait pu voir de nombreuses péripéties. Il avait, lui aussi, participé aux attaques sur les navires de commerce. Il était aussi pourri que les autres, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Il était pourtant gentil Isao. Il était pourtant bon vivant. Il aurait tout donné pour sauver un dauphin, mais riait lors des escarmouches. Comme si ça lui faisait plaisir, d’être à bord, de piller autrui. Peut être étais-ce son cerveau qui avait déconnecté, lorsqu’on l’avait secouru. Qu’il lui disait de survivre, qu’importe la manière. Peut-être ne prenait-il pas l’ampleur des conséquences de leurs actes. Ou peut être s’était-il fait une raison et avait décidé de vivre pleinement son quotidien.
Je doute que ce genre de questionnement ait un jour traversé l’esprit d’un enfant, mais allez savoir ce qu’on peut bien ressentir, lorsqu’on perd tout, à huit ans et demi.

Voilà donc deux mois qu’il naviguait au gré des vents et qu’il vivait pleinement sa vie de pirate. Deux mois qu’il avait tracé son petit bonhomme de chemin à bord et qu’on ne lui raillait plus après pour avoir été dans les pattes d’un marin. Sa petite touffe argentée vadrouillait à droite à gauche sur le navire alors qu’ils voguaient dans les cieux, au-dessus des terres. Le paysage défilait à toute vitesse et il voyait des choses qu’il n’avait presque jamais vu avant. Toutes ces couleurs, toutes ces formes, ces verdures, ces structures.

Bientôt, se dessinèrent d’énormes crêtes à l’horizon. Isao poussa un « wouaw » d’admiration devant la vue, pour la première fois de sa petite existence, des montagnes de Yama no Kuni. Elles étaient encore plus majestueuses que le Silver. Et surtout, surtout, comme le SIlver, il y avait des montagnes… qui flottaient ! C’était incroyable, invraisemblable. Il trépignait d’excitation, accroché à la balustrade. Il n’avait qu’une envie : vite descendre pour partir à la découverte de ces nouvelles contrées.

Cling.Cling.
Les énormes mâts du navire firent un bruit particulier, suscitant l’intérêt de l’enfant alors que les amarres étaient lancées à terre. Amarres pour le coup particulières, car à l’inverse des bateaux classique, celui-ci voguait dans les cieux. Le matériel était donc adapté à le recevoir. Quant aux voiles qui, d’ordinaires, flottaient dignement aux vents, elles disparurent à l’intérieur du navire, sous les cris d’admiration de l’enfant et de l’équipage.
Une fois les acclamations retombées, Isao se repencha illico par-dessus bord, découvrant avec émerveillement les terres qu’il n’avait pas vu depuis si longtemps. C’était incroyable, de pouvoir voir autre chose que le ciel et la mer, de découvrir des terres aux couleurs et aux touchés si particuliers. Les senteurs étaient aussi bien différentes. Il réalisait avec émerveillement qu’un tout nouveau terrain de jeu s’offrait à lui.

Il ne fallut que quelques minutes pour que le ponton accoste sur la terre ferme et que les matelots débarquent, parfois avec râles, parfois dans des soupirs de soulagement. Certains avaient quittés leurs familles depuis trop longtemps, d’autres étaient déjà pressés de reprendre le large. Leur vie était mouvementée et, de la même manière que les pêcheurs qui partaient aux larges pendant des mois, ils en faisaient de même à bord du Silver.
Alors qu’il regardait la foule venue accueillir l’équipage, leur adressant lui-même des signes de mains, Isao fut pris par la taille par un matelot et débarqué, tel un tonneau. A peine avait-il posé les pieds sur terre qu’il commença à courir dans tous les sens, émerveillés de pouvoir explorer de nouveaux horizons.
C’était bizarre, sous ses pieds, la terre semblait tanguer comme le bateau. Isao avait le pied marin mais était victime d’un mal de terre passagé. Ça lui donnait l’impression de ressentir le roulis alors qu’il avait les deux pieds ancrés sur la terre ferme. Telle était la grande amie des marins qui passaient de long mois en mer, et tels étaient-ils à bord d’un vaisseau volant. Finalement, ils subissaient à peu près les mêmes contraintes.
Plus loin, le captinaine du Silver, le très tristement célèbre Akaï était allé rendre visite aux siens.
Isao savait qu’il n’était pas le bienvenu.
Et puis il avait un peu peur du capitaine.
Alors il était parti dans la direction opposé, à vadrouillé dans tous les sens.

Le garçon s’émerveillait de tout ce monde venu les accueillir mais aussi de toutes ces pierres flottantes, de ce paysage à la fois magnifique, féérique, et drôlement envoutant qu’était les montagnes de Yama et plus encore celles du clan Mekata. Tout semblait flotter, même ces énormes roches à flanc de montagne. C’était juste incroyable et il ne pouvait s’empêcher de garder sa bouche ouverte en découvrant toutes ces choses autour de lui.
Quelques minutes passèrent avant qu’une ombre rouge ne vienne titiller son regard, en arrière de ses pas. Il se retourna une première fois. Puis une seconde. Et une troisième, juste pour confirmer.
Il y avait un petit garçon, à peine plus âgé que lui, la tête emmitouflée dans un drap rouge, qui le suivait.
Isao, se retourna, mis les poings sur les hanches en bombant son petit torse d’enfant et pointa du doigt l’individu qui ne savait visiblement pas se cacher.

« Eh là qui vas là ? Moi, Hamasaki Isao, équipier du Silver, te sommes de sortir de ta cachette ! »
Il se voulait intransigeant, mais sa petite voix fluette de huit ans et demi ne faisait pas bien peur.
Du moins, pas à un adulte.

Derrière-lui, à quelques pas de là, se tenait un garçon d’à peu près son âge. Il avait pris une nappe rouge trouée pour en faire une cape, digne du capitaine Akaï. Elle était tristement célèbre, cette longue cape rouge. Et bien que le tissu soit d’abord fait pour sertir les tables, Isao trouvait que ça rendait plutôt classe, qu’il avait vraiment une dégaine de marin – d’eau douce certes – mais de marin quand même.
Il vit l’enfant léviter juste assez pour se poser sur une caisse et brandir son épée en bois.
Isao trouvait ça drôlement classe, lui qui n’avait aucun talent et ne savait rien faire de particulier. Il découvrait avec émerveillement les capacités du clan Mekata qu’étaient de modifier à tour de bras la densité de bien des choses. Il n’y avait qu’à voir comme ils avaient réussit à aboutir leur technologie, de sorte que d’énormes structures ou rochers l’évitent en l’air.

Cet enfant, face à lui, il s’appelait Haoru. Il le défiait. Isao était prêt à relever touts les défis. Il serra ses petits poings contre lui, prêt à écouter la suite. A quoi allait-on le défier ? Il avait trop hâte de savoir.
C’est alors qu’à l’aide des ses pouvoirs, ledit Haoru se jeta sur le jeune matelot, attaquant avec son épée en bois. Du moins, c’est ce qu’il aurait voulu faire. Il avait brandi son épée dans un mouvement théâtral mais avait fini par terre, à pleurnicher comme une madeleine.

« Pff n’importe quoi je t’ai jamais vu à bord du Silver d’abord ! » lui railla Isao, pointant le garçon au sol du doigt.
Les marins n’étaient pas tendres, alors il ne l’était pas non plus.
Le garçon en face de lui se répétait de ne pas pleurer, mais tout sur son visage trahissait ses émotions d’enfant, de vouloir fondre en larme.
D’ailleurs, énervé par sa propre erreur, il cherchait à se battre à nouveau. Il pointait Isao du doigt. Le défiait à mort.
Isao ça le fit rire.

« Bwahahaha ! Arrête ton char, tu te ferais manger tout cru ! » dit Isao en pouffant de rire. Limite s’il ne se roulait pas par terre.
Il lui fallut quelques secondes avant de reprendre son souffle d’avoir trop pleuré de rire.
Chacun avait ses larmes aux yeux.
Pas pour les mêmes raisons.
Et puis son air devint tout d'un coup bougon.

« Il est nul ton défi, j’ai pas le droit de remonter sur le Silver de toute façon, alors faut qu’on parie autre chose. » grogna Isao, un peu mécontent de ne pas pouvoir plus fièrement aborder le sujet. Il aurait bien voulu rester sur le bateau, se tapir dans l’ombre, sans un bruit, avant de fondre sur une proie, se tordre de rire et crier avec les marins lors des abordages. Ah ça allait lui manquer tout ça. Ca lui avait bien plu de se faire passer pour un pirate. Il arriverait peut-être plus à être un gentil garçon.

« Pis je veux pas me battre contre un tas d’morve. Je veux explorer le coin et découvrir les montagnes, j’avais jamais vu des sommets aussi grands c’est incroyable ! »
Son côté bougon s’était vite effacé au profit d’étoiles dans ses yeux.
Les gamins c’était comme des poissons rouges, si tôt avait-on tourner les yeux qu’ils avaient changés trois fois d’idées. Tenir une conversation était un enfer sur terre avec eux.

Les yeux d’Isao avaient parcouru le paysage, pointant du doigt tout ce qui lui semblait incroyable, avec un sourire sur les lèvres. Chaque fois qu’il trouvait quelque chose d’incroyable il rajoutait un « ça » et un « et ça » comme s’il faisait une liste de toutes les choses qu’il voulait visiter et que son interlocuteur devait prendre des notes, en bon guide touristique.
Puis l’attention du petit matelot s’arrêta à nouveau sur le gosse réniflant.

« Hm. T’es d’ici ? Tu crois que tu pourrais me faire visiter ? »

Isao était bien trop heureux d’être un petit Indiana Jones à la conquête de nouvelles contrées. Il se fichait pas mal si on lui reprochait d’être trop curieux, lui, il était un aventurier, désireux de partir en expédition tout autour du monde. C’était un garçon empli de rêves de grandeur, à avoir sillonné les flots et parcourut de nombreux milles depuis tout gamin.
Alors ses yeux s’illuminèrent d’une myriade d’étoiles lorsque le petit garçon qui l’avait d’abord pris en duel finit par être d’accord pour lui montrer les parages. Bon. Il voulait tout de même qu’il soit dans l’équipage et non pas qu’il soit le capitaine mais Isao n’était pas trop regardant, il savait que le petit garçon à la cape rouge était encore perdu dans ses doux songes d’enfants et n’allait pas l’en extirper.
C’était beau l’innocence de l’enfance, celle qu’on lui avait si vite retirée.

« En avant Capitaine ! » répondit-il joyeusement à son acolyte, avant d’être agrippé par le poignet et trimballé entre de nombres ruelles. Ils finirent par sortir du village, se retrouvant sous les cimes des arbres.
Derrière un buisson plutôt grossier, se trouvait une cabane avec un pavillon à son sommet. Elle était étonnamment bien réussie pour une bicoque construite par des mains d’enfants et rappelait le Silver. Nul doute qu’il avait été choisi comme modèle.
La cabane était plutôt spacieuse pour deux enfants. Il y avait un petit hamac, ma foi fort confortable. D’ailleurs Isao se jeta dedans avant toute chose, s’y balançant tandis qu’Haoru lui montrait les différents dessins qu’il avait griffonné. S’il était bon charpentier, il n’en allait pas même pour le dessin et malgré les efforts et les plissements d’yeux, Isao n’était pas bien sûr de ce que lui montrait son nouveau camarade de jeu.

« Oh y a pas plus fort que moi Capitaine ! Je ne vous décevrais pas ! » s’écria Isao, se relevant du hamac et pointant un poing en direction du ciel, tel Superman.
Il jeta toutefois une seconde fois un coup d’oeils aux gribouillis mais n’y comprenait rien. Cependant, son estomac grondant lui disait qu’il n’était pas contre quelques petites victuailles, qu’importe la façon dont ils se les procuraient.

« Mon Capitaine, vous seuls pouvez déchiffrer ses énigmes et nous mener jusqu’au trésor en chocolat ! Je suis à vos ordres ! »
Isao se plaisait à jouer avec l’autre enfant qui avait quasi son âge mais qui avait vraisemblablement vécu bien moins d’épopées à l’heure actuelle. Ça lui plaisait aussi de recouvrer son âme d’enfant et d’aller dérober le chocolat du boulanger. Ça faisait longtemps qu’il n’en avait pas manger. Il allait devoir attendre encore un peu avant de tout visiter.
Miam.