Je pensais jamais dire ça un jour, mais je suis presque content de retourner au boulot. Revoir mon patron, la cuisine, reprendre les vieilles habitudes, me faire un peu gueuler dessus : tout ça m'avait manqué. Parce que bon, comment apprécier les moments de calme et de repos si on n'en a plus aucun sur lesquels râler comme un client pas content de ses grillades ou un autre qui estiment que les morceaux sont coupés trop gros. Ce matin, je me suis ramené plus tôt, plein de bonne volonté pour aider à l'installation de la salle et comme prévu, m'occuper de la préparation des plats et ce genre de choses. Le service a été plutôt calme, c'était une reprise tranquille. J'ai pu envoyer mes plats sans avoir besoin de trop me presser. Rapidement après la fin du service, je commence à passer des grands coups d'éponge partout, à tartiner le sol avec une serpillère : il faut que ça brille. On ma ramène quelques assiettes, toutes vides. J'ai l'impression que j'ai pas perdu le coup de main, c'est déjà ça ! D'ailleurs, il me semble avoir reconnu quelqu'un en passant dans la salle en coup de vent.

Il est encore là, apparemment, c'est un des derniers clients. Costaud, plutôt grand, blond, le crâne caché sous une casquette... Kazama Tenryu. Ça fait un bail qu'on ne s'est pas croisé. Depuis notre début de mission avortée, en fait. On devait partir ensemble s'occuper de problème de bandits, il me semble. Mais à mi-chemin, le village m'a envoyé sur une autre mission à proximité et on s'est pas recroisé depuis. Il faut dire que notre rencontre, couplée à celle d'Oz'i, était plutôt mémorable. Entre un petit con qui n'a arrêté de me provoquer, et Tenryu qui finit par abattre un type, j'étais bien content de rentrer. Mais bon, en dehors de ça, tout les deux me paraissaient être des bons gars. Chacun sa manière de faire après tout, et la mienne est sûrement tout aussi critiquable que la leur. Enfin, en l'occurence, pour celui encore assis dans le restaurant, force est de reconnaitre qu'il a fait preuve d'une efficacité redoutable pendant la mission, et m'amené à penser qu'il avait probablement un passif militaire.

Affublé de mon tablier blanc et de mon foulard cachant mes cheveux attachés, je sors finalement de la cuisine. Il est bien toujours là. Dans un petit détour par le bar, je m'essuie les mains et attrape une bouteille de saké pour m'en servir un fond.

" Les brochettes étaient bonnes ? " Je demande finalement, en levant la main pour le saluer, puis me dirige finalement avant de lui avoir servi un verre à lui aussi. Tant pis s'il n'en veut pas, je le boirai.

Ah! Voilà ce que j'attendais : pouvoir m'affaler sur un siège après avoir trépigné pendant trois heures dans la cuisine, et boire un petit coup.

" Ça fait un moment, Tenryu, comment vas-tu ? Pas trop d'ennuis dans la dernière mission où j'ai du t'abandonner ? "

L’examen des Chûnin approchait à grand pas.
Dans quelques jours à peine, le village de Konoha serait plongé dans une effervescence inédite qui verrait s'affronter de manière détournée les villages cachés des Feuilles, des Nuages et des Sables.
Chaque village Shinobi essayant alors de démontrer par le niveau de leurs Genin respectifs lequel avait la plus grosse.

L’enjeu était de taille pour Tenryu qui allait pour la première fois de sa vie avoir la chance d’obtenir une promotion reflétant plus l’apport qu’il était capable d’amener à une armée.
Pas question de prendre cet examen à la légère, mais pas question non plus d’arriver cramé à la première épreuve à cause du surmenage.
De ce fait, pas de mission ni d’entraînement trop poussés jusqu’à ce jour.

Le Konohajin passa donc le plus clair de son temps à méditer, essayant de réfléchir à quelles pourraient bien être les épreuves à venir.
La matinée de ce jour-là avait donc comme toutes les autres avant elle défilée à toute vitesse.
L’heure du repas était rapidement arrivée, et le garçon à la casquette n’avait rien prévu.
Avec pas d’autre choix que de sortir pour manger au restaurant, il quitta son appartement assez vide depuis le départ inexpliqué de Shirayuki.

Il déambula dans les ruelles de Konoha jusqu’à ce qu’il trouve ce qui lui faisait envie.
Il tomba donc sur un restaurant dont la carte captiva ses papilles gustatives. De la nourriture diverses et variées, c’était parfait pour lui.

Il trouva une place à une table donnant sur la rue et commanda rapidement son repas.
Des brochettes !
Il avait envie de viande. Un rapport avec l’odeur du sang que l’examen amenait avec lui ? Il était bien trop difficile de l’affirmer.
Le repas se déroula sans problème, la nourriture de ce restaurant était de très bonne qualité, et son Chef cuisinier très doué.
Il était en train de rêvasser, songeant comme à son habitude à l’examen de sélection des Chûnins lorsqu’une voix le sortit de sa semi-torpeur.

Il détourna le regard et pu observer un shinobi qu’il connaissait très bien pour avoir partagé un mission et un quart de mission avec ce dernier.
Le Nara s’écroula sur la banquette un verre et une bouteille de saké à la main.
Sans que le Kazama ne puisse réagir, son verre fut également rempli. Non pas qu’il soit un fanatique de l’alcool, mais ceci ne pourrait pas lui faire de mal.

- Très bonnes répondit-il à son ancien partenaire de mission, affichant par la même occasion un sourire honnête avant de répondre à l’autre question de son compère blasé.

Cette mission… Oui, il s’en souvenait, le dialogue n’avait pas vraiment été instauré depuis leur toute première mission qui s’était fini de manière assez “chaotique”, et lors de la seconde, l’arrivée d’un haut-gradé pour détourner Sanzo de la mission initiale, avait également avorté toute tentative de discussion.

- Je vais très bien merci, et toi Sanzo, cela faisait un moment que je n’entendais plus parler de toi. Pas de soucis pour la mission, ces imbéciles n’étaient que trois fois rien.

Des petits malhonnêtes qui avaient cru pouvoir semer la zizanie impunément sans s’attirer les foudres de Konoha. Du menu fretin pour le Kazama.

- Et toi du coup, que deviens-tu ?

Mine de rien, ça me fait plaisir de revoir une tête connu. En dehors des membres de mon clan et des amis que j'y ai, je n'ai pas beaucoup sociabilisé depuis mon arrivée au village. Alors, les seuls liens que j'ai pu créer, c'est au travers des missions : Razan, Oz'i, Jin ou encore Tenryu justement. Ce dernier me certifie d'ailleurs qu'il a bien aimé les grillades, avec un sourire, ce à quoi je réponds par un hochement de la tête satisfait. Après une petite gorgée de saké, je dénoue le bandeau dans mes cheveux et me le passe rapidement sur le visage avant de le poser, pour observer Tenryu. Je me doutais que les brigands n'avaient pas du lui poser trop de soucis, au regard de la maîtrise avec laquelle il avait mené à bien notre première mission. J'entends alors du bruit dans la cuisine, et la voix de Daichi au ton râleur résonne alors dans tout le restaurant :

" Sanzo ! Qu'est-ce que tu fais ?! Je vais fermer ! "

Je soupire alors et tend le cou pour essayer de voir où se tient le vieux bonhomme avant de lui répondre.

" Je m'occupe de la fermeture, j'ai déjà passé un coup dans la cuisine, Daichi ! " Je regarde alors la salle d'un coup d'oeil circulaire et souffle, conscient que je devrai m'occuper d'elle aussi. " Je nettoierai ici aussi si vous voulez... Pas de problème. "

Un vague grognement qui sort de la cuisine : il est d'accord avec moi et ne va pas tarder à rentrer chez lui. Je me recentre alors vers mon interlocuteur, haussant alors les épaules face à sa question, m'affalant un peu plus dans mon siège.

" Pas grand-chose. Je suis tombé malade il y a quelques mois, j'ai du rentrer en pleine mission. " Dis-je en jetant un regard à l'extérieur avant de boire une nouvelle gorgée de saké. " Je ne sais toujours pas ce que j'ai eu, mais c'était costaud. "

La rue est assez bondée aujourd'hui. Enfin, en ce moment, c'est plutôt normal avec cette histoire d'examen. Les délégations étrangères, l'effervescence, les organisateurs qui courent partout, les commerçants qui essaient de tirer parti. Tout se met en branle pour que le village ressorte grandi de cet évènement.

" Tu comptes t'inscrire à ce examen, toi, j'imagine ? Tu avais tout du chûnin lors de cette histoire de militarisation du phare, tu devrais laisser ta place de genin à quelqu'un qui en a plus besoin, non ? "

Je pose cette question sur un ton détaché, nullement encourageant ou quoi que ce soit. C'est simplement la vérité : ce gars ne me fait pas penser à un genin, de par son attitude et ses capacités militaires.

Le Kazama était étonné de croiser le chemin de Sanzo dans ce restaurant.
À en juger par la voix qui l'appelait et qui devait être celle du patron de l'établissement, le Nara semblait travailler ici.
Cela justifiait sa présence, mais pas forcément la raison.
Pourquoi un Shinobi travaillerait en plus dans un bar ? Les missions et les menaces pesant sur le Yuukan n’était pas suffisante ? En tout cas, ce n’était certainement pas pour assouvir son hyperactivité que Sanzo cumulait deux emplois.

- Comment ça se fait que tu travailles ici ? Questionna Ten’ de manière un peu rustre. Il se rendit compte de son franc parlé et préféra corriger le tir. Je veux dire… Être un shinobi ce n’est pas suffisant ? ponctua-t-il d’un nouveau sourire embarrassé ?

Il n’avait de cesse de partir en mission et de s’entraîner pour s’améliorer. Faire le nettoyage dans un restaurant ne lui avait, mais alors jamais traversé l’esprit.
Son désir de gagner en légitimité pour aider son peuple outre mer lui prenait certainement beaucoup trop de temps pour que son cerveau ne puisse ne serait-ce qu'imaginer une alternative.

En apprenant que le Nara était tombé malade, il cru un instant avoir trouvé de lui-même la réponse à sa précédente question.
Pour que son ancien partenaire de mission disparaisse des radars, cela devait être un sacré virus.

- Tu m’en vois désolé, j’espère que tout ce temps ne t’a pas rouillé. L’essentiel c’est que tu ailles mieux.

Enfin, le Nara aborda un sujet un peu plus approprié au monde ninja. L’examen de sélection des Chûnin était dans toutes les bouches, le village enregistrait une affluence record à l’approche de cet évènement international.

- Je serais de la partie oui. J’espère que nous nous y croiserons ajouta-t-il avec conviction.

Commença alors une bonne phase d’introspection.

- Ma promotion ne dépendra pas vraiment de ma force, j’ai confiance en cette dernière. Mais j’ai mes lacunes. J’ai officié pendant 10 ans dans l’armée du Pays de l’Eau… Et disons que l’on ne m’a jamais donné l’occasion de faire autre chose que le bon p’tit soldat.

La faute à ses deux frères qui avaient pourris sa carrière avant d’être enfermés à Arashi. Mais aussi une façon détournée pour dire qu’en dehors de son intelligence et de sa propre logique, il n’était pas toujours le plus armé pour résoudre des problèmes stratégiques.

10 ans dans une armée cela pouvait paraître long, mais lorsque la paix régnait, ce n’était pas plus difficile que de tenir un restaurant. Par contre, quand les choses commencent à dérailler, et que le pouvoir se retranche en laissant son peuple à l’abandon… Cela devient plus délicat. Le sang coule, et les jours passent, faisant toujours plus de sang.

- Mais avec ce qu’il se passe ces derniers temps et l'émergence de Jinsei… On a pas vraiment de temps à perdre. Il faut devenir plus fort… Beaucoup plus fort.

Il se stoppa de lui-même avant de plonger son regard couleur sang dans celui de Sanzo.

- As-tu déjà connu la guerre Sanzo ?

Pourquoi je travaille ici... Bonne question. Je commence par hausser les épaules, pas du tout certain de la réponse. Peut-être parce que je veux pas être assimilé à un shinobi, et uniquement ça ? Peut-être parce que ça me permet de garder un pied hors des missions et de tous ces trucs. Peut-être parce que je veux juste cuisiner mes plats tranquillement. J'ai jamais eu comme vocation de devenir un grand Ninja et d'oeuvrer pour un village. Moi, je veux une vie tranquille, heureuse. Alors ce boulot, ce restaurant, Daichi, tout ça... Ça m'offre un semblant de tranquillité et un sentiment d'utilité lié à quelque chose de plus tangible qu'un village et son Kage. Mais bon...

" J'aime bien cuisiner. "

Je me doute bien qu'à terme, les choses vont bouger. Que je le veuille ou non, il faudra bien que je finisse par m'investir un peu plus dans la vie de shinobi, ne serait-ce que par obligation. J'ai beau préférer une vie calme à celle-ci, je reconnais ma responsabilité en tant que Nara de me plier aux exigences du village et de participer à sa protection et son évolution. Ils nous ont accepté, nous offre un lieu de vie agréable. À nous de leur rendre la pareille. Et sur un autre plan, Konoha est une belle opportunité pour progresser sur plein de domaines. Mais je suivrai toujours mon clan, au-delà d'un quelconque village, c'est à ça que ma loyauté restera accrochée pour toujours.

" Rouillé, je le suis sûrement, mais je fais mon maximum pour retrouver mon état de forme. "

Et même aller au-delà. Je suis bien conscient de mes capacités, et surtout de mes limites. C'est de côté qu'il faut que je m'améliore. Au corps à corps, je ne vaut rien, et ça depuis des années. Je me suis toujours reposé sur mon ombre et le fait de ne pas combattre seul. J'ai bien trouvé quelques possibilités afin de me débrouiller, mais il y a bien des situations où le Kagemane ne me sortira pas des ennuis. Cet examen par exemple, en dehors du fait que je ne suis pas intéressé par ce qu'il permet d'obtenir en cas de victoire, ce serait pour moi un bon moyen de jauger mes capacités en situation réelles. J'imagine que les participants seront livrés à eux-même dans la majorité. C'est le seul bon point de ce truc. Se situer par rapport aux autres...

Je rejoins donc les propos de Tenryu. Il faut devenir beaucoup plus fort, et ce, pour plein de raisons, propres à chacun. Il confirme en tout cas mes pensées quant à un probable passé militaire. Mais la conversation va en tout cas rapidement tirer vers des confidences. Je ne suis pas contre du tout, simplement assez surpris. Positivement, je dirais, en tout cas. Je hoche alors la tête négativement. Non, je n'ai jamais vraiment connu de guerre. En attente de la suite, je bois une gorgée de mon verre et me ressers alors dans un geste nonchalant.

Alors les raisons qui poussaient Sanzo à bosser dans ce restaurant était son seul plaisir à cuisiner ?
Ne pouvait-il pas le faire chez lui à ses heures perdues plutôt qu’au détriment de son temps consacré à son rôle de Shinobi de Konoha ?
Cela ne pouvait pas être aussi simple… Et le Nara avait sans doute souhaité une vie “normale” en dehors des missions où sa vie menaçait chaque jour de s’éteindre.
Bien que l’abnégation absolument militaire du Kazama ait du mal à le comprendre, Tenryu devait respecter le choix du Nara.

Ten’ espérait toutefois qu’il serait en pleine possession de ses moyens en vue de l’examen. S’il avait passé ces dernier mois malade et derrière les fourneaux. Nul doute que Sanzo n’était assurément pas au sommet de son art.
Il le reconnaissait d’ailleurs lui-même.

- Ton patron ne t’accorde pas un congé ? demanda-t-il naïvement. Personne ne va prendre cet examen pour de la rigolade. S’il veut toujours que tu sois son cuistot après, il vaut mieux qu’il prenne des mesures. Un sourire se dessina sur ses lèvres, mais la réalité était là.

Il n’y aurait pas de place pour la demi-mesure dans ces épreuves encore inconnues. Et chaque participant allait entrer dans la course avec un couteau entre les dents.

- D’ailleurs, la cuisson était au top. Comme je l’aime.

Il avait auparavant répondu que les brochettes avaient été bonnes. Mais en aucun cas il n’avait su à ce moment-là qu’elles avaient été préparées par Sanzo.
Une manière de détendre un peu la discussion avant que le Kazama n’évoque le sujet pesant de la “Guerre”. Le Nara ne l’avait jamais connue. Cela expliquait sans doute son attitude distante suite à la mission du phare.

- On y est jamais vraiment préparée, et lorsqu’elle frappe, on l’a subit. On voit des choses, des drames, des abominations. Et puis doucement, on a pas d’autre choix que de changer nous même et de faire des choses impensables jusqu’alors. Tuer, ou être tué et rien d’autre. Il n’y a pas de place au doute, et on vit avec ce poids, ce sentiment qui t’oppresse sans jamais en voir la fin.

D’une traite, il bu plusieurs gorgé du saké que le Nara lui avait servi. De cruels souvenirs qu’il s’était remémoré bêtement.
L’examen de sélection des Chûnin… À sa manière, cet examen serait une guerre, et il valait mieux s’y préparer. Son regard était sombre, et songeur.

Hm... Il doit y avoir un malentendu, j'ai oublié de préciser que je ne comptais pas vraiment m'inscrire à cet examen. Probablement parce que j'ai l'habitude d'en parler à des gens qui connaissent déjà mon point de vue là-dessus. Je réponds tout d'abord à sa remarque par un bref sourire, un peu las, avant de préciser mes intentions.

" Je ne compte pas m'inscrire à cet examen à vrai dire. Et mon patron m'a déjà accordé beaucoup de congés, plus que prévu pour me laisser m'entraîner. " Et je fais de mon mieux pour remercier Daichi en faisant mon maximum tous les jours depuis mon retour aux fourneaux. Je lève ensuite la main par rapport à son compliment sur la nourriture, n'étant pas très bon pour me débrouiller avec ce genre de remarques. " Tant mieux, ça me fait plaisir. "

Je vole souvent au-dessus de la critique, du moins, celle qui n'est pas constructive. Mais il ne faut pas mentir, un compliment, ça fait toujours plaisir. Enfin, ça dépend. C'est encore plus plaisant d'en recevoir un lorsque, comme ici, on a travaillé. Il y a encore quelques années, j'étais un bien piètre cuisinier. Mais bon, avec le temps, je me suis découvert une petite passion pour ça et ça m'a mené ici. Ce qui me fait encore plus plaisir, c'est que ce compliment vient d'un ancien habitant du pays de l'Eau apparemment. Là-bas, les cuisiniers sont connus pour leurs grillades, alors les exigences y sont plus hautes. C'est donc d'autant plus plaisant de voir que j'ai su me hisser à leur niveau, ou au moins, ne pas décevoir Tenryu... Ouais, j'aime cuisiner.

Mais il est temps d'aborder les choses sérieuses apparemment. Comme je m'en doutais, Tenryu me parle de son passé militaire. Je pense que ma réaction lors de notre première mission l'a amené à penser que son comportement méritait d'être justifié par ces explications là. Je comprends tout à fait son raisonnement, cependant. Dans les yeux d'un soldat, les moments comme ceux que l'on a vécu sont vu d'une manière bien différente que dans ceux de n'importe qui d'autre. Je cherchais moi-même un moyen de les ramener sans encombre, sans envisager la mort. Je reste d'ailleurs sur ma position quant à cela, mais le débat n'a pas lieu d'être. Chacun assumé sa position et c'est passé. Il n'y a d'ailleurs jamais vraiment eu de problème. Je m'en inquiète presque, j'aurais pensé être plus rebuté que ça face à la mort. Bien sûr, ça m'a travaillé pendant quelques jours, sans pour autant m'empêcher de dormir. Quoi que, cette balle liquide en pleine tête a hanté mes nuits pendant quelques jours. Mais bon, c'est un baptême du feu. Malheureusement, un shinobi ne peut pas passer à côté de ça.

Ces paroles ont beau être sombres et lourdes de ressentiments, je suis en quelque sorte touché de voir que Tenryu m'en parle. Je ne sais pas si c'est un sujet qu'il aborde avec facilité, mais je n'ai pas pour habitude de me confier de la sorte. Lorsque je le fais, c'est en général avec des personnes en qui j'ai confiance, avec qui je me sens parfaitement à l'aise. Sans ça, je préfère conserver mon statut d'éternel taciturne. Aussi, je reste silencieux quelques secondes, pensif, quittant finalement le regard rougeoyant de Tenryu pour fixer mon verre, tandis que lui termine presque le sien d'une traite. J'attrape alors mon verre, toujours perplexe, avant de finalement le taper d'un coup sec contre la table avant de le porter à ma bouche.

" Je comprends. " Je bois une longue gorgée. " Tu as réagi dans l'urgence lors de notre mission, comme on te l'avait appris, tu as fait au mieux selon ton point de vue. Je n'ai pas de problème avec ça. J'aurais fait autrement, mais comme tu l'as dit, nos expériences sont différentes, nos manières de faire le sont donc tout autant, j'imagine. "

À vrai dire, j'ai la conviction qu'en prenant en compte nos trois panels de capacités, nous aurions pu ramener vivant les deux hommes. Certes, cela aurait nécessité une plus grande vigilance et un par conséquent, un risque de contre-attaque plus important. Mais la vie d'un homme passe, pour moi, au-dessus de ça. Mais je comprends qu'un soldat ne voit pas les choses de cette manière.

" Je ne sais pas si tu as entendu parler de l'histoire de notre clan. "

Bon, je ne sais pas vraiment si c'est une bonne chose d'en parler. Je termine alors mon verre pour la seconde fois et le remplit alors sans attendre. Le discours de mon interlocuteur m'a bien sûr rappelé ma propre histoire, celle de mon clan.

" On vivait loin d'ici, dans les forêt. Et ça nous est tombé dessus sans prévenir, alors on a subi. " Je reprends les mots de Tenryu, fixant ostensiblement la rue à travers la vitre. " Plus personne ne maîtrisait notre technique héréditaire, en dehors de quelques-uns. C'est grâce à eux qu'on a survécu. Des types ont massacré une grande partie du clan. Personne n'en est sorti indemne, tout le monde a vu des proches mourir, que ce soit des mains de ces types ou dans les flammes, parce qu'on n'avait pas le temps de les sauver. Crois-moi, Tenryu, si j'avais pu tuer un par un ces enfoirés, je l'aurais fait, et ça, qu'ils aient été neutralisés ou pas. "

Quittant finalement la rue des yeux, je termine ma boisson de nouveau.

" Mais je n'ai pas vécu la guerre et j'aimerais autant ne jamais avoir à le faire. "

Je serre alors mon verre, à m'en faire pâlir les doigts. Je ne sais pas vraiment pourquoi je parle autant, peut-être parce que ça fait du bien de déballer tout ça à quelqu'un d'autre qu'un membre de ma famille. Mais je ne vais pas m'apitoyer sur mon sort auprès de ce pauvre Tenryu qui n'a rien demandé. Il y a des choses évidentes que j'ai tiré de tout ça. Voir mon père mourir pour nous sauver, lui qui n'avait montré que de la déception à mon égard, voir son amour pour moi, pour nous, alors qu'il était aux portes de la mort... Je me demande encore si Hanaé et moi aurions pu le sauver si j'avais accepté de m'entraîner avec lui. Jamais avant cette journée je n'avais estimé nécessaire de lui laisser m'apprendre les rudiments du Kagemane. Il a fallu qu'il meurt pour que je comprenne l'ampleur de ma stupidité, pour que je comprenne à quel point je n'étais qu'un petit con flemmard. Je n'ai pas arrêté de le décevoir. Et pour finir, il a même été obligé de se sacrifier pour nous, alors que si j'avais été... J'aurais pu faire la différence avec lui et ma soeur, nous aurions pu nous en tirer tous les quatre, avec Maman.

" Tout ça pour dire que je comprends ta réaction, mais je reste convaincu qu'elle était mauvaise. Seulement, c'est du passé et le principal c'est que nous soyons encore là pour en parler autour d'un verre. "

Lorsque le Nara exprima son souhait de ne pas s’inscrire à l’examen, Tenryu fut désagréablement surpris. Lui qui pensait que Sanzo était de retour aux affaires voyait ses convictions s’écrouler.
Sans que la discussion ne tourne également autour de la grillade, un malaise se serait certainement installé entre les deux hommes. Mais fort heureusement, ce ne fut pas le cas.
Il était plus légitime de refuser de s’inscrire plutôt que d’y aller, la fleur au bout du fusil.
Sur ce point, le Kazama et le Nara étaient donc en parfait accord.

- Sur le moment, je ne vous ai pas suffisamment fait confiance. Et il en était désolé. Je n’avais aucune preuve de vos compétences respectives… J’ai vu tellement de personnes tomber à mes côtés, que cette situation m’a ramené dans le passé… À une époque, que je préfèrerais oublier.

Il avait agi dans l’urgence ? Oui. C’était là l’explication la plus légitime. Et sans doute qu’en faisant plus confiance à Sanzo et Oz’i, l’issu déjà favorable du trio l’aurait été sans un cadavre sur le dos.

- La formation que l’on suis à Mizu n’a rien à voir avec celle qui peut-être dispensée à Konoha. La loi du plus fort… C’est un peu comme ça qu’elle pourrait être perçue à l’étranger. Et tout ça pour quoi ?

Il serra le verre qu’il tenait dans sa main, pas loin de le briser sous la pression de sa poigne.

- Pour que l’armée ne bronche pas lors d’une invasion.

Il ignorait si le Saké était en train de lui dénouer la langue, mais le voilà qu’il s’étalait sur son passé. Chose qu’il ne faisait pour ainsi dire… Jamais. Sauf quand il y était forcé.

- Arashi… Ils sont arrivés par milliers et ont tout ravagé. Et au lieu de défendre le peuple. Le Daimyo s’est assuré de sa propre protection et à laisser des villages entiers se faire détruire et les vies se faire exécuter.

Cette enfoiré de Satoyama… Il hantait encore parfois les nuits du Kazama. Une crevure de la première espèce qui méritait qu’une mise à mort longue et sadique.

- Très peu se sont opposés à cette décision et ont défendu les villages attaqués.

Ten’ en faisait partie, ce qui justifiait alors les innombrables cicatrices sur ses avants bras, celle de sa joue, ainsi que toutes les autres, invisibles qui se cachaient sous ses vêtements.
C’était en bref, l’histoire de sa vie, bien que des détails aient été volontairement dissimulés.

Ce fut alors au tour du Nara de dévoiler un peu son existence et l’histoire de son clan.
Nouveau à Hi, il n’était pas encore accoutumé aux histoires locales. Il écoutait donc avec attention les paroles de son ancien partenaire tout en déposant son verre sur la table.
Une histoire sombre, de massacre, encore… Comme si c’était une normalité dans ce monde.
Le clan des manipulateurs des ombres était ainsi passé tout proche de l’extinction.
Clan, Famille… Tout portait à croire qu’à un moment donné, les générations de toutes horizons étaient mises à l’épreuve pour juger de leur survie ou de leur mort.
Sanzo lui avait parlé de son clan… Il allait donc lui retourner la pareille et lui révéler les derniers secrets entourant son passé.

- Les Kazama ne sont pas vraiment à un clan réputé à Mizu no kuni. Pour autant, notre histoire remonte à l'émergence du chakra. Enryu… était le premier d’entre nous à être capable à manier le chakra. Mais il était perçu comme un monstre par sa famille. Il a décidé de les mettre à mort et de rebâtir une dynastie Kazama à son image.

Tenryu en était un descendant dans sa lignée la plus directe. 14 générations séparant les deux Ryu.

- Au fil des siècles, nous sommes devenues des soldats et cette option était la seule qui nous été réservée en tant qu’homme Kazama. Ainsi, à mes 7 ans, j’ai débuté la formation réservée au futur soldat de l’Eau.

Une longue et périlleuse formation.

- Tout a changé il y a dix ans… Lorsque mon père… Un soldat d’un grade respectable fut assassiné par un criminel notoire du pays. Je suis devenu soldat à cette époque là dans le but de retrouver l’assassin de mon père. Nous étions également trois Kazama a faire partie de l’armée. Mes deux frères ainés, Masao et Kochi ainsi que moi même. Nos liens fraternels se sont rompus à cette période. Ils avaient soif de vengeance… et moi je voulais une justice juste.

Les choses auraient sans doute jamais été aussi difficile pour Tenryu si ses deux frères avaient été ceux mettant leurs main sur l’assassin.

- Hélas, ce fut moi qui retrouva ce criminel. Dans un tel cas, la peine de mort était monnaie courante. Et bien que mes frères aient été réfractaires à l’idée de laisser la mise à mort de cet assassin à quelqu’un d’autre que nous. J'ai pris la décision de le confier à la justice, pour que son jugement soit rendu.

La dénouement allait être cauchemardesque.

- La Daimyo condamna le criminel à passer le restant de ses jours à Arashi. À l’époque, il s’agissait d’une prison banale, et cette décision fut perçu comme une trahison par mes frères qu’il décidèrent de se rebeller face à cette décision. Ils gagnèrent à leur tour leurs tickets pour ce lieu sordide.

La vie de Tenryu après cela, malgré son implication et son dévouement à la cause Mizujine ne fut jamais plus la même.
Sa jeune sœur trouva un moyen de quitter le pays en se mariant à un commerçant des mers. Et lui fut attachée à la plus basse échelle.

- Six ans plus tard. Les criminels d’Arashi débarquèrent sur les côtes comptant parmi eux, mes frères. C’est à ce moment-là que j'ai appris la réalité derrière cette prison et le supplice qu’ils avaient vécu. Ne parvenant à survivre que grâce à la haine qu’ils éprouvaient à mon encontre et qu’ils étaient venu assouvir.

Il marqua une énième pause, il n’avait vraiment pas l’habitude de parler de ça, et encore moins avouer ce qui allait suivre.

- La guerre nous pousse à faire des choses inattendues, aucune formation ne peut nous y préparer d’une quelconque manière. Ainsi, pour survivre, j'ai dû me résoudre à tuer mes deux frères.

Après cela, mettre à mort un inconnu menaçant la vie de ses coéquipiers n’était qu’une toute petite poussière sur l’échiquier de la vie.
Il se gratta la joue sur laquelle trônait une balafre, la plus visible de toute et paradoxalement celle qui le faisait encore souffrir.

- Je ne suis personne pour donner des conseils. Après tout, comme tu le dis si bien, nous aurions eu d’autre solution lors de notre mission. Mais les choses à l’avenir s'annoncent imprévisibles. Tu devrais sérieusement reconsidérer ta non-inscription.

Car, ils étaient peut-être en vie aujourd'hui pour siroter leur saké. Mais rien ne garantissait qu'il en soit de même dans les mois à venir. Il venait de confier son histoire à quelqu'un, et il était hors de question qu'il recommence de si tôt.

L'histoire que m'avait narré Tenryu, la sienne, c'est un sort que je ne souhaite à personne. Devoir se résoudre à se battre contre son propre sang... À tuer ses frères. J'essaie pendant un instant d'imaginer ce que pourrait donner telle situation dans ma propre famille, mais c'est tout bonnement impossible. Évidemment, les séquelles causées sont sûrement bien plus importantes que celles auxquelles on pourrait penser, comme celle que Tenryu mentionne, d'avoir une vision totalement biaisée de la mort. Je pense que ce genre de choses, beaucoup d'entre nous en sommes capables. À force de tuer, de le faire pour des raisons que l'on s'efforce de rendre légitime, le meurtre finit par devenir secondaire dans l'esprit, comme quelque chose de fatal, d'inévitable car forcé par le destin. Mais dans le cas de mon compère, les choses étaient bien différentes et avaient du laisser un impact immense. Il n'a finalement pas l'air d'avoir connu autre chose que la rigueur militaire et le drame. Bordel. Quel enfer.

J'avoue ne jamais avoir été très bien renseigné quant à la prison d'Arashi. Je sais juste que tout n'a pas été révélé à son propos et que bien des rumeurs ont circulé, toutes plus glauques les unes que les autres. Cette histoire ne vient donc qu'en rajouter une couche. Globalement, Tenryu était ce genre de types à suivre le précepte de tuer ou être tué. Concrètement, ça fonctionne, hein ! Et puis, avec son passé, je comprends bien mieux pourquoi il pense comme ça. À vrai dire, je ne sais absolument pas comment je me comporterais dans une situation amenant à ce genre de pensée. Est-ce que j'hésiterais suffisamment longtemps pour être le premier à mourir ? Oui serais-je au contraire le premier à tuer ? Si je dois être honnête avec moi-même, cette question m'a longtemps travaillé, et je pense que la réponse m'effraie plus qu'autre chose. C'est pour cette raison que j'ai mis tout ça de côté. Lorsque ce jour viendra, j'agirai dans l'instant, de toute manière.

Et enfin, le sujet de cet examen revient. Hm... J'avale une gorgée de ma boisson avant de me passer de me gratter la tempe, avec le bout des doigts. J'ai déjà tout un tas d'arguments pour me convaincre de m'inscrire. J'ai pas besoin de ça. Je sais très bien pourquoi il faudrait que je participe. Et je sais très bien pourquoi je n'en ai aucune envie. Je soupire alors en tapotant la table, pensif.

" Je sais bien. J'ai vingt-six ans, je m'entraîne tous les jours, et pourtant je me cantonne à rester Genin et à bosser ici. Je devrais accepter la responsabilité qui m'incombe en tant que combattant, de m'intégrer à ce village qui nous a accueilli en tant que Nara et pas simples villageois. "

Je bois une autre gorgée et me ressers.

" Mais j'en ai rien à foutre de tout ces grades, je peux très bien faire ma part en tant que Genin depuis le début et continuer à travailler ici parce que ça me plaît. Je fais mon possible pour devenir plus puissant, et cet examen n'a pas de rapport avec ça. Je défendrai mon clan s'il le faut, je défendrai les habitants du village s'il le faut. Mais c'est tout, je n'ai pas besoin de plus. "

Pour la première fois depuis qu’il était arrivé à Konoha, il avait raconté son histoire dans les moindres détails. Il ne se souvenait même pas avoir été aussi précis avec Miyako lorsque cette dernière l’avait interrogé pour connaître les raisons de sa présence à Hi et plus précisément à Konoha.
Sanzo était en quelque sorte un élu dans le domaine.
Une personne que Tenryu appréciait.

Pour autant, les deux garçons n’avaient réellement pas du tout, mais alors pas du tout la même vision des choses.
Une normalité, si tout le monde sur le Yuukan avait une pensée et une vision unique, voilà la bergerie que cela serait.
Pourtant, cette fois ci, c’était Ten’ qui avait du mal à comprendre la vision des choses du Nara.

Pourquoi se contenter du minimum ? Pourquoi ne pas chercher le dépassement de soi ? Alors que le monde était au bord d’une catastrophe sans précédent après des dizaines et des dizaines d’années de “paix”.

Il se complaisait à être Genin, et faire sa cuisine. Alors qu’il se démenait jour après jour dans son entraînement. Sanzo n’avait vraisemblablement aucune ambition dépassant son propre confort. C’était sans doute ce qui le différenciait de l’ancien Mizujin.

- Je vois… Mais tu ne crois pas que tous les efforts dont tu fais preuve chaque jour, mériteraient d’être testés ? Je veux dire… Ok, tu peux rester Genin toute ta vie, te tuer à l’entraînement chaque jour. Mais est-ce que les petits bandits des missions D et C suffisent vraiment à savoir si tu es sur la bonne voie ?

Ten’ pensait que c’était dans l’adversité que l’on apprenait le plus.
Se contenter de s’entraîner contre un mannequin, ce n’était pas suffisant quand le moment était venu de sauver sa peau, ou celle des autres.

- Enfin… C’est toi qui vois, mais je pense que l’homme a besoin d’adversité pour réellement devenir plus fort.

Il finit une dernière fois son verre avant de le reposer sur la table.
Il se leva alors, la pause déjeuner était terminée. Il devait s’y remettre.

- Je te remercie pour le verre, à charge de revanche… Et merci pour les brochettes dit-il en passant devant Sanzo. Je dois m’y remettre, l’examen approche, à la prochaine.

Kazama Tenryu se dirigea ensuite vers la sortie, sortant du restaurant avec un sentiment mitigé.
Il avait bien mangé, il avait revu un confrère. Il s’était ouvert mais avait toujours autant de mal à comprendre son camarade Nara. Un sentiment d'insatisfaction l’accompagna donc jusqu’à son domicile où il put retourner à ses préparatifs.

The End: