Réveillé depuis de nombreuses heures, Syōhei profitait du beau temps pour parcourir les plaines verdoyantes du pays de l'Herbe. Malgré le fait que le climat était bien plus apaisant et doux que celui qui l'avait vu naître, il fallait bien avouer que sa terre natale lui manquait. Toute sa vie, il n'avait connu que cet endroit et s'éloigner de ces repères, c'était très certainement la chose la plus compliquée à faire. Non, il ne regrettait pas sa venue, car il était ici dans un but bien précis, mais il regrettait tout de même de ne plus pouvoir partager des moments avec son père, même si cela ne se résumait qu'à une chose : le combat. Une activité qui faisait réellement partie de sa vie et qu'il affectionnait par-dessus tout. Certainement moins sanguinaire que les anciens du clan, il avait néanmoins cet esprit de guerrier en lui, cette rage de vaincre qui le poussait sans cesse à dépasser ses propres limites.
Apercevant un arbre au loin, il décida d'un pas lent de se diriger dans cette direction. Il ne lui arrivait pas souvent de pouvoir prendre du temps pour lui, pour pouvoir se vider l'esprit. C'était donc le moment idéal pour faire bouger les choses. En arrivant sur les lieux, il ne pouvait s'empêcher d'admirer le paysage qui s'offrait devant lui. Cette région du monde était véritablement à part et il ne regrettait absolument pas d'être venu dans un tel lieu, même si sa venue sur les terres kusajins n'était pas réellement prévue.
Prenant place dos à l'arbre, le jeune Kaguya laissait le vent lui caresser le visage. Ce moment de solitude lui permettait de souffler un peu et d'oublier ne serait-ce que quelques heures, son devoir envers son clan en se focalisant sur sa propre personne. Peu à peu, Syōhei se laissa aller et ferma doucement ses paupières, bercé par le silence qui régnait en maître sur la praire, persuadé à cet instant précis que rien ne pouvait interrompre ce moment si rare et précieux.
Les grandes plaines de Kusa étaient toujours aussi magnifiques, qu'importe le nombre de fois où on pouvait les franchir. Les hautes herbes se courbaient au gré du vent, offrant un sentiment de liberté certains. Et puis... c'était relativement isolé avec peu de passage : l'endroit idéal pour poursuivre ma quête !
Depuis que je traînais à Kusa, je changeais toujours de coin de ballade dans la prairie : déjà pour éviter de laisser trop d'indices de mon passage, et aussi, parce que je craignais de déterrer l'enveloppe charnelle désormais inutile de l'un des élus ayant croisé ma route... Malgré tout je grossissais le trait. Je n'avais, malheureusement, pas contribué tant que ça dans la quête d'âmes pour mon Eternel par ici... Les disparitions répétées seraient trop suspectes dans ce pays bien rangé et les occasions ne s'étaient pas tellement présentées. Je restais lucide quant à mes capacités : j'avais encore énormément a apprendre et je ne pouvais pas m'en prendre à un trop gros poisson si je ne voulais pas y rester. Si je disparaissais, l'Eternel perdrait l'une de ses ferventes adeptes et, par la même occasion, une récolte non négligeable, retardant sa venue sur Terre. Il n'était pas question de commettre d'imprudences.
Arpentant les plaines depuis un moment déjà, je finis par apercevoir un jeune garçon, d'environ mon âge, assoupi au pied d'un arbre. Je savais que Kusa était loin d'être une terre hostile comme pouvait l'être ma terre natale et qu'elle brillait même pour sa paix mais ça restait stupide. Il n'y avait pas de guerres, certes, mais ça ne voulait pas dire qu'il n'y avait pas de personnes mal intentionnées alors soit ce malheureux n'était qu'un idiot, soit il se pensait intouchable. Intéressant...
Avançant à pas feutré dans la direction de la belle au bois dormant, je m'arrêtais devant lui, me penchant légèrement en avant pour l'observer d'un peu plus près. Il avait la même couleur de cheveux que moi et il paraissait définitivement bien assoupi. Je me raclai du coup la gorge pour le prévenir de ma présence, sourire aux lèvres.
« Vous ne devriez pas vous endormir dans un endroit si exposé, même si le passage se fait rare, vous savez ? »
Je me redressai légèrement.
« Qui sait sur qui vous pourriez tomber. »
J'avais besoin de savoir si l'Eternel voulait s'abreuver de son être, alors je m'asseyais face à lui et attrapais mon jeu de cartes dans ma poche, commençant à les mélanger sous ses yeux.
« Vous aimez le goût du risque apparemment. Ça vous dirait de connaître votre avenir … ? »
Mon regard écarlate plongea dans les siens, azurs, si purs.
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