Kusa, le Pays de l'Herbe. Malgré un voyage compliqué et une certaine appréhension de devoir quitter son clan et les terres mizujins, Syōhei avait tout de même eu le mérite d'avoir été au bout de sa démarche. Seulement, il n'était pas venu en ce lieu pour se reposer ou visiter d'autres contrées, mais pour suivre la trace d'un mythe. Prendre une décision aussi radicale pouvait surprendre, surtout de la part du jeune errant qui avait tout de même la réputation de ne jamais agir sur un coup de tête et de façon impulsive, sans une longue réflexion. Cette envie de rejoindre Kusa et de trouver la personne en question, tout cela semblait pourtant étrangement si logique pour le garçon du clan Kaguya. Sans pouvoir réellement expliquer une telle chose, il se sentait attiré par ce besoin de croire à tout ce qui se disait sur ce mythe, car cela pouvait lui permettre de trouver sa propre voie.
Pour être honnête, le guerrier ne savait pas dans quoi il s'embarquait, mais son envie de bouger les choses et de ne pas rester sans rien faire, l'avait poussé à entamer ce long voyage. Un peu éreinté par la route, il délaissa très rapidement ce détail en observant tout ce qui se trouvait autour de lui. Le paysage était d'une beauté rare, tout semblait si paisible et coloré. Le climat était bien plus agréable que sur ses terres natales, aucun doute là-dessus. Laissant ses pas le guider, il ne tarda pas à apercevoir quelque chose. Marchant depuis de longues minutes sur une plaine qui lui semblait littéralement infinie, il apercevait alors ce qui ressemblait vraisemblablement à un campement, même si sa taille, faisait davantage penser à une ville. Intrigué par une telle chose, le jeune errant continua alors son chemin en direction de cet endroit pour le moins étrange.
Au fil de ses pas, il se rendait compte de ce qu'il avait sous les yeux et paraissait complètement subjugué. C'était bien une petite ville au beau milieu de cette immense prairie. Décidément, Kusa était véritablement une nation d'une beauté absolue. Pénétrant alors dans ce lieu, il ressentait un sentiment étrange, comme si à chacun de ses pas, la cité se déplaçait. Quelque chose l'intriguait fortement, mais cela lui importait bien peu, il avait réellement besoin d'informations à se mettre sous la dent et surtout de pouvoir manger quelque chose. Très vite, il posa son regard sur un bâtiment qui ressemblait fort à une auberge. Tout en accélérant le pas et en ressentant une nouvelle fois cette drôle de sensation, il entra.
L'endroit était très animé et il y avait du monde, malgré l'heure de la journée, ce qui allait très certainement augmenter les chances d'obtenir quelques informations. Tout ce qu'il savait sur cet homme, c'était qu'il venait justement de Kusa et qu'il avait tué un mégalodon de ses propres mains. Un acte héroïque et qui faisait grand bruit sur les terres mizujins. Un inconnu avec une telle renommée, cela ne devait pas courir les rues. C'était peut-être un mythe, mais si cette personne existait bel et bien, elle pouvait peut-être apporter quelque chose à Syōhei, qui sait. En cherchant bien, il arriva sans mal à trouver et à prendre place sur une table vide. Attendant patiemment l'aubergiste, il contemplait alors silencieusement la décoration intérieure de ce lieu plein de vie.
Elle était vachement dure la vie d’entrepreneur. Il fallait veiller à ce que la paperasse soit faites, trouver du boulot pour les employés et j’en passe. Non en réalité, c'était le pied ! J’avais beaucoup plus de temps libre pour moi et pour vaquer à mon occupation favorite : ne rien faire et compter les ryos.
Ce jour là j’avais été au combien débordé ! J’avais dû me rendre chez le coiffeur pour venir entretenir ma magnifique chevelure. Puis direction la blanchisserie pour récupérer mes costumes. Ensuite j’avais dû passer bien deux heures au restaurant à lire les nouvelles du monde. Ça avait été terriblement long… Et génial.
Finalement mon dernier arrêt de la journée devait se faire dans l’atelier d’un peintre. J’avais passé commande pour une œuvre que je comptais afficher au bureau. Elle était censée représenter mon combat à Mizu contre ce terrifiant homme requin. Toutefois en chemin, je m’autorisais un arrêt dans une taverne. Un homme de ma condition devait penser à souffler par moment et la journée avait été tellement usante.
Je venais pousser la porte d’un établissement ma foi quelconque. D’un regard, j'avisais les présents, les gratifiant d’un signe de la tête. Je pouvais sentir cette aura émaner au plus profond de moi. Celle qui forgeait les légendes. Souriant alors, je venais m’avancer d’un pas décidé vers un parfait inconnu. Une fois près de lui, je levais la main et ce dernier, de manière instinctive tapant dans celle-ci.
Je continuais de marcher avant de couler un regard à un des musiciens présent dans l’établissement. Mon index se leva et mon pouce se tendit de sorte à former un L avec mes doigts. Je fis alors basculer l’index dans sa direction, comme pour le désigner. Entre musicos, on se reconnaît !
Enfin, j’allais poser mon royal postérieur sur un tabouret, soupirant d’aisance.
« Bien le bonjour patron. Sers-moi donc ton café le plus cher. »
Une partie des regards étaient sur moi. Difficile à dire s’ils m’admiraient ou s’ils jugeaient mon attitude ceci dit. Dans le doute, je ressentis le besoin de m’affirmer.
« Oui, je suis bien Nishimura Ishiyato des Chiens Rugissants. Si on a récupéré de l’argent pour vous, pas la peine de me remercier, mes gars font juste leur travail. Par contre, si une certaine Sora vous a cassé le bras ou qu’un dénommé Jorel vous en a rajouté un, merci de voir avec les représentants de l’ordre en place, mais je tiens à vous prévenir tout de suite. On a le pognon nécessaire pour faire durée longtemps toute forme de procès ! »
Dans votre gueule, bande de pauvre !
Ma réflexion eut pour effet de faire baisser la tête à bon nombre des présents. Il fallait le dire. Nous étions populaires certes, mais pas que pour des bonnes choses.
L'auberge ne cessait de se remplir, ce qui n'était pas pour déplaire au jeune errant. Observant les nouveaux arrivants, son regard se porta néanmoins sur une personne en particulier. Un homme bien habillé et qui donnait l'impression d'être sûr de lui. Tout en restant à sa table, Syōhei gardait un œil attentif sur cet individu, sans pour autant le dévisager, le guerrier savait tout de même se montrer discret.
Nishimura Ishiyato. L'homme qu'il cherchait était tout simplement à quelques mètres de lui. Cela semblait complètement irréel pour le jeune garçon. Ce voyage avait été effectué dans le seul but de retrouver cette personne et voilà qu'elle se trouvait dans la même auberge, au même moment. Le hasard ne pouvait pas être derrière tout cela, c'était bien trop beau pour être vrai, seul le destin pouvait permettre une telle chose. Tout en écoutant celui que l'on prenait pour un mythe, Syōhei décida alors de se lever et de se rapprocher, afin de pouvoir prendre part à la discussion.
▬ Le mythe est donc réalité.
Ce qui ne devait alors être qu'une pensée, venait de se transformer en une parole. Un peu gêné d'avoir laissé échapper ces quelques mots, il prit un peu de recul, tout en posant son regard sur l'homme qui possédait visiblement une très forte influence sur la population locale.
▬ Veuillez m'excusez de mon impolitesse. Je suis Kaguya Syōhei et je suis originaire de Mizu. J'ai entendu de nombreuses choses sur vous et votre organisation et c'est pour cette raison que j'ai quitté mon pays pour rejoindre les terres kusajins, afin de pouvoir vous rencontrer.
Son périple s'achevait alors à cet instant précis ou plutôt il ne faisait que commencer. Cet homme à la forte influence pouvait peut-être lui donner du travail et lui permettre de trouver sa voie. Tout cela semblait exagéré, mais le jeune Kaguya n'avait absolument rien à perdre et avait cette envie d'être encore plus utile à son clan à l'avenir.
▬ Tout cela pour vous dire que si vous le désirez, je peux vous offrir mes services. Je sais que cela représente un risque pour vous, mais je peux vous assurez que vous ne serez pas décu.
Suite à cette prise de parole, il décida de se diriger vers la sortie de l'auberge. Non, il ne fuyait pas, mais n'avait pas non plus envie de raconter sa vie et surtout pas devant tant de monde. Peu importe la réponse d'Ishiyato, il avait été au bout de sa démarche et pour lui c'était le plus important. Un homme tel que lui, pouvait avoir de nombreuses relations et cela pouvait apporter un certain soutien à son clan par la suite. Syōhei avait toujours cette sensation particulière que tout cela n'était pas arrivé en vain et que cette rencontre pouvait très clairement lui changer la vie.
Le Mythe… Ouah… Il y avait à ce moment là précis, au fond de moi, un Ishiyato miniature au bord d’une plage en train de siroter des cocktails. Et ce petit Ishiyato, il me fixait en me disant « Tu as réussi Nishimura. T’es une putain de légende ! ». Je secouais la tête, retrouvant mes esprits tandis que le Kaguya était déjà sur le départ.
Oh non, il cela jouait « rattrape-moi ». Ceci dit, je ne pouvais décamment pas le laisser partir sans rien dire. J’étais son modèle après tout. Ça commençait à faire beaucoup. Toutefois, je me devais d’être ce phare qui éclairait l’obscurantisme de la jeunesse. Si personne ne guidait ce gamin, il finirait sans doute en sarouel, à faire du jonglage dans une troupe itinérante.
Il y avait également de grande chance qu’il soit sans réele famille, comme Sora. Aucun parent ne laissait son enfant courir les chemins comme ça… Où alors il devait sacrément être empoté. Je me devais d'être sûre. Aussi, avant qu’il n’ait eu le temps de quitter l’établissement, j’attirais son attention.
« Attends fils. Lorsque l’on est un homme, un vrai, on sert la main pour se présenter. »
Je me levais alors après avoir vidé mon café. C’était ton moment Ishiyato. Il fallait que tu montres à ce gamin ce qu’était la réussite. Je venais sortir une liasse de ryo de ma poche retenue par une épingle à billet. Après avoir ôté celle-ci, je déposais un peu d’argent sur le comptoir avant de remettre à sa place mes petites coupures.
Je m’élançais alors dans sa direction tout en venant réajuster mon costume, mettant bien en avant ma Morlex au passage. Il se devait de la regarder car elle était gage de réussite. Qui plus est, elle m’avait coûté deux bâtons. C’était ça la réussite. En avoir rien à foutre de tout et avoir du pognon.
Je me retrouvais finalement à son niveau. Je le zyeutais de haut avant de finalement tendre ma main vers lui, le gratifiant d’un sourire.
« Tu m’as l’air d’avoir bon fond fils et les dieux savent que j’ai jamais laissé quelqu’un dans la mouise. Si tu cherches du boulot, je peux te trouver ça. »
En plus il était jeune ce petit con… Aucune notion d’argent à mon humble avis, je pourrais marger sur lui. Qui plus est, les lois sur le travail était assez flou et j’avais suffisamment de vide juridique pour les exploiter. Enfin… Kaguya… Kaguya… C’était pas des tueurs nés ces gens-là
« Je veux juste savoir si je peux te faire confiance… Tu vas m’accompagner faire une course. »
Je comptais lui faire porter mon bordel, c’était encombrant mine de rien. Direction l’atelier du peintre !
Le gamin avait finalement accepter de venir. Il faut dire que je réalisais un de ces rêves, il était tellement heureux de pouvoir marcher avec moi. J’en profitais même pour lui apprendre quelques valeurs essentielles de la vie.
-Tu vois petit, les femmes, c'est un peu comme les piscines. Ça coûte une blinde à l’entretien pour le peu que tu t’en sers. Non ça vaut clairement pas le coup, il vaut mieux te trouver une maîtresse et voila.
Je venais alors rire dans ma moustache tout en repensant à cette fille au pays de la Terre. J’avais attaché ce jour là Sora à un arbre pour pas qu’elle ne file et j’avais profité de mon temps libre pour aller courir la femme. Ce fut les deux minutes les plus intenses de toute mon existence.
-Ah tu verras gamin. Toi aussi un jour, tu auras une belle réputation qui te permettra de soulever monts et merveilles.
Je venais offrir à ce gamin une tape dans le dos tandis que nous arrivions au niveau de la rue où j’avais rendez-vous. La commande que j’avais faite à l’artiste Moludai Zo était enfin prête. Il s’agissait d’un tableau, mais ce n’était pas n’importe quel tableau. Ce dernier représentait la consécration de ces derniers mois. Je dirais même qu’il reflétait le paroxysme d’une vie. Je frappais à l’atelier et le maître nous fit entrer. Sans plus de cérémonie il souleva un drap pour me montrer l’œuvre. Une larme coula de mon œil devant tant de beauté. Le créateur de cet œuvre avait été frappé par la grâce des dieux.
- Maître Moludai, c’est…
-Je sais monsieur Nishimura. Ne dites rien et appréciez simplement cette merveille…
L’homme me sourit avant de replier le drap sur l’œuvre et de me l’emballer. Je sortis de ma poche de quoi finir de payer le tableau. Après cela j’offris une poignée de main à l’artiste avant de faire un signe au jeune pour qu’il récupère le paquet.
- Vous aurez sans doute de prochaine commande de ma part maître Moludai. Je sais reconnaître le talent et vous, vous en débordez.
Le peintre me gratifia d’un sourire tout en me raccompagnant à la porte. Par la suite, moi et le gamin allèrent à l’agence. Je remerciais ce dernier en lui offrant quelques billets avant de récupérer le colis. Ce fut ici que nos chemins se séparèrent. Une fois dans la salle d’attente, je déballais la peinture avant de l’accrocher au mur. Madame Hudsa rentra dans la pièce à ce moment là et dévisagea la peinture, allez savoir pourquoi.
- Ah Ishiyato, c’est…
- C’est la perfection, je sais… La rencontre entre la civilisation et la nature. L’harmonie ultime...