Tchak.. Tchak... Tchak, tchak !

"Hé les gars regardez ! La vielle sait pas lancer un kunai ! Hahaha."

Keiko soupira en ramassant ses kunai dispersés irrégulièrement sur une cible à une dizaine de mètres et... sur l'énorme tronc d'arbre derrière. Ses relations avec ses pairs n'avaient jamais été au beau fixe. La jalousie sans doute. Promue en quelques mois à peine, elle avait toujours eu l'image d'une vielle pour ces adolescents. Et une vieille certes douée mais bien fayotte, du genre à faire du zèle. La Kunoïchi n'éprouvait aucune haine envers ces gamins. Bien au contraire. Elle avait espéré pouvoir les influencer et leur servir d'exemple. Elle avait dix longues années d'expérience dans l'armée Kamarijin après tout. Si cela avait marché sur quelques individus, force est de constater que l'entreprise ne s'était pas avérée un franc succès. Lasse des moqueries sur ses relatives carences, Keiko fit mine de trébucher et son projectile fonça droit vers les gamins. Ces derniers prirent peur et se jettent à terre. Ils n'eurent pas le temps de pester que la Genin était déjà sur eux, les toisant alors qu'ils rampaient à terre comme des cloportes. Elle se contenta de les menacer du regard avant de reprendre son kunai et se quitter le terrain d'entraînement. Jamais elle ne s'abaisserait à leur donner trop d'importance.

Cependant, une chose était sûre : Elle avait besoin de changer d'air.

Une bonne heure plus tard, Keiko se retrouvait au Palais du Raikage. Elle n'avait pas été convoqué au bureau des missions mais on lui avait parlé d'un tableau d'affichage, accessible à tous. La kunoïchi s'étonna de voir si peu de monde à cette heure. D'ordinaire, l'endroit grouillait littéralement de ninjas. Mais elle se rappela rapidement que la majorité des Genin se trouvait actuellement au Pays du feu pour l'examen Chûnin. Qu'est-ce qu'elle aurait donné pour avoir eu l'occasion de participer à cet événement. Bon objectivement, elle se savait en dessous techniquement des Genin les plus aguerris mais elle avait prouvé depuis longtemps que son mental était déjà celui d'une kunoïchi de haut rang. Elle n'aurait pas démérité et n'aurait certainement pas bafouer l'honneur de Kumo. Ce serait pour une prochaine fois. C'était toutefois une autre raison de sa perte récente de moral et du spleen qu'elle trainait depuis une bonne semaine sur les épaules. Ce ne fut qu'en apercevant l'intitulé d'une mission sur le tableau qu'elle reprit un peu du poil de la bête. Il s'agissait d'une mission proposée par l'unité Yûrei, responsable de l'intelligence du village à savoir le renseignement mais aussi les assassinats. Du moins à ce qu'elle avait compris.

Son affectation rêvée !

Son cerveau ne fit qu'un tour et Keiko s'empara du parchemin en question avant de filer vers le responsable et de lui indiquer qu'elle s'occupait du problème du district commercial. Elle sortit du Palais et se posa, l'espace de quelques minutes sur un parapet et se mit à lire l'énoncé de la mission dans le détail. Apparemment, le district commercial du village ne seraient pas aussi calme qu'on pourrait croire et surtout que les marchands voulaient bien l'avouer. La mission consistait en la création d'un rapport sur les activités louches qui s'y déroulent une fois la nuit tombée. L'envers du décor en somme. Cette mission n'avait pas l'air très appétissante sur le papier mais son sixième sens lui disait qu'il y avait plus à cette histoire qu'il n'y paraissait. Ainsi, ce fut pleine d'ardeur que Keiko se mit en route pour le district commercial. Elle ferait un détour par son appartement pour se changer, se doutant que la vue d'un uniforme de ninja n'augurerait rien de bon dans l'optique de se faire la plus discrète possible...

"Dis donc petite t'es perdue ? Dégage du chemin !"

Keiko était dépitée. Si son uniforme lui permettait d'imposer un certain respect de la part de la populace, il n'en était souvent rien lorsqu'elle était habillée en civile. Après réflexion, une petite robe à fleurs et une queue de cheval c'était pas forcément le meilleur déguisement pour passer inaperçue dans le district commercial. La kunoïchi avait peu de chances d'être prise au sérieux en raison de son physique au charme prépubère... La majeure partie des adultes avaient souvent juste envie de la raccompagner à ses parents. Elle le voyait à leurs regards de biais. C'était évidemment de l'exagération mais son physique était toujours un complexe malgré des années d'efforts. La jeune femme dut se résoudre à changer une nouvelle fois de tenue avant de se rendre dans un petit hôtel en plein cœur de la zone. Son but n'était pas de foncer dans le tas et d'appréhender des criminels. Keiko estima ainsi que rester sur place quelques jours pour se familiariser avec les environs était la meilleure solution.

Après tout, elle n'était pas pressée.

La piaule était pas terrible. Surtout pour le prix ahurissant du quartier. C'était presque deux fois le prix de son appartement pour une surface deux fois moins grande ! Heureusement, Keiko comptait juste y rester deux ou trois jours. Et puis le gros avantage était la vue impeccable de la grande place du district. De l'unique fenêtre, la kunoïchi pouvait observer les allées et venues de la populace locale et des marchands de passage. Le but n'était pas tant de constituer un dossier sur chaque marchand en détail mais plutôt de repérer si quelque chose clochait, notamment au niveau de la sécurité. Elle imaginait que quelqu'un qui avait quelque chose à se reprocher embaucherait sûrement des gros bras pour monter la garde et sécuriser ses opérations. Keiko n'était pas la plus maline mais son expérience était grande et son intuition faisait souvent mouche. Lorsqu'elle avait entendu qu'il y avait du grabuge dans la zone, elle avait immédiatement pensé à qui profite le crime. Il s'avéra rapidement que tous les marchands n'étaient pas égaux face à ce mystérieux gang. Il ne restait plus qu'à attendre la nuit pour connaître les cibles de ce dernier.

Et éventuellement si ces loubards avaient un commanditaire.

Après avoir consigné les irrégularités de la journée et une petite sieste en début de soirée, Keiko, toute de noire vêtue dans sa tenue d'assassin, sortit de sa chambre d'hôtel pour effectuer sa ronde. Elle espérait prendre des individus sur le fait. Et cela ne manqua pas. Même si elle dut attendre le milieu de la nuit avant de finalement repérer des mouvements louches. La kunoïchi repéra un groupe d'individus sortant tout juste d'un entrepôt appartenant à un marchand influent du district. Armées jusqu'aux dents et habillés pour l'occasion, ils se mirent rapidement en action. Keiko se contenta de les observer commettre leurs méfaits. Bien planquée dans l'obscurité, elle les observa de près, gardant en mémoire toutes les boutiques vandalisées et même un entrepôt ravagé par le feu en périphérie du district. Grâce à ses capacités de repérage avancée, la jeune femme remarqua toutefois un individu légèrement en retrait. Ce dernier semblait superviser les opérations. Ses mouvements étaient ceux d'un professionnel, d'un ninja. Un frisson parcourut l'échine de la jeune femme lorsque ce dernier regarda dans sa direction. Prise de panique à la manière d'un Genin devant les phares d'une Sentinelle, elle improvisa les mudras d'un camouflage visuel sommaire.

Technique:

Keiko retint son souffle quelques instants et attendit que le ninja détourne le regard. Son action fut apparemment convaincante et suffit à la soustraire à cette investigation silencieuse. Pas moyen de se faire griller dès le premier jour et de foirer la mission ! Concrètement, à part cette petite frayeur, la nuit se déroula sans accroc majeur. Elle consignerait tout ça dans son rapport une fois rentrée à l'hôtel.

Keiko continuerait son enquête le lendemain.

La nuit fut relativement courte. Contrairement aux roublards qui pouvaient se relayer et avaient suffisamment de ressources pour un changement d'équipe, Keiko était toute seule. Elle ne pouvait cependant pas se permettre de trop se reposer sous peine de manquer trop de choses et ainsi de prolonger voire carrément de foirer sa mission. Le temps de se rafraîchir et la Genin reprit sa place à la fenêtre donnant sur la place et plus largement tout le Pic des Bourrasques. Paysage qu'elle n'avais pas eu la présence d'esprit de regarder la veille, trop focalisée sur sa mission. Mais la fatigue aidant ,c'était plus facile le lendemain de laisser son esprit vagabonder le temps de se réveiller et de se remettre dans le bain. Et puis la distraction c'était pas trop le genre de la maison. Dix ans dans l'armée à surveiller la frontière avec le Pays du gel, ça forge le caractère ! Il ne lui faut même pas une heure pour constater les premières irrégularités de la journée et la sortir de sa relative torpeur.

Ca tombait à pic !

Keiko avait été le témoin de plusieurs braquages et avait vu plusieurs échoppes et magasins être vandalisés durant la nuit. Elle avait même vu un entrepôt brûler ! Et pourtant au petit matin, tout semblait étonnement calme. Pas un marchand criant au scandale, ni même les autorités locales ou encore l'unité spéciale Mihari. Personne. Il n'en faut pas plus pour la jeune femme qui enfila aussitôt ses fringues civiles afin d'enquêter de plus près. Comme la veille, la journée s’annonçait plutôt chaude et le ciel était dégagé. Normal en plein été et à une altitude aussi élevée... Si c'était plutôt une bonne nouvelle, ce genre de climat favorisant les échanges et l'activité du district, lui permettant ainsi de mieux se fondre dans la foule, cela voulait aussi dire que la mi-journée serait désertée à cause de la chaleur. Cela ne lui laissait que quelques heures pour procéder au gros de son enquête avant de devoir poireauter jusqu'au soir. Elle se voyait mal se réfugier dans un bar ou un magasin en se faisant passer pour une cliente. Là encore si son physique chétif la faisait disparaître au beau milieu de la foule, la Genin devenait très exposée en petit comité.

Et vu qu'il s'agissait d'une mission d'espionnage...

Keiko commença son enquête auprès des boutiques et des marchands les plus exposés en plein cœur du district. La foule était dense et les clients nombreux. Les propriétaires semblaient bien trop occupés à écouler leurs stocks qu'à se morfondre du préjudice subi la veille. Ca hurlait dans tous les sens. Pour une ancienne kimarijin de la cambrousse, c'était parfaitement agaçant ! Mais cette dernière prit sur elle. Elle se concentra surtout sur les arrière-boutique mais là encore elle se retrouva rapidement dans une impasse. Il y avait bien quelques grouillots qui passaient le balai ou qui faisait de la manutention mais rien de vraiment intéressant. Et aucun intérêt à se faufiler discrètement à l'intérieur. Keiko décida d'abandonner cette piste, n'ayant finalement appris et compris que ces vols et autres saccages étaient monnaie courante et surtout que l'auteur de ces crimes devait être quelqu'un de très haut placé. Ce qui confirmait ce que la kunoïchi avait découvert la nuit précédente. A savoir qu'il s'agissait d'un marchand très réputé qui avait pignon sur rue. Ainsi, elle traîna le reste de la matinée dans les allées, à l’écoute de la moindre bribe d'information.

Une tâche certes rébarbative mais aisée pour une ninja.

La journée ne fut pas des plus fructueuses mais suffisamment pour lui permettre de continuer à gratter à la recherche d'informations plus juteuses. Notamment concernant le mobile du marchand et l'identité de ce fameux ninja qui semblait protéger toute ces opérations. Keiko s'imaginait que le simple nom d'un marchand et la liste de ses actes criminels serait sans doute suffisant pour valider cette mission. Après tout, elle n'était que de rang D. Cependant, son légendaire zèle, son patriotisme et sa volonté de bien faire la poussaient à fouiller plus en avant. Elle ne se contentait jamais du strict minimum. Elle continuerait son enquête le soir venu, lorsque le thermomètre serait légèrement redescendu et les rues plus animées. Au moins la jeune femme pourrait profiter de ce temps mort pour prendre un brin de repos.

Après quelques heures d'un repos bien mérité, Keiko se remit au travail alors que le soleil dardait ses derniers rayons sur le village caché de Kumo. Contrairement à sa dernière sortie, la kunoïchi préféra observer la situation depuis sa chambre d'hôtel. Elle déchanta après quelques minutes, se lamentant de son manque de vision dans la pénombre. Elle opta finalement pour le toit de l'établissement afin d'avoir une vue plus globale. Après une petite heure, la Genin repéra éventuellement la bande de malfrats ayant sévi la nuit dernière. Là encore, elle maudit son manque de discernement. Il aurait été largement préférable de se trouver au beau milieu de la foule afin de les prendre en filature. Elle était bien trop éloignée de l'action. Elle soupira avant de descendre de son perchoir et de se mêler à la foule. La jeune femme avait coutume de se vanter de son expérience en la matière mais le contexte était souvent tout aussi important. Son expérience concernait la surveillance en milieu naturel, souvent en pleine forêt.

Elle en était bien loin.

Retrouver les cibles dans une foule aussi dense, c'était comme retrouver un Genin dans une forêt du Pays du feu. Il fallait de la patience, de la chance et une certaine expertise. Heureusement, Keiko possédait au moins une de ces qualités. Après avoir tourné une bonne heure, elle arriva finalement à retrouver la trace des brigands, du moins de l'un de ces derniers aperçus la veille. Elle le fila discrètement jusqu'à un entrepôt légèrement en retrait de la grande place. La Kunoïchi se fit plus prudente qu'à l’accoutumée à cause de ce fameux ninja protecteur chargé de la surveillance et de la protection de la bande. Après tout, il avait failli la repérer la dernière fois. Elle prit ensuite d'autres précautions, formant plusieurs mudras.

Technique:

La plus grande technique de repérage de Keiko. Cela lui permettait de savoir combien il y avait de personnes dans le bâtiment sans avoir à s'approcher de trop près et glisser sa tête dans l'encadrement d'une fenêtre. Pour peu qu'un type regardait dans la direction. Elle préférait ne prendre aucun risque à ce stade. Si cette technique ne lui permettait pas de connaître la position exacte des cibles, cela lui permit d'en connaître le nombre. Cela ne lui fit pas plaisir de constater qu'ils étaient une douzaine. La Genin devait maintenant s'approcher pour savoir de quoi il retournait. Habituée à faire dans le feutré, elle se dirigea vers l'arrière du bâtiment et escalada sans peine la façade de ce dernier en esquivant les regards de passants, certes peu nombreux mais potentiellement complices.

On était jamais trop prudent.

Keiko grimpa à l'étage et se posta près d'une sorte de petite lucarne dominant une immense salle. Des voix s’élevèrent alors dans ce qui ressemble à une engueulade. La kunoïchi était légèrement trop éloignée de l'action pour entendre tout ce qui se disait, percevant néanmoins quelques bribes. A son grand dam. Cela ne lui ferait pas de mal d'apprendre quelques techniques de repérage basées sur autre chose que la vue. Bref. Elle hésita à pénétrer dans le bâtiment afin de se rapprocher, mais estima finalement l'entreprise bien trop risquée. Après tout, sa découverte signifiait l'échec de sa mission. Un objectif qu'elle devait sans cesse se rappeler. Ce fut à ce moment qu'un marchand hurla et prononça très distinctement le nom du marchand numéro un du district commercial. Après quelques minutes intenses, tout portait à croire que ce dernier était le commanditaire derrière tout ce qui se déroulait dans le quartier. Il voulait probablement se défaire d'une concurrence sans cesse croissante.

Keiko ne fit pas de vieux os.

La Genin s'éloigna aussi discrètement que possible. Elle retourna à l'hôtel et effaça les dernières traces de son passage. Elle jeta un dernier coup d'œil vers la grande place, se demandant l'espace d'une seconde si prolonger sa mission pour connaitre l'identité du kumojin qui protège le marchand valait le coup. Là encore elle freina ses ardeurs. C'était sans doute d'un niveau qui n'était pas encore le sien. Elle quitta le district dans la nuit, impatiente de rentrer et de rédiger son rapport. En bonne militaire, ce dernier serait assurément exhaustif et du goût de ses supérieurs. Du moins, Keiko l'espérait.