«  La vengeance est le plaisir des âmes faibles, étroites et mesquines.. » 

Cela faisait bien dix ans depuis ce triste évènement. Celui qui avait remué le coeur des âmes perdues de la famille Soumei. Cette petite famille marchande, ne souhaitant que perdurer parmi les âges, respectant leur seul credo de sagesse et de sagacité. Voila maintenant une décennie depuis qu’une partie du clan avait été inutilement passé par le fil de l’épée par une bande de barbares aux moeurs douteuses et obscures. Notre protagoniste au visage doré pleurait intérieur ces pertes, depuis de nombreuses années. Elle était là ce jour-là. Au coeur de ce combat sanglant et sanglotant des larmes des victimes vaillamment tombées en essayant en vain de défendre les personnes qui leurs étaient chères. Notre héroïne, Saahl, avait été aux premières loges, lorsque du sang par litre avait été sortie des entrailles de la doyenne de leur camp. Celle-ci s’était lourdement écrasée sur le sol. Mais cette image macabre fut le début du grand changement chez les membres de la famille Soumei. Autrefois, ils avaient été martyrisés et brutalisés par des bandes de truands, mais jamais sans un objectif précis, ni même sans que les Guerriers de la famille ne puissent se séparer à l’assaut, à la bataille. Non, ces étrangers étaient venus sous prétexte de paix, d’affaires, ou d’on ne sait quoi, profitant de la naïveté des membres du clan Soumei avant de trancher le corps vieilli de la doyenne. Cette image était marquée au fer rouge dans l’esprit de beaucoup d’anciens et de jeunes. A vrai dire, ce jour avait été un tournant décisif dans la famille Soumei, qui aujourd’hui, était moins pacifique qu’avant. Fort d’expérience bien entendu..

Depuis, les liens avec la capitale s’étaient resserrés. Pour les Soumei voyant en eux des protecteurs bienveillant, et pour Suna, voyant en les membres de la famille des adeptes en plus pour leur armée. L’un se servait de l’autre, et à raison. N’était-ce pas là l’objectif des alliances ? Profiter des forces de chacun ? C’était ainsi que la famille Soumei avait commencé à se mêler de la politique, à se sédentariser et même à échanger avec les milices de chaque nations, a avoir des accords, tacites ou non avec d’autres camps nomades. Tout cela à cause d’un groupe dont les intentions étaient encore sombres. Quelques semaines après le drame, un groupe d’élite de guerriers avaient cherchés en vain des informations sur ce groupe, mais Akuhei restait introuvable. Bien entendu, il y avait un accord et un lien particulier qui tenait Saahl accroché à cet homme de la branche maudite du clan Azaku. Elle était partagée entre l’honneur, la dette de lui avoir sauvé la vie, et la haine d’avoir transformé ainsi son existence. Depuis ce jour, Saahl était également devenue moins bienveillante avec les autres. Elle parlait moins, rigolait moins. Elle était plus méfiante, plus réservée. La seule bonne chose était qu’elle avait intensifiée ses entraînements autour de son Kekkai Genkai et de ses capacités kunoichi en règle générale. Si bien qu’elle avait prit une place de choix dans la famille. Elle était devenue l’une des premières Kyoujo, femme guerrière. En tout cas la première de sa génération.

C’était d’ailleurs pour cette unique raison qu’elle avait intégré il y avait de cela très peu de temps la milice de Suna en tant que Sunajin. Officiellement, elle était simplement une nouvelle recrue au sein de Suna. Officieusement, elle était la représentante vivante de Soumei au sein de Suna. La seule et unique de son groupe à avoir rejoint les rangs. De ce fait, elle représentait le lien entre les Soumei et Suna. Si ce lien disparaissait, cette petite « alliance » pouvait également disparaître. Mais n’étant bénéfique que pour leurs ennemis, Saahl ne souhaitait ni ne laisserait ce lien se briser. Bien au contraire. La Dorée avait été un véritable coup d’accélérateur pour le développement rapide du clan Soumei qui s’était sédentarisé et protégé rapidement après l’atroce évènement d’il y avait dix ans. Assisse sur une caisse au niveau du quartier marchand, Saahl pensait à cela, a cet évènement d’il y avait dix ans. A cet instant où elle vit la doyenne mourir. A cet instant où elle vit le guerrier transpercé pour défendre les enfants. A cet instant où elle tua pour la première fois. A cet instant où elle fut propulsée dans les airs, éventrée. A cet instant où elle fit la rencontre de cet homme : Akuhei. A cet instant, ou tout bascula. Des larmes coulèrent maigrement derrière son masque doré, le long de ses joues, avant de s’écraser sur le sable chaud du village du sable, s’évaporant au contact de celui-ci. Elle l’avait tant cherché. Elle ne l’avait jamais…

Trouvé ! Un moment de doute s’emparait d’elle alors que sa vue était embuée par les larmes. Devant elle, à quelques mètres, c’était lui ? Etait-ce vraiment lui ? Ce n’était pas possible ? Il avait rejoint Suna ? Etait-ce vraiment lui ?  Il était vivant ? Etait-ce vraiment lui ? Pourquoi était-il là ? Etait-ce vraiment lui ? Tant de questions vinrent alors que Saahl attendait que ses larmes disparaissent. Mais alors que sa réponse se vérifiait, un sentiment soudain vint la prendre aux tripes, à la gorge, vint se saisir de son souffle. Toute sa grâce et sa douceur disparurent pour laisser place à un monstre. Un monstre de rage et un immense désir de vengeance. Se levant d’un seul bond, elle se mit à courir en hurlant, attirant alors l’attention des passants qui vagabondaient joyeusement. Puis une fois face à lui, elle se plaçait d’une façon à garder son élan avant d’abattre son poing droit de toutes ses forces sur la mâchoire de celui-ci, en hurlant de rage. Cet homme allait mourir maintenant. Peut-être même n’allait-il même pas la reconnaitre. Etait-ce vraiment lui ? Qu’importe, il allait mourir. Maintenant !

Akuhei venait de quitter l'hôpital. Il avait fait déjà toute une nuit de garde. Son assistante Hakanai l'avait doucement mis à la porte, l'invitant à rentrer se reposer. Il avait bien essayé de résister mais la jolie rousse n'avait qu'à soutenir son regard pour le désarmer mentalement. Elle devait avoir conscience de ce pouvoir qu'elle avait sur lui. Secouant la tête, il refusait encore d'accepter la réalité qui sautait au visage. Il préféra se dire que c'était une décision autonome pour s'octroyer un peu de repos. Il pourrait peut-être profiter de la compagnie de ses frères ou de sa sœur. Il regagnait le foyer familial, en passant par le quartier commerçant où la foule le berçait au gré de ses pas.

Il marchait avec un air absent. Ses pensées étaient ailleurs qu'au milieu du marché Sunajin. Ses pensées virevoltèrent entre Hakanai et sa famille. S'attardant sur cette dernière, le visage acerbe du paternel refit surface. Autrefois, cette seule vision mentale lui arrachait un poing durement fermé, à lui en faire blanchir les phalanges et saigner la paume. Aujourd'hui, il se retrouvait étrangement serein. Il n'avait pas oublié et ne pardonnerait jamais les exactions du manipulateur. Il était simplement confiant sur l'avenir. Ils le retrouveraient et feraient ce qu'ils avaient à faire.

Les supplices et les missions à répétition s'enchaînaient dans sa tête comme un flashback chaotique. Ces instants où il s'était illustré dans l'horreur. Le pire, c'est qu'il y avait pris goût pendant un temps. Jusqu'à ce que sa maturité lui signifie que ce qu'il faisait était immoral. Une pensée positive vite réprimée par le dirigeant de l'escouade. Toujours aussi nostalgique et l'air nébuleux, Akuhei laissa s'échapper un soupir. Une dernière expiration.

Le cri aurait dû l'alarmer, mais il s'était perdu trop loin dans ses pensées. Le coup par contre ne passa pas inaperçu. Le recevant en pleine mâchoire, il fut violemment écarté de sa trajectoire pour venir se cogner contre le mur qui se trouvait à côté. Apposant de suite une main nimbée d'une aura verdâtre, les lunettes de soleil du médecin se posèrent sur l'initiatrice de cette douleur. Une femme au visage masqué, mais dont ce dernier ne suffisait pas à camoufler toute la haine qu'abritait ces traits fins. L'instinct allait pousser l'Itsuru à répliquer, mais sa raison lui interdisait. Il n'allait pas s'adonner à un affrontement en pleine rue, au milieu des civils curieux qui s'étaient arrêtés pour observer. Sa blessure apaisée, Akuhei releva les mains, paumes vers son attaquante pour signaler sa bienveillance.

Alors qu'il effectuait son geste, il se revoyait décrire le même mouvement bien des années auparavant. C'était lors d'une mission au destin tragique. Un souvenir qu'il avait préféré oublier mais qui remonta brusquement à la surface comme un bouchon se laissant aller à la poussée d'Archimède. Derrière les lunettes, les yeux se plissèrent avant de s'écarquiller brusquement :

- Sa...Saahl ?!

Les larmes perlaient sur les joues de notre protagoniste alors qu’elle avait sentit plusieurs de ses articulations lâcher soudainement au contact de la mâchoire de celui qui était, effectivement, l’assassin de ses frères Guerriers. Alors que l’homme avait très certainement été surpris par le magistral coup de poing assené par Saahl, les autres personnes présentes dans la zone finirent par tous s’écarter en toisant du regard la jeune femme à l’allure étrange. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’ils voyaient une femme vêtue comme une prêtresse agresser un homme bien plus âgé qu’elle, mais aussi avec une rage propre au caractère masculin. Normalement, les femmes avaient un caractère bien plus espiègle, plus sournois. Elles retenaient tout et frappaient toujours au moment le plus opportun. Là, pas du tout ! Elle s’était contentée de laisser sa rage parler à sa place et le coup de poing extrêmement mérité avait fait basculer son adversaire du jour contre le mur voisin. Celui-ci, exerçant les mêmes pouvoirs utilisés qu’il y avait dix ans, avait immédiatement appliqué une chakra verdâtre propre à l’Irou sur sa mâchoire, atténuant de ce fait la douleur et les dégâts occasionnés. Quant à elle, toujours en train de pleurer, Saahl passait sa main gauche sur ses doigts de la main droite. Deux doigts étaient certainement cassés : l’index et le majeur. Mais la douleur ne représentait rien face à la haine qu’elle ressentait envers cet homme. Mais étrangement, cette haine était étrangement dirigée. Impossible d’expliquer ou de mettre des mots là-dessus. Notre Dorée ne pouvait expliquer si c’était la haine des nombreux meurtres perpétrés envers les siens, d’être parti sans jamais revenir, d’avoir boulversé sa vie et celle des siens ? Elle l’ignorait. Mais cette haine était belle et bien présente.

Son opposant quant à lui s’était contenté de lever les paumes des mains en direction de Saahl, comme pour annoncer qu’il ne comptait pas contre-attaquer, qu’il voulait calmer le jeu et comprendre toute la situation. Mais l’accoutrement de la Dorée devrait normalement parler pour elle, sauf s’il avait perdu la mémoire, sauf s’il avait décidé d’outrepasser la mémoire de ceux qu’il avaient froidement assassiné. Les larmes continuaient de couler alors qu’un déclic avait du se passer chez lui. Il prononçait difficilement le nom de Saahl, tout en balbutiant quelque chose. Il ne se souvenait même pas de son prénom ? Pourtant, il devait la vie aux décisions la jeune femme. Décision qu’aujourd’hui elle regrettait amèrement. C’était pourtant il y a dix ans. Des longues minutes de silence s’installèrent dans le quartier marchand alors qu’un rond s’était formé entre les deux protagonistes de cette histoire. Mais malgré la douleur de ses phalanges brisées, la Soumei ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin. Cet homme allait mourir ici et maintenant. Posant les doigts valides sur le bras gauche, elle tirait alors d’un mécanisme d’accroche un parchemin qui une fois défait, fit apparaître un nuage de fumée blanche, signe d’une sorte d’invocation. Certains passants prirent alors peur et commençaient à quitter les lieux en poussant des petits cris d’angoisses. Bientôt, les forces de Suna allaient débarquer. Elle n’avait pas énormément de temps.

Une fois la fumée dissipée, tous purent admirer l’évolution de Hasan, la première et seule marionnette de la Dorée. Il s’agissait d’une sorte de léopard des enfers, avec une queue comportant des pointes, des crocs aiguisés comme des lames de rasoirs ainsi que des griffes ayant chacune la capacité de trancher la chair de sa proie. Elle s’avait rien du petit chien qu’elle avait il y a dix ans maintenant. Cette fois-ci, Hasan avait été fabriquée pour tuer. Sans répondre au questionnement d’Akukei quant à son identité, elle fit fonctionner ses doigts pour envoyer Hasan sur sa proie. La marionnette animal se mit alors à courir, au début difficilement à cause de la douleur des doigts cassés de Saahl, puis pleinement. Prenant de plus en plus de vitesse, Hasan se dirigeait vers sa cible en sortant les griffes qui n’étaient autre que des couteaux prenant la forme incurvée des griffes d’un fauve. La grande majorité des gens s’étaient dangereusement écarté du champ d’action et des cris d’alertes commençaient à retentir. Le temps pressait.

Hasan une fois en face de sa cible fit un bond sur la côté droit avant de se retrouver derrière celui-ci. Toutes griffes dehors, il allait frapper. De l’autre côté, Saahl gesticulait avec précision afin de commander chaque partie du corps de sa marionnette afin que celle-ci obéisse exactement selon les pensées et désirs de la Dorée. Ainsi était le pouvoir des marionnettistes. C’était désormais terminée l’époque où elle animait des poupées avec ses fils. Désormais, elle utilisait ce pouvoir pour tuer. Et cette cible cette fois-ci se nommait : Itsuru Akuhei, grand assassin de notre temps.

La foule s'était naturellement écartée de l'affrontement en devenir. Même si Akuhei voulait faire tout son possible pour l'éviter, il semblerait que la jeune femme n'était pas du même avis. Si son identité n'avait été qu'un doute sur l'instant, cette fois il en était sûr. Il s'agissait bien de cette adolescente qu'il avait rencontré ce triste soir. Il l'avait sauvé et elle en avait fait de même. De là était née une entente qui était censée perdurer. Vu l'accueil, la rancœur était toujours bien présente. Pouvait-il vraiment lui en vouloir ? Le remords rongeait les tripes du médecin qui faisait face à un regard empli de détermination et de haine. Elle désirait plus que tout sa disparition mais il ne souhaitait pas en faire de même.

Alors qu'il s'apprêtait à parler à nouveau pour apaiser les tensions, elle ne lui en laissa pas l'occasion lorsqu'un nuage de fumée emplit l'aire du futur combat. Les derniers curieux définirent un périmètre bien plus large. Les autorités risquaient de bientôt arriver et l'Itsuru ne souhaitait pas être mêlé aux problèmes. La kunoichi risquait gros aussi. Si elle était dans l'enceinte de Suna, c'était soit parce qu'elle avait rejoint la faction soit parce qu'elle était ici en visiteuse. Ce genre d'incidents provoquerait son exclusion immédiate. Dans le meilleur des cas. Empli d'une bonté maladive, Akuhei se sentait d'avance coupable si elle se retrouvait dans une situation délicate.

Elle ne semblait pas aussi sensible à son sort alors qu'apparaissait sa marionnette. Rien à voir avec celle d'il y a une décennie de ça. La structure était sensiblement la même mais la maîtresse des pantins l'avait considérablement améliorée. A l'image de sa propriétaire, elle était plus agressive qu'à l'époque. Et vu la détermination qui se trouvait à l'autre bout des fils de chakra, le médecin devrait fortement se méfier de ce jaguar de bois.

L'assaut fut lancé avant même qu'il n'ait le temps de reprendre la parole. Les tentacules se réveillèrent sous son large vêtement afin de venir en aide à leur maître. Le pantin bondit sur sa proie et décrivit un mouvement imprévisible pour tenter de le surprendre. C'était sans compter sur la polyvalence des prothèses métalliques qui vinrent arrêter la charge de la marionnette. Les griffes acérées s'entrechoquèrent avec les tentacules et Akuhei profita de cet échange pour s'appuyer et se reculer sur le côté, à l'opposé de la marionnette.

Il ne comptait pas engrener le conflit plus qu'il ne l'était déjà. Il réitéra son mouvement pour tenter d'apaiser le caractère belliqueux de son interlocutrice :

- Saahl je t'en prie écoute moi. Je sais que tu dois encore m'en vouloir mais pas ici. J'ignore si tu as eu une autorisation exceptionnelle pour entrer ou si tu as rejoint Suna mais songe à ce que les autorités pourraient penser de cela. Accompagne moi au moins jusqu'aux plages d'entraînement.

Avant toute chose, Akuhei voulait préserver la population civile d'un affrontement sauvage en plein quartier commerçant.

Les rouages d’Hasan fonctionnaient extrêmement bien malgré que cela faisait un temps qu’elle n’avait pas utilisée sa marionnette faite de bois et de mécanismes en tout genre. Celle-ci se déplaçait avec la vélocité souhaitée par sa manipulatrice en fonction du mouvement de ses doigts. Mais alors que le jaguar se dirigeait vers l’arrière de son adversaire, ce dernier fit apparaître des tentacules de métal derrière lui afin d bloquer l’attaque d’Hasan avant d’effectuer un bond pour sortir de cette situation désavantageuse. Remettant ensuite les paumes en avant pour apaiser la situation, il n’avait visiblement toujours pas l’intention de combattre. Cependant cette fois-ci, il semblait ne plus avoir de doute quant à l’identité de la jeune femme. Saahl était découverte, même si elle n’avait rien fait pour cacher ni son identité ni la haine qui perlait sur ses joues. Juste à côté de sa marionnette, Saahl portant un regard sur les personnes autour d’eux avant de finalement mettre deux doigts devant son visage. Sa marionnette disparue aussitôt dans un nuage de fumée blanche, s’inscrivant de nouveau sur le parchemin que Saahl mettait par dépit dans le mécanisme de son bras. Finalement, ce combat n’avait pas lieu d’être… La Dorée était en train de se calmer. Dans tous les cas, elle ne pourrait remporter ce combat, car Akuhei était bien plus puissant qu’elle.

Quelques seconde plus tard, alors que le combat venait de se terminer aussi rapidement qu’il avait commencé, la population, pour certains visiblement déçus, se remettaient à marcher dans tous les sens, à vaquer à leurs occupations. L’espace qu’ils avaient laissés pour le combat venait de se refermer et au loin, la blanche au masque d’or voyait des ninjas apparaître. Ils restèrent quelques minutes à regarder dans tous les sens avant de disparaître, voyant que le calme était revenu et visiblement ravis de ne pas avoir à intervenir. C’était moins une avant que les ennuis ne se montrent. D’un côté, l’Itsuru avait eut raison : cela aurait posé beaucoup de soucis, et en tant qu’ambassadrice des Soumei en mission à Suna, elle ne pouvait pas se permettre une telle folie. Cette alliance était déjà fragile, et elle ne voulait en aucun cas rompre ce lien entre les deux camps. Elle se devait de rentrer dans les lignes et d’obéir aux ordres d’au-dessus. Mais une question restait alors en suspens, qu’est ce qu’Akuhei faisait ici ? Cela faisait un moment que les deux n’avaient pas eu d’échanges et pendant de nombreuses années elle l’avait cherché lors de ses différentes missions. Pourquoi faisait-il de nouveau une apparition ici, a Suna, pendant une mission de la famille Soumei ? Comment est-ce que son groupe avait évolué ? Seraient-ils de nouveau des cibles ? Avait-elle quelque chose à craindre désormais ?

Remettant son masque d’or en place avec sa main valide, elle se dirigeait alors lentement vers son homologue Azaku avant de planter son regard dans le sien. Enfin du point de vue d’Akuhei, celui-ci ne voyait qu’une partie du visage de la jeune femme, la masque dissimulant ses yeux noisettes et la partie supérieur de son visage. Alors que ce dernier allait ouvrir la bouche, sa main droite partit de nouveau dans la figure de l’homme. Une simple gifle, loin d’être aussi douloureuse que le premier coup de poing administré par la Soumei. Il n’y avait plus de rage visible, mais une colère plus singulière et plus sincère, plus contrôlée. Saahl ne supportait pas la vue de cet homme qu’elle avait défendu, qu’elle avait sauvé. Aucun lien sain n’existait entre les deux protagonistes, rien de normal. Ce n’était ni l’amour, ni l’amitié qui maintenait ce lien étrange entre eux, c’était autre chose. Le devoir ? Une dette ? Allez savoir ! Même Saahl l’ignorait. La vue d’Akuhei l’exécrait au plus haut point, et pourtant, elle ressentait comme un petit soulagement. Mais pourquoi ? Quelle était cette sensation étrange et indescriptible qui liait les deux.

Alors que Saahl se tenait la main droite ayant giflée le manipulateur de tentacules, elle émit un petit gémissement de douleur à l’impact. La colère l’avait fait oublier qu’elle s’était cassée deux doigts sur sa mâchoire. Elle tint alors son poignée une longue minute avant de finalement ouvrir la bouche à l’attention du membre de son clan. Sa voix était redevenue douce, mais n’était plus celle de l’enfant qu’il avait connu autrefois. Cette Saahl était morte et enterrée, comme beaucoup de corps et d’âmes. Tous avaient changés cette soirée d’il y avait maintenant dix ans.

« Où étais-tu ? »

Un soupir de soulagement fit s'affaisser la lourde carrure du médecin. Elle qui était loin d'être stupide avait su entendre raison. Il ne pouvait pas lui en vouloir de conserver de la rage malgré la cordialité de leurs échanges la dernière fois qu'ils s'étaient quitté. Ils s'étaient perdus de vue entretemps, bien des choses avaient dû façonner la jeune femme qui se tenait aujourd'hui face à lui. La vision du médecin avait dû ravivé la haine qu'elle s'était évertuée à étouffer après leur première rencontre tragique. Sa raison semblait plus grande et elle accepta silencieusement la proposition du Sunajin.

Lorsqu'ils partirent, d'autres soldats s'étaient dispersé à la recherche des fauteurs de trouble. Akuhei risquait d'en entendre parler. Son signalement était facile à faire et il ne passait pas inaperçu. Il plaiderait en sa défaveur pour se présenter comme l'unique responsable s'il devait y avoir des retombées à cette altercation. Pour l'instant, il était aux prises avec la redoutable marionnettiste dont la rage ne semblait faiblir. A peine étaient ils isolés qu'elle en profita pour lui administrer une gifle royale. Compréhensible, il n'essaya même pas de s'en défendre ou de répliquer. De plus, elle souffrait de son coup précédent qu'elle lui avait administré.

La joue rouge et toujours aussi silencieux, Akuhei remonta ses lunettes sur son nez. Il fixa la kunoichi qui lui faisait face. Ce n'était plus celle qu'il avait connu. Il ignorait en quoi et comment elle avait évolué au fil du temps mais il ne faisait aucun doute qu'elle s'était renforcée. Cette fameuse nuit avait dû opérer un changement avec celle qu'elle était avant. Alors qu'elle se massait sa main douloureuse, le médecin tendit la sienne, mettant à profit sa maîtrise du chakra pour apaiser ses maux. L'opération ne dura que quelques secondes alors qu'il laissait la question de la jeune femme en suspend.

- Nous avons connu des pertes. Notre paternel a voulu nous éliminer lorsque nous avons commencé à nous rebeller contre son autorité. De mes frères et sœurs, il ne reste plus grand monde.

Ironiquement, les deux être se retrouvaient maintenant liés par un même malheur. Akuhei n'avait pu qu'imaginer à l'époque ce que vivait la demoiselle et sa tribu. Des années plus tard, il avait expérimenté cette profonde tristesse. Même si ses pensées n'étaient pas allé directement vers la marionnettiste ce jour-là, il faisait le lien aujourd'hui et ne pouvait que comprendre la véhémence avec laquelle elle l'avait accueillie. Une triste question vint à l'esprit de l'Estropié. La famille Soumei avait subi des pertes à cause du Kagirinai mais qu'en était-il aujourd'hui ?

- Où sont les autres ? Tu es toute seule ici ?! s'étonna-t-il.

La douleur était lancinante, mais elle n’y prêtait pas attention. Cependant, ce n’était pas sans compter sur le docteur, qui devant visiblement s’en vouloir, ne répondit pas immédiatement à l’interrogation de son interlocutrice. A a place, il vint placer ses mains dotées d’une lueur verdâtre autour de la main droite et des doigts brisés de Saahl. Notre héroïne sentit une petite douleur suivit d’un grande soulagement. Une fois l’action terminée, elle se contentait de remuer les doigts. D’abord doucement afin d’éviter une trop grande douleur, puis de plus en plus rapidement. Ils étaient complètement rétablis. Les pouvoirs d’Akuhei s’étaient encore développés visiblement, il avait fait ça avec une facilité déconcertante. Ce qui devait être bien utile dans la vie de ninja de tous les jours. La Kyoujo le remerciait d’un simple signe affirmatif de la tête avant que les deux ne se mettent à marcher dans la direction opposée des quelques ninjas qui cherchaient visiblement les fauteurs de troubles. Attrapant rapidement l’Itsuru par la manche, ils se mirent à marcher tranquillement. Tout était revenu à la normale, aucun blessé ni aucun dégât, les ninjas de Suna allaient donc rapidement abandonner les recherches. Pendant quelques secondes les deux marchèrent en silence. La haine et la rage avaient tous deux complètement disparus de l’esprit de Saahl et donc n’étaient plus visibles non plus sur son doux visage blanc. Finalement, elle était heureuse de le retrouver malgré les circonstances, même si elle ne comprenait toujours pas ce lien étrange qui les unissait.

Autour d’eux, tout avait reprit comme si rien ne s’était passé. Les marchands continuaient de vendre leurs produits sur des étables conçues à ses fins, alors que les autres étaient des acheteurs. Il y avait toujours un maximum de vie dans ce quartier, c’était également pour cette raison qu’elle avait cessée de combattre son homologue marionnettiste, car trop de personnes pouvaient intervenir ou même rendre le tâche difficile à la Soumei. Mais l’envie de combattre elle aussi était passée. Après ces quelques secondes de silence, Akuhei finit par le rompre en répondant aux interrogations de Saahl quant à ce qui s’était passé ? Où lui était passé ? Akuhei rebondit simplement que les choses s’étaient compliquées, car leur paternel avait décidé de tous les éliminer et que du coup, bon nombre d’entre eux étaient morts. Beaucoup de ses frères comme il les appelait avaient trouvés la mort à la décision de ce « paternel ». Mais quel type de père voulait la mort de ses enfants ? Bien entendu, dans le contexte, tous les enfants étaient des assassins en puissance. Mais devait-on blâmer le chien qui mords, ou l’homme lui ayant apprit à mordre ? Saahl se contentait alors de ne pas répondre. Elle n’éprouvait aucun tristesse à la mort de ces assassins, car c’était aussi eux qui avaient prit la vie des siens. Elle n’aurait aucune parole vide de sens envers son homologue.

« C’est une longue histoire.. Elle prit une profonde respiration, essayant de ne pas laisser la tristesse paraître. Il y a dix ans, quand tes frères et toi avez fait irruptions dans nos vies, tout à changé. Outre les morts, beaucoup de préceptes et de concepts qui faisaient de nous ce que nous étions ont changés. Nous étions nomades, et il a été jugé plus sécuritaire d’être sédentarisé. Nous nous mêlons désormais beaucoup plus des affaires de ce monde, nous nous sommes renforcés. Elle marquait une nouvelle pause. Je suis la seule du clan Soumei à être ici à Suna. Nous avons un accord réciproque avec les autorités du sable. J’ai rejoins l’armée de Suna en tant que Genin. Je les sers tout en servant les miens. »

Elle venait d’avouer être en mission diplomatique, mais elle omettait certains détails. Elle savait qu’Akuhei n’irait pas dans tous les cas mettre des bâtons dans les roues du clan Soumei, voir même qu’il n’y remettrait jamais les pieds, mais elle ne pouvait pas avoir cent pour cent confiance en l’homme qui avait abattu tant de ses compagnons. C’était bien entendu une réaction normale, et il y avait de fortes chances pour que ce sentiment ne disparaisse jamais, qu’importe ce qui liait les deux individus. Saahl redressait alors la tête pour en marchand, profitant des rayons de soleil sur ce visage. « Tu sais, vous avez radicalement changés notre façon de voir la vie. Mais encore aujourd’hui je ne sais pas si c’est une bonne ou mauvaise chose ». Effectivement, beaucoup de préceptes du clan Soumei avaient changés suite à cet évènement d’il y a dix ans. Les femmes devinrent également des guerrières, les marchandages étaient plus fréquents. Le plus surprenant, c’était qu’au lieu de se confiner comme pourrait le faire normalement un peuple martyrisé, les Soumei s’ouvrirent encore plus au monde. Mais de façon plus méfiante. Les leurs avant tout. Bien entendu.

« Et toi que fais-tu à Suna ? Tu as intégré les rangs ? Avec beaucoup de frères ? »

Avec un certain soulagement, Akuhei était ravi d'apprendre que les proches de la jeune femme avaient continué de vivre. Différemment bien sûr, en partie à cause de lui. Ils s'étaient adaptés après avoir expérimenté les affres de la vie shinobi. Même s'il avait appris lors de son cours séjour là-bas qu'ils étaient guerriers depuis plusieurs décennies, leur perception avait dû être différente. Au point d'ailleurs que la marionnettiste se retrouve ici pour occuper une sorte de statut diplomatique.

Le seul fait de savoir la kunoichi bien en vie, comme en témoignait la mâchoire du médecin, et d'apprendre que son clan s'était relevé de cette terrible nuit, permit à l'Itsuru de s'octroyer un tant soit peu de sérénité. Il avait commis bon nombre d'horreurs sous le joug de Reizoku et cette mission nettoyage avait été une des plus traumatisantes pour lui. Elle aurait pu lui être fatale mais il pouvait être reconnaissant de la mansuétude de son interlocutrice. Elle avait plaidé en sa faveur et de cette fragile entente était né un accord qu'il s'était évertué à respecter à la lettre. Jusqu'au jour où la situation ne l'avait plus permis et où le Kagirinai fut dissout.

- Je suis rassuré de vous savoir en forme, admit-il.

Encore des propos qui pourraient susciter la colère de la jeune femme. Akuhei était un homme maladroit avec les mots. Foncièrement bon, il ne pouvait pas agir de manière malveillante sans se sentir immédiatement coupable. De là découlait une incommensurable maladresse, comme il en avait fait preuve il y a dix ans en se retrouvant unique survivant et responsable des agissements de l'escouade. D'ailleurs les mots de la Soumei furent là pour le lui rappeler. Leur rencontre avait profondément modifié la perception de vie de son clan. Que pouvait-il dire ou ajouter ? Cette fois conscient de l'immense mal qu'il pourrait causer en disant les mauvaises choses, il eut la sagesse d'opter pour un silence, ponctué d'un soupir de tristesse où il étouffa l'envie de lâcher un vulgaire "désolé".

Fort heureusement, la kunoichi enchaîna en s'intéressant à lui et à ce que sa "fratrie" faisait ici. Plongeant les mains dans ses larges poches, il jeta un petit coup d'œil autour de lui avant de se décider à s'exprimer.

- Lorsque notre père a essayé de nous éliminer, il a rasé notre foyer et supprimé tous nos frères et sœurs restés sur place. Nous n'avions plus rien. Nous nous sommes donc réunis et nous avons trouvé une piste nous permettant de le retrouver. Même si nous ne sommes plus qu'une petite dizaine, nous avons la ferme intention de lui mettre la main dessus.

Inutile vraiment de continuer. Après un tel exposé, son interlocutrice devait bien comprendre qu'il ne s'agirait pas d'une banale réunion de famille. Comme toute l'histoire de cette engeance maudite, elle se règlerait dans le sang. Le fait d'en parler fit réaliser une chose à l'Itsuru. Celle qu'il avait connu gamine était maintenant une femme capable de mettre son pouvoir au service d'une cause plus grand que sa modeste famille. Il se souvenait du ressentiment qu'il avait eu en découvrant leur bunker mis à sac et les corps brûlés de ceux qu'il avait entraîné. Ce qu'il avait éprouvé pour son père. Ce sentiment que beaucoup avait dû avoir dans le Yuukan par sa faute. Il avait la possibilité aujourd'hui d'accomplir son désir morbide. Peut-être que la Soumei partagerait cette envie.

- Nous le retrouverons, quoi qu'il advienne. D'ailleurs, si tu souhaites nous y aider, tu serais la bienvenue. Tu as autant de légitimité que nous pour te lancer dans cette quête.

Le visage de notre Dorée restait totalement impassible, ses traits fins entrant dans une phase de stagnation totale lorsque son homologue Sunajin avait prononcé son soulagement de savoir le clan Soumei, la famille dont il avait perpétré le quasi-génocide, rétablit et en croissance constante. Saahl restait impassible, car réagir à de tels propos d’apporterait tout simplement rien de bien. L’expression usuelle est tout à fait véridique dans ce genre de cas : la parole est d’argent, mais le silence est d’or. Et puis elle savait tout au fond de son être, que jamais elle ne pourrait pardonner entièrement à Akuhei les atrocités dont il, avec son groupe, s’était rendu coupable. Prendre ainsi la vie d’êtres humains sans aucune raison, ou du moins sans même en connaître les raisons, était tout à fait exécrable. Elle savait que l’âme de l’Itsuru irait en enfer, même si ce ne serait surement pas elle qui allait l’y envoyer. Il n’y avait plus autant de colère qu’autrefois dans le coeur noircie de notre protagoniste, mais une rancune tenace et éternelle. La Soumei avait décidé de ne plus réagir à ces propos concernant les Soumei, aucune excuse n’était valable, inutile de relancer la conversation. Continuant donc à marcher dans le quartier commerçant, elle jetait un regard en arrière. Les deux comparses n’étaient visiblement pas suivi. Aucun ninja en visuel, ils devaient avoir totalement abandonnés les recherches des fauteurs de troubles.

Soudainement, Saahl fut bousculée. Une légère douleur au niveau de son bassin avant de faire un pas sur le côté. Quelqu’un venait de lui rentrer dedans. Se retournant rapidement afin de voir ce qu’il venait de se passer, le regard noisette se plantait dans celui d’un jeune enfant qui jouait visiblement au ninjas avec ses camarades. Il adressait un simple signe de la main à la jeune femme avec un « pardon » qui s’effaçait alors qu’il s’éloignait. Un sourire s’affichait alors sur le visage de la blanchâtre à la sombre tunique. Cette scène lui rappelait les enfants qu’elle gardait auparavant lorsqu’elle s’occupait des jeunes de la famille Soumei. Les enfants avaient l’habitude, non pas de jouer au ninjas mais eux jouaient aux guerriers. Ils simulaient des affrontement entre eux, tous avec un signe distinctif. Parfois, ils mettaient des bandeaux en tissus, contre les sans bandeaux. Ou ils mettaient un torchon au niveau du pantalon, comme pour faire une queue d’animal. C’était les torchons contre les sans torchons. C’était d’ailleurs une idée qu’avait reprit Saahl et plusieurs instructeurs lors de la formation des jeunes pousses. Tout sous forme de jeux pour éveiller les esprits et capter les plus distraits. Tout en continuant de regarder le jeune homme qui disparaissait parmi la foule, Saahl écoutait les propres d’Akuhei.

« Penses-tu que ce cercle de vengeance est une bonne idée ? Cette question venait d’être posée en toute insouciance. Elle s’était déjà elle-même posée la question. Où cela s’arrêterait-il ? N’était pas plus intelligent de simplement passer à autre chose ? Mais n’était-ce pas elle qui venait, quelques minutes plus tôt, d’essayer de tuer Akuhei ? En aurait-elle été capable ? La voix de Saahl était redevenue d’une douceur étonnante, comme si toute la haine avait disparue de son âme. Malgré la situation, je suis profondément désolée de ce qui est arrivé à ta famille. Bien que vos actes soient impardonnables, une famille est une famille, tu ne crois pas? » Dit-elle en posant doucement sa main gauche sur l’avant-bras d’Akuhei tout en continuant de marcher. Un geste de compréhension dans une situation qui, même s’il ne le montrait pas, avait dû l’affecter au plus profond de son être. Quel être humain pouvait être trahit par un propre membre de sa famille et rester de marbre ? Il n’existait pas telle créature, Saahl en était absolument convaincue.

L’homme s’était fait trahir par son propre père, qui avait voulu le supprimer lui et la totalité de sa fratrie. Pourquoi ? Voila bien une question que la Dorée ne se permettrait pas de poser. Elle était une femme ayant apprit les convenances, ayant apprit à rester à sa place et à prendre en compte les sentiments d’autrui dans ses paroles et ses actes. Parler de ce sujet était déjà tendu pour les deux protagonistes, alors elle ne comptait pas en rajouter. L’envie de se venger que ressentait l’homme mécanique était tout à fait justifiée, mais était-elle louable? C’était d’ailleurs la question à se poser quand il proposait à la Soumei de l’accompagner dans cette vengeance, prétextant qu’elle avait autant de raisons de partir en quête de revanche que lui. Mais était-ce réellement ce qu’elle voulait ? Depuis cette fameuse soirée où son existence prit un tournant obscure, elle avait de plus en plus de mal à faire la dichotomie du bien et du mal, à comprendre la différence entre une mauvaise et une bonne action. Pouvait-on faire un mauvais acte pour une bonne cause ? L’inverse était-il possible ? Où se trouvait la vérité ?

Tout était tellement plus simple lorsqu’il n’y avait qu’une vérité..

« Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est la vengeance que je cherche.. Ma colère, comme tu as pu le remarquer, est toujours présente. Mais qu’est ce que cela changerait au final. Nombres de mes camarades sont partis, et la mort de ton père n’y changerait. Elle marquait une courte pause avant de tourner la tête vers Akuhei, plongeant son regard dans le sien, comme pour l’attirer sur un chemin important, qu’il devait absolument retenir. Mais si cela permet de l’empêcher de commettre d’autres atrocités. Compte sur moi ! »

Clairement, ce n’était pas le genre de Saahl de se porter volontaire pour une mission d’assassinat. Mais il parait que la fin justifie les moyens. Et ne connaissait pas les fins de l’homme qui était le paternel de l’Itsuru, dieu seul savait quels moyens il allait utiliser pour atteindre ses fins. Si les Soumei n’étaient qu’une gêne pour ce paternel ingrat, que ferait-il face à un véritable obstacle. Les génocides n’étaient plus admis sur cette planète. Et si Saahl pouvait faire quelque chose, alors il était de son devoir d’intervenir, quitte à avoir les mains sales. La Dorée n’avait jamais rechigné à la tâche, même à avoir recours à la violence. Ce ne serait qu’une fois de plus. Et si cela pouvait permettre aux jeunes Soumei de vivre plus paisiblement, ça valait le coup.

« Que ferez-vous lorsque votre père sera mort ? »

Les sages propos de la jeune femme ne firent que renvoyer l'Estropié à ses propres démons. Le tourment que lui causait toute cette situation. Depuis leur arrivée à Suna, même depuis la fameuse nuit où tout avait changé, Akuhei s'était toujours concentré sur sa famille et ce qu'il était possible d'entreprendre pour retrouver leur paternel. Pour en faire quoi ? Au moins obtenir quelques réponses. Puis se débarrasser de la menace une bonne fois pour toute. Cependant, comme Saahl le soulignait, et comme il s'était déjà fait la remarque à maintes reprises, qu'est-ce que cela changerait ? Était-ce réellement bénéfique pour eux ? Pour lui ? L'esprit du médecin barouda jusqu'à effleurer la conscience de ces nouveaux membres. Même s'il en faisait une force aujourd'hui, c'était l'œuvre de son père. Lui-même n'en était qu'un outil.

Ces questions il se les était posées moultes fois. Chaque prise de conscience rapidement étouffée pour ne pas conduire à sa faiblesse. Vouloir se venger d'un homme auprès duquel il était resté toutes ces années, malgré les souffrances endurées. Tout ça dans quel but ? Espérer de la reconnaissance ? Un témoignage d'amour ou d'affection ? Rien de probant pour Reizoku, mais une quête vaine qu'Akuhei avait mené pendant tout ce temps. S'il souhaitait se venger aujourd'hui, c'était pour ses frères et sœurs disparus. Afin d'offrir un havre de paix à ceux ayant survécus. Pourtant, cela ne ramènerait pas les défunts et cela ne soignerait pas les plus meurtris. Mais quel autre choix avait-il ?

Saahl s'exprimait très bien sur le sujet. Elle était la mieux placée pour en discuter avec lui. Il l'avait plongé dans une situation différente mais en certains points équivalente. Elle devait elle aussi nourrir une amertume profonde à son encontre. Pouvant même aller jusqu'à le haïr au point de le souhaiter mort. Un fardeau avec lequel il avait accepté de vivre depuis longtemps. Mais la sagesse dont elle était emprunte était une nouvelle claque au visage du médecin. Elle mettait en exergue la futilité de son action. Pourtant il ne pouvait pas simplement abandonner et oublier. Il se l'était juré et avait promis à ses frères et sœur qu'il mettrait un terme à tout cela. Il serra les poings, étouffant ce profond sentiment de tristesse qui lui écrasait cœur et tripes. Alors que les mots de la kunoichi se montraient doux et justes, les siens sortirent avec difficulté et chacun portant le poids du ressentiment de celui qui les proférait.

- Je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas oublier ce qu'il a fait. Je ne peux pas tourner le dos à ma famille et simplement accepter ce qu'il nous a fait subir. Ces choses, dit-il en désignant les tentacules, ne seraient pas là sans lui. Même s'ils me sont utiles, j'aurais dû être simplement un shinobi. Ma situation est de son fait. Il a provoqué un accident qui aurait dû m'empêcher d'utiliser mes bras à tout jamais. Il a brisé chacun de nous au plus profond de nos êtres. Mon entreprise paraît puérile, presque cliché, mais c'est ce qui me raccroche à la vie aujourd'hui. Je ne pourrais pas la poursuivre sans me délester de ce fardeau. J'y trouverais certainement la mort, et je l'aurais mérité. Je ne suis pas un sain, je m'y suis fait il y a de cela bien longtemps.

Entraîné dès le plus jeune âge à ôter la vie. Voilà le passé qu'il traînait sur ses larges épaules. Pas étonnant qu'il avait voulu quitter ce passé martial pour quelque chose de moins brutal. Suna lui offrait une délivrance. Sommaire certes mais salutaire. Le village lui permettait de reconstruire des années de sévices. Le jour où il serait prêt, il pourra se confronter à son Némésis. Il était trop faible actuellement pour l'affronter. Pas seulement physiquement.

Saahl mettait encore le doigt sur un élément important. Et après ? Lorsque Reizoku aura expliqué ou répondu de ses crimes, que se passera-t-il pour l'Itsuru ? A poursuivre ce projet, qu'adviendra-t-il de l'Estropié lorsque tout ceci prendra fin ? Très souvent la question revenait. De la bouche de ses proches ou même par pensée. Un léger soupir vint dégonfler son poitrail alors que son regard, toujours dissimulé par ses lunettes teintées, se posait sur les grains de sable au sol. A question simple, la réponse s'annonçait alambiquée. Mais plus il y songeait et plus une vision idyllique s'imposait. Une utopie qu'il préférait chasser de sa tête mais qui revenait à la charge inlassablement.

- Je me consacrerai au soin de mon prochain. J'ai acquis des compétences médicales qui peuvent être utiles et je tiens à les mettre à profit. Le village m'a offert la possibilité d'ouvrir mon savoir à des estropiés dont la vie pourrait changer s'ils pouvaient de nouveau marcher ou utiliser leurs mains.

Une aubaine pour le médecin meurtri. Mais une réalité plus sombre s'imposait toujours à lui. La quête de son père le mènerait au néant. La Mort était au bout du chemin. Il en avait conscience et s'en félicitait, plutôt que de se nourrir de faux espoirs. Il préférait cependant garder cette pensée pour lui-même. Au lieu de ça, il s'intéressa à son interlocutrice :

- Et toi alors ? Qu'est-ce qui te pousse à rester ici plutôt que de rester auprès de ton clan ?