- Shizue dort déjà ?

Un thé à la main, assis dans l’un de ses fauteuils dans la pénombre de sa terrasse, Genkishi attendait. A croire qu’il avait senti qu’elle viendrait ce soir. Elle avait certes envoyé plusieurs rapports, mais le timing dont il faisait preuve était impressionnant.

- J’espère que tu as pris soin de border ta nièce préférée avant qu’elle ne s’endorme paisiblement.

Léger sourire sarcastique lorsqu’elle se retourna pour lui faire face. Miyako n’avait rien contre sa cousine, elle trouvait juste très drôle toute l’attention que l’Hyûga lui portait – bien plus que ce dont elle avait eu droit à la capitale. Bien sûr, les attentes de Genkishi n’étaient pas les mêmes, tous comme leurs besoins. Miyako avait été chérie et chouchoutée, Shizue presqu’abandonnée. Mais tout de même : voir son oncle qui lui en avait tant fait baver se transformer, sur certains aspects, en papa poule avait de quoi la faire rire.

Miyako lui lança le parchemin où la Daimyô du fer avait écrit ses recommandations et ses instructions, suivi des quelques pages que faisaient le traité.

- Mission réussie.

Au-delà de la certitude et de la sérénité qui transparaissaient dans sa façon de parler, c’était surtout le soulagement d’avoir réussi sa première mission officielle depuis des mois. Elle avait su relever Konoha, grand bien lui en fasse : Genkishi devait se persuader qu’un singe avec un chapeau en aurait été tout aussi capable. En revanche, elle se devait de lui montrer qu’il avait fait le bon choix. Miyako alla s’assoir à côté de lui, s’étendant sur un autre fauteuil et prenant un coussin entre ses bras. La pression venait de retomber maintenant qu’elle était « chez elle », et la fatigue la rattrapait. Avoir ses sens en permanence aux aguets était exténuant.

- Elle a été bien plus docile que ce à quoi je m’attendais…

Miyako entreprit de tout lui raconter. Leur arrivée, leur passage par tous les postes de sécurité du monde, les doutes autour de Razan, l’arrivée de Mori le lendemain…

- … sans aucune défense. Elle a plus peur des siens que des étrangers, même si elle a voulu me faire croire que ses gardes sortiraient de la théière si je comptais m’en prendre à elle.

Un grand moment.

- Tu voulais savoir si c’était une compétente… Je suis mitigée. Je pense qu’elle croule sous les problèmes et qu’elle ne demande qu’à être aidée. Mais elle n’est pas dénuée d’intérêts.

Le petit réchaud portatif faisait des merveilles. Installé comme à son habitude sur la terrasse, l’Ombre appréciait le semi-silence de son jardin. Le vent balayait quelque peu les bruissons, un léger clapotis faisait résonner la mare tandis qu’au-dessus d’eux trônaient majestueuses les différents astres. La quiétude du moment avait tout pour lui plaire. Et pourtant il ne pouvait s’empêcher de à laisser ses pensées inquiètes se porter tranquillement vers les difficultés à venir. La nuit était calme mais n’avait rien de relaxante. Le calme avant la tempête en soit.

Les bruits de pas de l’Aburame firent légèrement craquer le parquet avant qu’elle ne fasse coulisser le panneau. Immobile, l’Ombre porta simplement le thé au jasmin à ses lèvres, admirant ces faibles lueurs et plus particulièrement la constellation qui semblait comme adopter l’apparence d’un aigle en plein vol. Fascinant.

- Non, malheureusement à cette heure elle doit être en train de batifoler à gauche à droite. Tu étais bien plus facile à gérer à l’époque, de mémoire aucun prétendant ne se bousculait à ta porte.

Soupirant de lassitude de sa propre boutade, l’Hyûga trouvait malgré sa pique la situation désespérante. Shizue était en effet bien plus insupportable et mal élevée que Miyako au même âge …

Attrapant d’une main le parchemin en plein vol, l’Ombre se passa la langue sur sa dentition d’un air absent alors qu’il ouvrait le parchemin et en parcourut rapidement le contenu les sourcils froncés.

- Sauf erreur il me semble que ta mission consistait surtout à établir un premier contact … Pas à rapporter d’ores et déjà un accord militaire et commercial.

Faisant claquer sa langue, il invita Miyako à s’asseoir à ses côtés et se verser le thé dans la tasse qu’il avait sorti en avance à son intention.

- J’avoue … être quelque peu perplexe. Soit tes pouvoirs de persuasion se sont révélés bien supérieurs à ce à quoi je m’étais habitué, soit elle était en effet réellement désespérée.

Se grattant le menton d’un air songeur, l’Ombre reporta son attention sur son élève qui contre toute attente avait surpassé ses attentes.

- Dans le premier cas, peut-être faudrait-il que nous fassions en sorte que tu remplaces à terme Teruo.

Une légère boutade qui mêlait toutefois un fond de vérité. Teruo était bien trop facilement influencé. Et il le savait pour en être l’un des premiers à se comporter de la sorte avec lui … Cependant l’actuel Seigneur du Feu prêtait son oreille à d’autres et tenait sa cour sans grande fermeté. Si l’Aburame maîtrisait déjà un tel niveau au jeu politique, cette option pourrait …

- Et sa situation ? Le pouvoir en place t'a-t-il semblé stable ? Au vu de …

Montrant la lettre où la Daimyo elle-même avait écrit à l’attention de l’Aburame pour s’excuser du maigre délai qu’elle avait pris pour rédiger si rapidement un accord, l’Ombre reporta son attention sur l’albinos.

- ... sa missive, je me demande si elle ne t’a pas caché quelque chose. Peut-être que sa situation était bien plus fragilisée que ce que nous pensions. Auquel cas il serait peut-être bon de nous entretenir également avec ses opposants. As-tu eu l'occasion de les croiser ? Ou peut-être ne se trouvaient-ils pas à la capitale, ce qui ferait sens…

Portant sa tasse à ses lèvres, l’Hyûga se posait un bon lot de questions pour le moment sans réponse. La quiétude de la nuit s’était comme envolée. Et pourtant, son esprit était comme apaisé, rassuré … satisfait.

Elle grimaça à l’idée de prendre la place de Teruo.

- Yurk, si c’est pour me taper tous tes copains Conseillers que je me suis évertuée à éviter pendant des années, non merci. Je préfère agir dans l’ombre, ça a quelque chose de plus… classe. Et de moins dangereux aussi, on évite la moyenne de trois tentatives de meurtre, d’empoisonnement ou d’énucléation à la petite cuillère par jour. Presque reposant.

Elle posa sa tête contre le dossier du fauteuil et pris une grande inspiration en se frottant les yeux.

- Je ne dirais pas désespérée, je dirais… en recherche d’aide. Je vois dans cet accord une espèce de main tendue. Je lui ai bien fait comprendre que Konoha pouvait agir dans ses intérêts.

Et tout résidait dans le « pouvait » : elle n’avait pas évoqué les conditions d’intervention ni les raisons qui les pousseraient à accepter de réellement prêter mais forte à Tetsu. « Si Konoha y trouve son intérêt » était la seule raison.

- A partir de là, je pense que c’était gagné. Elle a cependant dit quelque chose d’intéressant.

C’était à noter, puisque la Daimyô n’avait pas réellement existé dans ce débat. Mais elle avait réussi à susciter de l’intérêt chez l’Aburame.

- Elle m’a demandé ce que nous attendions de Tetsu si Hi venait à entrer en guerre, et notamment contre une autre Grande Nation. Qu’il en soit à l’origine… ou non.

Tsuchi, Mizu, Kaminari et Kaze avaient, à l’heure actuelle, tous des situations politique, économique et sociale différentes… mais dont Konoha et Hi ne connaissaient rien. Au pire, des rumeurs, au mieux de vagues informations trouvables dans n’importe quel marché du Yuukan. Une situation assez peu enviable dans un monde où l’essentiel du pouvoir et de la puissance résidaient dans l’information.

- Ca, couplé à la discussion autour de la situation de Tetsu entre Tsuchi, Kaminari et Hi m’a fait prendre conscience que nous ne connaissons rien de nos adorables concurrents que sont Suna et Kumo. Et dans un monde où on ne connait rien du Jinsei non plus, je trouve qu’on commence trop à « ne pas connaître » nos ennemis ou nos potentiels ennemis.

Elle réfléchissait en même temps qu’elle parlait, sans vraiment savoir où elle allait. Pour Tsuchi, des informations pourraient s’acheter à Iwa sans trop de souci. Pour Mizu, elle espérait que Jin revienne avec des informations intéressantes (aha). Pour les deux autres… la présence d’un village ninja compliquait la donne.

- On a besoin d’en savoir plus sur Suna et Kumo.

- Et que lui as-tu répondu ?

Fit-il, interrogateur. En tout cas la réponse semblait lui avoir plu au vu de l'accord qui en avait résulté. Ce qu'ils attendaient réellement ? Hmm ... C'était en effet une très bonne question qui en réalité dépendrait avant toute chose de leurs opposants. Si demain Kaze leur déclarait la guerre, serait-il véritablement judicieux de demander la monopolisation des troupes Tetsujines ? Si tant en était qu'on le laisserait agir de la sorte. A minima dirait-il leurs nouveaux alliés seraient-ils sollicités pour être mis à contribution d'une manière ou d'une autre. Il existait en effet plus d'une façon de participer à une guerre et sans risquer la vie de leurs soldats pour faire perdurer ce début d'alliance, Tetsu avait bien d'autres ressources et savoir faires qui seraient fort avantageux en cas de conflit.

- ... Soit.

Soupira-t-il, las devant l'énième relance de l'Aburame quant à Suna et Kumo. Elle avait cependant raison... s'ajoutait à cela l'attaque organisée de bandits sur un convoi Hijin et leur étonnante préparation suggérant que leurs ennemis étaient bien plus implantés que ce qu'il ne pensait initialement.

- Nous leur enverrons une missive dans les prochains jours pour nous entretenir avec eux du problème que représente le Jinsei ...

Soupirant de nouveau avant de lâcher la suite qu'il cédait avec amertume, l'Ombre reprit son discours.

- Dans le cadre d'un examen Chûnin ... Je te laisserai toutefois en assumer l'entière responsabilité étant donné ton insistance à ce propos.

Une fausse requête de sa part de toute façon puisqu'elle lui avait déjà affirmé qu'elle s'en chargerait et ce point il lui faisait suffisamment confiance pour que le déroulé des épreuves se fasse sans encombre.

- Je m'occuperai pour ma part de la sécurité du village. Et en parlant de celle-ci, un convoi de marchandises a été attaqué non trop loin de nos murs. De quoi me dégourdir les jambes pour une fois puisque qu'entre Nami, Tetsu et les missions habituelles le village manquait de gradés.

Se craquant l'auriculaire au souvenir de cette confrontation l'Hyûga continua sereinement.

- Nous avons récupéré la marchandise, sauvé les civils,secouru les Konohajins qui escortaient le convoi en même si ces derniers étaient en piteux état et capturé quelques uns de ces bandits... Rien de bien fameux si ce n'est qu'il ne semblait pas s'agir de bandits habituels. Ils semblaient avoir plus de ressources, plus de moyens ... plus de contacts. Tant pour planifier leur retraite, que pour se renseigner en profondeur sur des détails de logistique qu'ils n'auraient pas pu avoir sans quelqu'un dans notre administration. Leur chef s'en vantait même, en plus d'ajouter que sinon il mettrait à feu et à sang des milliers de convois de la même façon jusqu'à ce que nous nous pliions à leurs exigences ...

De quoi légèrement rappeler la lettre du Jinsei...

- Mais bon, affaire à suivre. Quand ils se réveilleront, nous aurons tout loisir pour les interroger.

S'ils se réveillaient... Non non, leurs blessures n'étaient pas létales, nul doute que les médecins du Complexe sauraient appliquer les traitements adéquats ...

- Dans un autre registre, l'équipe envoyée à Nami no Kuni nous est revenue. Je te laisserai lire leur rapport à l'occasion mais si ma mémoire ne me joue pas des tours le compte rendu était relativement simple. Amaya, Tenryu et Sukunabikona ont attesté de la cruauté des forces locales, de l'inégalité présente sur l'île et ont réussi à prendre contact avec la Rébellion. Un bilan assez global de la situation sur l'île qui s'affinera au fil des interventions sur place.

Songeur, il soupira pour lui-même, se remémorant le compte rendu.

- Au niveau de chacun sinon ... Sukunabikona semble avoir été tellement sous le choc des conditions de vie des locaux, qu'il n'aspire plus à y faire des missions humanitaires de crainte que Hi no Kuni ne se retrouve dans cette situation. Tenryu à l'inverse défendait une intervention massive dans la minute -bon soit j'exagère peut-être un peu dans son cas. Amaya continuera d'endosser son rôle de Jonin de la Feuille sous l'identité d'Amasami tout au long de l'opération de Nami no Kuni et Yamato ...

Nouveau soupir, un peu plus bruyant que les précédents.

- Etait chargé de distraire le Daimyô en lui proposant un faux accord commercial le temps que les autres récoltent des informations. Disons que j'ouvre mon courrier avec une certaine appréhension ces derniers jours ...

- Et que lui as-tu répondu ?
- Je lui ai demandé ce que ferait Tetsu si Tetsu venait à entrer en guerre, et notamment contre une Grande Nation.

Pause dramatique.

- Elle n’est pas stupide, elle sait bien que son pays se trouve au croisement de trois Grandes Nations. Un jour ou l’autre, elle se doutait que quelqu’un viendrait leur rappeler leur position. On a été les premiers à le faire, tant mieux pour nous. Elle ne peut décemment pas rester neutre avec les trois, elle devra faire un choix si elle ne veut pas voir son pays rayer de la carte ou pire, être annexé à Kaminari.

Il finit par accepter la requête de l’Aburame concernant l’examen, à la condition qu’elle s’en occupe elle-même. Elle y voyait là une faveur : avait-elle déjà émis l’hypothèse de ne pas organiser un tel évènement elle-même ? Avait-elle ne serait-ce qu’évoquer l’idée, la possibilité d’être suppléée, aidée ou assistée pendant cette période ? Miyako soupira.

- Bon, bon… Si tu insistes. Je m’en occuperai…

Léger sourire, pendant qu’il entamait le récit de ses exploits face à des bandits de grand chemin. Une affaire qui aurait pu être banale s’il n’y avait pas inclus la possibilité qu’une taupe se trouverait parmi les responsables Hijins.

- Si complice il y a, je doute qu’il se trouve à Konoha. On contrôle bien trop les informations et leur diffusion pour qu’un risque majeur existe. J’y ai veillé. Enfin, on n’est pas à l’abri d’une immense trahison, mais je me permets d’en douter. Ce qui signifie…

Miyako savait que Genkishi avait gardé des contacts à la capitale. Il n’appréciait pas grand monde, était plutôt taciturne, mais il avait tout de même cette fidélité et cette loyauté auprès de certaines de ses connaissances ; dont beaucoup au siège du pouvoir Hijin. L’autre instance capable d’obtenir de telles informations, c’était le gouvernement, dont le chef, Nakano Teruo, était un proche du Hyûga. C’était surtout une instance composée de personnes disparates et que Konoha ne gérait absolument pas.

- Tu comptes en parler à Teruo ?

Puis vint le dossier Nami. Elle écouta avec attention, se retenant de sourire ostensiblement à la mention de Yamato.

- Amaya n’a pas été la plus maligne non plus à l’envoyer lui. C’est un Jônin compétent, dans son domaine. Qui n’est pas de discuter avec les instances politiques.

Miyako avait une certaine affection pour le Yuki, même si elle devait avouer que ses méthodes vikings pouvaient parfois prêter à sourire.

- Amasami est donc notre nouvelle Jônin. Ravie de l’apprendre. Elle compte poursuivre dans cette voie ou c’est juste le Pays des Vagues qui la branche ?