Depuis la fin de l’épreuve, la vie du jeune homme était devenue un véritable enfer. Qui l’eut cru qu’une « simple » victoire lui accorderait cet élan de popularité malvenue ? On le reconnaissait dans la rue, on essayait de lui demander de conter les histoires de ses aventures. Mais pour Rin, il n’y avait rien à conter. Shizue avait rendu ce moment un peu moins désagréable, et elle avait même réussi à rendre le garçon fier de lui pendant un bref instant.

Mais tout avait une fin. Et rapidement, il fut pris d’angoisse. Qu’allait-il se passer ensuite ? Et s’il réussissait la seconde épreuve, est-ce qu’il passerait Chûnin ? De là, la vie allait être bien plus complexe pour lui non ? Au-delà des responsabilités associées, c’était surtout de savoir s’il voulait faire véritable allégeance à l’ombre du sable. Il ne la connaissait pas, et certes, Mayuri lui faisait confiance, mais Rin n’était pas Mayuri. Son cousin croyait au renouveau du clan, le blondinet n’y croyait juste plus du tout. Dans l’idéal, il aurait voulu un autre nom de famille. Repartir à 0, se battre pour des idéaux qui comptaient vraiment pour lui.

Mais était-ce là une destinée possible pour un Shinobi ? N’était-ce pas dans l’essence même des ninjas que d’être des mercenaires à la solde des plus offrants ? N’y avait-il derrière ce titre aucune lettre de noblesse ? Aucune volonté d’user de son pouvoir pour faire naître un monde meilleur ?

C’était plongé dans ses pensées que le garçon s’en alla sur une petite île qu’il avait repéré au centre du lac. Ses chaussures non loin, posant ses pieds dans l’eau, il réfléchissait. Au calme, loin de la tempête provoquée par les milliers d’individus grouillant au sein du village. Ici, sur cet îlot presque paisible, caressant d’une main la douce brise l’effleurant, y mêlant son chakra pour presque faire disparaître le bout de ses doigts.

Un moment de douceur appréciable. Un instant presque divin, qui apportait le calme au cœur de la tempête qu’incarnait le jeune homme.

Une tempête d’incertitude et de doutes quant à la voie qu’il devait suivre… ou se devait de suivre. La nuance était faible.

Le calme.

C’était ça, que recherchait désespérément le garçon aux cheveux d’or. Dans ce village verdoyant, grouillant de monde, d’agitation et d’excitation. Qu’est-ce qui pouvait bien pousser les gens à déployé autant d’énergie pour un simple examen ? Le garçon l’ignorait. Lui, on l’avait trainé ici. De force, en vérité. Mayuri avait veillé à ce que chaque Genin Hizori du village participe. Lui comprit. Et il avait même fait mieux encore : il avait réussi à passer la première épreuve avec succès, ce condamnant une seconde fois.

Que c’était-il passé dans cette forêt ? Et où pouvait bien être Shizue ? En repensant à ce passage dans la forêt, le garçon eut ses joues qui devinrent pourpre. Il n’arrivait plus à savoir si ce moment, ce fameux sandwich contre l’arbre, était désagréable ou agréable. Rah, cette Hyûga lui faisait perdre la tête. Et pire que ça, elle était la nièce de l’Hokage encore en place. Autant dire que lui, l’honni du clan Hizori, il n’avait aucune chance.

Mais est-ce qu’il en voulait vraiment une, de chance ? Et qu’est-ce qu’il ressentait, exactement ?

Rin récupéra de l’eau entre ses mains qu’il applica délicatement sur son visage, avant de poser ses mains derrière lui, et de se mettre dans une position pseudo-allongée. Cet endroit était paisible. Il appréciait.

Du moins, jusqu’à ce qu’il se fît interrompre par une voix ingénue. Rin se retourne, jetant un coup d’œil à celle qui avait fait le chemin jusqu’ici. Il n’y avait aux alentours, aucun bateau à l’horizon. Et elle ne semblait pas mouillée. Pour en déduire qu’elle avait traversée en marchant sur l’eau – comme lui- il n’y avait qu’un pas. Puis, son regard remonta vers l’œil de la femme pâle. Une borgne, comme Shizue. Mais elle, elle était albinos. Une belle chevelure blanche, et des yeux d’un rouge vermillon, et un sourire éclatant.

Elle était jolie.
Elle était jolie, un peu comme Shizue.
Et elle était borgne,
Elle était borgne comme Rise.
Mais sa prestance était supérieure à Shizue.
Et Rise n’avait pas de fleur en guise de cache-œil.

Bon sang, les filles allaient lui faire perdre la raison.

« Ça va… » répondit le garçon, alors qu’il fixait la fleur avec un regard tantôt intrigué, tantôt inquiet. Est-ce qu’elle poussait dans son orbite, ou était-elle simplement décorative ?

Et puis, l’examen revenait sur la table. Le garçon tourna la tête, fixant le lac.

« Y’a de ça. »

Il se recroquevilla contre lui-même, s’approchant proche de l’eau. Une douce brise souffla, faisant bouger légèrement la surface de l’eau. Difficile de savoir si elle venait de lui ou de l’extérieur. Pour Rin, cela ne faisait aucune différence. Elle était agréable, et comme ça arrivait à peu près tout le temps en sa présence, il n’y portait plus vraiment attention. D’une main lasse, il invita timidement la femme à s’asseoir.

« L’engouement général pour nous voir nous battre dans une arène comme des animaux me fatigue » avoua-t-il finalement après quelques secondes dans le calme. « Je ne pensais pas qu’il y aurait plusieurs épreuves… Et pas une qui semble plus s’approcher d’une manœuvre politique et économique plus que d’un moyen de nous tester. Et puis… »

Rin haussa les épaules. Il ne pouvait pas non plus parler à une inconnue aussi franchement, et lui balancer qu’il ne savait pas s’il voulait devenir Chûnin pour servir la Kazekage.

« Bref. Et vous… ? Vous êtes une participante à la recherche de calme aussi ? Vous en pensez quoi, de tout ça ? »

La quoi ?

Le garçon écarquilla les yeux, fixant la jeune femme à ses côtés. Qu’est-ce qu’elle venait de dire au juste ? Est-ce qu’il avait rêvé ? Est-ce qu’il avait tellement la poisse qu’il devait tomber sur une des personnalités politiques les plus puissantes du monde sans même être au courant et lui balancer cash « est-ce que vous participer à l’examen vous aussi ? ».

Oui, il avait bien entendu. Elle était Seika Itoe, la Shodaime Raikage. Vous savez, l’égale de celle de Tegami Hazure. Une shinobi de renommée mondiale, réputé comme étant la plus puissante des siens. Le garçon se recroquevilla d’autant plus sur lui-même.

« Désolé… Je ne voulais pas vous offenser, Maître Raikage. »

Le vent autour de Rin s’agita un peu, comme au rythme de son souffle. Si le garçon avait pu se cacher et disparaître sous sa cape, nul doute que c’était ce qu’il ferait. Mais non, elle n’en fit rien. Elle répondit à ses questions, comme s’il était quelqu’un de suffisamment important. Le garçon sorti alors timidement du repère de sa cape blanche, écoutant sans émettre un seul bruit le discours de la dirigeante d’un village entier.

« Je comprends la première épreuve. Son intérêt, son objectif. Même si c’était dur, avec un peu de recul, je dirais que je l’ai presque apprécié… Disons que j’ai eu une superbe partenaire. »

Le garçon ne pouvait s’empêcher, à cet instant, de penser à Shizue. Elle était gentille, elle était combative. Elle lui avait donné l’énergie, la force d’aller plus loin, de se surpasser. A cet instant, il avait eu vraiment le sentiment d’être un shinobi comme un autre. Pas un Hizori raté, juste un Shinobi du sable.

Quelqu’un d’autre. Ou plutôt, celui qu’il était vraiment. Il ne savait plus trop.

« Mais la seconde épreuve est grossière. Les matchs d’exhibition portent ce nom pour une bonne raison : c’est de l’exhibition. Ce n’est même pas une mise en situation en vie réelle, parce que la vérité, c’est qu’il suffit d’une simple embuscade pour mettre à terre son adversaire. Prendre l’adversaire de vitesse, par surprise, et le combat se termine aussi vite qu’il a commencé. Là, on se montre au monde, comme si faire la violence, c’était quelque chose de glorieux, d’enviable, d’excitant. »

Il fixait l’eau, et les ondulations provoqués par la Raikage.

« Je n’aime pas la violence. Et je déteste encore plus ça lorsqu’on l’exhibe devant les autres. Passer à tabac quelqu’un devant les yeux des autres ne devrait pas être autorisé, et encore moins être une épreuve pour être responsable de vie. »

Un instant de silence s’écoula. Le garçon ne pouvait que voir refaire surface des souvenirs douloureux, où on le passait à tabac devant les yeux des autres. Il n’aurait jamais cru que son examen lui demanderait de faire la même chose.

Le garçon se tourna vers l’œil d’Itoe.

« On pourrait presque se demander si ce n’est pas une tentative pour avoir des informations…  Mais est-ce que cela aurait un sens de nous mettre en équipe avec des étrangers, de tisser des liens pour ensuite nous voir nous affronter dans une arène ? Ça semble absurde, sauf si c’est le but recherché. »

Il haussa les épaules.

« Vous devez avoir vos raisons, mais c’est malaisant de s’être engagé pour faire de ce monde quelque chose de meilleurs, et de se retrouver à se battre dans une arène dont les places se vendent au prix d’or. Alors non, je ne me sens pas vraiment mieux... Mais merci d'avoir pris le temps d'essayé. Notre Kazekage n'est pas du genre à prendre le temps pour ses troupes... »

Non, elle était plutôt du genre à vouloir les tromper.