Ptit thème musical de Sanzo pour l'occasion

Les rues sont assez désertes, sans surprises. Les médecins de l'arène m'ont vaguement rafistolé, apaisant plus la douleur qu'autre chose. Je boîte toujours, je ne peux toujours pas me tenir très droit, mais c'est très supportable. J'imagine que c'est surtout à partir de demain que ça va venir taper. Ils m'ont en tout cas demandé de rejoindre le complexe Kudo Rea, pour y passer quelques examens si besoin, mais surtout remettre en place ce qui a besoin l'être. Ça ne devrait pas être long. La route jusqu'à l'hôpital me permet de me remettre les idées en place. J'ai été accompagné par ma soeur et mon Grand-Père une partie du chemin, Maman m'a dit que ce soir, on allait jouer au shōgi ensemble et boire des coups. Ça m'a fait tout drôle, jamais elle n'avait voulu boire avec moi avant. Ça va être sympa. Content d'être dans une famille de couche-tard. J'ai beau être aussi crevé qu'un Chûnin revenu d'une mission de recherche de Thé pour le Kage, je ne m'écroulerai pas avant d'avoir passé un peu de temps avec ma mère.

Je repense alors à tout ce combat, ce grand spectacle, cet affrontement sans but autre que celui de suffisamment plaire aux hautes instances pour une éventuelle promotion. Kaito m'a donné du fil à retordre. Lors de notre chute finale, j'ai vraiment crû que je serais cueilli à la chute par Saku. Mais bon, ça s'est bien fini. Mais en dehors de tout ça... Est-ce que ça en valait le coup ? J'avais beau essayer de mesurer mes actions, de niveler par le bas la puissance de mon ombre, j'ai fini par réellement blesser mon adversaire. Il doit d'ailleurs se trouver dans le complexe lui aussi, en ce moment, ramené en urgence. Un oeil déglingué, un dos en compote, j'espère vraiment que la chute ne l'a pas trop gravement atteint. Finalement, toute la joie d'avoir gagné s'est déjà envolé. J'ai maintenant la sensation de m'être livré à un combat de chien, jeté dans une arène pour une foule déchaînée, qui ne nous a pas vu comme autre choses que deux petits êtres au loin qui les ont amusé un temps. À l'heure actuelle, d'autres petits êtres au loin ont du prendre nos places. J'espère que tous les combats ne seront pas aussi brutaux que le notre. Quelle idée... La première épreuve ne leur suffisait pas ? Une évaluation sur les capacités à évoluer en équipe, à prendre des décisions dans l'urgence, à faire des compromis, et à se battre, mais sans violence inutile. Je ne saisis vraiment pas l'intérêt de cette seconde épreuve ? À quoi bon limiter la violence de la première pour laisser tout le monde se déchaîner dans la seconde.

C'est avec des pensées du genre plein la tête que je prends place dans une chambre qu'on m'a attribué. J'enlève alors l'écharpe de mon père et ôte le haut de ma combinaison, en prenant soin de ne pas mobiliser mon flanc blessé. Immédiatement, je vois qu'en effet, j'ai morflé. Une marque violette me parcoure les côtes gauches et remonte sous mon aisselle. Super. Tant qu'à faire, je m'allonge sur le lit et ferme les yeux un instant, plaçant une seule main derrière la tête, celle du côté ayant été épargné par la chute.

Une voix familière me sort de ma torpeur. J'ouvre alors de yeux interrogatoires sans arriver à remettre un visage dessus. Puis bien vite, ça me revient. Il y a des mois de ça, j'ai croisé ce médecin, le dernier des Kudo, il me semble. Il m'avait soigné ma cuisse après un espèce de froissement du à l'entraînement. Par contre, son nom, je crois, était beaucoup trop compliqué pour que je m'en rappelle plus d'un jour ou deux. C'est un Kudo donc, ça, oui. Mais alors la suite. Quelque chose qui sonne comme Suku, blablabla, na, quelque chose. Impossible d'être plus avancé que ça. Je relève alors la tête et lui fait un signe de la main.

" Pas trop mal. "

Aussi bien que quelqu'un qui vient de tomber du haut d'un arbre. Enfin, en réalité, je vais bien mieux que quelqu'un qui vient de subir une telle chute. J'ai eu la chance de me servir de mon adversaire comme d'un tremplin pour diminuer les dégât. Mais bon, avec leurs espèces d'antidouleur, je sous-estime peut-être mes blessures. Ce bleu m'a l'air un poil trop violet pour faire si peu mal. Mon médecin du jour prend alors une allure tout à fait original. Son visage se couvre alors de traits noirs, semblables à un maquillage de fête. C'est plutôt joli, finalement. Mais apparemment, il s'est mis au boulot. Je le vois me regarder des pieds à la tête, l'air concerné. Laissant retomber ma tête, j'attends qu'il ait fini son oeuvre pour reprendre la parole et m'expliquer ce à quoi je dois m'attendre pour la suite.

Hélas, les nouvelles ne sont pas bonnes. Enfin, ça aurait pu être pire. On me demande de ne pas m'entraîner, c'est quelque chose que je peux tout à fait faire. Pas de mission non plus, encore mieux. Je me redresse alors et pose mes avant-bras pour rester un minimum droit sans grand effort.

" Je comprends bien. Au milieu de tous les blessés qui vont ressortir du Colisée, n'oubliez pas de me faire un papier pour les missions, un truc à transmettre au bureau. Histoire d'être sûr. "

Je me racle la gorge avant de reprendre.

" Vous en avez reçu d'autres d'ailleurs, des Genins qui sortent de la deuxième épreuve. "

Soudain, une pensée me revient. Mais ouais... Il faisait parti du groupe pour la première épreuve, ce docteur. Je sais qu'il n'était présent pour la suite par contre. D'ailleurs, sa présence ici en est bien la preuve.

" Ça s'est passé comment, pour vous, Sora No En ? "

Quarante-huit heures. Très bien, je n'y manquerai pas. Fait inhabituel : le toubib attrape une sucette. La dernière fois que je l'avais vu, il n'avait pas lâché sa cigarette de toute la discussion. J'imagine qu'à l'hôpital, la direction lui a demandé de trouver un substitut à son addiction, histoire de ne pas fumer devant les patients. Je me rallonge et lève mon bras, déposant une nouvelle fois ma main sous mon crâne, afin de laisser le champ libre à mon soigneur. Je me doute que ça va faire mal, ouais... Je me laisse surprendre par les effets de la technique d'iroujutsu. Je lâche une exclamation, mêlant surprise et douleur, avant de ricaner un instant, face à ma propre réaction. Au moins, c'est une bonne chose de faite.

" Effectivement. " Répondis-je face au craquement de ma côte, apparemment rafistolée ?

En attendant la suite, le Kudo me parla de nos confrères genins, qui arrivaient au compte-goutte. Je soupire face aux paroles du médecin, relativement d'accord. Enfin, je n'ai pas vraiment vu les autres combat, mais en ce qui concerne le mien, tout est allé très vite. L'arbitre n'avait aucune raison d'arrêter notre combat avant la chute de l'arbre. C'est un combat, pas un apéritif-dinatoire entre deux amis. Il faut bien que l'un des deux finisse neutralisé pour déclarer un vainqueur. Mais pas forcément dans cet état "pas possible" qu'il me décrit. J'imagine que certains ont du faire preuve de zèle. La remarque quand à mes "exploits" me fait tiquer.

" Oui, Kaito était dans un sale état. Cette chute ne lui a pas fait du bien. " J'observe le médecin m'écouter et apposer un sceau, sur torse il me semble, bien, d'après la chaleur qui en émane un bref instant. Et aussi parce que je le vois, hein. " Vous avez eu des échos, d'ailleurs ? Il s'en remettra bien ? "

Alors, comme ça, il y avait des serpents géants ? On a eu de la chance finalement avec Ostara, avec nos deux groupes de Genins. Après coup, je me demande quelle aurait été notre réaction face à ce genre de créature. Enfin, que ce soit humain ou pas, tant que ça a une ombre, je peux le combattre. Et tant que ça saigne, Ostara peut aussi. On aurait trouvé un moyen. En tout cas, le Kudo me surprend. Il ne paie pas de mine comme ça mais ce gars cache bien son jeu. Je serais curieux de le voir se battre.

" C'est ça, on a tous pu voir où ça pêchait. Et allez-y, je serai pas plus prêt dans cinq minutes de toute manière. "

Je fixe alors le plafond, dans l'attente d'un second craque, à moins qu'il ne me réserve quelque chose d'autre pour cette fois.

" Et vous pouvez me redonner votre prénom ? Je retiens mieux au deuxième essai en général. "

Finir paraplégique. Et bien merde. Je vais attendre les résultats des soins, avant d'aller ruminer cette nouvelle chez moi, ayant maintenant connaissance du caractère un peu alarmiste que semblait avoir ce Sukunabinoka. Du moins, c'est ce que ses paroles me laissent penser. Je ne suis pas sûr qu'un médecin soit habitué à lâcher de tels informations en temps normal, surtout à un simple patient comme moi. J'espère simplement que Kaito s'en tirera bien. La chute l'a bien plus blessé que moi. Et je ne suis apparemment pas dans un très bon état non plus, c'est dire. Enfin, rien qui ne m'autorise à me plaindre non plus. Enfin... Suku, Sukunabikona, je devrais pouvoir retenir cette fois-ci. Pourquoi il pose sa main sur son épaule ? Ils m'énervent à faire ça les médecins. Vous pensez que vous immiscez dans mon espace personnel va me rendre plus confiant, plus calme ? Je suis déjà torse-nu, blessé, fatigué, alors pas besoin d'en plus apporter une couche de bienveillance mal placée par-dessus. Ou alors, c'est moi le problème. Je crois plutôt que c'est ça. Je n'aime pas cette situation, et tout geste de sympathie venant d'un médecin m'énervera sûrement un peu plus.

Je vais devoir la recasser. Pardon ? C'est donc si grave que ça ? Je vais devoir me faire péter la côte ? Les médecins du Colisée sont si mauvais que ça ? QU'est-ce que c'est que ces histoires, encore... Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que le Kudo me brise la hanche, pour la seconde fois, apparemment. Je me redresse alors d'un coup sec dans un cri de douleur. Putain, mais qu'est-ce qu'il se passe là ? On est pas censé pratiquer un anesthésie quand il s'agit de casser une hanche ? Une luxation, je veux bien, mais casser une hanche ! Bordel... Grâce au sceau apposé sur mon torse, la douleur disparaît vite et je me rallonge, laissant retomber les mains, paume vers le plafond, sur mon front, soufflant un bon coup.

" Avec votre main sur l'épaule, là, je pensais que vous alliez être du genre à m'expliquer pendant quinze minutes ce que vous alliez faire. Mais au moins, on ne perd pas de temps, c'est bien. J'en ai encore pour longtemps là ? "

Je me racle alors la gorge et me frotte les yeux, fatigué. Je n'ai plus qu'une envie : rejoindre mon lit et y rester pendant une quinzaine de jours. Surtout avec cette histoire de hanche en vrac, je compte bien en profiter pour passer du bon temps à la maison et profiter d'une exos bien merité.

Deux ou trois petites choses ? Je soupire bruyamment avant de me redresser pour me mettre en position assise. La douleur me semble fortement atténuée, et même remplacée par une sensation de chaleur au niveau des hanches. Ce n'est pas désagréable. Enfin, je me doute qu'on ne va pas me laisser partir juste après m'avoir cassé les hanches. Ce serait peu prudent. J'espère simplement ne pas avoir à subir une batterie d'examen, ou pire, devoir rester une nuit ici, en observation. Pas ça. Je veux mon lit, et ma cuisine. Je veux manger. J'ai faim. Bon sang que j'ai faim et soif. C'est comme si ces sensations revenaient à moi d'un coup. Au moins, ça veut dire que j'ai pas perdu l'essentiel de vue : manger, boire et dormir. De ses yeux aguerris, et toujours entourés d'arabesques, je vois le Kudo m'observer de part en part, apparemment moins préoccupé qu'il y a quelques instants. J'en déduis qu'il a rattrapé l'erreur de ses collègues.

Un déambulateur ? Mais non ? C'est une blague ? Je préfère rester alité deux semaines plutôt que de me déplacer avec ça. Non, non, non... Descendre de ce lit représente maintenant pour moi une épreuve bien plus importante que celle dont je sors. Le Colisée, ce n'est plus rien à côté de l'enjeu qui se déroule ici. Un déambulateur... Et puis quoi encore ? Aussi, je laisse pendre mes jambes avant de mettre pied à terre. La douleur est belle et bien présente, j'ai du mal à mettre du poids du côté de la hanche blessée, ou qui l'était du moins. Mais je ne suis pas non plus incapable de marcher. Une béquille soulagerait sûrement ça, j'imagine. Je fais alors quelques pas claudicants vers la porte avant de me retourner pour m'adosser au mur et mettre les mains dans mes poches.

" Alors, Kudo Sukunabikona, comment ça va cette hanche ? "

C'est sans problème que j'utiliserai la menace pour ne pas avoir à quitter cette pièce avec un déambulateur. Enfin, de toute manière, je pourrai juste partir en rampant s'il le fallait. Mais bon, j'ai l'air de bien m'en tirer pour quelqu'un qui vient de tomber de la cime d'un arbre. Avec un peu de chance, je vais m'en tirer avec ces deux semaines de repos et rien de plus. Et puis ce soir, je dois rejoindre la famille pour qu'on se vide une ou deux bouteilles ensemble. Enfin, je ferai ça avant Maman si j'ai bien compris. Je ne sais pas si les autres seront de la partie ou pas. C'est étrange... Je n'ai jamais eu de dîner comme ça, juste avec ma mère, ou alors sur le pouce à midi. Mais rien d'aussi prévu...

Je pense que je vais pouvoir rester debout ce coup-ci, surtout qu'on m'apporte maintenant ma canne. Bon... J'imagine que c'est un mal pour un bien. Canne ou pas, je n'ai pas prévu de faire autre chose que marcher pendant les deux prochaines semaines. Mais je vais essayer de m'en débarrasser au plus vite, quand même. J'attrape l'objet, le faisant brièvement tourner dans ma main avant de le tester avec quelques pas à droite, à gauche, écoutant les paroles du médecin. Trois anti-douleurs par jour ? Je pousse un profond soupir. Je risque d'avoir une belle flemme de respecter toutes ces consignes. Rien de rebelle dans ce comportement, je suis simplement capable d'oublier tout du jour au lendemain. Et puis, certes, je dois faire attention à ma hanche, mais tant que j'y fais attention, libre à moi de prendre ces cachetons ou pas. Et quant à la rééducation... S'il le faut. Je verrai bien comment je me sens. Enfin, j'imagine que ce seront des exercices à répéter chez moi. Ça, je peux faire.

J'attrape son papier et le plie en quatre pour le fourrer au fond de ma poche arrière avant de renfiler ma combinaison. La lettre, quant à elle, est beaucoup plus importante. Je reste quand même assez perplexe sur le fait qu'aucun messager ne soit employé à filer ces lettres au bureau, et que ce soit à moi d'y aller. Bizarre. Mais bon, je peux bien faire un détour. Le lit peut bien attendre. Je dormirai plus tranquille en sachant que les gradés me savent exempté. Je me rapproche alors du médecin en silence et lui fait signe de s'écarter : mon écharpe est posée juste derrière. Après l'avoir remise autour de mon cou, je me prépare enfin à partir.

" Merci, docteur. Je vais faire du mieux que je peux, pour la rééducation en tout cas. Vous devez avoir d'autres os à casser ou ressouder, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. "

D'un pas claudiquant, mais sans douleur, je quitte finalement cette chambre avec un dernier mot pour le Kudo.

" Bon courage pour les prochains venins qui sortiront du Colisée, je fais apparemment parti de ceux qui s'en sont le mieux sorti. "

Et me voilà finalement hors de toutes ces histoires d'examen, pour de bon. Enfin ! Bon, cette canne, je verrai demain si j'ai encore mal, sinon je l'offrirai à Grand-père, je sais qu'il en fait la collection. Il faut que je passe par le bureau des missions maintenant.