Haise revenait de mission. Une banalité concernant l’acheminement d’une ligne commerciale entre Kumo et un petit territoire situé proche de Kaminari no Kuni. Les missions extérieures n’avaient pas seulement vocation à annexer ou faire d'autres invasions forcées après tout. Parfois, les alliances ou conquêtes se faisaient par la coopération et le pacifisme. En se rendant indispensable commercialement, Kumo se mettait un territoire dans la poche. Aussi petit fût-il. Ainsi, cinq genins menés par Haise furent envoyés sur les lieux avec un ordre simple: établir de petits avants postes sur la route, mettre en place le ravitaillement et laisser parler le reste.
Ce fut sur le retour qu’il se sépara de la troupe, les laissant faire leur premier rapport sans avoir besoin de s’encombrer de l’autorité d’un supérieur. En réalité, Haise n’y voyait aucun intérêt et ne plaçait guère d’avenir en ces pauvres idiots. Une bande de jeunes hommes pour la plupart sans aucune ambition, bien trop assistés et surtout peu entreprenants étaient loin de l’avoir convaincu. Ce n’était pas le genre de personnes qu’Haise cherchait à former… ni même à fréquenter. Ainsi, sans pour autant leur envoyer leurs propres faiblesses en plein visage, le borgne se contenta de les laisser se rendre compte d’eux-même de leur inutilité.
“ … “
Se rendant donc au district commercial au simple gré de ses pérégrinations, n’ayant plus rien à faire jusqu’à la fin de journée et voulant profiter de l’afflux de monde en ce jour de marché, le Chûnin arriva sur place aux alentours de midi. Vêtu d’un kimono comme à son habitude, cette fois-ci violet et serti de broderies représentant divers motifs aux couleurs de Kumogakure, Haise fut amplement reconnu par plusieurs passants ayant entendu parler de cet étranger s’étant rapidement démarqué au sein du village ninja.
Faisant fi des regards partagés entre intérêt et mépris pour les plus jaloux, le borgne se rendit proche d’un étal présentant divers bijoux en vitrine, simplement attiré par les reflets brillants des joyaux. Un simple coup d’oeil lui suffit pour comprendre que les éléments présentés avaient une réelle valeur, loin de la babiole qui pullulait parfois aux heures d’affluence.
“ Hum… j’imagine qu’il s’agit d’un travail artisanal. “
Dit-il, détaillant de son seul oeil les bijoux tous différents, marque d’un taillage fait main. Pourtant, s’il aurait pu passer plus de temps à en contempler le savoir faire, une voix attira son attention en s’élevant au centre de la foule, alors qu’un homme semblait s’enfuir à toutes jambes dans la direction opposée.
Il baillait lentement. On venait encore de le sermonner pendant plusieurs dizaines de minutes pour des raisons que le jeune homme avait bien trouvé stupides, voir totalement débiles. Certes, il était un shinobi supposé être dévoué à son village, mais de là à le forcer à aller sauver un énième chat coincé dans un arbre car il manquait de genins à ce moment, c’était quelque peu osé. Forcément il était assez mal vu de refuser un tel ordre de mission, aussi simple, mais comprenez le bien, allait-il vraiment traverser tout Kumo pour sauver une bête sensé devoir toujours retomber sur ses pattes ? Au mieux il y serait aller et l’aurait volontairement pousser afin de voir si c’était rumeur était vraie.
On lui avait déjà expliqué bien des fois, qu’il avait beau être assez voir même plutôt fort, il ne montrait jamais plus haut que son grade actuel s’il ne faisait pas un minimum d’efforts. Mais une seule chose l’intéressait lui, et cette chose se trouvait à des milieux haut dessus de lui, que ce soit en grade ou en terme de puissance. Du coup, il se retrouvait un peu bête, coincé entre deux univers : d’un côté sa fainéantise légendaire qui le poussait -pour ne pas dire le forçait- à faire le strict minimum afin de ne pas se faire rétrograder, de l’autre côté sa passion pour Itoe. Il avait bien compris qu’il allait devoir faire des efforts, qu’il allait sûrement devoir se lever un peu plus tôt et que oui, il n’allait plus pouvoir ignorer tous ces nombreux chats perchés et bloqués dans les arbres.
Mais d’un autre côté, c’était aussi son égo qui parlait pour lui. À quoi bon tous ces entraînements, à quoi bon toutes ces missions de bas étage quand il était genin, si c’est pour que, maintenant Chûnin, rien ne change ?
Enfin bon, cela avait bientôt plus d’importance vu qu’il était enfin libéré de l’administration pour aujourd’hui et qu’il pouvait enfin -de nouveau- flâner dans les rues commerçantes de Kumo. Il aimait bien faire ça, aller s’acheter une énième babiole, une énième chemise à la mode ou même essayer de trouver la bague parfaite pour le doigt de Itoe : était-elle plutôt diamant ou rubis? Il esquissait un sourire de bêta à même qu’il pensait à ces sombres idées de mariage, alors même qu’il n’était qu’un humble inconnu.
Ainsi il marchait parmi tous les passants. Dans un sens cette atmosphère et cette ambiance lui réchauffaient le coeur. Il ne voyait plus de fils se briser comme il en avait eu l’habitude étant plus jeune et bien au contraire, tous ces liens et fils que seul lui pouvait voir, ils se renforçaient et de nouveaux apparaissaient. C’était là la preuve que tout allait bien, merveilleusement bien.
Et bien sûr il fallait toujours un trouble-fête pour gâcher ses idées d’utopie. Ainsi il entendait une voix crier au vol et il soupira un instant. Il comptait bien ne pas s’impliquer dans tout ça, après tout il était en repos. Cependant il repensait au sermon qu’on venait de lui faire et donc, dans un élan d’énergie il agit.
Il avait facilement repéré le voleur. Il courrait comme un dératé dans les rues à toute vitesse. Kyo bailla une nouvelle fois, mettant sa main gauche devant sa bouche par politesse tandis que sa main droite pointait dans la direction du voleur qui s’enfuyait au loin. Par méfiance, le jeune homme utilisait toujours son pouvoir clanique peu importe où il allait, en déployant de nombreux fils de partout, si fins qu’ils étaient à peine percevables à l’oeil nu. Il fut donc plutôt simple d’en mettre un sur la route du voleur, et plus particulièrement au niveau de ses mollets pour le faire trébucher, comme un piège de dessin animé.
Kyo fit ensuite tourner sa main dans le vide pour finalement serré son poignet alors que le voleur était au sol. Ainsi, de part ces mouvements, les fils encerclèrent les deux poignets et tendons d’Achille du voleur pour le faire se surélever dans les airs, étiré et piégé par les fils.
Le tisseur de destin s’approcha alors lentement, mains dans les poches, en dessous du voleur suspendu au dessus de la foule comme un animal de foire.
S’il ne comptait pas spécialement réagir, Haise jugeant qu’il y avait bien assez de monde pour empêcher le voleur de s’enfuir, l’intervention d’un tiers attira son attention. A vrai dire, l’intervention semblait même divine puisque le voleur se retrouva soulevé dans les airs par une force apparemment invisible, suspendu tel un sac à patates sans défense ni moyen de se défaire.
“ … “
Laissant les bijoux à leur étal, le borgne rejoignit plutôt la scène d’un oeil intéressé. Nul besoin de chercher plus loin pour comprendre qu’il s’agissait d’un Shinobi tout comme lui, bon nombre d’individus du genre avaient dû rejoindre le village lors de sa réouverture. A tel point qu’Haise s’étonnait même d’en croiser si souvent, lui qui n’avait guère côtoyé d’autres shinobis que les membres de son clan.
Ainsi, sortant son éternel calumet en bois du clo de son kimono, le borgne l’alluma pour en inhaler la fumée, contemplant ce pitoyable voleur exhibé à la vue de tous tel un accusé en plein jugement. Chose que ne manquèrent pas de renforcer certains citoyens en lui jetant divers objets à la figure, le suspect étant alors humilié en plus d’être impuissant.
“ Aaaah ! J’ai rien volé, c’était déjà à moi ! “
Beugla t-il en gesticulant tant bien que mal, sans parvenir à se défaire des fils entravant ses mouvements. Le commerçant ayant prévenu du vol, un homme dans la force de l’âge aux cheveux grisonnants, s’approcha de la scène, visiblement remonté.
“ Menteur ! Rend moi cette statuette, elle appartient à ma famille depuis des générations ! “
“ Parce que ton grand père l’a volée au mien ! “
Constatant la situation s’envenimer peu à peu, Haise afficha un sourire aussi cynique qu’amusé. A voir si l’homme étant intervenu comptait faire régner la justice, ou régler le cas arbitrairement pour aller au plus vite…
“ Compliqué n’est-ce pas ? “
Dit-il à son collègue shinobi, exhalant la fumée en direction du voleur.
Il ne savait pas vraiment pourquoi il avait agi, sûrement plus par intérêt personnel que par réel sens de justice. Mais les faits étaient là et lui qui détestait plus que tout être impliqué dans des histoires, il se retrouvait au beau milieu d’une querelle qui avait l’air d’avoir du passé. L’homme était toujours suspendu dans les airs alors que des passants lui jetaient des objets. Bien qu’il n’aimait pas les criminels, Kyo avait encore plus en horreur les humiliations publiques. De sa main libre il articula quelques mouvements afin que les objets lancé se retrouvent eux ici dans les airs pour ne pas plus heurter le prétendu voleur.
Du coup il se retrouvait à soupirer de désespoir, il savait, il aurait dû faire comme d’habitude : ignoré tout ce qui se passe autour de lui. Il s’accroupit, posant ses bras sur ses cuisses tout en sortant une cigarette. Il tira un premier coup dessus et souffla, alors qu’il faisait descendre au même moment le supposé voleur, toujours attaché aux fils. Le criminel se retrouvait donc proche du sol, à hauteur de Kyo accroupit.
« C’est d’un chiant… »
Il ne savait même pas s’il avait le droit de faire tout ça, mais d’un côté il était plutôt bien gradé. Alors qu’il continuait de souffler, sûrement exaspéré par la situation, une nouvelle voix d’un autre homme vint l’interpelle. Il levait sa tête pour apercevoir un homme avec un bandage, habillé d’un kimono. Il fumait sûrement quelque chose de semblable à la pipe. Kyo fouilla un instant ses poches pour ne rien trouver avec déception et ainsi tendit sa cigarette vers l’homme avec un sourire un peu étourdi.
« Tu as du feu par hasard ? »
Assez direct et familier, comme il en avait l’habitude avec la plupart des personnes. L’homme qui lui faisait face avec plus de prestance que la plupart des péons qui se baladaient chaque jour dans les rues de Kumo. Bien sûr il ne pouvait pas saisir son niveau ni comparé, mais disons que machinalement il savait qu’il en imposait plus que les ploucs qui servent de genins.
« Ouais plutôt chiant, j’aurais dû laisser ça pour un autre franchement »
Il avait le mérite d’être quelqu’un de très honnête et direct, et ça se voyait ô combien il était saoulé par tout ce grabuge. Du coup, une pensée lui vint en tête, peut-être plus débile que le fait manquer de respect à ses supérieurs comme il en avait l’habitude. D’un coup de poignet il encercla le vieux vendeur qui se retrouva du coup lui aussi suspendu dans les airs.
« Mais…mais!! Qu’est-ce que vous faîtes je vous dis que cet objet est à moi !! »
Il se releva en baillant.
« Oui, oui, vous allez nous raconter tout ça hein, j’ai du temps moi »
Il regardait alors l’homme au bandeau qui était intervenu, lui faisait un hochement de tête pour lui faire comprendre qu’il était invité à participer.
S’il n’était pas certain de sa bonté au vu de son manque d’implication, l’inconnu empêcha tout de même le voleur de recevoir des ordures au visage. Un acte de miséricorde relativement surprenant, qu’Haise ne se serait sans doute pas embêté à faire. Tout ceci n’était, à vrai dire, pas digne d’un chûnin. Les genin étant censés être bons à perdre leur temps sur des futilités, voilà un travail parfaitement taillé pour eux. En espérant qu’un d’entre eux prenne la peine de pointer le bout de son nez, Haise ne comptant certainement pas se charger de l’affaire.
“ Hm. “
Répondant par l’affirmative à l’inconnu qui lui demanda du feu, le jeune homme transféra la chaleur émise par les braises de sa pipe au bout de la cigarette du chûnin. Phénomène relativement étrange pour un non initié aux arts watari, surtout qu’il n’avait pas bougé, mais devenu habituel pour le borgne.
Portant son unique oeil sur son camarade, le jeune homme en déduisit rapidement quel type de personne était-il. Sans doute un peu prétentieux avec une once d’orgueil. Ce qui lui était relativement semblable bien qu’avec infiniment moins de subtilité.
“ Un genin finira bien par arriver. “
Dit-il en reportant son regard sur les deux individus, qui étaient maintenant tous deux immobilisés. Drôle de procédure, le second n’avait pas à payer pour le potentiel vol de son grand père après tout… peut-être les Kumojins procédaient-ils ainsi. N’étant sur place que depuis une année, Haise avait encore à apprendre des us et coutumes locales après tout.
Ainsi, comprenant qu’il en aurait sans doute pour un bon moment, et bien qu’il n’était en rien forcé de rester, le jeune homme n’avait rien de mieux à faire, il s’adossa à un mur proche en faisant signe à la foule de se disperser. Voyant l’un des spectateurs un peu trop récalcitrants continuant de jeter des ordures au visage du présumé voleur, le borgne le téléporta alors hors de vue près de l’enceinte du village d’un seul mudra. Un peu de marche lui ferait sans doute le plus grand bien.
“ On vous écoute. “
Annonça t-il. Malheureusement, les deux suspects semblaient décidés à se disputer plutôt qu’à rendre leur discours intelligible.
“ C’est ma statuette de susanoo ! Mon grand père l’avait forgée elle-même ! “
“ N’importe quoi ! Et puis elle est taillée, pas forgée ducon ! “
“ Attends un peu que j’te choppe ! “
“ J’aimerais bien voir ça trouduc ! “
Alors que les deux tiers gigotaient pour tenter de défaire leurs liens, un troisième larron se joignit à la dispute.
“ Ils mentent tous les deux, c’est la mienne. Et elle a été modelée. “
Haise soupira, exhalant par la même occasion la fumée de son nez. Quelle situation ennuyeuse.
C’était d’un ennuie mortel, voir légendaire. Les deux se disputaient en continuer sans qu’on ne comprenne vraiment ce que l’un voulait dire à l’autre ou ce qu’ils essayaient d’expliquer. Il pu tirer sur sa cigarette qui fut allumé par un procédé fort intéressant qu’il n’aurait pu expliquer. Il hocha de la tête en guise de remerciement envers l’homme au bandeau. Cet homme restait bien intriguant à ne dire mot, et d’un autre côté il n’aidait pas vraiment le tisseur avec tout ce foutoir.
Enfin, c’était peut-être mentir de dire qu’il ne faisait rien, car il venait après tout de faire disparaître un gêneur en l’espace d’un instant. Kyo avait lu quelque chose sur le sujet, sur un clan capable de contrôler l’espace selon leurs désirs. D’un seul coup il fut bien plus intéressé par cet homme que la scène qui se jouait sous ses pupilles écarlates.
« Sympa comme pouvoir ça »
C’était une manière, assez maladroite, de commencer la conversation. Les protagonistes du vol continuaient à beugler comme des animaux souffrant, ça en devenant lassant. Lassant au point que lorsqu’une troisième personne décida de se joindre à tout ça en déclarant que l’objet était finalement a elle aussi, Kyo lâcha complètement prise sur ses fils, faisant tomber les personne suspendues, de pas très haut, certes, mais assez pour les calmer. Le jeune homme commençait a avoir de sacrés maux de tête à entendre piailler autour d’une pauvre statuette qui ne devait pas se vendre en million de ryos.
Kyo aperçut au loin un jeune shinobi, il s’appliqua à le ramener le plus vite possible en l’attirant à eux grâce à ses fils.
« Toi, tu gères tout ça »
« Mais mais ? »
Kyo ne lui avait pas laissé le temps de comprendre ce qu’il se passait qu’il se tourna directement vers l’homme qui lui avait allumé sa cigarette.
« Tu veux aller boire un verre ? Je connais un endroit sympa, pour te remercier du feu. »
Kyo avait toujours été comme ça, a vouloir faire copain copain avec des gens qui lui inspiraient du bon.
Haise s’attendait à attirer inévitablement l’attention. Et le fait qu’il ait usé de son pouvoir en public signifiait bien que cela ne le dérangeait pas outre mesure. Après tout, les watari étaient pendant longtemps restés de simples légendes irréelles, et jouissaient parfois encore de cette réputation dans le monde bien que leur existence fut révélée auparavant. Ce clan restait de toute manière très fermé et peu peuplé, ce qui renforçait inévitablement leur aura occulte.
“ N’est-ce pas. “
Se contenta t-il alors de dire, fumant son calumet avec stoïcisme. Si cette affaire s’avérait riche en rebondissements, ceux-ci étaient malheureusement aussi palpitants qu’une pièce de théâtre sur la cueillette des champignons. Si bien que même la foule, au début vindicative, finit par se disperser pour aérer un peu plus l’attroupement qui s’était amassé autour. L’autre shinobi, après avoir laissé tomber les suspects, parvint heureusement à ramener un jeune genin sur les lieux pour le laisser se charger de tout cela. Tant mieux, Haise s’apprêtait de toute manière à partir.
“ Hm ? “
Néanmoins, le chûnin l’interpella en lui faisant une proposition intéressante. En effet, Haise commençant à avoir la gorge sèche et ne refusant jamais de faire des économies, il fut naturel pour lui d’accepter… bien qu’il aurait certainement préféré que cela vienne d’une jolie jeune femme.
“ Pourquoi pas. Je ne suis pas très au fait des meilleurs établissements du village. “
Dit-il en talonnant donc son nouveau camarade, terminant sa pipe en frappant le bout contre son poignet afin d’en vider le tabac brûlé. S’il aurait pu salir les rues, le jeune homme n’eut qu’à téléporter les détritus ailleurs. Rien de plus facile.
Ainsi, traversant les diverses rues du village des nuages en observant autour d’un oeil certes stoïque mais néanmoins intéressé, le jeune homme fit un signe de main à un groupe de jeunes femmes passant par la, provoquant quelques rougeurs, avant de s’arrêter devant l’endroit ou voulait le mener son camarade.
Du coup, il se retrouvait à marcher avec un nouveau compagnon. Il aurait bien préféré que ce soit Itoe, m’enfin elle avait si peu de temps à lui accorder et pas sûr qu’elle voudrait boire un verre avec lui après leur dernière discussion. Il en revenait d’ailleurs à soupirer en passant qu’il était bien loin de pouvoir un jour lui proposer ce genre de choses. M’enfin l’Épineuse était aussi une figure qu’il fallait réussir à dompter, du moins il assumait cela.
Bref ils continuaient d’arpenter les nombreuses ruelles de Kumo, tandis que l’homme qui suivait Kyo semblait être l’un de ces nombreux Don Juans que l’on pouvait souvent croiser. Bon, les filles semblaient après tout plutôt respectives à ce genre de personnages vu qu’elles couinaient doucement. Le tisseur lâchait un regard des plus déblatéré, un peu inconnu à tout cet univers qu’est le flirt. Il n’était pas fermé à cela, disons qu’il n’avait d’yeux qu’une personne. Il ne s’était jamais d’ailleurs posé la question s’il pouvait être ouvert à d’autres personnes, peu importe leurs genres.
Et c’est avec ces quelques pensées que la route passa légèrement plus vite pour finalement arriver devant l’un de ces petits bars, ces petits « boui-boui » comme il aimait les appeler. À force de trainer le soir, il commençait à connaitre un peu le monde et la vie nocturne. D’un côté c’était son côté jeune qui voulait profiter de la vie qui le poussait à faire, de l’autre il se disait que c’était la meilleure façon pour un shinobi d’apprendre à connaitre la population et connaître tous les petits ouï-dires, les rumeurs…
Bref il fit rentrer la personne qu’il venait de rencontrer. En extérieur on aurait dit un endroit plutôt malfamé alors que l’intérieur cachait plutôt un bar très sobre avec de belles tables en bois, quelques personnes deçà delà, des habitués sûrement, et un barman plus ou moins vieux, bien habillé sur lui, qui hocha la tête quand il reconnut Kyo rentrer. Une bonne ambiance régnait, avec un fond de musique de jazz, c'était dans ce genre d'endroits qu'on aimait passer du temps à parler avec le barman.
Les deux hommes se posèrent au bar puis Kyo commanda en premier.
« Un slow gin pour commencer si tu peux »
Il regardait le camarade fraichement rencontré.
« Prend ce que tu veux, y’a une carte si jamais vers ta gauche. Ah au fait moi c’est Kyo, merci pour le passant de tout à l’heure, j’ai cru que j’allais lui arracher la tête s’il balançait autre chose. »
Son verre était déjà servi, il posait les ryos à côté et pris une première gorgée.
« J’ai pas une bonne mémoire, voir pas du tout, du coup j’suppose qu’on s’est jamais vu. T’es quel grade ? T’as l’air plutôt fortiche comparé à tous les nabots qui se baladent en ville avec leurs bandeaux. »
Cela lui faisait penser qu’il ne le portait jamais, ce bandeau. Bien souvent il l’oubliait chez lui ce qui lui valait quelques remontrances.
Don Juan ? Sans doute. Mais pas des plus courants. Si la plupart des séducteurs agissaient ainsi pour le plaisir du sexe et de la conquête, Haise n’en retirait que la satisfaction personnelle d’arriver à ses fins… et parfois pour manipuler une personne. La séduction était une arme redoutable, surtout maniée par les femmes… mais utilisable également par les hommes. Du moins, les hommes comme lui. Beaux, forts, intelligents et juste assez mystérieux pour éveiller l'intérêt… alors même que ses parts les plus sombres s’avéraient bien plus effrayantes qu’elles n’attireraient l’admiration.
Observant brièvement l’enseigne du bar, Haise décida de se laisser guider. Le jeune homme n’était pas du genre à rôder dans ce genre d’endroits en soirée, préférant davantage les cabarets ou casinos surtout pour la source perpétuelle d’occupations que ces derniers offraient. Et peut-être un peu en raison de sa propension à impressionner les foules…
Le jeune homme entra finalement à la suite de son nouveau camarade. Si l’endroit ne payait pas de mine, sa sobriété et l’ambiance cosy étaient bienvenues pour une fin de journée. Remarquant que le barman reconnu son partenaire, Haise en déduisit qu’il était sûrement un habitué. Après tout, il ne l’avait pas mené ici par hasard d’après ses dires.
Une fois installés, le jeune homme pris la boisson de son choix comme il y fut invité.
“ Un sunset rhum. “
Dit-il en retirant le bandage lui recouvrant l’oeil gauche, dévoilant une paupière fermée barrée d’une petite cicatrice avant de le ranger dans le col de son kimono. Porter cet accessoire toute la journée n’avait jamais été très pratique.
“ Je t’en prie. Faire la justice soi-même n’est jamais une très bonne idée… “
Un sourire mesquin plus tard, sa boisson arriva. S’il était bien du genre à se mêler des affaires des autres lorsqu’il pouvait en retirer un certain intérêt, Haise avait horreur des fouineurs et autres commères comme celui qu’il avait envoyé faire un tour.
“ Nous ne nous sommes jamais vus. “
C’était une affirmation, Haise ayant la mémoire relativement infaillible.
“ Je suis chûnin. Et toi ? “
Si son amertume était indiscernable, celle-ci était bien la. Haise devrait être jônin depuis un bon moment. D’ailleurs, lui non plus ne portait pas de bandeau à vrai dire. Cet accessoire ne lui allait pas le moins du monde, autant éviter d’être ridicule.
Il aimait ce genre d’endroits de part le calme et la tranquillité. C’était ce genre de petits lieux où seuls quelques initiés savaient quoi demander et comment agir sans ne paraître trop étrange. Il manquait un peu de nourriture mais à force que Kyo se plaigne, peut-être modifieront-ils enfin cela. Il sirotait lentement son gin, d’une excellence hors-norme, comme d’habitude. Le barman qui était aussi le gérant avait toujours un don pour dénicher les meilleurs alcools.
Cela se voyait également aux bouteilles de vins que seuls de fins connaisseurs pouvaient se risquer à demander -et à payer le haut prix-. Kyo se retournait alors sur sa chaise pour poser son dos contre le bar pour faire face à la salle et l’observer, tandis que son nouveau camarade enlever son bandeau laissant apparaitre une cicatrice sur son oeil précédemment masqué. En y pensant, le tisseur n’avait pas de particularité physiques qui pouvaient le faire se démarquer des autres. Il savait comment s’habiller et avait un physique plutôt avantageux, mais rien de particulier.
Il n’avait pas de marques, de cicatrices, de particularité qui racontait son passé, son vécu, qui il fut. Et peut-être était-ce tout à son avantage, d’être absolument oubliable et non reconnaissable, surtout s’il voulait servir dans l’ombre celle qui avait redonné un goût tendre à sa vie.
« J’suis du même grade. Je fais jamais attention aux gens autour de moi et en général j’essaie de les éviter. »
Peut-être était-ce son côté asocial qui parlait pour lui, ou sa légendaire fainéantise à devoir faire copain-copain avec tout le monde.
« Les shinobis, de nos jours, sont d’un lassant. Tous sont très, voir trop, heureux de la paix présente. Je ne souhaite pas la guerre, mais à voir nos journées ridicules. On passe nos vies à devoir sauver le même chat coincé trois fois dans le même arbre. »
Il soufflait.
« Est-ce que vraiment j’ai survécu, je me suis battu pour ça ? C’est d’un barbant… »
Kyo se tournait vers son interlocuteur.
« Et toi t’as des projets en particulier ici ou tu fais parti de la masse qui se repose sur ses acquis ? »
Plutôt direct et franc, comme à son habitude.
« Ah au fait, j’en oublierai presque les bonnes manières, mais moi c’est Kyo. »
S’il prétendait ne rien avoir de spécial, le simple fait d’être beau rendait quelqu’un spécial. Surtout au sein du Yuukan, ou le danger et les affres de la vie enlaidissent bien souvent ses peuples. Haise, lui malgré son oeil en moins, avait remarquablement échappé à ce triste sort et restait séduisant… lorsque ses intérêts en découlaient évidemment.
“ Hm… “
La réponse du blond le fit sourire. Voilà quelqu’un d’honnête. Trop honnête pour être une réelle menace à ses ambitions, s’il s’avérait qu’ils deviennent concurrents un jour. Admettre aussi simplement éviter les autres dénotait d’une naïveté ou d’une indifférence bien trop simples à exploiter pour un potentiel adversaire… bien qu’ils soient théoriquement alliés.
Cela dit, le jeune homme n’avait pas totalement tort. Les tâches qu’on leur affectait étaient parfois à la limite de l’insulte, surtout pour l’ambition du borgne. Mais l’avouer ne lui ressemblerait pas… mieux valait faire profil bas, quand bien même allait-il dans son sens.
“ Il faut croire que c’est le prix de la paix. “
Les temps difficiles créent des hommes forts, les hommes forts créent des périodes de paix, les périodes de paix créent des hommes faibles, les hommes faibles créent des temps difficiles. Une citation on ne peut plus vraie et souvent illustrée au cours de l’histoire.
“ Je ne serais pas chûnin si je me reposais sur mes acquis… “
… Ce qui ne l’avait pas empêché de stagner à ce grade pour des raisons illégitimes, mais mieux valait mettre son ressentiment de côté au risque de s’empoisonner.
“ Haise. Je suis originaire d’Ame no Kuni. “
Une information visant simplement à expliciter son statut d’étranger ici.
Accueil
