C'était dans une fin d'après-midi plutôt douce, que l'esprit d'un homme épuisé voulait prendre un repos royal. Par-delà les horizons du Pays du Feu, on pouvait alors trouver toute sorte de trésors revigorants, permettant au corps et à l'esprit de retrouver sa vigueur, son imaginaire et sa sagacité. Et dans une humeur de délivrance par l'écriture, le natif du clan Nara souhaitait simplement apaiser ses tensions actuelles par la Méditation, tradition tirée directement de sa Mère, Hyûga Hitomi. Ses problèmes de famille actuels étaient bien loin de le déranger pour aujourd'hui, non, c'était tout autre chose pour laquelle il était venu chercher des réponses en ce lieu.
Coulissant habilement la porte en bois toilée, il fut accueilli par la vivacité d'une voix rauque, lui souhaitant la bienvenue en ce lieu de repos. Il s'avançait au travers de la bâtisse à petit pas, pour prendre place sur un siège à-même le sol, près d'une table basse traditionnelle. En fait, il s'agissait là de la partie restaurant et notre stratège avait une petite faim qu'il comptait bien rassasier sans trop se soucier du manque à gagner de son porte-monnaie... Cela fait d'ailleurs plusieurs jours qu'il était en guerre froide avec. Dans l'attente de sa commande, il ouvrit son carnet dans lequel il y inscrivait certaines notes, certains ressentis. Une sorte de journal intime ou de chronique, destiné à lui-même. Cela faisait travailler son esprit de manière douce selon lui.
« Et voici les Sobas que vous avez commandé, cher client ! » « Mh, Merci. Cela dit... est-il possible d'offrir le même verre à cette jeune femme seule là-bas, de ma part, hein ? Ce serait aimable. »
Le serveur acquiesçait d'un air complice avec le Shinobi, et parti remplir sa mission sans dire un mot de plus. Quant à Daisuke, confortablement installer sur son siège et portant le " Yukata " prêté par l'établissement, il déposait sa plume sur le rebord de la table en fermant son livre. Sans retourner son regard vers la jeune femme à qui il avait offert un verre et une invitation, il se mit à manger, sans se préoccuper du reste.
Et après un repas copieux, il jetait quelques regards discrets vers la jeune fille en question. Lui venait alors l'envie naturel de bayer et de s'étirer, avant de se lever de son siège. Ramassant ses affaires, il les rangea dans la petite sacoche qu'il avait emmenée avec lui. Ses pas, très légers, se dirigeaient alors vers une autre table. Et sans dire un mot de trop de moins, il s'installa, tout naturellement, à la table de cette femme. De cette jolie femme.
« La boisson vous plaît ? Bien que nous soyons les deux seuls clients de ce Onsen, j'espère que vous pardonnez mon envie de compagnie et ma curiosité. Que faites-vous ici, toute seule ? »
S'il était évident que le manipulateur des ombres se trouvait ici pour se détendre et répondre à quelques-unes de ses interrogations, il ne pouvait s'empêcher au cours de son repas de se demander ce que faisait une demoiselle seule à cette table et dans un Onsen. État-elle en voyage ? Travaillait-elle près d'ici ? État-elle également, tout comme lui, un Shinobi ? Pour la digestion, Daisuke avait toujours un petit faible pour une bonne conversation.
Mais enfin bon, il faut aussi souligner là le manque de manière, car avant de demander ce qu'une personne fait ici, il faut en règle général se présenter. Mais c'était tout Daisuke qu'il était, enfreindre les codes social qu'il trouvait un peu débile. Il sortit alors, de manière agacé, une cigarette de sa sacoche, pour la mener à ses lèvres, avant de plonger son regard épuisé, dans celui de son interlocutrice.
« La fumée est-elle susceptible de vous dérangez ? Moi, c'est Daisuke, mais vous pouvez m'appeler Dai. Et vous-êtes ? »
Un échange simpliste et pourtant pas loin d'être complexe, touchant en plein cœur une question pertinente.
Cela ne faisait même pas vingt-quatre heures que Miyako l'avait escorté à sa chambre et expliqué un peu la situation de Konoha pour les prochains jours avec l'examen chûnin qui approchait à grands pas. La jeune femme avait déjà profité de l'hospitalité offerte pas Konoha pour la dédommager de ce malentendu. Pour se détendre afin de mieux profiter de son séjour à Konoha, la jeune femme s'était rendue à l'accueil de l'auberge où elle demandait à la tenancière des informations sur les meilleurs lieux de détentes du coin. La femme lui parlait de la Baie Nukui qui selon elle était l'endroit le plus réputé du Pays pour se détendre et profiter de la nature. Une proposition alléchante pour Saxa qui souhaitait bien prendre un peu de temps pour se remettre de cette mésaventure. De plus, la dame ajoutait même que des caravanes y allaient et en revenaient tous les jours pour y voyager les clients. Une autre information que la Tsuchijin prenait en note.
***
Le trajet avait pris un certains temps, c'était en après-midi que la demoiselle arrivait enfin à la Baie Nukui. La dame avait raison, le paysage était splendide et le Onsen partageant la Baie, c'était assez unique, on se sentait vraiment en pleine nature. Saxa se rendait à l'intérieur pour s'enregistrer à l'accueil, mais aussi pour qu'on lui explique le fonctionnement de l'établissement. La jeune femme écarquillait les yeux lorsqu'on lui parlait de ''nudisme''. Le reste qui sortait de la bouche de la dame n'arrivait même pas à attirer l'attention de Saxa qui était encore sous le choque.
_Je ne peux pas garder le Yukata dans tout l'établissement ? Lui demandait la kunoïchi en la regardant de ses grands yeux dorés.
_C'est un lieu de détente et où nos clients viennent pour ne faire qu'un avec la nature.
_Il en est hors de question ! La femme derrière le comptoir avait bien zieuté la Tsuchijin et avait sans doute remarqué qu'il ne s'agissait pas d'une vulgaire cliente, mais quelqu'un qui en avait dans le porte-monnaie, donc celle-ci regardait sous le comptoir pour lui donner une seconde serviette qui servait à mettre sur les surfaces pour empêcher le contacte des fesses contre les bancs ou autre genre d'assise.
_Certains se servent de ces serviettes pour vous couvrir, je vous en laisse une deuxième. Autre chose ? Lui répondait l'employée avec un grand sourire. La jeune femme se calmait un peu en prenant la serviette, s'il n'y avait pas d'autres solutions, alors elle s'en contentera. Après tout, elle arriverait très bien à se débrouiller avec ces deux serviettes ainsi que ce Yukata.
_J'aimerais un massage de détente. La demoiselle derrière son comptoir regardait le registre en faisant glisser son doigt sur la feuille.
_Dans deux heures trente minutes nous viendront vous trouver dans la salle de séjour. C'est bon pour vous, Saxa Hougyoku ? La kunoïchi hochait la tête et suivait les indications jusqu'au vestiaire en apportant tous ses effets avec elle. Une fois changée avec le Yukata et ses serviettes, la Tsuchijin suivait les panneaux d'indications pour se repérer et faire un tour rapide de l'endroit, curieuse de voir tout ce qu'il pouvait y avoir. Il y avait beaucoup de sauna, des sources d'eau chaude, des espaces de baignade plus froides, même certaines avec de la glace, des chaises longues pour s'étendre dehors bercé par les bruits de la Baie. C'était un petit coin de paradis. Hi no kuni cachait de bien belles surprises.
Au bout de sa balade, Saxa arrivait à la salle de séjour. Un espace vitré avec des rideaux et plusieurs tables basses. Certains clients y mangeaient, d'autres s'occupaient à la lecture en buvant une tisane. C'était donc là qu'on viendrait la chercher. La kunoïchi entrait dans la pièce en regardant un peu autour d'elle, les employés y étaient tous souriants. L'Hougyoku venait prendre place à un petit siège pour prendre une table seule, on venait prendre sa commande. Sur la table, il y avait un livre traitant sur le libre-arbitre. Le sujet du livre la faisait ricaner doucement. « Quelle ironie. » Pensait-elle en prenant le livre entre ses doigts pour faire défiler toutes les pages devant ses yeux une première fois. On lui amenait sa tasse de thé, les pétales de roses faisaient encore de lents cercles en surface. La femme remerciait la serveuse avant de se donner à sa petite lecture.
Les minutes défilaient comme les pages, le niveau dans sa tasse baissait, mais on ne venait pas la déranger. Au bout d'un instant, un serveur arrivait avec une nouvelle tasse pour remplacer celle qu'elle avait déjà bue. La jeune femme levait les yeux de son livre en haussant un sourcil. Elle n'avait pas eu le temps de lui demander ce qu'il faisait que ce dernier, toujours aussi souriant que tous les autres pointait un jeune homme plus loin dans la salle.
_C'est de sa part. Le serveur partait sans rien attendre en retour, pas même la réaction de Saxa. Ils étaient à présent que tous les deux dans cette pièce, il ne la regardait même pas, il se contentait de manger son plat, c'était étrange et probablement la première fois qu'on lui payait un verre, surtout de cette façon. La demoiselle regardait un peu au-dessus de la tasse, il lui avait fait livrer le même thé qu'elle avait commandé, ainsi il était sûr de ne pas se tromper. La Tsuchijin fronçait un peu les sourcils avant de retourner à sa lecture prenant que de petites gorgées du thé comme si elle se méfiait. Au bout d'un moment, des bruits de pas près de sa table venaient attirer l'attention de Saxa qui levait les yeux de son livre pour regarder devant elle.
Le jeune homme qui lui avait offert la boisson venait prendre ses aises en s'installant à sa table. Saxa tenait encore son livre ouvert avec ses pouces, mais continuait d'observer l'étranger qui une fois bien installé se permettait de l'interroger. Il avait de drôles de manière ce qui était un peu dérageant. Saxa le dévisageait un moment avant de fermer son livre et le déposer sur le coin de la table. Sa posture était toujours aussi droite et son air assez peu invitant. Il la dérangeait, mais aussi, elle se demandait pourquoi il avait pris pour acquis qu'il pouvait venir lui parler comme ça.
_Le thé est bien, merci. Lui répondait-elle en marquant une petite pause pour l'observer.
_Une femme n'a pas le droit de venir se détendre seule dans ce genre d'endroit ? Ajoutait-elle toujours en le regardant. Il sortait une cigarette de sa poche pour l'amener à sa bouche, la femme grimaçait de jugement en le regardant faire. Au moins, il avait la décence de lui demander si la fumée lui dérangeai et profitait de l'occasion pour faire les présentations. Saxa se pinçait les lèvres un peu hésitante à engager la conversation, mais peu importe, dans le pire des cas, il y avait toujours son rendez-vous pour la sortir de ce malaise si jamais.
_Saxa et oui, la fumée ça pique les yeux et je déteste l'odeur. Lui disait-elle simplement sans chercher à adoucir sa façon de parler avec un peu de politesse. Ainsi, ceci le dissuaderait peut-être de l'allumer en sa présence ou dans le cas contraire, la kunoïchi irait tout simplement prendre l'air ailleurs.
_Et vous, qu'est-ce que vous faites ici, à ma table ? Je ne vous y aie pas invité que je sache. Lui demandait la femme, curieuse de savoir ce qui l'avait poussé à venir vers elle, car Saxa n'avait en aucun cas invité le jeune homme ou témoigner le moindre intérêt. La demoiselle baissait les yeux vers la tasse de thé qu'elle avait entamé. « Peut-être était-ce sa façon de demander la permission ? » Se questionnait Saxa en se disant que d'y avoir trempé les lèvres était une réponse en soit. Cette dernière fronçait les sourcils avant de regarder de nouveau Daisuke qui lui semblait assez fatigué.
Il avait pris les choses en main et les devants, réconfortant une position de domination certaines dans la conversation qu'il recherchait. Face à une totale inconnue, il n'était pas plus en panique que ça, mais bien totalement intrigué, un sentiment provoqué par une fatigue et un ennui sans fin dans cette journée-ci. Tapotant le filtre de sa cigarette contre la table et tout de même par simple respect, il s'était abstenu d'allumer la flamme qui pouvait venir brûler d'une seule bouffée, tout le stress émergent du shinobi.
Il était naturel de se dire que ses manières furent totalement déplacées envers une jeune femme qui ne semblait rechercher que de la tranquillité. Mais, il n'était pas cohérent dans la personnalité de Daisuke, de laisser une tranquillité des plus académiques, s'installer dans un lieu d'échange et au potentiel de savoir et de connaissance infinie.
Dans un monde en guerre, où les divers personnages et protagonistes ont du mal à révéler leur sentiment, il était important pour l'homme qui casser les codes, de briser les carapaces pour aller chercher les réponses qu'il voulait. Totalement obsédé par celle qui lui faisait face et bercé par la voix et les réponses de celle-ci, il ne pouvait s'empêcher d'afficher un sourire en coin à chaque fois que celle-ci user de ses lèvres pour lui offrir un savoir.
D'un coté, elle semblait avenante, limite entreprenante. Pourtant, d'un autre côté, elle était distante. Une distance aussi infinie que les informations dont ils disposaient l'un envers l'autre. Mais ce n'était pas par pur caprice que le fumeur était venu s'asseoir à cette table, il avait bien l'intention d'obtenir ce qui lui était nécessaire à ce moment-ci.
« Il est effectivement de votre droit d'y venir vous y reposez seule... Mais c'est d'un ennui total, il ne faut pas s'en cacher. »
Son carnet personnel venait alors se poser sur la table, accompagner de sa plume. Elle lisait, lui écrivait. C'est ce qui l'avait poussé à venir à elle, envieux d'une conversation intéressante, rêveur d'une histoire spontanée. Il ouvrait une page blanche et y écrivit un seul mot : le kanji qui signifiait " premier ". Bien qu'il était visible de lire le caractère pour ce bout de femme somptueux, il en était sûrement impossible d'y comprendre le sens. Peut-être s'agissait-il là d'un premier chapitre à cette histoire ?
« Je m'étais dit que dans un lieu d'échange il serait possible pour deux inconnus de raconter leur histoire, sans en juger l'autre. Une bonne conversation après un repas, c'est toujours important pour la digestion. » Il regardait alors sa compagne du soir de haut en bas. « Et puis... si vous êtes en serviette, j'imagine que vous attendez dans cette pièce pour une certaine raison. Quoi qu'il en soit, je peux simplement me retirer si je vous ai dérangé. »
Il refermait alors son carnet, sans dire un seul mot suite à ses paroles, préparant ses affaires afin de disposer, avant même d'avoir entendu la réponse de la jeune femme. Mais était-ce vraiment ce qu'elle souhaitait ? Avait-il vu juste ?
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