Les regards qui me croisent et qui me reconnaissent, bien que peu nombreux, expriment une seule et même chose me concernant, bien que non dites : « Le jour et la nuit... ».
Si autrefois j'étais plutôt joviale, presque insouciante même pour maquiller les affres du passé peu tendre, j'étais aujourd'hui plus solitaire, méfiante et froide que jamais. Les obstacles surmontés a l'époque n'étaient rien comparés à la perte que j'avais connu il y a trois ans. Depuis, je m'étais renfermée, fuyant mes responsabilités et ma vie de soldat pour mener une vie paisible... ou du moins essayer.

De mes cheveux mi-long de l'époque, il ne restait qu'un carré plongeant, ces derniers repoussant de toute façon bien trop vite de part mon pouvoir pour que je me permette de les laisser faire a leur guise, me forçant même à les raccourcir fréquemment.
Et puis, les couper était une façon de ne pas laisser de soupçons quant à ma faculté « clanique » tout en l'estompant symboliquement, moi qui cherchait la discrétion.
Pour autant, je n'étais pas de celles subissant leur sort en courbant l'échine devant la première menace venue, bien au contraire. Mon sens de la répartie et mes années en tant que soldat avait fait de moi une femme douée de réflexes de combat bienvenue quand on me cherchait... mais que j'évitais d'exposer pour ne pas griller ma couverture. Après tout, pour les habitants de Konoha, je n'étais qu'une civile, serveuse dans un café / bar, accueillante par commodité mais la langue claquant le givre lorsque cela était nécessaire.
Gentille en apparence donc, du moment qu'on ne venait pas m'emmerder. Dans ce dernier cas, on passait généralement un mauvais quart d'heure dissuasif ou on connaissait ces derniers instants. La survie demandait parfois de semer quelques cadavres dans son sillage. Ce que j'accomplissais sans ressentiment. Une cible restait une cible, surtout lorsque celle-ci en voulait après ma vie.

Aux yeux du monde je ne suis qu'une simple civile travaillant dans un bar en tant que serveuse et barman.
Pour les regards plus aguerris je suis un ancien soldat de Hi no Kuni et désormais assassin / espionne pour le compte de Konoha.


Le fracas des vagues créant un remous secouant la coque d'un petit bateau de pêche dans un sale état pendant que je scrutais le visage d'une gamine étonnamment stoïque, presque éteinte, à la surface de l'eau... c'était ça le seul souvenir que je gardais de ma famille.

Cette bicoque appartenait certainement à mon père mais il n'était pas à son bord pour en témoigner lorsqu'on me retrouva le long des cotes de Hi no kuni, à Hatou.
Est-ce que le bateau avait quitté ce même port avant de dériver ou est-ce qu'il venait d'un autre petit village pas trop loin – le navire étant bien trop modeste pour avoir traverser les mers de toute façon – personne n'en sut jamais rien et ce n'était pas du haut de mon apparente deuxième années de vie que j'avais pu l'expliquer. J'étais comme un fantôme sorti de nul part que personne n'avait su reconnaître et dont on ne savait pas trop quoi faire si ce n'était le chasser pour ne pas s'attirer d'ennuis. Je fis bien un tour du côté du temple Benzaiten, conduite par des habitants pour être prise en charge par les moines, mais eux mêmes ne purent me garder bien longtemps et, après m'avoir donné une identité symbolique sous le nom de « Ushinatta » qui signifie « celle qui a tout perdu » ils décidèrent de m'octroyer un prénom plus enjoué pour équilibrer les choses et ainsi, ils l'espéraient, me donner une vie plus clémente à travers l'appellation d'Amaterasu, Déesse du Soleil et symbole de la bienveillance.
« Ama' » était donc le prénom qu'ils m'avaient choisi, me laissant quitter le temple autour de mes cinq ans, ne m'en laissant que peu de souvenirs. C'était plutôt à Tanzaku qu'avait pris forme ma vie. Ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil avant de définitivement m'en aller lorsque je fus en âge de le faire selon moi : lors de mes dix ans.

La vie de rue n'était pas des plus paisibles dans une ville où la réputation reposait sur ses casinos, ses bars et son trafic d'argent. Je n'étais qu'une crève la faim de plus dont on voulait se servir pour rapporter du blé en échange d'un bol de riz. Après tout, je n'étais pas bien grande et mignonnette avec mes long cheveux violacés, les gens craquaient plus facilement devant cette petite mendiante qui jouait du violon pendant que ses acolytes faisaient leurs poches ou jouaient leur propre scènes théâtrales quelques rues plus loin.
Une vie crasseuse où régnait la loi du plus fort. Certains n'hésitant pas à tabasser pour chiper le maigre butin de leur voisin d'infortune... Non. En fait nous en étions tous capables.
Je n'étais pas mêlée à un gang comme c'était le cas pour la plupart des mômes ou jeunes de la rue mais cela ne nous empêchait pas de nous marcher dessus et de nous battre littéralement pour notre survie. Le cadavre du petit Takeshi par ci, les pleurs effroyables d'une jeune anonyme de plus par là, le tout sans même poser un regard dans leur direction. C'était l'habitude. Je lorgnais alors simplement ma pitance du jour, heureuse de ce que j'avais en sachant m'en contenter.

Quatre années de galères plus tard, j'arrivais simplement a saturation... Je n'en pouvais plus de cette vie minable, il fallait que je fasse quelque chose de mon existence sinon je n'avais plus qu'a mourir. L'idée me vint en voyant un escadron de l'armée de Hi en mission à Tanzaku pour remuer la fourmilière du marché noir et faire une capture de masse des raclures des bas quartiers. Plutôt que de voler ou recevoir pour vivre, je pourrais servir. Avoir une chance que l'on m'estime et prouver ma valeur moi qui n'avait rien... et rien a perdre non plus.
Alors je me suis entraînée et engagée. J'ai réussi a faire véritablement quelque chose de mes cheveux dont je connaissais la particularité depuis quelques temps et qui me servait jusqu'ici surtout à m'enfuir ou me cacher en me hissant quelque part.
Le chemin fut long et périlleux avant même d'entrer chez les soldats mais je finis par y arriver, sous le seul surnom de « Ama' » deux années plus tard, ne lâchant jamais prise malgré les refus et ballottage. Rien n'y était tendre mais c'était une fois de plus un quotidien que je connaissais bien et qui était même le seul.
Placée ci et là lorsqu'on y avait besoin de moi, j'intégrais finalement une escouade fixe de six soldats dans la division extérieure lors de mes vingt-ans. C'était quelque chose de réellement nouveau pour moi de devoir composer avec une seule et même équipe et s'entraider. Ces années furent d'ailleurs les plus belles de ma vie, malgré le contexte. Nous formions une team soudée bien que ce ne fut pas toujours le cas au début, les caractères de chacun heurtant souvent la sensibilité des autres et vice versa. A travers cette équipe hétéroclite je finis par trouver ma place et même le semblant de famille que je n'avais jamais eu.
Je m'ouvris un peu plus. J'étais la première a faire relâcher la pression au groupe ou a faire voir le verre a moitié plein. Je paraissais presque insouciante, pouvant réellement vivre pour la première fois et me délectant de ces moments payés au prix fort après toutes ces années d'errance et d'inexistence.

Mais la vie est une chienne, tout le monde le sait.

Après cinq années passées ensemble pour le compte du pays, une ribambelle de missions exécutées brillamment, une synergie parfaite et cette relation presque fraternelle entre nous, un guet append nous pris de court, nous encerclant en bon nombre. Nous n'y étions pas préparés. Nous avions été trahis par nos informateurs.
Après une lutte acharnée bien que brève, la plupart des assaillants moururent pendant que nos rangs se firent eux aussi décimés. Deux survivants, voilà ce qu'il restait de nous après notre fuite en avant, laissant avec amertume les cadavres de nos amis, de nos frères et nos sœurs en arrière, mutilés par l'ennemi imprévu, balayés en un instant...
Ce fut le déchirement. Le point de non retour.
J'avais finalement atteint la lumière au bout du tunnel, arpentant le temps avec des pas plus légers et sereins et on m'avait renvoyé avec force au fond du trou.
Mon nouveau monde s'écroula, me rappelant à l'ordre et me frappant encore plus fort après avoir perdu un bonheur que j'avais cette fois-ci pu connaître. C'était bien plus douloureux que toutes ces années de misères passées. Lorsqu'on ne connaît que le pire des aspects sans ne pouvoir aspirer a rien d'autre on arrivait à faire avec... mais lorsque la joie était finalement perceptible... la perdre revenait a s'éteindre totalement.

Blessée dans le dos, je restais en convalescence un moment pour en réchapper avec une sale cicatrice, marquant aussi indélébilement ma peau que mon âme. Mon bras gauche avait aussi sacrément morflé si bien que j'avais pris l'habitude de me servir de mes capacités pour attraper les objets du quotidien pendant ma phase de rééducation. Mais ce réflexe disparut bien vite, me forçant a retrouver pleinement l'usage de ce membre pour ne pas avoir a constater chaque jour comment tout ça m'avait affecté, préférant simplement oublier.
Je me mis a errer dans Hi, quittant mes responsabilités de soldat en donnant ma démission après le drame et mes blessures pour mener une vie simpliste mais honnête, enchaînant les petits boulots.
Mais le passé fini toujours par nous rattraper.
Je n'arrivais pas a simplement faire semblant... J'avais perdu ma famille injustement et nous avions tous été trahis : ça ne pouvait pas rester impunis. Je devais les venger, quitte à ce que ce soit ma dernière bataille.
Alors j'allais trouver le chef de la division interne, Hyûga Genkishi, en le sommant de me donner les noms des commanditaires, ce qu'il refusa dans un premier temps, me laissant comprendre qu'il s'agissait de Hijins à tous les coups. Je lui promis d'être la plus discrète possible, lui assurant que j'en prenais l'entière responsabilités, ce à quoi il concéda en l'échange d'un retour de faveur que j'acceptais dans la hâte, prête a tout pour faire payer ces fumiers.
Le nom du responsable de mon cauchemar tomba :  Sakamichi Toneru , un noble dignitaire de Hi travaillant pour les bonnes grâce du Daimyo qui avait visiblement décidé de décimer un escadron du pays pour une raison que je ne voulais même pas entendre. C'était sans doute un arrangement politique, un soucis économique, ou qu'importait sa motivation véreuse : il devait crever, c'était tout ce qui comptait.

Forte de mon expérience dans l'armé, mes facultés et ma discrétion liée à ma vie de survie, je parvins a obtenir plus d'informations sur Sakamichi et pus l'assassiner en toute discrétion avec mes cheveux. Le bâillonnant et le lacérant dans le même instant en ne laissant pas la moindre trace de mon passage.

Cela ne ramena pas mes frères et sœurs mais justice était rendue et je m'en sentis plus légère, prête a mener une vie plus sereine. Je repris donc les petits boulots, coulant des jours un peu plus détentes quoique toujours sur le qui vif. Entre temps éclata le scandale de la « prison » de Arashi et ses expériences abominables, mis en lumière par un groupe terroriste, me dégoûtant un peu plus des hautes sphères du pays et leur manigance, bien que peu rassurée a l'idée de tous ces prisonniers dans la nature. Puis vint finalement la réouverture de Konoha, ce village caché laissé a l'abandon pendant plus d'un siècle que je rejoignis rapidement, lassée des agissements des Daimyos.
Affublée de mon ancienne identité donnée par les moines de Benzaiten, « Ushinatta » je rajoutais une syllabe à mon surnom pour devenir « Amaya » , cherchant ainsi a vivre simplement et loin de mon passé, en continuant de servir les autres – littéralement cette fois – dans un café / bar... avant d'être rappelée pour payer ma dette au chef de division interne devenu Kage, malgré mes efforts pour rester discrète...
Je lui devais finalement une cible que j'abattis sans même chercher les tenants et aboutissants. C'était un contrat de mercenaire, j'exécutais et on me payait, rien de plus, je ne versais pas – ou plus – dans le sentimentalisme. De retour avec la preuve de mon acte que je remis au Kage, je fus néanmoins surprise de le voir me remettre une bonne somme en prétextant les remerciements de Hi. Savoir que cette cible nuisait au pays et que j'avais contribuer à sa prospérité en me débarrassant de cet homme me remplie d'une certaine satisfaction, je devais bien l'avouer. Alors, lorsque le Kage me parla de ma « bonne action » à travers cette mission et le fait que je pourrais mettre mon talent au service de Konoha et plus largement du pays de cette façon, je me mis a réfléchir. Contribuer a éliminer des raclures et ainsi éviter a d'autres de vivre une trahison comme celle que mon escouade et moi avions vécu, entre autres, ça pouvait être une bonne alternative vers le chemin de la rédemption.
Je quittais malgré tout les lieux sans cette enveloppe attirante... pour mieux la subtiliser quelques jours après réflexion.
Il fallait croire que raccrocher n'était définitivement pas pour moi...