Nous avions eu toutes les infos que nous voulions, ou en tout cas pouvions, à propos de la Rébellion. Il ne restait plus qu'a rentrer au pays pour en informer le Hokage qui, je l'espérais, allait se bouger pour Nami.
Maintenant que notre entrevue avec le forgeron s'était terminée, il nous fallait passer la nuit avant le départ du lendemain matin, aux premières lueurs sous le regard attentif des gardes du Daimyo, chassés comme des paria.

Installés dans une auberge des bas quartiers puisque le Chef local n'avait pas pris la peine de nous loger, je proposais aux plus jeunes d'aller se reposer tandis que je prendrais le tour de garde avec Yamato. Mieux valait rester vigilant vu que notre présence n'était pas vraiment la bienvenue. Et puis, surtout, il fallait que l'on ait une conversation lui et moi.

Prenant place dans la cour de l'auberge, déserte à cause de l'heure déjà bien avancée et parce que personne hormis nous ne semblait avoir réservé de chambre ici comme j'avais pu le comprendre en voyant toutes les clés encore exposées dans l'accueil, je m'assis sur la vieille terrasse miteuse non loin du Yuki, en soupirant.
Il devait avoir compris mon manège lorsque je lui avais demandé de monter la garde avec moi. Nous n'avions pas besoin d'être deux dans ce coin paumé, surtout vu notre puissance respective.
Machinalement, je tendis une bière à Yamato et m'en ouvris une, avalant ma première gorgée de réconfort. Cette journée, cette pression et voir ce vieux forgeron s'aligner des choppes dans sa situation déplorable m'avait donné soif. Et puis nous en aurions bien besoin vu la conversation qui allait suivre...

« Tu compte me faire la gueule encore longtemps ? »

Questionnai-je sans même lui adresser un regard.
Qu'il puisse m'en vouloir parce que je l'avais traîné ici pour m'assurer de la sécurité des genins, moi pour qui c'était la première mission en team depuis un moment, je pouvais le comprendre. Mais il ne semblait pas y avoir que ça. Après tout, ok c'était une mission pour laquelle je l'avais forcé et je n'avais pas laissé le choix au Hokage et son bras droit quant à sa présence s'ils voulaient me voir sur cette mission, mais ça restait un ordre de ses supérieurs au final et il ne rechignait jamais à se pointer là dessus. D'ailleurs, il m'avait même dit qu'il ne vivait que pour continuer son combat en tant que militaire pour la paix du pays, parce qu'il n'était bon qu'à ça. Ça ne devrait donc pas autant le troubler.
Non, je pensais que c'était simplement de me voir ici, en tant qu'envoyée de Konoha qui le troublait. A lui aussi ça lui rappelait de mauvais souvenirs ? Ou peut être que c'était le fait de me voir sous couverture, avec une apparence qu'il ne me connaissait pas. Bref, je n'étais pas dans sa tête et ça commençait à me gonfler de le voir aussi froid que sa foutue glace !

Mon regard chercha finalement le sien.

« On a passé l'âge pour ces conneries. Expliques moi pourquoi cette gueule d'enterrement encore plus prononcée que d'habitude. »

La journée fut assez longue et éprouvante psychologiquement. Si j’avais bien plus l’habitude de me retrouver épuiser après une journée à me battre ou à faire tout autre activité physique, la fatigue mentale à observer un décor macabre et à endurer un certain harcèlement moral de la part du tyran des lieux était bien plus crevant qu’il ne parait.
Il nous fallait attendre le lendemain de ces évènements pour prendre le navire de retour au pays du Feu, il n’y avait donc que très peu de choix. Chassés du palais, nous avions donc pris des chambres dans une auberge locale, dont nous savions seraient des alliés qui n’allaient pas nous chasser. Cependant, face à l’incertitude, j’avais choisi de mon propre chef de rester à l’écart, éveiller, afin de surveiller qu’on ne nous frappe pas d’un poignard dans le dos.

Pendant cette surveillance nocturne, je pris enfin le temps de penser à cette autre nouvelle perturbante. La mission fut une bonne excuse pour pousser à plus tard la réflexion, mais maintenant que je pouvais souffler… La migraine venait. Ama bossait donc pour Genkishi ? Depuis quand ? Pourquoi ? Et pourquoi me l’avoir caché ?
Ces questions, j’allais sans doute avoir la réponse, alors que la concernée entra dans mon champ de vision déjà bien réduit. Je pus voir également la nouvelle tentative de pot de vin sous la forme d’une bière posée presque dans ma main. L’ignorant royalement, continuant à fixer l’horizon par la fenêtre, je la laissais consommer et briser le silence.

« - Je me concentrais seulement sur la mission, Ama. On sait tous les deux que t’aurais pas eu les idées claires si on avait eu cette discussion avant. »

J’anticipais déjà cet échange et le résultat que ça aurait pu avoir si on en avait parlé à chaud, et surtout avant tout ça. Si j’avais fini par laisser ma pensée partir comme un lance-pierre, ça aurait pu l’affecter elle, et la réussite de l’opération. Je ne pouvais pas risquer ça pour le pays du Feu.
Ca et je faisais peut être un peu la gueule. Potentiellement.
Je continuais à m’intéresser à l’extérieur plus qu’autre chose, alors que je fouillais ma poche pour ressortir ce qu’elle m’avait donné avant que nous embarquions sur le navire. Le set d’entretien de lame. Quelques secondes suffirent pour m’aider à comprendre de quoi il s’agissait avant de le poser sur la table, près de la bière, mon œil se tournant finalement vers la fausse rousse à son énervement.

« - Rien. Je me demandais juste comment se faisait-il qu’une personne prétendant ne plus vouloir rien avoir affaire avec l’armée, se retrouve à agir sous les ordres directs du Hokage. Si secrets que même un Jônin, et ami, ne soit pas au courant. »

Ce n’était pas son job qui me dérangeait. Ce n’était pas les actes, ni même le fait qu’elle agisse dans l’ombre. C’était le fait que ni elle, ni Genkishi n’a tenu de m’informer de ceci quand je suis monté en grade. C’était un abus de confiance que je n’appréciais pas du coup, qui aurait dû la frapper pourtant. Mais elle ne semble pas réagir pour l’heure, laissons la réfléchir… Maintenant, il y avait plus important.
Remarquant finalement une gorge s’asséchant, j’attrapais la bouteille et éjecta la capsule, près pour une « hydratation » en bonne et du forme.

« - Éclaircis ma lanterne. C’est quoi le deal que t’as passé avec le Hokage ? T’as du linge sale que ce renard a trouvé, et te fait chanter avec ? Ou bien t’as une dette spécifique envers lui ? Me fait pas croire que t’as renfilé le manteau juste pour cette mission. Ca se voit que t’as pas perdu la main depuis le temps. »

« - Je me concentrais seulement sur la mission, Ama. On sait tous les deux que t’aurais pas eu les idées claires si on avait eu cette discussion avant. »

Ce n'était pas totalement faux. Cette mission sous escorte c'était déjà une épreuve en soit mais le voir m'ignorer et clairement avoir un pet de travers sans en comprendre réellement la foutue raison était bien plus perturbant !
Il profita de la latence de son discours pour sortir de sa poche le cadeau que je lui avais offert en guise de compensation pour ce bordel dans lequel je l'avais traîné. Un kit d'entretien enfermé dans son coffret signé du nom du forgeron l'ayant façonné. Décidément j'allais faire une overdose de forgeron pour un moment.
Alors qu'il le posa sur la table à côté de lui, il se mit a enfin exposer le problème. Il ne comprenait pas pourquoi j'étais sous la coupe de Genkishi alors même que je lui avais dit ne plus vouloir me mêler de la vie militaire. Un statut si secret que lui même ne le savait. Lui avais-je menti pour autant ? C'était réellement de ne pas avoir été mis dans la confidence qui l'énervait ?! J'avouais ne pas comprendre sa réaction.
Pendant qu'il déblatérait son discours, je repris une gorgée – j'allais en avoir besoin – et répondis à mon tour.

« Donc... T'es remonté comme une pendule parce que je ne t'ai pas dit qu'il m'arrivait de bosser pour le Hokage ? »

Je l'observais en fronçant les sourcils.

« Tu ne t'es pas dit qu'il y avait peut-être une raison secrète derrière ce silence ? »

Et justement il me fit comprendre que si, mais lui pensait que Genkishi me faisait chanter et m'obligeait a agir comme ça contre mon gré. Je me mis a rire sous cette idée avant de boire une nouvelle gorgée.

« Tu n'y es pas du tout. »

Je soupirais d'avance. J'allais devoir lui expliquer le pourquoi du comment.

« Assis-toi parce que ça risque d'être long. »

Le regard perdu vers ma bière, je finis par relever les yeux pour affronter le sien, unique mais inquisiteur.

« Je ne t'ai pas menti. Je ne veux plus avoir a faire avec l'armée au quotidien. Je ne travaille pas pour Genkishi en tant que shinobi. »

Voilà qui devait encore plus l'intriguer.

« Peu de temps après la réouverture de Konoha, j'ai croisé Genkishi par « hasard ». Il voulait me recruter dans les forces du village mais je lui ai dis que j'avais raccroché. Il a insisté plusieurs fois, toujours en se prenant un stop mais il a fini par me dire que c'était dommage et que mon potentiel pourrait servir à la cause des innocents. Pour que plus personne ne subisse de trahison comme nous avons connu... Alors il m'a tendu une lettre que j'ai d'abord refusé. J'ai bien vu son manège. Il utilisait un moyen détourné comme un foutu serpent pour obtenir ce qu'il voulait quand même. Mais j'ai longuement réfléchi à ce qu'il a dit... et ça a fait sens pour moi. »

Étouffer les trahison dans l'oeuf. Éradiquer les menaces...

« Pour autant, je ne me voyais toujours pas devenir shinobi à temps pleins. Bosser de nouveau en team... clairement je n'étais pas prête à ça. Alors je me suis mise a bosser en solo pour lui et j'ai accepté mon premier contrat. Plutôt que shinobi, j'ai enfilé un manteau plus sombre. Celui que l'on est pas censé voir si le travail est bien fait. Celle que tu as devant toi n'est pas un soldat de l'armée. »

J'étais bien plus et bien moins à la fois.

« Je suis l'espionne et l'assassin du Hokage. »

Mon ton s'était montré plus rude face à la lourdeur de mes propos. Il ne devait pas s'y attendre et méritait plus d'explications.

« Cela dit... je ne travaille que ponctuellement pour lui : c'était notre accord. Je mène une vie lambda avec un job de civile et de temps en temps je bosse pour lui. Il n'était pas question d'en faire un boulot à plein temps. Je tenais à ce bout de vie normale et bien méritée. Mais... »

Est-ce que je lui parlais vraiment du reste ? De cette sensation de vide qui perdurait malgré une vie paisible ? …

« Avec le recul... je crois que je me suis plantée. »

C'était difficile a admettre, moi qui avait toujours couru après cette « normalité ». Cette vie composée de galère propre à tout à chacun sans avoir a voir les corps déchiquetés de sa famille et de ses amis un peu trop souvent... De ce confort d'avoir un toit au dessus de la tête, un bain bien chaud, dont j'avais tant rêvé parfois lorsque je me traînais dans la boue, dormant dans une tente crasseuse au milieu de nul part, dans un cagnard ou dans le froid en pleine mission... J'avais tout ça maintenant. Mais ça ne semblait pas suffisant.

« Mener une vie « normale » ce n'est pas vraiment comme je le pensais. J'ai toujours vécu à cent à l'heure et sans vrai confort. J'ai l'impression que finalement je peux me passer de toutes ces conneries. Maintenant, je suis heureuse lorsqu'on me convoque pour une nouvelle mission qui en plus, contribue a éviter les trahisons. Mais tous les jours... j'sais pas. »

J'avais peur de le regretter. La marche arrière serait impossible. Avec mon statut actuel j'étais plus libre. Je pouvais déménager demain ailleurs dans Hi ou le Yuukan si je le voulais, sans rien avoir a demander à personne. Renoncer à cette liberté... je n'arrivais pas. Je refusais que l'on m’enchaîne.

« Genkishi continue de faire pression pour que je rentre dans ses rangs. Il n'aime pas que je m'impose en électron libre capable de l'envoyer chier si le cœur m'en dit. Je le respecte mais ce n'est pas mon chef, juste mon commanditaire. Si je ne veux pas exécuter l'une des missions qu'il me confie je ne le fais pas. »

Et c'était là tout la nuance : je n'étais pas sous sa coupe en permanence.

« Tout ça pour dire que c'est pour cela que tu n'étais pas au courant. Hormis Genkishi, seule Miyako le sait. »

Juste ce qu'il fallait en somme. Mon regard cherchait le sien, presque penaud quelque part. Comme ci je craignais son jugement alors que j'étais libre de faire ce que je voulais.

« Je ne t'ai pas menti a proprement parlé. J'ai effectivement raccroché l'armée. Du moins... jusqu'à aujourd'hui... »

Je bus une longue gorgée et terminai ma bière en me terrant dans le silence.

J’écoutais passivement ce qu’avait à me dire Ama, mais toujours avec un peu d’amertume en tête. Je ne savais pas réellement pourquoi ce sentiment restait en vrai. Depuis longtemps, j’avais appris à être plutôt détaché des relations humaines. Même en mission, je ne considérais mes partenaires à pas plus que ça, des partenaires temporaire, d’autres soldats. S’ils disparaissaient, c’était triste, sûrement, mais je n’allais pas avoir de peine. De cette manière, je ne sentirais pas d’état d’âme si jamais l’un d’entre eux venait à me trahir.
C’est pourquoi cette « absence de vérité » (pour ne pas dire mensonge) n’aurait pas dû m’affecter… Excepté que ça venait d’Ama, l’une des rares personnes que je connaissais depuis longtemps à qui je faisais encore pleinement conscience. Même Genkishi, aussi prestigieuse que fusse sa profession, n’était qu’à une trahison de se faire trancher par ma lame.

En parlant de lui, la fausse rousse me raconta ainsi le comment du pourquoi cette situation arriva, alors que je me contentais de fixer l’horizon. Pour une rare fois, l’envie d’ivresse n’était pas là, alors que la bouteille placée à mes côtés fut intacte.
C’est ainsi que j’appris qu’Ama était devenue l’assassin du Hokage, afin de tuer les indésirables avant qu’ils ne commettent leurs actions. Du meurtre préventif, en voilà un rôle bien moralement gris, surtout vu le ton qu’elle prenait… Heh.
Vint ensuite la remise en question. Il fallait croire que comme moi, la vie de soldat avait du mal à s’effacer de son être. Quand on a vécu des évènements aussi intenses que les nôtres, il est compliqué de se dire qu’un jour, il sera temps de raccrocher… Moi en tout cas, je n’y penserais jamais.

Finalement, j’ai eu sa version de l’histoire, et que dire… Je n’étais toujours pas enclin à passer éponge sur toute cette affaire. Oui, ça expliquait pas mal de chose sur ce qu’elle faisait, et pourquoi elle ne tenait pas à en parler. Mais comprendre ne voulait pas dire forcément pardonner, et pour le coup, ce n’était pas encore ça… Pour la première fois, je finis par attraper cette bouteille afin de m’hydrater la gorge, de quoi me faire desserrer les dents.

« - … Donc ton secret c’est que tu tues les gens qui ‘pourraient potentiellement poser un problème ? Heh, ne me dis pas des conneries. »

Avant qu’elle ne puisse essayer de répondre à la mienne, je levais un doigt en l’air, la forçant à attendre alors que je pris une autre gorgée. Aussitôt commencé…

« - On est des Shinobi Ana. L’époque où l’on essayait de faire les beaux pour avoir les faveurs des populaces, c’est fini. Le rôle de Jônin oblige que trop souvent à faire le sale boulot, y compris gérer les personnes qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment… »

Je me rappelai d’une mission durant laquelle, je devais éliminer une crapule tout en faisant porter le chapeau sur une autre personne. Malheureusement, le moment où ma lame se retira du corps de la victime, une femme venait d’entrer dans la pièce. Au mauvais endroit, au mauvais moment…

« - Tout ça pour dire que je n’en aurais rien à cirer sur le boulot que le Hokage te file à temps partiel. En revanche, ce que je comprends pas, c’est pourquoi tu considérais ça si important à me cacher. Comme tu l’as dit, en tant que Jônin, j’ai des obligations à tenir pour Genkishi. Et neutraliser les forces importantes qui ne sont pas dans nos rangs en fait partis. Si jamais je n’avais jamais appris tout ça, et que je t’avais trouvé en mission… »

Je ne terminai pas ma phrase, préférant boire encore pour ne pas me faire dire quelque chose que je regretterai. Un long soupir, alors que je me rappuyait sur le dossier de ma chaise, à contempler le plafond avant de lâcher une pointe d’honnêteté.

« - Ça… Et je dois avouer aussi… Il y avait une pointe de jalousie. Quand je suis arrivé au village, j’ai été forcé au rang de Chûnin, bosser mon cul pour monter en grade, avoir la confiance du Kage pour participer à des missions de hautes importance… Et voilà que tu te ramènes, Genkichi se plie en 4 à tes demandes, et mes priorités à moi c’est pour du beurre. Puéril, huh ? Mais c’est assez casse-couille… »

« - … Donc ton secret c’est que tu tues les gens qui ‘pourraient potentiellement poser un problème ? Heh, ne me dis pas des conneries. »

Je m'apprêtais a répliquer mais il me fit signe de me taire et poursuivit en me rappelant le rôle sombre que possédait les shinobis d'aujourd'hui. Moins de reconnaissance de la populace, plus de sales boulots expédiés et enchaînés comme si nous étions une usine à production.... La faute au rendement ou à la montée du banditisme ? Sûrement un peu des deux. Les villages shinobis faisaient bonne figure les uns envers les autres mais c'était la course a l'expansion au cas où le voisin déciderait de nous la faire à l'envers, histoire d'être prêts.
Au final, Yamato affirmait se moquer du type de contrat qui me liait à Genkishi, il n'arrivait simplement pas a comprendre pourquoi je le lui avais caché. Il pointait du doigt le fait qu'il aurait pu me prendre pour une menace en me croisant en mission, sans savoir, mais c'était pour moi une fausse excuse. Je compris un peu mieux lorsqu'il mit le doigt sur cette forme de « jalousie » qu'il ressentait du fait que l'Hokage était prêt a me recruter parmi les Jônins, élites du village, alors que lui avait trimé pour obtenir ce grade.
Mon visage, jusqu'ici fermé, se mut en surprise tandis que je me levai pour m'approcher de lui et être certaine de capter l'expression qui sortirait de son regard.

« Alors la voilà la raison ? T'es jaloux qu'il me colle au cul ? Tu n'as qu'a joué le rebelle distant. Apparemment ça le titille. »

Malgré l'ironie de mes paroles je conservais un faciès saoulé. Cette conversation m'avait mis les nerfs si bien que je m'allumai une clope et tirai une première latte avant de poursuivre :

« Quant au pourquoi je te l'ai caché... Tu dois admettre que te voir réapparaître après tout ce temps et toutes... les cicatrices que ta présence a pu ré-ouvrir... »

J'observai instinctivement son cache œil tout en pensant évidemment à mes propres blessures, aussi physiques que mentales.

« … c'était compliqué a gérer. Nos « retrouvailles » nous ont quand même conduits chez toi complètement bourrés a pioncer dans le même plumard, je te rappelle. Ça faisait beaucoup a digérer d'un coup. D'autant plus que te parler de celle que je suis aujourd'hui n'était pas vraiment le centre de mes pensées. C'est surtout le passé qui gravite. Je n'avais aucune raison ni aucun moment dédié pour t'en parler. »

Fallait dire que le soir où je l'avais recroisé ce n'était pas l'envie de fuir ni de lui cracher au visage toute l’amertume du monde qui m'avait manqué, alors qu'il n'y était pour rien. C'était simplement un bond en arrière dont je ne voulais pas. Comme si tous mes efforts avaient été réduits à néants seulement avec sa réapparition.
Avec le recul je comprenais que je n'avais rien guéri du tout, j'avais juste planqué ça sous le tapis en priant pour que ça ne ressorte jamais. Mais ce n'était pas comme ça que ça marchait.

Nouvelle bouffée de nicotine et expiration salvatrice.

« Je peux maintenant te parler sans avoir envie de me barrer. D'ailleurs c'est même moi qui t'ai fait rappliquer ici, estimes toi heureux de ce progrès. Chaque chose en son temps. »

J'étais même partie à Nami en équipe ! Que d'exploits.

« C'est réellement pour ça que tu m'en voulais ou m'en veux encore ? … Je pensais que c'était parce que je t'avais traîné « de force » ici. »

ça je pouvais comprendre que ça le saoulait, surtout pour se retrouver face à l'immondice qu'était le Daimyo local.

Mon pouce claquait nerveusement le mégot de ma cigarette pour en faire tomber la cendre, perdue que j'étais dans l'expression de mes sentiments même si mon regard parvenait quand même a capté le sien.

« Écoutes... Je suis pas douée pour ça mais saches que si la mission s'est bien passée jusqu'à présent c'est grâce à toi, même si tu ne le reconnais peut-être pas. C'est... compliqué... pour moi de me retrouver ici à gérer des gamins. Ce sont des shinobis mais ils restent vulnérables et tu sais que je ne me le pardonnerais pas s'il leur arrivait quelque chose... »

ça m'évoquait trop de choses, tout ça...

« J'ai demandé à ce que tu sois là non pas par caprice pour me retrouver en mission comme au bon vieux temps mais justement pour éviter ça.
T'es le seul que je connais à Konoha qui soit capable de comprendre ça et prendre le relais si un truc me fait soudainement me rouler en boule. »

Mon regard se montra soudainement fuyant.

« Solo je gère. En team... ça fait beaucoup trop longtemps. »

Je venais presque a avoir pitié de moi même en me voyant si vulnérable a me lamenter sur mon sort. J'étais déjà en vie, c'était ça la chance, non ? Ou alors c'était une foutue malédiction !

« M'enfin... Excuses moi. T'as l'air moins touché par tout ça mais ça ne veut pas dire que ça te laisse de marbre. J'voulais pas te saper le moral. »

Il ne l'avouerait sans doute pas mais ça devait aussi le toucher d'une certaine manière.

« Tout ça pour dire que, quoi que t'en penses, je te remercie d'être là. »

Il fallait croire qu’elle n’avait retenue que la raison la plus puérile de mon argumentaire. Sans doute voulait-elle décrédibiliser ma raison de trouver à redire sur sa décision pour se conforter elle-même, chose qui m’énerva avec le ton qu’elle prenait pour me l’annoncer. Bien évidemment que ça m’énervait de savoir que quelqu’un était passé outre les règles et était caché de quelqu’un de mon rang. N’importe qui aimerait savoir ce genre d’info.

M’enfin, ce qui était plus compliqué à avaler, c’était sa raison réelle sur ce « mensonge », à savoir, les souvenirs que ma présence lui rappelait. Nous y voilà, là c’était un peu plus cohérent. Alors que je finis par la rejoindre en prenant quelques gouttes, elle me fit comprendre qu’elle avait un conflit entre la Ama de l’armée du Feu, et la Ama barmaid secret agent. L’idée de devoir retravailler « en équipe » lui donnait quelques maux de tête dirait-on… Il fallait vraiment croire que nous étions pareil à un certain point… Cependant, sa remarque sur le fait de me traquer ici me fit rebondir.

« - Ça rejoint ce que je disais avant. Le Kage m’ordonne d’abord de traquer une criminelle à Hi, une incendiaire qui est je ne sais où. Et tous d’un coup, il change d’avis, et apparemment à « ta » demande. Tu peux comprendre que ça fasse un peu chier. »

Je continuais à l’écoutais, alors qu’elle raconta ses problèmes à gérer la pression en équipe, à faire confiance à ses propres capacités quand elle a quelqu’un d’autre à sa charge. Une vraie galère à gérer ces émotions parait-il. En revanche, j’eu honte d’admettre qu’une phrase m’énerva plus que l’autre. « Moins affecté qu’elle » ? Juste parce que je ne réagis pas comme elle à tout ce qui s’était passé… Heureusement que j’avais lâché la bouteille, elle se serait brisée dans ma patte…

« - … La dernière fois que quelqu’un m’a menti sur un sujet et que je lui ai fait confiance… Quatre personnes sont mortes. »

Il était inutile de lui faire comprendre de qui s’agissait-il. Le ton de ma voix et la manière dont j’en parlais, il ne pouvait s’agir que des quatre personnes que nous côtoyons autrefois.

« - Depuis, je ne fais plus confiance aveugle aux autres. Ni co-équipiers, ni civils. Pas même le Kage. Je m’attends toujours à ce qu’il envoie des troupes chez moi pour une raison X ou Y, et que je doive me défendre pour sauver ma peau. »

Ce n’était pas à la légère que je lançai ça. Il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir des mauvais rêves de ce genre… Certains résultant à des murs tranchés…

« - Depuis que je suis capable de mener une équipe, je n’autorise aucun écart de conduite, allant à renvoyer de la mission ceux qui font les cons. Je m’assure d’avoir toutes les informations nécessaires pour protéger l’équipe, et éradiquer les problèmes à cette dernière. Qu’ils soient externes, ou internes. »

C’était pour ça que j’étais aussi dur en mission, et le suis encore aujourd’hui. Le moindre faux-pas peut entrainer des conséquences catastrophiques, et je refuse que mon inadvertance en soit la conséquence… Mais vint alors le plus dur.

« - Cependant… Quand j’ai vu que tu étais à Konoha, que tu m’as dit que t’avais raccroché pour de bon… Je me suis dit que je pouvais te faire confiance. Sinon, jamais tu ne serais restée chez moi pioncer… Mais bon, nous y voilà. »

Sans mauvais jeu de mot, voilà que j’avais jeté un sacré froid je pense. Bien moins puéril que « je suis jaloux » d’avant, mais bon, il fallait bien relâcher ce qu’on avait sur le cœur, non ? J’avais lâché ça, alors que j’essayais en vain de vider la bouteille vide entre mes mains. Fait chier. A deux doigts de la balancer pour me calmer les nerfs, je fini par la reposer sur la table par dépit.

« - M’enfin, au final : Merde. T’avais tes raisons, des bonnes, je vais pas te faire chier plus que ça. Juste, évites les crises d’angoisses la prochaine fois. Je serais pas toujours derrière toi pour te sauver les miches. Le Kage considère que t’es une grande fille après tout, alors moi aussi. »

Une tentative vène d’essayer de détendre l’ambiance, feignant un bâillement bruyant pour essayer de me réveiller moi-même.

« - Et puis, faut que t’arrêtes de croire que je suis juste une brute épaisse, hein. Évidemment que j’allais pas tabasser ce vieux schnock, je sais me tenir. A t’entendre, faudrait croire que j’allais dégainer mon sabre au premier « plouc » qu’il me lançait. Franchement, tu devrais mieux me tenir en estime, je reste techniquement ton supérieur. »

Je voulus riposter, presque sur la défensive, lorsqu'il parla du « passe-droit » que m'avait fait le Kage en l'envoyant sur la mission « à ma demande » mais je fermais ma gueule pour le moment et pris le temps de l'écouter.
Il expliqua, avec une amertume notable dans la voix, qu'il ne pouvait plus faire confiance aveuglément depuis que nous avions tout perdu, parce que cette perte était en partie due à une trahison qu'il n'avait pas vu venir. Je compris soudainement un peu mieux sa réaction au fait que je lui avais caché ma position et Genkishi avec. Au fond, il devait se sentir trahi une fois de plus, sa confiance bafouée avec ce non dit alors que ce n'était clairement pas le but.
Tout ça ne montrait qu'une chose : ce n'était pas de la même façon mais Yamato aussi avait des séquelles. Au final, nous n'étions pas si différents : le trauma était là, nous avions juste choisi d'avancer d'une autre manière.

Je le laissais continuer de vider son sac sans rien dire. Ça faisait mal a entendre mais au final c'était ptet le seul moment où il en parlait et se déchargeait depuis que tout ce bordel avait eu lieu. Je lui devais bien ça.
Cependant, lorsqu'il eut fini, et après m'être terrée dans un mutisme qui avait dû lui laisser croire que je m'étais laissée submergée par le froid hivernal qu'il venait de planter, j'écrasais mon mégot et repris la parole, le regard animé d'une nouvelle lueur ardente.

« A voir ta sale tronche et t'entendre raconter toutes ces conneries j'aurais en effet dû m'abstenir et envoyer chier le Kage , lui et sa mission à la con. »

Ouais parce que je n'avais pas supplié Genkishi pour la présence de Yamato non plus.

« Je ne voulais rien avoir a foutre en équipe. C'est Genkishi qui me voulait absolument pour ce plan. Alors, pour remettre tes pendules à l'heure : non, tu n'as pas eu a ramener ton cul ici « à ma demande ». J'ai simplement dit à Miyako et à ce renard que s'ils me voulaient vraiment comme cheffe d'équipe pour cette mission, il fallait que tu rappliques mais que si ça ne leur convenait pas ils avaient qu'a prendre quelqu'un d'autre à ma place. Ça ne m'aurait pas dérangé, loin de là ! »

C'était donc eux qui avaient concédé a le muter sur cette mission au détriment de sa traque plutôt que de choisir quelqu'un d'autre que moi pour Nami. Et je savais très bien pourquoi.

« Il veut me forcer a remettre un pied à l'étrier pour être shinobi a part entière du village, je ne suis pas stupide au point de ne pas le voir. L'emmerde c'est que je ne sais foutrement pas ce que je veux moi même. Je ne me vois pas refaire carrière dans ce merdier et pourtant me voilà à Nami avec deux genins.
Ptet que je voulais simplement voir si ça pouvait le faire, ou si j'en étais seulement capable. J'en sais que dalle. »

C'était le bordel dans ma tête. Coincée entre les conflits de mon passé et mon envie d'avancer sans savoir trouver un juste milieu.
En revanche...

« Il y a cependant une chose dont je suis certaine... »

Droite comme un « i » devant le Yuki, je tapotai sur son buste d'un doigt accusateur.

« Genkishi se sortira le balai dans le cul avant que je te considères comme mon supérieur. »

Un léger sourire s'afficha sur mes lèvres tandis que je compris son envie de détendre l'atmosphère, retirant par la même occasion mon index marteleur et rebondissant sur son côté brute épaisse.

« Franchement, tu as été d'une grande patience. Moi aussi j'aurais eu envie de lui couper la tête à cette raclure. Mais c'est vrai : t'as le sang plutôt chaud pour un Yuki. »

Je lui lançai un rapide sourire complice avant d'aller chercher ma bière vide et de reposer le regard sur lui.

« En tout cas, je comprends mieux pourquoi tout ça t'as foutu en rogne. Je ne dirais pas que je m'excuse, j'en avais pas conscience et j'avais mes propres raisons de me taire. Au final, c'est juste qu'un foutu problème de communication. »

ça n'avait jamais été notre fort, faut dire.

« Quoi qu'il en soit, les compteurs sont désormais à zéro. Tu sais tout. Y'a plus rien que je te cache. Enfin... rien qui t'intéresse en tout cas. »

Même si cette conversation m'avait secoué plus que je ne l'aurais voulu, ça m'avait fait aussi sacrément du bien d'en parler. Et de comprendre un peu mieux sa vision des choses.  

« T'as d'autres points a éclaircir ou t'es capable de me faire confiance maintenant ? »

J’avais beau essayer de relancer la conversation avec une ambiance bien plus détendue, c’était loin d’être aussi facile. Si elle n’aimait pas parler du passé, je détestais surtout parler des conséquences de ce dernier. J’avais choisi de vivre sans jamais regretter mes actions, que ce soit combattre une armée de bandit au risque de ma vie, ou tuer une vie innocente pour le « bien de Konoha ». Me détacher de tout remord et empathie était le vrai moyen de ne plus ressentir ce sentiment de trahison.
M’enfin, j’avais les réponses que je cherchais, avec un brin de tacles aux côtes quant à ma façon de dire les choses. Elle avait beau dire « j’aurais évité la mission », mais pensait-elle réellement que Genkishi l’aurait laissé tranquille après ça ? Quelle naïveté.

Maintenant, l’ambiance lourde avait disparu, ou du moins, atténuée pour une bien plus agréable. Je savais bien que me placer en tant que « chef » devant elle allait donner une réaction plus détendue. Il y avait des choses sur quoi fallait appuyer juste pour relâcher la pression.
Les choses se passaient déjà bien mieux au niveau de l’ambiance générale, il fallait dire que sans moi en train de douter le moindre mot qui sortait de sa bouche, j’étais bien moins en clin à penser le pire de la situation. Tant mieux, on pourrait passer à autre chose.

« - Y a rien qui me vient à l’esprit. Faut croire que il n’y a pas de problème à régler, donc je te laisse pour cette fois. »

Tout ça était bien sûr dit sur un ton à la déconnade, mais bon, fallait le préciser. En revanche, sa réaction quant au fait que je me serais « énormément retenu » d’attaquer ce connard était un petit point qu’il fallait éclaircir qui serait un peu plus grave au niveau du ton.

« - Il est en vie parce qu’il n’a rien fait qui méritait la mort à mon égard, et qu’il n’est pas actuellement un danger pour la Feuille. Ce qu’il fait à son pays, aussi horrible soit-il, ne me regarde en rien tant que cela n’affecte pas le Feu. »

C’était rude et clairement antipathique, mais elle savait que j’avais une certaine tête de cochon maintenant. J’étais et je resterais un soldat du Feu et du Feu uniquement. Si quelqu’un était en situation de danger, mais que des affaires du pays étaient plus importantes, je la laisserais sans regret en lui tournant le dos.

« - Maintenant que c’est réglé, il faut se préparer à la suite. On n’est pas préparé à un retournement de situation ou un changement d’avis du tyran quant à notre sujet. Je pars faire un tour avant de me recoucher. »

Après la vérité que je venais de lâcher, je me doutais bien qu’elle refuserait de refaire la fête. Elle était bien plus « sentimentale » que moi, notamment par son manque d’appartenance à Konoha. J’espérais juste qu’elle comprendrait la raison qui me pousse à agir ainsi. Sinon… On aurait des problèmes.
C’est ainsi que je quittais la table, ne laissant qu’une bouteille vide, quelques piécettes pour la payer, et un conflit en devenir après en avoir résolu un autre.