La carrière militaire de la genin se déroulait sans encombre. Après une tardive mais rapide intégration aux rangs de l'armée Kumojin, la commerçante franchissait d'un pas hâtif l'ensemble des obstacles qui se dressait sur son parcours. Depuis peu, elle sentait que ses capacités martiales avaient franchement progressées. Elle était désormais définie comme un shinobi de rang B. La prochaine étape majeure est la promotion. L'obtention de ce que l'on peut appeler un graal pour tous les genins, peu importe le village qu'ils habitent : le grade de Chuunin.

Mais avant cela, Muku souhaitait gravir une marche de plus. Une haie à franchir presque aussi importante que l'obtention de ce fameux grade : décrocher le droit de réintégrer le domaine du clan Senbaru. Au sein même du village, le clan fondateur de la Cité possède une enclave dont l'accès est exclusivement réservé à ses membres. Un village dans le village. Bien qu'elle soit un membre officiel du clan, Muku a depuis longtemps quitté le domaine.
En l'an 30, Le Traité de prospérité puis la fermeture des villages ninjas mirent à mal le commerce d'armes des arrières grands-parents de Muku. Les générations se succédèrent sans qu'aucune ne puisse endiguer la perte de leurs actifs. Railler au sein de sa propre famille, le père de Muku ne put supporter plus longtemps l'humiliation et quitta l'enclave pour basculer dans la branche corrompue. Sans être un véritable truand, il fabriquait de la fausse monnaie dans le seul but de subvenir aux besoins de sa petite famille, sa femme et sa fille.

Retrouver sa place au sein de son clan apportera peut-être un coup de pouce à Muku dans l'évolution de sa carrière. Mais c'est avant tout pour répondre a un besoin de stabilité psychique qu'elle souhaite ardemment y élire domicile. Depuis l'arrestation de ses parents par les forces gouvernementales et leurs envoie à Arashi, elle vit seule. Un fardeau porté depuis sa plus tendre enfance, un meilleur ami pour le meilleur et pour le pire. Avec sa nomination de genin, elle fut amenée à rencontrer de nombreuses personnes qui lui ouvrirent involontairement les yeux sur sa situation. Une situation secrète dont elle a su s'éveiller pour en définir les contours. Sans aide, elle n'arrivera certainement jamais au bout de ses idées.

Avoir des amis est un besoin dont on peut se passer. En revanche, la famille est un pilier de tout un chacun, un fondement qui se nourrit et s'entretient au quotidien. Dans le cas de Muku, il s'agira de rétablir le lien, de reconnecter le tronc avec ses racines pour permettre au cerisier de fleurir.
Pour ne pas être comme un cheveu sur la soupe, Muku choisit avec précision le moment opportun. Elle l'avait déterminée depuis longtemps et les choses se déroulaient comme elle le souhaitait. Le temps était venu de les retrouver. Son intégration officielle à l'unité Kagakusha était le point de départ de sa réintégration au domaine familiale. Ainsi, elle revenait à la maison les bras chargés, et non les poches vides. La cerise sur le gâteau n'était rien d'autre que son chef d'unité soit aussi le doyen du clan Senbaru.

* Après ce coin de rue, l'entrée principale se dressera devant moi … * se dit-elle anxieuse.

Elle attendait ce moment depuis si longtemps, l'avait imaginée, l'avait rêvée de si nombreuses fois qu'elle ne trouva pas la force intérieure de s'y présenter. Sans réellement sans rendre compte, elle tournait autour de l'enceinte, passait et repassait devant les majestueuses portes gardées. Si bien qu'au bout d'un moment, une équipe de sécurité du clan interpella la jeune femme. Ils l'empoignèrent par le bras.

« Hey toi ! Qu'est-ce que tu mijotes ? Tu traînes dans les parages depuis plus d'une heure. On dirait que tu cherches une faille ! Tu veux nous attaquer ?! » la secoua un garde zélé.

~

La vive douleur au bras causée par l'excès de zèle du garde l'extirpa de sa torpeur. Sans même s'en rendre compte, la genin était encerclée par un garde et deux de ses acolytes. Sur le coup, son esprit s'étira entre deux sentiments : la fierté de savoir le domaine clanique sous bonne garde et la colère de se faire ainsi mal-mener. La marchande habituée des négociations houleuses garda son calme. Le corps serein mais tonique, elle se contenta d'un regard froid au protecteur, mais avant cela à ces deux camarades. Après tout, elle était là chez elle.

« Ne vous méprenez pas. » répondit-elle calmement.

« Ah wé et t'es qui ? » rétorqua-t-il narquois.

« Je suis Senbaru Muku. »

« Balivernes ! On ne t'a jamais vu ici ! Tu nous prends pour des idiots ? » resserra-t-il un peu plus son étreinte sur son bras.

« Que vous faut-il de plus pour prouver mon identité ? » jeta-t-elle un œil sur la main du gardien ou de son ennemi, elle ne savait plus trop comment le considérer.

« Qui sont tes parents ? Qu'on se renseigne sur ton affiliation ! »

La jeune femme redoutait tout particulièrement cette question. Elle savait pertinemment que ses parents devaient apparaître sur une liste quelconque, répertoriant les membres du clan ayant basculés dans la criminalité. Elle-seule savait la vérité, les autres ne les voyaient que comme des parias. Un combat de plus pour la solitaire afin de rétablir la lumière, bien que sur la forme, ils aient tous raison, son père fabriquait bien de faux billets.

« Je suis la fille de Senbaru Sakugo. » avoua-t-elle finalement sans ne manifester aucune émotion.

« Tu es la fille d'un traître, tu es une traître donc ! » lâcha bêtement le garde après avoir déroulé un parchemin en sa possession. Les autres se mirent à la railler, comme par le passé.

En famille, Muku n'en reste pas moins une Senbaru au tempérament fort et à la fierté exacerbée. D'un coup d'épaule elle bouscule le garde pour se libérer et compose une rapide succession de mudras. Dans son dos des feuilles se matérialisent les unes sous les autres pour ensuite se fuseler en forme de plume. Rapidement, une petite paire d'ailes bat vaillamment les airs chassant les deux autres gardes surpris.
Un guet perché sur la muraille du domaine assistait à la scène. Lorsque l'ingénu devint agressive, il sonna un tocsin et rapidement une dizaine de soldats entourée la genin. Cette situation, elle l'avait envisagée mais c'était le pire des scénarios. La diplomate avait néanmoins un joker dans sa manche qu'elle souhaitait garder pour plus tard. Mais elle devait le consommer dès à présent sous peine de se voir définitivement fermer les portes.

« Je suis une Senbaru, je n'ai pas à vous obéir. » lança-t-elle fièrement. « Si vous en doutez, informez Yasue de ma présence, il est mon chef d'unité. » dévoila-t-elle son va-tout.

Dans la précipitation, Muku n'avait même pas remarqué Kimiko un peu plus loin.