C’était en ce jour ma première mission officielle pour le village caché du sable. J’avais pris plaisir à arpenter longuement ses rues, trouvant un appartement d’une taille respectables dans ses quartiers résidentiels ; j’y avais entassé les différents souvenirs de ma vie de nomade ; les objets du clan, légué par Père ; les bagues, cadeaux de Mère ; et ces costumes aux multiples couleurs qui resteraient à jamais dans mon armoire.
J’avais revêtu ma tenue de shinobi ; pourpre, l’emblème du village dans le dos, avec des pochettes et des sacs fonctionnels ; lorsque j’avais mis mon diadème à corne ce matin, j’eus l’intime conviction que cette journée ne serait que le premier pas de chacune des traques à venir, de chaque pas qui me rapprocher de goûter le sang de cet homme.
Kusarigama à la ceinture, je me dirigeai d’un pas décidé vers le lieu de notre mission ; j’avais été affectée à cette tâche avec un autre shinobi, un certain Mitsurugi, du clan Kinzoku ; un inconnu, dont j’avais la description. Nul doute que dans cette tache de construction, ou plutôt, de vérifier si tout se passait normalement, il serait d’une grande utilité.
Approchant de bâtiments à moitié en ruine, profitant de la fraîcheur matinale, je m’approchai de l’homme qui donnait manifestement les ordres, cherchant mon compagnon du regard.
- C’est vous, les shinobis qui doivent nous aider à tout vérifier ?
Son sourire démentait son ton bourru ; regarder des bordereaux de livraison n’étaient pas une des occupations les plus gratifiantes, et sans nul doute qu’il était ravi de se décharger des problèmes à venir sur nous.
- En effet, mon compagnon ne devrait plus tarder. Vous avez déjà jeter un coup d’oeil à la marchandise ?
- Ouais, et franchement, ils ont du encore merder, au port. On a des caisses entières de clous et d’boulons qui manquent, on pourra pas monter une seule charpente pour l’instant, le reste, j’ai même pas voulu r’garder… Des incompétents, sur les docks, j’le dirais jamais assez.
Il tira sur sa cigarette en soupirant, et me fourra tout un tas de papier dans les mains, avec un petit regard qui en disait long. Retenant un soupir, je levais les yeux. Un homme s’approchait.
Vous êtes chargés, dans le cadre de la rénovation des édifices de Suna longtemps laissés à l'abandon, de vous assurer que tous les matériaux de construction ont bien été livrés au village. Il arrive parfois que des cargaisons manquent à l'appel.
Enfin rentré à Suna. Le voyage avait été long et Mitsurugi avait malgré tout passé le plus clair de son temps à rien faire. Après avoir participé au concours de nourriture pour fêter la fin de la première épreuve, ce qui avait dû saigner les finances de son ami à l’ombrelle, le sunajin n’avait pratiquement rien fait d’autres que trainer en ville. Bon, l’entrainement avec un autre membre de son clan et la découverte de cette capacité à produire du métal noir aux reflets violets lui avait permis de s’ouvrir à un nouvel horizon. Mais aujourd’hui, les choses normales reprenaient leurs cours : Accomplir des missions pour Suna.
Comme à son habitude le Kinzoku avait été saluée sa mère sur sa tombe. Un petit souvenir de Konoha posé sur la stèle, Mitsurugi avait raconté son voyage au Pays du Feu avec plaisir et surtout les rencontres qu’il avait fait là-bas. Puis le temps de rejoindre la zone en reconstruction était venu et Mitsurugi promit, comme à chaque fois, de revenir la voir rapidement. Le voyage fut rapide. Le ninja fumeur passant par les toits regarda l’activité du village qui s’éveillait, l’établissement des étals du marché, l’ouverture des boutiques, la mise en activité de l’Usine de transformation du Cactus. Le ninja des Sables aimait voir cette activité débordante et grouillante. Il n’y avait pas à dire il était bien chez lui. L’idée l’avait traversé de rester un peu plus, avec l’accord de la Kazekage, Tegami Hazure, à Konoha pour en apprendre plus sur son clan. Mais finalement, il était content d’avoir changé d’avis et d’être rentré à Suna avec les autres.
En arrivant au lieu de sa mission, Mitsurugi descendit du toit et s’alluma sa première cigarette de la journée. Depuis quelques temps, il pensait à diminuer. Il fumait trop et devait ralentir. Il s’en était rendu compte à Konoha, il avait trop souvent sa clope dans la bouche. Il tira dessus et regarda l’activité grouillante de la zone. Le Sunajin soupira en s’approchant d’un contremaître en discussion avec ce qui ressemblait à une kunoichi. Mais le contremaître se tira avant que le fumeur puisse lui parler. La jeune femme se retourna et m’appela, elle se demandait réellement si c’était moi. Je souris en retirant la cigarette de ma bouche. "En effet, c’est moi. Tu dois être Isara. Tu es une Tegami donc ? Ca va, je connais les capacités de ton clan. On s’y met ?" En effet, dois-je rappeler que ma meilleure amie, Ayane, est une Tegami, elle aussi, tout comme la Kazekage ? Je connaissais donc parfaitement les capacités potentielles de ce clan de Suna. On devait se mettre en action.
Rapide, efficace, à l’expression claire. Cela ne pouvait être qu’un partenaire digne de ce nom. Néanmoins, la forte odeur de cigarette qui l’enveloppait me fit légèrement plisser les yeux. Pourquoi absolument chaque chose de ce village me rappelait la Compagnie ? Bien que Grand-Père ne fumait pas de tabac, mais une forte odeur de chanvre, ou que sais-je, ne le quitter jamais. Je lui rendis son sourire.
- Kinzoku, ce nom m’est étrangement familier.
Je lui rendis son sourire.
- Même si je doute que nous ayons besoin des arts ninjas dans cette tâche.
Je sortis un crayon d’un poche et commençai à me gratter la tête avec en épluchant les bordereaux de commande et les différents rapports entassés là, en me rapprochant du shinobi pour qu’il puisse voir.
- Bon, de ce que je vois là, la Princesse, enfin, le navire, qui aurait du amener tout les clous et les boulons à ce chantier aurait déchargé tout cela au port, impossible de les trouver. Concernant la résine qui doit servir de colle, le navire en provenance de Yuki a essuyé un mauvais grain qui a faillit l’éventrer contre un rocher, et il stationne également dans le port en attente de déchargement, de réparation, et de décompte des marchandises. Bon. Disons au moins que c’est centralisé sur le port, nos affaires.
Je ne pus m’empêcher de soupirer ; même si les armes ne doivent s’utiliser qu’en cas d’extrêmes nécessité, leur langage et bien plus simple que celui des marchands, qui plus est des bateliers et des dockers.
- Je ne connais que peu le port et ses habitudes, peut-être que tu sais à qui il faut s’adresser pour ce genre de… requête ?
Requête… désastre imminent. Les marins n’aimaient pas qu’on se mêle de leurs affaires, surtout si les shinobis mettaient le grain de sel… ou de sable.
M’inclinant exagérément, je fis signe à Mitsurugi de faire le premier pas de cette journée qui s’avérait déjà désastreuse.
Si Mitsurugi connaissait les capacités des Tegami, comme Isara, sa partenaire en revanche semblait ne pas parvenir à se souvenir de ce qui faisait le charme des Kinzoku. Mitsurugi soupira calmement. Il dit avec gentillesse pour lui expliquer. "J’ai la capacité de créer et d’utiliser du métal." Elle argua cependant qu’il y avait peu de chances qu’il y ait besoin d’utiliser des jutsus. Isara n’avait sans doute pas tort. En tous les cas, il valait mieux se tenir prêt en cas de besoin.
Le jeune homme laissa Isara consulter les bordereaux de livraisons et elle fit un rapport sur ce qu’il manquait et ce qui devait sans doute être fait. Cependant, elle ne savait pas particulièrement par quoi commencer. Elle demanda conseil au fumeur pour savoir où ils devraient s’adresser pour savoir où se trouvaient les cargaisons manquantes. Mitsurugi regarda un peu la zone portuaire. Il connaissait bien l’endroit. C’était le port de Suna, même si la plupart des dockers n’aimaient pas qu’on se mêle de leurs affaires, ici, ils étaient sous la juridiction de la Kazekage et devaient faire avec la présence quotidienne des ninjas du village. Certains même travaillaient ici pour le bien du village et pour se faire un peu d’argent en plus de ce qu’ils gagnaient dans les missions. Mitsurugi désigna un petit bâtiment de deux étages qui semblait usé par les âges. La façade blanche était délavée et la peinture s’écaillait par endroit. Le petit sigle en forme d’ancre marine ne laissait que peu de place au doute. C’était la Capitainerie du port. Le Kinzoku répondit à la question de la kunoichi cornue. "Allons voir Kuroshi, le chef du port de Suna. Il a l’habitude de travailler avec Suna et sait qu’on peut être dans les pattes des dockers. Souvent j’ai bossé dans le coin, si les dockers te regardent mal, en voyant ton bandeau, ils s’en moqueront." Aussitôt dit, il prit la direction de la Capitainerie en prenant des mains délicatement les bordereaux de livraisons à Isara.
Il ouvrit tranquillement la porte de la Capitainerie et un homme un peu bedonnant et habillé assez sobrement était assis dans une chaise et accoudé à une table avec une bouteille contenant un alcool fort. Le verre devant lui était à moitié vide. L’odeur de l’alcool et du tabac voletait dans l’air. L’homme portait un manteau noir simplement posé sur les épaules, il sourit en voyant entrer les deux shinobis. "Ah, Mitsurugi-san. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?" "Kuroshi-san, on aimerait parler des matériaux pour Suna. Les boulons et clous en provenance du Princesse ont été déchargés mais on ne sait pas où ils sont, ou du moins ne sont jamais arrivés à l’entrepôt pour la rénovation. Et aussi la cargaison de résine provenant de Yuki sur le…" Mitsurugi consulta le bordereau. "L’Étoile de Neige. Elle est semble-t-il en attente de déchargement." L’homme soupira et se leva aisément, malgré la forte odeur d’alcool provenant de son haleine, il semblait aussi alerte qu’un homme normal sobre. "Tu es mal barré avec l’Étoile de Neige. Ils refusent de nous donner la cargaison tant que les réparations de leurs navires ne sera pas fait. Au frais de la princesse évidemment. Suna doit payer les réparations, ils ne veulent pas négocier. Pour ta cargaison de boulons et clous, mes gars ne savent même pas où elle est. Ils me disent qu’ils sont dans un des entrepôts. Mais ne savent pas lequel et il y a une dizaine d’entrepôts à vérifier. Je te propose un truc. On te fouille les entrepôts et on te les livre et toi tu te débrouilles avec la tête de mule qui dirige l’Étoile de Neige. Ça te va ?" Mitsurugi se fichait de négocier avec un capitaine de navire, il se tourna vers sa partenaire. "Tu en dis quoi Isara ? On va expliquer à ce Capitaine notre façon de penser ?" "Le Capitaine se nomme Okinaki. Il est pas commode." Même si le Capitaine du Port nous prévenait en disant cela. Mitsurugi s’en fichait, il pourrait tout aussi bien avoir coulé le navire de Yuki et faire rentrer cet équipage à pied.
Je suivis le Kinzoku jusqu’à la Capitainerie ; la maîtrise du métal ? Voilà un don bien singulier. Son soupir et son ton en disait plus qu’un seul mot, et même si l’agacement ne pointait pas dans sa voix, il était évident que cette mission l’agaçait ; il était compréhensible que ces tâches ne correspondaient en rien à l’idéal qu’on pouvait se faire des shinobis, mais si nous avions été missionné pour cela, il devait bien y avoir une raison.
Ecoutant la conversation entre les deux hommes, avant que mon compagnon ne me consulte. J’appréciais les échanges efficaces, et toute aide à prendre serait la bienvenue.
- En tout cas merci pour votre aide, Kuroshi-san, les bâtisseurs attendent ce matériaux, et m’es avis que nous allons être aussi convaincant que vous efficace pour retrouver tout ce qu’il manque.
J’échangeai un signe de tête avec l’homme.
- Notre façon de penser, et lui rappeler aussi pourquoi il est venu livrer ses marchandises.
Le port de Suna semblait encore subir les effets de ce mauvais grain, à moins que cela ne soit les dieux qui s’amusent à secouer les navires, frêles embarcations, sur les quais du port. De nombreux bâtiments s’entassaient là, et autour d’eux nombre de marins, de dockers, et autre quartier-maître qui s’éreintaient à décharger les cales avec vitesse et efficacité.
L’Etoile de Neige était autrefois un magnifique galion qui dressait ses trois mâts vers le ciel ; maintenant, c’était à se demander comment il était encore à flot ; son mât principal avait été brisé, et quelques dizaines de marins s’échinaient à le remettre droit quand nous arrivâmes près de son embarcadères ; d’autres tentaient de le stabiliser, clou dans la bouche, marteau et planche à la main. Au vue des cris qui s’élevaient, ils devaient peiner à le maintenir à flot. Et un des homme criait beaucoup plus fort que les autres.
- Capitaine Okinaki ?
La main en porte voix, je donnais de la voix pour me faire entendre du capitaine, un homme dans la force de l’âge vêtu d’un chapeau à large bord, qui se tenait près du gouvernail, à une dizaine de mètres de nous.
- Ouais ?
Il tourna vers nous un visage rougeaud ; une pipe dépassait de ses lèvres, et il abhorrait une mine des plus équivoque.
- Nous sommes missionnés par le Village pour voir où vous en êtes. Les bâtisseurs attendent une livraison de résine, et les travaux peine à avancer.
De la gentillesse et de la compréhension ; le Capitaine fit quelques pas avant de s’accouder au bastingage, un large sourire fendant ses traits.
- Et bien vous direz à vos bâtisseurs et à votre village qu’on a pas que ça à foutre. J’l’ai déjà dit et j’le redirais pas, on a des réparations plus urgentes que vos histoires.
Je jetais un coup d’oeil au Kinzoku. Notre façon de penser, hein ?
Après avoir indiqué à sa partenaire de mission les capacités de son clan, Mitsurugi prit la direction de la Capitainerie. Même si certains marins se méfiaient des ninjas, la grande majorité appréciait leur présence. C’était notamment le cas de Kuroshi, le Capitaine du port. L’homme était bien heureux de trouver les shinobis de Suna lorsqu’il avait besoin de calmer certaines rixes dans le port. Un port de commerce de cette taille, avec des chantiers navals le jouxtant, avait toujours des petits soucis et certains marins n’hésitaient pas lorsque les différentes nations au mouillage étaient des ennemis ou en tension. C’est pour cela qu’une petite unité spécialisée sillonnait régulièrement le port. Le Sunajin avait d’ailleurs fait une ou deux rondes dans le coin et il avait pu compter sur la gentillesse et le respect du Capitaine Kuroshi.
La discussion se fit très amicale et une décision fut prise, Kuroshi et ses hommes s’occupaient de la cargaison perdue et nous, shinobis, des Yukijins qui ne semblaient pas vouloir donner les marchandises à leurs propriétaires. Mitsurugi faillit lâcher un mot d’énervement, mais avec ce même calme qu’il semblait souvent présenter, il accepta et ils partirent pour voir ce Capitaine pas commode. Mitsurugi proposa un semblant de plan à Isara qui accepta et ils partirent vers le quai où l’Étoile de Neige était amarré.
En arrivant, c’est Isara qui prit les devants et demanda le Capitaine Okinaki. Mais visiblement, le Capitaine hautain de Yuki ne semblait pas impressionné par deux shinobis. Discrètement, Mitsurugi serra les poings d’énervement. Finalement, il aurait peut-être dû fumer un peu plus. Le Sunajin reprit à la suite de sa collègue. "Votre bateau est plus important que les marchandises envoyées par votre pays ? Et votre éthique de marchands ? Cet emplacement est à votre disposition le temps de vos réparations, donc vous déchargez et ensuite vous ferez vos réparations." Le détestable capitaine Okinaki rit de bon cœur, enfin c’était plus un ton moqueur. "Même pas en rêve gamin. Je considère que mes réparations sont prioritaires. Je suis maître de mon bâtiment et je décide ce que je fais. Vous attendrez donc que j’ai fini pour avoir votre résine." "Donc, vous souhaitez donner une mauvaise image des marins de Yuki parce que votre navire passe avant vos clients. Je pense que la Kazekage et Dame Sano Kane seront ravis de le savoir." L’utilisation par Mitsurugi du nom de la Daimyo de Kaze devait servir à le faire peur. Mais en réfléchissant, il ferait un joli rapport sur ce Capitaine et proposerait à sa cheffe de le transmettre aux plus hautes instances. Mais visiblement le pompeux Capitaine semblait se fiche de la réputation des marchands et marins de Yuki. Il reprit. "C’est sensé me faire peur ? Je ne changerais pas d’avis sous vos menaces. Je répare d’abord mon navire et ensuite, je déchargerais. Pas avant. Maintenant si c’est pour me faire perdre mon temps, vous pouvez dégager, j’ai autre chose à faire que de discuter avec vous." Le commandant de l’Étoile de Neige fit demi-tour et retourna auprès de ses hommes. Mitsurugi pesta de colère. Puis il souffla profondément pour se calmer. Le fumeur regarda sa partenaire. "Je suis tenté de lui couler sa coque de noix. Mais on nous a demandé de ramener la marchandise. On lui file un coup de main ? Je vais commencer par son foutu mat. Prêt à voir ce que le métal peut faire comme potentielle merveille ?"
Mitsu monta à bord sous le regard médusé du Capitaine. Puis malaxant son chakra, il fit quelques mudras. Un pilier sortit du sol du pont et redressa doucement le mat. Lorsqu’il fut presque droit, Mitsurugi créa d’autres Mudras et créa un gros cerclage d’acier gris foncé avec des reflets violets qui fixa le mat droit sur son ancienne base. Pour finir d’énormes clous à tête carré s’enfoncèrent dans le bois pour permettre de tenir le mat en place. Pour finir, le natif de Tetsu fit disparaitre le pilier qui avait servi à redresser le mat. Le regard froid, le Genin regarda le Capitaine. "Vous avez d’autres problèmes, plus urgent que la livraison ?" Mitsurugi était furieux.
Décidément, mon acolyte était un homme de ressource ; un premier point étonnant était son implacable maîtrise de sa colère ; les poings serrés, les lèvres plissés dans un rictus équivoque, il réussi néanmoins à rester cordial. Tout un exploit. L’autre lui coulait sa rage sur le front, et Mitsurugi se contentait de… l’aider ? Quel altruisme sans borne, quel dévouement à sa patrie. Regardant les grands piliers de métal surgir de ses mains pour venir consolider le mat pour le redresser.
Regardant le rouquin à l’oeuvre, je ne pouvais m’empêcher de soupirer. Les shinobis ont bel et bien des talents aussi multiples qu’étranges ; notre course effrénée comprenait aussi de retrouver des boulons, même si le capitaine s’en chargeait, mais le sunajin ne pouvait-il pas lui même proposer ses services comme fournisseurs officiel ? Cette idée m’arracha un léger sourire, puis, imaginant la scène je me mis à m’esclaffer. D’un bond, je rejoignis mon compagnon sur le navire, centre de toutes les attentions, du plus jeune mousse au vieux cuisiniers unijambistes. Je lui glissai discrètement à l’oreille d’un souffle moqueur :
- Tu n’as jamais pensé à la reconversion professionnelle, Mitsurugi, une vie loin du danger, de bâtisseur de grands chemins…
Je laissai planer un accent dramatique en lui souriant légèrement, avant de reporter mon attention vers le capitaine ; ses expressions étaient plutôt… contradictoires. Un sourire crispé se dessinait sur son visage ; il semblait certes content, mais à la fois profondément anxieux ; de grosses gouttelettes de sueur perlaient sur son front.
Oui, cet homme aurait du simplement être content, revêche, mais heureux de voir son navire ainsi fortifié. Et Mitsurugi qui bouillonnait intérieurement… Cela promettait.
- Vous permettez qu’on aille voir l’étendu des dégâts nous même, puisque après tout, les marchandises devaient servir Suna…
- Attendez…
Je ne lui laissez pas le temps de finir son injonction que je me retournai prestement vers les deux marins qui étaient deux factions devant la câle. D’un pas décidé, je fonçai vers eux, posant la main sur le manche de mon arme quand ils firent mine de s’interposer. Ouvrant d’un coup de pied les lourdes portes, je fus frappé par l’odeur qui me frappa au visage ; une odeur de fauve, une odeur de bêtes enchaînées dans leur excréments, un subtil parfum de pourriture et de mort.
- De la résine, hein ?
Je lançais un regard à mon acolyte, un regard aux deux hommes autour de moi qui avait la main sur leur fourreau, et sur le capitaine, qui, les mains dans le dos, nous fixait d’un regard de haine absolue.
La colère était là. Puissante, sourde, prête à exploser, mais il représentait Suna et Mitsurugi devait faire preuve de retenue. Le shinobi du sable savait se montrer calme ou du moins, il savait se tenir pour ne pas donner l’idée que les ninjas de Suna n’étaient rien de plus que des brutes sans cervelle. Le ninja était monté sur le bateau, alors que la première idée aurait été de le couler, pour donner une bonne leçon à ce capitaine présomptueux, il avait décidé de faire en sorte de récupérer la marchandise auparavant.
Une fois que le mat fut réparé, Mitsu vit Isara atterrir à côté de lui. Elle lui murmura une petite vanne, le ninja d’acier sourit et répondit calmement. "J’aime trop cogné sur des imbéciles pour prendre ce genre de retraite." Le Sunajin avait dit ça avec un petit sourire amusé. Il regarda sa partenaire qui se dirigea vers la cale et sourit en voyant les gardes reculer face à la menace d’une kunoichi. Le Capitaine fit mine de réagir mais il n’alla pas plus loin. L’odeur faisandé sortant de cette porte vint jusqu’aux narines de Mitsurugi et sa réaction ne se fit pas attendre. Son poing vola pour se poser droit dans la face du Capitaine. Les autres marins restèrent figés le temps de comprendre. Au bout de quelques secondes, ils se mirent à réagir, les deux gardes de faction dégainèrent et visèrent Isara. Ils étaient trop loin pour que Mitsu les atteignent, mais sa partenaire allait les transformer en carpette. La dizaine de marins présent sur le pont s’avancèrent vers celui qui avait osé mettre la main sur leur Capitaine, l’héritier des Kinzoku sourit et signa ses mûdras pour faire apparaitre deux clones en acier. Il allait enfin utiliser les cours prit auprès de Razan pour se battre. Jusque-là, il ne l’avait fait que pour s’entrainer.
Moins de trois minutes plus tard, tout le monde sur le pont faisait dodo. Les clones d’acier ficelèrent les marins et Mitsurugi s’approcha du Capitaine. Il se baissa pour arriver au niveau du visage ensanglanté du chef du navire et pointant un petit kunai vers l’homme, le sunajin dit avec un ton tellement glaçant que s’il avait pu, il aurait neigé. "Tu m’expliques ce que tu fais avec cette cargaison ? Ou je te tire les vers du nez." Le Genin regarda la porte et rajouta. "Si tu m’obliges à aller vérifier par moi-même, crois-moi, tu reverras jamais les neige de Yuki."
Il était évident que cela n’allait guère tarder à exploser ; l’odeur, le silence, la colère. Tout les évènements eurent lieu en simultané ; les matelots qui s’en prirent à moi, des doubles de Mitsurugi qui apparurent. En une poignée de seconde, le chaos régna sur le point du navire, le sang de ses braconniers lustrant son pont. J’avais dégainé mon arme, et m’appliquai à suffisamment blesser ces marins de pacotille pour qu’il ne se relève pas de sitôt ; nul besoin d’utiliser la lumière de la Déesse ici, face à de pareilles canailles. Ils ne comprenaient que l’acier, alors il fallait leur en donner pour leur grade.
Taillant leurs flèches avec ma lame avant de leur écraser leur pommeau sur le nez, l’affrontement se régla très vite. Le capitaine se tenait la machoire, tandis que divers marin rampaient au sol, impuissant face à la violence des assauts. Ils étaient des braconniers, nous étions des shinobis.
Les clones de Mitsurugi ficelèrent les marins, et, essuyant le filet de sang qui tachait mon Kusarigama sur la riche étoffe du capitaine, je fus tenté de tempérer la colère de mon compagnon. Mais son ton, oui, son ton, si froid, si haineux, me tira un frisson.
Le capitaine gardait une moue boudeuse.
- Bon, c’est pas compliqué.
Avec le manche de ma lame, je lui assenai un grand coup dans le ventre ; il se plia en deux, et j’en profitai pour attraper ses cheveux gras. Il n’opposait que peu de résistance, et je le conduis devant la câle. Avant de lui donner un coup de pied pour qu’il roule et s’écroule dans les escaliers. Il cria. Commença à pleurer. Des bruits de chaînes, qui montaient de là. Des feulements, des japements. Des gémissements pathétiques.
Avec un simple mudra, je créai une boule de lumière qui vint flotter devant moi.
- Allons-y, avant qu’il ne se fasse bouffer.
Sans plus de cérémonie, je descendis les marches, la main devant la bouche pour tenter de me faire à l’odeur.
C’est sans nul doute dans ses moments où une vocation de défendre les intérêts de chacun, un idéal de paix et de fraternité, s’envole en fumée. Le Capitaine se recroquevillait au milieu de prédateur en tout genre, qui n’avait plus que la peau sur les eaux. Et demandait pardon.
Les dégâts sur les marins furent violents. Mais sa colère était encore plus forte. Finalement, Isara prit les devants, laissant Mitsurugi un peu surpris. Elle frappa l’homme avant de l’embarquer pour le balancer dans la cale. Le Sunajin soupira, se redressant et glissant son kunai dans la pochette prévu à cette effet. Le Kinzoku suivit sans discuter la kunoichi. Plus il approchait de la porte, plus il sentait l’odeur forte qui titillait son nez. La situation était bien pire que ce qu’il pensait. Dans cette pénombre, les yeux des animaux étaient soit plein de haine envers leur tortionnaire, soit complètement éteints, comme morts. Le Sunajin avait de la peine pour eux. Il allait falloir sortir tous ces animaux d’ici. Le natif de Tetsu regarda de haut ce Capitaine si arrogant quelques minutes plus tôt et qui, à présent, geignait en position fœtale au milieu d’une cargaison d’une bonne dizaine d’animaux enchainées ou enfermés dans des cages. Mitsu soupira et sans faire attention à ce qui ressemblait à une lavette plus qu’à un homme, il dit avec une certaine colère dans la voix. Mais cette colère n’était pas dirigée vers Isara, plutôt vers ce Capitaine. "On devrait récupérer la Résine et faire appel aux autorités du port. On veillera à ce qu’ils s’occupent correctement de ces animaux. Après ça, on envoie un courrier à Yuki pour expliquer la situation et on juge cet homme ici."
Le ninja de Suna n’avait aucune envie de laisser le Capitaine s’en sortir pendant qu’il allait à Yuki. Surtout que certaines autorités du Pays de la Neige pouvaient être au courant, voire de mèches. De toute façon, Suna avait découvert le trafic, c’était à lui de faire en sorte que les braconniers soient jugés sur leurs terres. Ce pauvre homme allait connaître les prisons de Suna et il comprendrait vite son erreur. Mitsurugi regarda sa partenaire de mission. "Tu as une idée de ce qu’on pourrait faire en attendant qu’on emporte la résine pour le garder ?" Le Genin l’aurait bien enfermé dans une cage avec les meilleurs gardes sur le navire, les animaux qui trainaient ici. Mais ce n’était sans doute pas non plus la meilleure des idées.
Une fois décidé, Mitsurugi ressortit de la cale puante et alla chercher les autorités portuaires. Il resta auprès du navire jusqu’à ce que les hommes accompagnés du Capitaine Kuroshi arrivent. La suite allait dépendre d’Isara et des hommes protégeant le port.
Lorsque le Capitaine Kuroshi arriva un peu rougeot, il héla ses hommes de monter sur le navire. Rapidement, il prit possession du navire et fit descendre les marins enchainé et tous encore un peu hébété par la déculotté des ninjas de Suna. Mitsurugi regarda son ami gestionnaire du port et ils se serrèrent la main. Le capitaine regretta tranquillement que ce genre de choses existe. Mitsurugi ne put qu’approuver. Kuroshi promis de faire en sorte que les animaux capturés et pour certains rares retrouvent leurs terres d’origines. Le Kinzoku le remercia et ils descendirent du bateau. La résine fut décharger et pendant ce temps, Mitsurugi regarda avec sa complice la résine descendre à terre pour être chargé dans des chariots à direction de Suna. Puis ce fut les animaux d’être déchargé. Je regardai le Capitaine. Kuroshi explosa de rire, car il savait ce que je comptais faire. Sa voix tonitruante me tira même un sourire. "Mitsurugi-san. Je sais ce que vous pensez. Ca va me bloquer un quai durant quelque temps. Mais ce navire doit couler. Faites. J’ai hâte que l’armateur de l’Étoile de neige vienne me houspiller pour la perte de son navire, que je lui explique ce que son navire faisait. Et ma façon de penser." Avec un sourire, Mitsurugi signa ses mudras. Puis il créa un énorme pilier qui poussa le navire vers la mer. Arrivé assez loin, il fabriqua quelques lances d’acier qu’il prpulsa directement sous la ligne de flottaison. En quelques minutes le navire en piteux état finit par sombrer totalement. Satisfait, le Kinzoku se tourna vers Kuroshi avec le sourire. "Une bonne chose de faite, Capitaine. Et pour les boulons et les clous ?" Kuroshi sourit et dit calmement. "Comme promis, j’ai fait fouillé la totalité des entrepôts. Je les ai trouvés caché dans un entrepôt d’une compagnie maritime qui comptait annoncer leur perte avant de les revendre au prix fort. La marchandise a été saisie pour vous être restituée. La Compagnie subira une amende et des poursuites pour tentative d’escroquerie. La taxe douanière va aussi augmenter pour un temps pour eux. La marchandise est en route pour Suna. Je venais de finir de l’envoyer quand j’ai entendu votre histoire avec les Yukijins. J’ai donc accouru aussi vite que possible. Mais le temps que j’arrive le souci était réglé. Vous et Isara-san êtes vraiment efficaces. Grâce à vous j’ai démantelé un trafic d’animaux dans mon port et un trafic de marchandises. Excellente journée. Quand vous voulez, venez prendre un verre. Je vous l’offrirais avec joie." "Merci Kuroshi-san, mais on a d’autres choses à faire. Une prochaine fois sans doute" Mitsurugi ne voulait pas passer la nuit au port à boire et à sentir la fumée de pipe. Il aimait bien le Capitaine, mais avait d’autres idées en tête.
Après de longues embrassades, comme à chaque fois que Mitsu travaillais avec Kuroshi, le shinobi des Sables et sa partenaire repartirent vers le village pour faire leur rapport. La mission avait été un véritable succès. Le ninja fumeur était ravi de la journée. Même s’il aurait préféré qu’un tel trafic n’existe pas, le démanteler avait été une excellente chose. L’originaire de Tetsu pouvait se vanter d’avoir accompli son devoir. Ce soir, il invoquerait peut-être son ami, Akiogaron, pour lui expliquer sa journée. Il ne lui avait pas parlé depuis longtemps et cette idée lui faisait plaisir. Il aurait pas mal de trucs à lui raconter.