Une toute nouvelle vie commençait pour moi, maintenant que j’étais fraichement promu en tant que Genin de Konoha. Être Genin représentait un espoir de changement dans cette vie que je menais, mais aussi un moyen de simplement m’en émanciper. Cela serait sans doute long, mon père ne me lâcherait pas la grappe aussi facilement. Lorsqu’il a su que j’étais promu, il n’a rien dit de particulier. Comme si de toute manière, ma réussite était une évidence. Au fond de moi, j’aurais aimé un compliment, au moins un sourire. La seule chose que j’avais gagné était de ne pas m’entraîner ce soir-là. Et par entraînement, je parle bien de cette torture qu’il pense être un entraînement. En soi, c’était déjà un cadeau, bien que de courte durée.
Mes professeurs m’avaient néanmoins mis en garde : malgré mes excellents résultats, j’avais d’énormes lacunes sur le plan social. Être ninja signifiait que j’allais prochainement intégrer une équipe, œuvrer pour une cause commune. Et cela me faisait cruellement défaut. Ils comptaient sur moi pour m’ouvrir un peu aux autres, à apprendre en quoi consistait le travail d’équipe. Avais-je réellement besoin de tout ça ? Eh bien… oui. Ils n’avaient pas tort. Actuellement, je n’étais pas vraiment capable à établir des contacts avec d’autres, ou à travailler en équipe. J’avais essayé à l’académie, mais bien vite je me suis retrouvé confronté à un problème : l’obligation de mentir. J’étais obligé de mentir en disant que tout allait bien, que mes quelques blessures n’étaient rien, seulement un entraînement ardu et de la maladresse. Je n’avais pas le droit de sortir en dehors des heures de cours non plus, prétendant que j’avais des choses à faire.
Compliqué d’établir une quelconque relation amicale dans ce genre de situation. Mais maintenant, être Genin m’avait apporté tout de même un peu plus de liberté. J’avais le droit de sortir en journée, mon père ne pouvant plus me garder enfermé contre ma volonté, grâce à mes nouveaux droits et devoirs en tant que shinobi. Et ça, mine de rien, cela faisait un bien fou. Était-ce l’occasion de suivre le conseil de mes professeurs ? De m’ouvrir un peu aux autres ? Une boule au ventre naissait à cette idée. Comment devais-je m’y prendre ?
Indécis et perdu, je me dirigeais instinctivement vers un point de repère en ville : un marchand de glace. Il était sans doute la personne à qui je parlais le plus, alors que je le voyais généralement que le temps d’acheter une glace, c’est dire. J’étais habitué à passer à la fin des cours, avant de rentrer chez moi. Pour me donner un peu de douceur avant l’enfer qui m’attendait. Maintenant, j’étais plus libre de passer quand bon m’y semblait.
« Eh bien, t’en tires encore une de ces mines aujourd’hui l’ami. »
C’était ce marchand. D’un sourire forcé, je passais ma commande. Est-ce que cet homme pourrait me conseiller ? Je n’en savais trop rien. Mais si je pouvais faire un minimum confiance en quelqu’un, c’était bien lui après tout. Prenant mon courage entre deux mains, je pris la parole.
« Dites m’sieur… Comment on fait pour se faire des amis ? »
Assez surpris de ma question, il se grattait la tête un moment. Il m’expliquait comment aborder une conversation, d’être gentil, poli, d’attiser l’intérêt chez l’autre. S’intéresser à ce que fait l’autre et à sa personne, se découvrir des points communs. C’était pourtant élémentaire, mais pas si simple à expliquer tant c’était naturel. Normalement.
Pas trop loin de nous, une jeune fille était assise sur un banc. Elle avait l’air d’avoir mon âge environ, et le glacier eut une idée. Il me préparait une seconde glace, à la fraise, et me la confiait gratuitement. Il jetait enfin un regard discret à la jeune fille, et me disait d’aller lui offrir, et de discuter avec elle.
À ce moment, j’appréhendais un peu. Aborder une parfaite inconnue ? Cela me semblait complexe, mais il le fallait. Ce jour-là, j’avais décidé de m’ouvrir un peu aux autres, à me faire des amis. Il fallait commencer par-là, sans doute. Suivant les conseils du marchand de glace, je pris à nouveau mon courage entre mes deux mains, et m’avançait vers l’inconnue à la chevelure brune.
Arrivé à son niveau, je mis quelques secondes à trouver mes mots.
« Hum… Bonjour. Tu veux une glace ? J’en ai commandé deux, mais je n’ai pas si faim que ça, alors… Voilà. »
Le premier pas était fait. Mais le premier mensonge aussi, sur ça, ça commençait mal.
L’examen touchait à sa fin tout comme son séjour au sein du Pays du Feu. Se réjouissait-elle de rentrer ? Pas du tout. Tout ce qui l’attendait était un bac à sable infernal. Bon, il était faux de dire qu’elle ne commençait pas à se faire quelques relations et que sa famille ne lui manquerait point, mais… Il était désolant de devoir quitter ces beaux paysages pour un soleil de plomb et du sable à parte de vue. C’était donc exactement pour cela que la petite avait décidé de sortir prendre l’air, profiter encore un peu de ces parcs verdoyants.
L’expérience à Konoha avait été bonne. Contraire toute attente, la jeune kunoichi avait réussi toutes les épreuves de l’examen. Même si elle pouvait en être fière, elle avait conscience qui lui restait de nombreuses lacunes. Elle manquait d’expérience, mais elle se réjouissait donc de travailler ses faiblesses.
Assise ainsi sur un banc, perdue dans ses pensées, elle n’avait pas tout de suite remarqué le jeune garçon. On pouvait même dire qu’elle s’était laissée totalement surprendre et sursauta un peu lorsqu’elle remarqua un silhouette face à elle. Ses yeux écarquillés, elle l’observa sans vraiment comprendre ce qui lui voulait. Elle constata toutefois sans mal qu’il avait son âge et cela était assez rare pour le faire remarquer. Enfin, disons plutôt qu’il était rare qu’elle soit abordée par un enfant de son âge et encore moins dans un pays étranger. Mais mis à part cela, ce dernier semblait être son exact opposé : il avait les cheveux blancs là où les siens était ébène et ses yeux étaient d’un bleu pur là où son regard était corrompu par la couleur du sang.
Surprise, mais maintenant une allure calme et impassible, la petite releva très légèrement un de ses sourcils. Elle n’avait simplement pas compris ou entendu ses propos et ne comprenait donc pas ce qu’il attendait face à elle. Ce ne fut qu’après un moment de silence, que ses yeux remarquèrent les glaces dans ses mains. L’une semblait être dirigée vers elle. Était-il en train de le lui offrir ? Un peu hésitante, elle finit toutefois par la saisir délicatement.
« … merci. »
Avait-elle vu juste ? Elle l’observa un moment comme pour avoir confirmation. Puis, elle attendit, mais rien. Il y avait comme un malaise qui s’installait et Mihoko ne comprenait absolument pas pourquoi. Elle regarda la glace entre ses mains, puis releva son regard vers lui. De là, elle demanda étrangement calme.
« Elle est empoisonnée ? »
Cela ne serait pas si surprenant après tout, si ? Les trois nations n’étaient pas alliées et il y avait bien d’autres étrangetés dans les parages. De plus, le petit face à elle ne semblait décidément pas à l’aise. Du coup, cela lui sembla être la conclusion la plus probable, non ? Puis bon, rien n'était réellement gratuit dans la vie... En tout cas, elle observa la réaction de ce dernier avant attention.
Plus les secondes passaient, plus je commençais à me demander si l’idée du glacier était réellement si bonne que ça. La jeune fille à qui j’avais offert cette glace semblait hésiter, même après avoir saisi la friandise entre ses mains. Elle me regardait moi, puis la glace. Un certain malaise prenait place, et je ne savais pas quoi dire, ni faire pour le briser. Je n’aurais peut-être pas du finalement. Ces quelques secondes étaient comme beaucoup trop rallongées, rendant le moment encore plus malaisant. Et bien qu’elle m’ait remercié, cela ne changeait pas grand-chose à la situation. Allez, dis quelque chose Takeo…
… Je n’avais pas eu le temps de trouver mes mots, qu’elle brisa le silence. Et ses quelques mots m’ont pris par surprise, si bien que je sursautais légèrement en l’entendant poser cette question. Si la glace était empoisonnée ? Je ne comprenais pas vraiment pourquoi elle pensait ça, était-ce si surprenant qu’on offre une glace à quelqu’un, juste comme ça ? Pourtant, le glacier semblait penser que c’était une bonne idée pour lui permettre de se faire des amis. S’était-il joué de lui ?
« Hein ? Non, pas du tout… ! »
Était-ce une manière de faire une blague de sa part ? Ou alors cherchait-elle volontairement à me mettre mal à l’aise ? Ou alors, ce n’était qu’un simple malentendu. C’était d’ailleurs sans doute ça.
« C’est une glace du glacier du coin. » disais-je, en lui pointant la direction. « Je viens à peine de l’acheter, mais finalement je n’avais pas si faim… enfin, ça je te l’ai déjà dit. »
Je me demandais si je ne ferais pas mieux juste de partir en courant, et faire comme si rien n’était. L’ennui, c’est que ça serait peut-être perçu comme une preuve de culpabilité… alors que je n’ai rien fait de tout ça. Et puis, ce serait contraire avec mon intention première, qui était de me faire un ami. Ou plutôt une amie ici en l’occurrence, mais ce n’était pas si bien parti que ça.
Reprenant sur moi, j’essayais de rattraper un peu tout ça en essayant de gagner sa confiance. Ou du moins de ne pas paraître aussi suspect qu’elle le pensait. Il fallait que j’essaye d’être naturel, et puis surtout que je commence par la base de la base… les présentations. Parce que oui, au final, je suis arrivé en lui proposant une glace, sans savoir qui elle était et sans qu’elle sache qui je suis, et je me suis dis que tranquille pépère ça allait passer.
« Je m’appelle Yuki Takeo. Et toi ? Oh, et je veux simplement faire connaissance avec toi, il n’y a vraiment rien de toxique dans cette glace, ni plan sordide derrière. Je suis désolé si ça t’a fait peur. »
Avait-elle vraiment eu peur ? Je ne savais pas trop, elle avait bien hésité un petit moment avant de prendre la glace, et poser cette question. Au moins, cette dernière phrase avait le mérite d’être honnête sur mes intentions. Pas de mensonge cette fois.
« On peut même échanger nos glaces, si tu veux ? »
Après tout, je ne l’avais pas encore touché. Puis au pire, les gestes barrières dans le Yuukan, y en a pas tant besoin que ça…
L’étonnement était que trop bien visible sur le visage de l’étrange garçon. En vérité, on pouvait même voir qu’il ne savait plus où se mettre ni comment s’y prendre avec elle. Ainsi, même si la jeune Watari restait impassible, elle en déduit simplement que ce dernier n’était pas mal intentionné. Du moins, son cadeau ne devait pas être empoisonné et elle pouvait très certainement la déguster sans le moindre problème.
Mihoko décida donc de ne pas lui répondre immédiatement. Du moins, pas de vive voix. Elle secoua alors simplement la tête avant de gouter sa propre glace. Par ce geste, elle signifiait avoir compris et accepter ses propos. Maintenant, cela ne voulait pas dire qu’elle n’en restait pas moins méfiante. Non, en vérité, elle ne savait simplement pas comment réagir face à ce genre d’approche. Elle usa donc de la glace pour gagner un peu de temps.
« Watari Mihoko. »
Renseigna-t-elle finalement après quelques petites minutes de silence. Ses yeux écarlates se reposèrent donc sur le jeune garçon. Yuki Takeo. Elle n’avait pas souvenir de l’avoir vu parmi les participants de l’examen. M’enfin, une fois encore, ils étaient tellement nombreux que cela n’avait rien de si étonnant.
« Tu es ici pour l’examen ? »
Elle chercha brièvement à voir s’il portait un bandeau, mais ne l’aperçut pas immédiatement. Était-il de Konoha ? Kumo ? Ailleurs ? Peut-être n’était-il même pas shinobi, mais quelque chose lui disait le contraire. Dans tous les cas, une chose était sûre, il n’était pas sunajin.
« Que veux-tu savoir ? »
Demanda-t-elle alors soudainement. Se rendant compte que celui-ci ne semblait pas forcément comprendre où elle voulait en venir, elle ajouta.
« Tu as dit vouloir faire connaissance. Je présume donc que tu veux avoir des informations sur ma personne. Lesquelles ? »
Toujours aussi directe et maladroite dans ses relations sociales, Mihoko ne se rendait même pas compte que ce n’était peut-être pas la meilleure approche. En vrai, elle n’aimait simplement pas tourner autour du pot. Et ne comprenant toujours pas ce qu’il lui voulait, elle avait préféré lui poser plus ou moins directement la question.
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