Un… compliment ? Alors qu’il ne la regardait pas, Miyako haussa un sourcil. Ils se connaissaient basiquement depuis toute sa vie, le nombre de fois où il avait été explicite quant à sa réussite se comptait sur les doigts d’une main d’un serpent (pour répondre à la question que vous vous posez : « justement ! »). Elle évita de faire la roue dans le bureau pour exprimer sa joie, d’une parce que la cascade de reproches qui s’en serait suivie ne valait pas le coup, de deux parce qu’il n’en aurait plus jamais fait (elle comptait en ravoir un deuxième avant de mourir), de trois parce qu’elle ne savait pas faire la roue.

L’Aburame se contenta donc de reprendre une gorgée de son thé glacé pendant que son oncle buvait son infâme tisane de grand-mère. Quelques secondes plus tard, le sujet de sa grand-mère vint sur le tapis. Elle s’était étonnée, pour être honnête, qu’il lui n’en parle pas plus tôt. Il avait juste évoqué, lors de son « échec », que « son clan ne rejoindrait pas Konoha, pas tout de suite », et il avait tu le sujet. Miyako savait que Cho refuserait, mais elle était persuadée qu’il lui demanderait d’œuvrer pour que les Aburame soient à Konoha. Aussi taciturne soit-il, Genkishi avait un immense respect pour ce clan, et un affect particulier qu’elle ne s’expliquait pas. Peut-être était-il un manipulateur d’insectes dans une vie antérieure, qui sait ?

- Bah, elle s’y résoudra. Elle ne veut pas prendre de décisions précipitées. Tu la connais, maintenant. Puis je suis persuadée qu’ils s’attèlent déjà à protéger les terres de Hi no Kuni. Quant à la surveillance de Konoha, sa petite fille s’y trouve, tu crois qu’elle m’abandonnerait aussi facilement ?

« Oui », pensa Miyako instantanément, la faisant faire une moue qu’elle aurait voulu réprimer. Avoir dit ces mots à voix haute la faisait douter quant à la réelle relation qu’elle avait avec cette grand-mère qui avait toujours tout fait pour le bien du plus grand nombre « des siens » : même si tous n’étaient plus liés par le sang, au moins l’étaient-ils par le nom. Cho était aimante avec sa petite-fille, indubitablement, mais au point de mettre toute sa vie et ce qu’elle a construit de côté pour voler au secours d’une gamine qui va à l’encontre de sa décision de ne pas rejoindre Konoha ?

La seule réponse qu’elle s’apporta fut de terminer son verre de thé glacé pendant qu’on frappa à la porte. Le Hyûga indiqua d’entrer, et un des gardes du palais annonça l’arrivée du chef de chantier. Toujours les jambes croisées et adossée sur la chaise visiteur, Miyako tourna simplement la tête pour voir entrer un homme trapu, aux cheveux sales et aux ongles crasseux.

- Hokage-Sama : le chantier du sud-est est officiellement terminé. L’assainissement et l’évacuation des eaux de pluie sont opérationnels.

Il continua à détailler les différentes tâches qui lui étaient incombées et qui ont été réalisé avec succès. Elle avait subi ces réunions pendant des semaines : contente que celle-ci fut attribuée à Genkishi. Elle le fixait d’ailleurs avec un petit sourire satisfait pendant qu’il devait gérer Genta et son catalogue de réussite dans le BTP.

Quand ils eurent terminés les politesses, la nuit était tombée et la fenêtre du bureau était légèrement éclairée par les nombreuses illuminations de l’extérieur. Genkishi alluma quelques bougies et Miyako se dirigea vers la fenêtre pour admirer le paysage.

La hauteur du dernier étage leur permettait de dominer entièrement le village. Face à eux s’étendait l’immense avenue principale qui reliait la porte du village au palais. Les innombrables lumières et l’agitation dans les rues donnaient une vue splendide. Comme si jamais rien n’était arrivé à ce village ; comme si, il y a de cela plus d’un siècle, vivre ici n'était pas devenu plus un enfer qu’un paradis.

- J’avoue que je ne comprends pas. Quand Konoha a fermé, ce fut comme un soulagement pour beaucoup. La fin fut visiblement assez horrible. Alors pourquoi les gens sont-ils si heureux d’être là ?

Elle-même s’en réjouissait, pour être franche. Avoir l’impression de participer à quelque chose, d’être utile, de faire partie de quelque chose. Mais pour les civils, les commerçants, les artisans ? Konoha n’avait rien de plus à gagner ici qu’ailleurs ; ils avaient même plus à perdre. Leurs motivations lui échappaient.

- Je m’y emploierai.

Miyako ne savait pas combien de temps il lui faudrait, mais elle était persuadée qu’elle réussirait à convaincre la chef de son clan à rejoindre les rangs de Konoha. Elle ôta rapidement la pensée qui germait dans son esprit quant à l’âge avancé de Cho et du temps qui lui restait éventuellement à la tête du clan, s’horrifiant elle-même d’avoir ce genre d’idée.

L’entrevue avec le chef de chantier passé, Genkishi commença à lui fournir des pistes de réponse à ses questions. Elle gardait le regard rivé sur l’agitation urbaine qui animait les rues du village, les échoppes, les commerces, les discussions et les rires. A en oublier que nous étions dans un village militaire et que des centaines de criminels évadés donneraient tout pour se venger du pays qui les avait condamnés à l’enfer. Miyako eut un sourire lorsqu’il évoqua le Daimyô. Être évasif pour recueillir son avis, un exercice pratiqué un nombre trop grand de fois ces dernières années.

- Tu me confies le poste le plus haut gradé du village, la réhabilitation et sa gestion, et tu ne me fais toujours pas confiance, tonton ?

Petit sourire narquois. Elle ne l’appelait comme ça que pour l’agacer, se contentant généralement d’éviter de le nommer en sa présence. Miyako se retourna, s’appuyant sur le rebord de la fenêtre pour lui faire face.

- Teruo n’a jamais été le vrai Daimyô de Hi, et tu le sais très bien. Je pense qu’il en a les capacités, mais qu’il a été trop influencé durant tout son mandat pour tes collègues conseillers.

Elle haussa les épaules.

- T’avoir confié Défense et Diplomatie, c’est avoir condamné son pouvoir et se cantonner au rôle représentatif. Mais je pense aussi que c’est… une façon d’envoyer se faire paître ceux qui l’ont manipulé tout ce temps. Sans aucun pouvoir important, ses Conseillers n’ont, eux non plus, plus aucun pouvoir.

Teruo aurait pu être un bon Daimyô, sans cette obsession militaire qui le guidait et sa peur de mal faire et de décevoir ceux qui son père avait nommés. Il a passé son temps à enchaîner mauvaises décisions sur mauvaises décisions, et quand bien même il avait pris quelques bonnes décisions lors de son mandat, comme nommé le Hyûga…

- Mais je pense que c’est aussi un moyen de se faire pardonner. Ou plutôt, de faire oublier qu’il est directement à l’origine du plus grand danger que Hi ait connu.

En supplantant Genkishi sur l’envoi des prisonniers à Arashi, il avait multiplié considérablement le nombre de criminels qui chercheraient à se venger de Hi, augmentant par la même le danger qui pesait sur le pays. Avoir nommé le Hyûga Hokage et lui avoir donné tant de pouvoirs, c’était s’assurer que le travail serait bien fait, malgré les ingérences passées, malgré les problèmes, malgré les dangers. En tout cas, Miyako était persuadée que personne ne pouvait mieux prendre cette place.

- Mon panel des tâches ?

Elle ne s’était pas vraiment posée la question. A vrai dire, elle avait été seule une bonne partie du temps à Konoha, donc la gestion interne du village lui était venue assez naturellement. Maintenant qu’ils étaient deux à temps plein, elle avait continué de gérer les affaires quotidiennes, bien que, plus nombreuses, une partie était prise par le Hyûga pour la décharger.

- Je veux bien connaître la distinction que tu fais à nos deux postes, ouais. Et que tu m’en dises plus sur ce que tu as prévu concernant nos actions futures.

Les criminels d’Arashi, la pression et les accusation des autres pays, la disparition de Mizu… Tout une myriade de mystères que Konoha avait été chargée d’élucider.