- « Ne vous en faites pas… »

La voix de Yori fut douce, paisible, presqu’enjouée même. Devant la jeune femme, la silhouette qui s’était prise l’attaque de plein fouet s’effrita doucement, tout doucement, avant de se transformer en un tas de poussières qui fut rapidement balayée par un coup de vent plus fort que les autres. La brise maritime qui s’abattait sur les côtes de Kaze était parfois capricieuse. Toutefois, le plus important n’était pas là. La belle shinobi totalement affolée pouvait s’apercevoir qu’une personne se tenait tout juste derrière l’endroit où le clone de sable fut heurté par la technique avant de disparaitre : le vrai Yori lui faisait maintenant face. En chair et en os.

- « Comme vous pouvez le voir, je n’ai rien. »

Pourtant, l’affaire s’était jouée à pas grand-chose. Quelques secondes de plus et elle l’aurait surement blessé par mégarde. Si Yori ne regrettait absolument pas cet heureux dénouement, il aurait bien aimé tester la force et la portée de son attaque plutôt rapide et assez lumineuse ; même s’il se faisait déjà une idée approximative de sa puissance à travers les dégâts causés sur son clone créé à la va-vite. Ce genre de jutsu qu’il avait pu contempler lui donnait également un indice sur l’identité de son vis-à-vis, son clan étant autant connu que celui du jûnin. Un doux sourire étira alors ses lèvres alors qu’il se mit à contempler son beau minois sans aucune arrière-pensée.

- « C’est plutôt moi qui devrais m’excuser. Ma présence a certainement dû vous déconcentrer… »

Lentement, l’héritier des Hizori s’inclina devant son interlocutrice pendant quelques secondes, preuve qu’il était sincèrement navré de l’avoir autant inquiétée. La brune aurait clairement pu s’emporter, tempêter, continuer de l’assaillir d’attaques, mais elle ne fit rien de tout cela. Ce caractère bienveillant l’avait tellement touché que Yori était resté cloué sur place pendant que son clone se désagrégeait devant lui. Un peu pris au dépourvu et bien qu’il n’aurait clairement pas opté pour la fuite, Yori avait néanmoins tenu à la rassurer, avant d’opter pour des excuses sincères. D’ailleurs, lorsqu’il se redressa enfin, il se permit de lui adresser un petit compliment :

- « Vous êtes forte et motivée. De telles personnes dans nos rangs rassure énormément. »

Un énième coup de vent ébouriffa une partie de sa longue chevelure et dégagea son visage bien éclairé par la pleine lune. Elle pouvait clairement voir toute la sincérité qui émanait de l’homme à peine plus grand qu’elle. Son physique presque frêle ponctuait justement cette impression de bonté et de fragilité. Des impressions qui ont néanmoins fourvoyé moult adversaires sur le champ de bataille. Pas de quoi s’en plaindre cela dit. Cette apparence était un avantage et une force, même s’il n’avait plus le même effet qu’auparavant dans tout le pays : après tout, son nom et son visage étaient assez connus dans le pays pour que les forbans du désert ne s’y trompent plus…

- « Insomnie, je présume ? »

A vrai dire, Yori l’avait observé depuis un bon moment maintenant. S’il ne l’avait pas suivi depuis le début, le jûnin avait néanmoins stoppé sa promenade sur ces plages lorsqu’il avait aperçu de loin des flashs lumineux forts intrigants. Il s’était alors rapproché précautionneusement de l’endroit, pensant qu’il s’agissait de signes effectués par un éclaireur ou un espion, quelque chose dans le genre. S’il était difficile d’imaginer un bateau accoster dans les environs, l’Hizori savait pertinemment que rien ou presque était impossible aux détenteurs de chakra. Néanmoins, quelle ne fut pas son soulagement de voir qu’il ne s’agissait rien d’autre que d’un entrainement nocturne.

Un constat qui l’avait clairement apaisé, d’où son relâchement et l’attaque de la shinobi.

C’était du moins comme ça qu’il voyait les choses.

Sur cette réflexion, Yori lissa d’un geste mesuré les pans de son kimono noir et réajusta le haori blanc sur ses épaules qui menaçait de s’envoler. Il faisait légèrement froid, mais il était plus ou moins habitué à ces températures basses. « Enfin, c’est impoli de me mêler de ce qui ne me concerne pas. Veuillez m’excusez. » Là encore, l’ancien pensionnaire du temple d’Amaterasu s’inclina poliment puis se retourna, non sans déclarer : « Qu’Amaterasu vous protège et récompense vos efforts. » Avant de revenir tranquillement sur ses pas. Il aurait été assez inconvenant de déranger davantage quelqu’un qui s’impliquait autant dans ses entrainements.

- « Hizori Yori. Vous pouvez m’appeler Yori. »

L’héritier des Hizori eut un sourire. Il voulut lui aussi se fendre d’un petit mot d’excuse pour lui faire comprendre que les torts étaient partagés puisque lui-même ne s’était pas présenté au préalable ; mais il préféra s’en passer pour une fois, non pas parce qu’elle ne le méritait pas, mais bien parce que l’échange s’en trouverait inutilement alourdi. Perspective bien peu alléchante, même pour quelqu’un d’aussi affable que lui. Qui plus est, la jeune femme semblait si sympathique qu’il se laissait aller, un peu sciemment d’ailleurs. Peut-être était-ce parce qu’ils étaient faits du même bois ? Réflexion qui lui arracha un petit rire sur l’instant, avant qu’il ne la balaye de ses pensées pour profiter de l’instant présent. Les conclusions hâtives basées sur les premières impressions n’étaient pas forcément les plus pertinentes. Comme d’habitude, Yori était persuadé que le temps ferait son œuvre en lui apportant des réponses au moment venu.

- « Le grade importe peu, du moins à mes yeux. Toutes les personnes qui composent notre armée ont du mérite. Ne minimisez pas votre apport, Ayane-san. Je suis également certain que vous gravirez bien vite les échelons, si tel est votre désir. »

La dénommée Ayane était forte. Cela ne faisait aucun doute. Du peu qu’il avait vu, le jônin était certain que son niveau devait certainement talonner le sien. Son grade actuel était certainement dû soit à un manque d’expérience, soit au simple fait qu’elle était tout simplement une nouvelle recrue dans l’armée grandissante sunajine. Armée dans laquelle Yori avait un poids énorme du fait de son grade élevé. Poids somme toute relatif, finalement, quand on savait qu’il n’était pas homme à s’imposer. Les feux du projecteur n’étaient pas faits pas pour lui. Preuve en est qu’il n’avait absolument pas précisé quel rang il avait lorsqu’il s’était présenté à son interlocutrice. Il trouvait que cela faisait généralement prétentieux et préférait qu’on le considère et prenne pour ce qu’il était : un homme assez simple et abordable qui mettait le plus possible de côté les liens de subordination. L’une des raisons qui expliquait pourquoi Yori était apprécié par ses pairs.

- « Et sinon, qu’est-ce qui expliquerait selon vous votre acclimatation difficile à Suna ? »

Le climat ? Evidemment que non. Il était le même partout dans le pays. Du reste, la présence de la genin sur les plages à cette heure où les températures étaient très basses gommait immédiatement cette hypothèse. Les mœurs et l’urbanisation de la ville ? Possiblement. Suna différait un poil des autres villes par son architecture mais aussi par sa superficie ; même si Minami était bien plus grande, bien plus faste et bien plus somptueuse que la base militaire. Yori, ne sachant pas d’où elle venait exactement, retenait cette deuxième hypothèse, bien renforcée par le style de vie de la base militaire plutôt atypique. La recherche de profits et de pouvoir faisait passer la plupart des sunajins pour des arrivistes et des égoïstes, même s’il était parfois bon de creuser plus loin pour connaitre quelques-uns. Enfin, la troisième supposition de Yori était certainement la plus évidente : hormis les membres de son clan, Ayane ne devait pas connaitre grand monde.

Mais bien avant même que la jeune Tegami ne puisse répondre à sa précédente question, le brun renchérit :

- « Enfin… Même si je veux bien vous tenir compagnie, ma présence ne devrait pas interrompre votre entrainement. Continuez donc. Nous discuterons plus tard… »

Cette fois, Yori s’éloigna d’Ayane sans lui laisser le temps d’en placer une. Même si la raison de sa présence ici était due à une insomnie comme elle l’avait confirmé d’un signe de tête, l’homme voulait qu’elle termine ce qu’elle avait commencé, avant d’engager une quelconque conversation. Du fait de sa récente arrivée à Suna, il n’était absolument pas contre le fait de faire plus ample connaissance. Pour le lui signifier, l’héritier des Hizori s’installa en seiza à même le sable, sans gêne aucune, non loin de sa position. Il ne partirait pas d’ici sans elle. Une sorte de promesse tacite. De plus, c’était l’occasion parfaite de voir encore un peu plus (et de plus près) ce qu’elle valait. A cet instant précis, Yori n’aurait rien eu contre un bon thé chaud et des biscuits secs. Il rigola à sa pensée et réajusta une seconde fois son haori qui menaçait de nouveau de s’envoler sous l’effet de la brise marine. Tout sourire, il était fin prêt à être le spectateur privilégié de la jeune Tegami.

- « Du calme, Ayane-san… »

Sa voix retentit derrière la jeune Tegami une énième fois. Voyant à quel point elle se démenait pour parfaire son attaque, Yori avait fini par se lever pour glisser silencieusement dans son dos. La voir buter contre une difficulté la rendait totalement attendrissante et il n’était absolument pas question de la laisser se débrouiller toute seule ; même si ce genre de conjoncture étaient parfois nécessaires pour la progression d’un shinobi. C’est hâtivement qu’il retira son haori avant de le poser tendrement sur ses frêles épaules pour qu’elle soit recouverte. La nuit atteignait tout doucement son pic en termes de fraicheur et s’il ne la sous-estimait pas du tout, son côté avenant ne pouvait pas se résoudre à la laisser telle quelle : même si Ayane était constamment en mouvement, ses vêtements ne suffiraient bientôt plus à la maintenir au chaud, ce qui aurait des répercussions néfastes sur son petit entrainement nocturne. Oh oui ! Il comptait la pousser à aller jusqu’au bout de son effort. Tout du moins une dernière fois. Mais bien avant, l’idée était de la réconforter. Un soutien moral n’était jamais superflu dans ce genre de situations. L'une de ses croyances fermes.

- « Il est inutile de se précipiter. Gardez votre calme en toutes circonstances. C’est la clé de tout. »

Yori passa ses bras autour de sa fine taille de sorte à l’enlacer gentiment contre lui. Il était conscient que le geste pouvait prêter à confusion, mais il agissait totalement comme un ainé qui réconforterait sa cadette et rien autre chose. Du moins pour le moment. Bien sûr, l’initiative était très osée pour une première rencontre, mais son élan de tendresse avait été spontané, peu prémédité. Il avait joint l’acte à la pensée plus ou moins au même moment et ne pensait pas à mal. De toute évidence, il était plus que clair que Yori n’aurait pas agi de cette façon avec tout le monde : c’était bien parce qu’il sentait que la descendante des Tegami ne s’en offusquerait pas, qu’il s’était permis de réduire à néant la distanciation sociale de rigueur ainsi que le non-respect son espace personnel sans la moindre hésitation. S’il était homme respectueux, il lui arrivait de briser certaines conventions sociales pour simplifier les relations qu’il avait avec ses pairs. « Les pauses sont parfois importantes. La réflexion aussi… » Il l’étreignit un tout petit peu plus sans pour autant avoir de gestes déplacés. L’inexpérience d’Ayane lui rappelait un peu la sienne, lorsqu’il butait sur un problème…

Elle était définitivement adorable !

- « Vous avez quitté votre ville natale, vous avez été accepté par l’armée sunajine en tant que genin et le sang des illustres Tegami coule dans vos veines. Il n’y a rien que vous ne puissiez réussir. Certaines choses prennent plus de temps que d’autres. C’est tout à fait normal. Ah… Et ne soyez pas non plus stressée à cause de moi… »

Sur cette dernière phrase, Yori eut un léger soupir. Il était conscient que sa présence pouvait être gênante pour elle d’une façon ou d’une autre. En effet, si la belle kunoichi s’était éventuellement mise en tête le fait de l’impressionner, il y avait donc fort à parier qu’elle se mettait la pression pour rien. Supposition peu probable à son sens, mais qui n’était pas à exclure cependant. Pensée à la fois et amusante un brin triste : amusante parce qu’elle l’estimait déjà beaucoup si c’était vraiment le cas. Triste parce qu’elle lui accordait trop d’importance dans le même sens. C’est sur cette dernière réflexion d’ailleurs qu’il consentit à lâcher délicatement la jeune femme et à se décaler sur sa gauche, tranquillement : « Répétons la même situation que tout à l’heure. Elle sera certes moins spontanée, mais ce sera toujours mieux que rien. » Suite à ces phrases énigmatiques, Yori s’éloigna doucement de la jeune femme. Dix mètres plus loin, il s’immobilisa, enchaina soudain des mudras et engendra devant lui un clone de sable. Quoi de mieux que la simulation d’un combat réel ? C’était dans ces moments-là que le corps, l’esprit et l’âme ne faisaient plus qu’un.

Il fallait parfois forcer les choses… Même un pédagogue aussi sage et posé que lui en était conscient.

Après quoi, le clone de sable fonça brusquement vers elle, poings serrés et prêt à en découdre.

Dans ce genre de situations, la meilleure défense était l’attaque…

- « Je ne m’y attendais vraiment pas ! »

C’est avec un certain entrain que Yori s’exprima lorsque la jeune Tegami réussit à se débarrasser de son clone d’une façon… peu orthodoxe. Il s’autorisa même quelques applaudissements depuis sa position, tout sourire. Qui aurait cru qu’elle penserait à pareille stratégie en plein combat ? Pas lui en tout cas. Son initiative n’avait pas eu l’effet escompté, mais la conclusion qu’elle lui avait offerte de pouvoir observer était clairement satisfaisante. Pour sa technique à parfaire, la genin aurait sans aucun doute le temps d’y revenir. En soi, rien ne pressait. Ce n’était pas comme si le pays était en guerre de toute façon ; même si le renouveau du monde shinobi dans sa globalité n’augurait rien de bon. Chassant très rapidement ces funestes pensées de son esprit, l’héritier des Hizori se mit tout doucement à réduire la distance entre lui et la jeune femme. Pendant sa petite marche, il se surprit à penser que son haori qui flottait encore sur ses petites épaules lui allait bien. Il stoppa son avancée l’espace de quelques secondes, interloqué par ses propres imaginations, puis il fit une nouvelle fois de l’ordre dans ses pensées avant de rejoindre enfin son interlocutrice qui semblait avoir relâché la pression puisqu’elle voyait bien qu’il n’irait pas plus loin.

- « Vous vous êtes merveilleusement bien débrouillée. Il arrive parfois que j’en vienne moi-même à oublier le talon d’Achille de mon clan… »

L’eau était un sacré problème que les Hizori contournaient parfois en faisant usage du doton, voire même du futôn. C’était bien là la preuve qu’il fallait être polyvalent en plein combat ; polyvalence dont avait fait preuve Ayane. Son niveau en taijutsu n’était peut-être pas des plus impressionnants, mais elle avait quand même réussi à contenir le clone du jônin et à l’attirer à l’eau pour le piéger. Admirable. Pour sa part, Yori visait sincèrement tout autre chose. Sous l’impulsion d’une soudaine agression, en l’occurrence celle de son clone, il pensait fermement qu’elle aurait pu faire usage de sa technique imparfaite de manière plus ou moins spontanée. L’adrénaline d’un danger imminent occasionnait bien souvent des prouesses et miracles. Miracle qu’il avait espéré sur le moment. Était-il finalement déçu ? Absolument pas ! Il n’y avait qu’à voir le doux sourire scotché à ses lèvres pour le comprendre. D’ailleurs, à la manière d’un ainé, il leva sa main et la passa sur la tête de la jeune femme qu’il caressa tendrement. L’idée de l’éteindre encore une fois lui effleura l’esprit, mais il préférait ne pas trop prendre ses aises. Ce n’était non seulement pas son genre d’abuser et il ne souhaitait pas lui laisser une mauvaise impression.

- « Mais peut-être est-il temps de vous reposer maintenant. Pour votre technique, vous aurez tout le loisir de la peaufiner et l’améliorer comme il se doit. Il n’y a aucune urgence après tout… »

Sur ces paroles, Yori retira sa main de sa douce et soyeuse chevelure. Elle lui rappelait un peu les jeunes Hizori qu’il prenait parfois sous son aile pour les aider à maitriser leur kekkai genkai. Et puis, quelque part, elle avait un air fragile qui poussait à vouloir la protéger et la dorloter. Dire qu’il l’aimait bien alors qu’il ne la connaissait qu’à peine, ne serait pourtant pas un mensonge. Cependant, leur proximité et le cadre presque intime de leur rencontre l’avait poussé à être moins protocolaire, moins correct, plus avenant… plus naturel, dans un certain sens. Il sentait quelque part que ses petites attentions ne la gênaient pas, mais l’idée de trop en faire lui trottait dans un coin de sa tête. « Dans le pire des cas, vous demanderez à l’un de vos ainés au sein de votre clan de vous aider et aiguiller. Mais d’ailleurs, qui est votre maitre actuellement ? Si ce n’est pas trop indiscret comme information bien évidemment… » Yori connaissait presque tous les jônins et chûnins de l’armée sunajine. Tout du moins, il arrivait à mettre un nom sur la plupart des visages vice-versa. En sachant qui s’occupait d’Ayane, il espérait pouvoir toucher un mot sur son potentiel pour qu’elle ait un meilleur suivi et encadrement.

Après tout, elle le méritait bien.

- « Je voulais toucher un mot sur votre axe d’évolution à votre maitre, tout simplement… »

Yori fut à moitié étonné. Sa venue à Suna était non seulement récente, mais l’armée sunajine en elle-même était en pleine restructuration. Ce n’était que récemment que les choses commençaient sérieusement à bouger de part et d’autre. Est-ce que la kazekage était à blâmer ? Absolument pas. Quand on voyait à quel point la base militaire était stable, on ne pouvait que la remercier, même si beaucoup avaient encore du mal avec ses antécédents d’ancienne criminelle. Son élection à la tête de l’armée n’était pas seulement due à ses négociations en faveur des civils et de l’armée, non… Le jônin lui mettait le nom de son illustre clan dans la balance, ce qui la rendait plus ou moins légitime à occuper un poste aussi prestigieux. Quant il y repensait, c’était également l’une des raisons pour lesquelles les autres clans les plus importants de Kaze n’avaient pas causé d’esclandre. Qui plus est, bien malheureux était celui qui osait se liguer contre le daimyo de ces terres. Une personne assez spéciale, Yori en convenait...

Mais alors qu’il se perdait dans ses pensées, l’héritier des Hizori eut tout de même le temps et la largesse de mieux observer la posture de son vis-à-vis. Son regard aussi. Un bref moment de silence s’installa entre eux, rythmé par le bruit saisissant des vagues, avant qu’il ne comprenne aussitôt ce qui se tramait dans son esprit. Il eut alors un doux sourire et leva sa main droite pour se mettre à caresser tendrement sa joue gauche, d’un air paisible. L’éventualité de la prendre avec lui aurait pu être intéressante si sa supérieure, il y a peu, ne l’avait pas déjà assigné à un poste pour le moins sensible. S’il avait été le chef patrouilleur ou celui qui s’occupait de la sécurité intérieure de Suna, nul doute qu’il l’aurait immédiatement accepté à ses cotés… « Mon travail ne me permet pas de prendre des élèves avec moi… » Quand bien même la jeune femme ne s’était clairement pas exprimée, Yori préférait prendre de l’avance et ne pas lui donner de faux espoirs. Cela étant dit, il mentait dans un sens. Il pouvait en prendre…

Il devait même le faire, au même titre que les autres jônins…

- « Néanmoins, je veux bien t’accorder des séances d’entrainements de temps à autres, toi et moi loin de tous, peu importe le groupe auquel tu seras assignée et tout le temps qu’il te faudra, jusqu’à ce que tu décides d’y mettre fin toi-même… »

Sans même s’en rendre compte sur l’instant, le sableux venait de tutoyer la jeune Tegami. Ce n’est que l’instant d’après qu’il percuta et eut un soupir amusé. Elle ne lui en tiendrait certainement pas rigueur et elle pouvait faire de même. Il se rappelait d’ailleurs que le jeune Kyoi, un genin assez énigmatique ne s’était absolument pas gêné pour éviter le vouvoiement ; mais il fallait avouer que sa spontanéité avait été d’une telle fraicheur que Yori ne s’en était absolument pas offusqué. Le jônin se passait volontiers du protocole et du respect d’usage avec les gens qu’il côtoyait et appréciait. En plus de cet oubli qui n’était finalement pas si fâcheux que cela, il se rendit également compte que sa proposition avait eu une drôle de tournure… Ambiguë au possible. Pas vraiment l’effet qui recherchait, non. Mais plutôt que de fuir ou de prendre ses distances, il se rapprocha encore un peu plus d’elle et prit son visage carrément en coupe, dans ses deux mains, pour mieux admirer son air ingénue, ses traits fins et sa joliesse indéniable.

Définitivement, Yori se refusait à la prendre sous son aile.

Il ne voulait pas l’obliger à se salir les mains. A tuer et trucider pour le bien du plus grand nombre.

Ce job ne lui allait pas. Elle serait mieux ailleurs.

- « Avoir un maitre personnel que tu pourrais embêter durant son temps libre, ce n’est pas donné à tout le monde tu sais ! »

Une belle compensation, s’il en est.

- « Bien sûr que tu peux me tutoyer, Ayane. Par contre, je ne m’attendais pas à autant de politesse et de remerciements. Ce que je te propose n’est pas grand-chose en vérité… »

Yori était surpris. Stupéfait. Il n’aurait jamais pensé qu’elle le prendrait aussi bien et qu’elle en vienne même à le remercier. S’était-il encore une fois trompé sur son compte ? On dirait bien. C’est au moment même où Ayane s’inclina respectueusement qu’il se rendit compte à quel point il avait été présomptueux de croire qu’il l’avait cerné plus ou moins, alors qu’il était loin du compte. Même si elle ne le vit sans doute pas, il eut une expression plus ou moins désolée et se promit de ne plus présumer quoique ce soit la concernant. La sincérité qu’elle dégageait ne laissait place à aucun doute ; si bien qu’il se fit la réflexion qu’une telle bonté pouvait s’avérer efficace dans des missions d’infiltration et d’assassinat en douceur. Restait maintenant à savoir si elle était capable de se salir les mains pour le bien du plus grand nombre. S’il y avait énormément de shinobis à Suna, bien peu pouvaient se targuer de pouvoir tuer de sang froid pour une cause juste. Il y avait sans doute quelques psychopathes dans le lot, mais le jônin préférait volontiers éviter ce genre de personnes qui se laissaient aller à leur passion et risquaient de faire capoter des missions cruciales en se fondant trop dans leurs rôles de faucheuse. Constituer une équipe digne de ce nom n’était pas une sinécure, heh…

- « Dis-moi… Pourquoi tu ne doutes pas de moi ? »

C’est spontanément que le jônin lui avait posé la question, sans s’embarrasser de réflexions inutiles et complètement superflues. Maintenant qu’il y pensait, la jeune femme l’avait trop vite cru et l’avait laissé l’approcher un peu trop facilement. Elle était belle, douce et aimable, mais était-elle tout le temps aussi ingénue et avenante ? Il était vrai que le kekkai genkai du respectable jônin trahissait ses origines, mais comme l’avait été la kazekage actuelle, l’homme qui lui faisait face aurait bien pu être un criminel ou encore imposteur, un fieffé menteur, voire même un infiltré pour le compte d’un autre village. Sur ces pensées, Yori eut un léger sourire et renchérit : « Peut-être que je suis finalement un genin. Peut-être que je n’ai pas un travail si dangereux que ça. Peut-être que je m’invente un maintien uniquement pour t’impressionner, t’avoir sous ma coupe le temps d’une nuit et m’en vanter plus tard… » Pour le coup, l’héritier des illustres Hizori mêlait l’utile à l’agréable. S’il s’amusait un peu de cette situation avec une certaine malice, il suscitait également chez la jeune femme un moment de réflexions qui en valaient largement la peine. Le monde n’était malheureusement pas juste et beau comme en témoignaient les évènements récents qui secouaient le Yuukan dans son entièreté.

- « Et si c’était le cas… Si je n’étais qu’un mythomane patenté qui mettait tout en œuvre pour avoir tes faveurs, qu’est-ce que tu ferais… ? Comment te sentirais-tu ? »

Sans attendre sa réponse, Yori réduisit une nouvelle fois l’écart qui les séparait pour la prendre dans ses bras et l’étreindre contre lui, contre son torse. Il était rarement aussi tactile, rarement aussi joueur, mais la bouille aussi mignonne de la jeune Tegami lui donnait envie de la titiller davantage. A croire qu’il avait lui aussi de mauvais côtés, comme toute personne normalement constituée. Quelque part, leur nouvelle posture leur servait bien puisque le froid devenait intenable même pour l’Hizori. Lui reprendre son haori n’était pas une option : ce n’était pas qu’une question de simple galanterie. Même Ayane ne tiendrait pas dans ce froid glacial, tout simplement. « Pire qu’un charlatan, je pourrai être un prisonnier d’Arashi, non ? Et tu pourrais être ma première victime… » Alors que l’étreinte devenait de plus en plus intense, mais absolument pas désagréable, il posa délicatement son front contre le sien pour mieux plonger son regard dans celui de la jeune femme qui était définitivement magnifique. Ils pouvaient sentir leurs souffles s’entremêler à mesure que les secondes s’égrenaient. Sans ciller une seule fois, Yori l’observait maintenant en silence avec un léger sourire aux lèvres. Allait-elle s’affoler ? Paniquer ? Se débattre ? Rester zen ? Sa réaction à venir lui dirait si elle en valait la peine...

- « Beaux réflexes et belles déductions… Je dois avouer que là encore, je ne m’y attendais pas. Et le coup du kunai, bien joué ! »

Yori se permit un énième sourire, encore et toujours. L’homme ne pensait pas qu’elle réagirait aussi calmement et aussi spontanément, toujours avec une certaine simplicité et une humilité qui la caractérisaient bien. Il n’y avait pas à dire : cette soirée était à marquer d’une pierre blanche. Il venait de faire une belle rencontre dans tous les sens du terme. En plus d’être belle et accessible, la jeune Tegami était loin d’être aussi ingénue qu’on pourrait le penser. Il fallait avouer qu’on lui donnerait la déesse Amaterasu sans confessions, heh. Mais c’était surement mal la connaitre. Elle pouvait se muer en tigresse à la vitesse de l’éclair et montrer ses crocs comme n’importe quelle kunoichi digne de ce nom. A ne pas sous-estimer donc. Ce constat le poussa à se faire la réflexion suivante : si elle pouvait le surprendre en lui montrant un tout autre visage, il y avait fort à parier qu’elle pourrait surement berner d’autres personnes et mener à bien des missions où la tromperie serait le maitre-mot. Bien entendu, la perspective n’était pas ravissante du bout au bout (on parlait après tout de faire faire le sale boulot à quelques personnes), mais il en fallait bien quelques-uns pour s’y coller. C’était notamment le cas de Yori lui-même qui ne rechignerait surement pas à la tâche une fois qu’elle s’imposerait à lui.

- « Je suis… Bluffé par tant de sérénité. Une autre personne aurait surement paniqué… Ou peut-être que je suis mauvais acteur, va savoir ! »

Plus qu’un sourire habituel, le manieur de sable s’autorisa cette fois-ci un petit rire franc. L’idée d’avoir « foiré » son approche qui tenait plus du test qu’autre chose lui trotta quelques secondes en tête au point de l’amuser grandement. Après tout, il n’y avait généralement pas de demi-mesure avec lui : soit il était froid, soit il était chaleureux du tout au tout. Aurait-il dû en rajouter une couche ? En montrant un visage menaçant, austère, hostile ? Là encore, la question tourna en boucle dans son esprit pendant quelques secondes, longues, avant qu’il ne balaye et fasse de l’ordre dans ses pensées. Peu importe. Le résultat aurait été surement le même. Sensiblement le même. Pour le coup, l’homme fut légèrement charmé par tant d’audace. Si le sableux n’avait aucun mal à reconnaitre la beauté d’une femme, il n’en demeurait pas moins qu’il était généralement subjugué par le caractère. Là-dessus, Ayane sans le savoir avait gagné énormément de points. Quelque peu conformiste, il voulait comme beaucoup d’hommes une compagne à l’image de sa mère : douce, mais audacieuse. Belle, mais perspicace. C’était un tout, afin d’assurer si jamais la relève si jamais progéniture il y avait. Après tout, Yori était susceptible de mourir en pleine bataille un jour. Il n’excluait pas cette éventualité aussi morbide soit-elle…

Idée qui le confortait dans le fait qu’il lui fallait une épouse assez forte pour assurer l’éducation de ses petits, si jamais…

Encore fallait-il qu’il se penche sérieusement sur ce plan de vie dans un monde plus qu’incertain…

- « J’imagine que je dois compléter ma présentation non ? Hizori Yori, ex-garde impérial et jônin de Suna pour vous servir, mademoiselle… »

L’héritier des Hizori se serait surement incliné suite à sa nouvelle présentation si et seulement si la jeune femme n’était pas toujours dans ses bras. Cette dernière ne s’était d’ailleurs pas vraiment dérobée, ce qui le surprit légèrement. Sur ce relâchement, il aurait bien pu continuer sa comédie, mais là encore, il eut un doute sur l’utilité de la chose… Néanmoins, il finit par la relâcher pour ne pas trop abuser de sa gentillesse. C’est à ce moment-là qu’un coup de vent vint presque lui faire regretter cette décision. Le jônin n’en montra rien pour autant et attendit que la brise se calme un tant soit peu pour se faire entendre par son interlocutrice avec qui il venait tout de même de passer un long et bon moment maintenant : « Je ne sais pas quelles vont être les affectations des groupes, mais je maintiens ma promesse qu’importe ce qui arrivera. Et puis qui sait, si au bout de nos divers entrainements je trouve apte, je demanderai peut-être un transfert… » Ou des affectations voire des assignements spéciaux en fonction des missions qui s’imposeraient à lui. Piocher çà et là dans d’autres équipes pour des cas spécifiques n’était pas une idée dénuée de sens. C’était même un parfait compromis pour tous les genins et autres chunins qu’il n’aurait pas directement sous sa supervision. L’idée était surement à soumettre à la kage…
C’est sur cette pensée que le shinobi lui tendit une nouvelle fois l’une de ses mains :

- « Et si nous quittions la plage une bonne fois pour toute ? Il est peut-être temps de regagner Suna… »

La température était devenue insupportable même pour le manieur de sable.

- « Je te remercie pour l’offre… »

Le manieur de sable eut un sourire. A vrai dire, il n’avait pas vu le temps passer et ne s’était même pas rendu compte avant une bonne poignée de secondes qu’ils avaient regagné la ville en aussi peu de temps. C’est à croire que la conversation qu’ils avaient eu sur le chemin du retour avait été assez passionnante. Il eut un sourire et réajusta donc le haori qu’elle lui avait remis poliment sur les épaules, avant de lui offrir un sourire. Son offre était tentante. Affreusement tentante même, mais voilà… Yori restait Yori.

- « Mais je n’aimerais pas m’imposer chez toi. Pas à cette heure de la nuit et pas le premier jour… »

D’aucuns l’auraient surement traité de con, d’idiot de laisser filer une chance pareille pour faire plus ample connaissance. Il connaissait pas mal de gens qui auraient surement accepté l’offre. Si ladite offre n’avait rien de tendancieuse, elle ouvrait tout de même des perspectives assez dangereuses pour celui qui se voyait invité. Pour une première soirée, l’homme préférait ne pas abuser. Du reste, il avait bien vu les regards malicieux des gardes au canyon d’ocre et il avait cru sentir une présence qui semblait les avoir épiés…

Des éléments qui le dissuadaient d’aller plus loin.

- « Mais je te promets de t’inviter à un restaurant une prochaine fois. »

Un cadre neutre et ouvert comme celui d’un restaurant ne ferait surement pas de mal. S’il n’était pas encore troublé par la joliesse de la jeune Tegami et qu’il était certain par ses dires qu’elle n’était pas une fille facile, l’héritier des Hizori ne voulait tout de même pas tenter le diable. Il était un homme quoiqu’on en dise et était pertinemment conscient qu’un gros dérapage était vite arrivé. Expérience oblige. De quoi d’ailleurs lui arracher un sourire, avant qu’il ne s’approche de son interlocutrice pour se pencher vers son front qu’il baisa tendrement.
- « N’hésite pas à venir à la demeure des Hizori si jamais tu as besoin de moi. Même si je n’y suis pas, on m’informera que tu me cherches et je ferai en sorte de te retrouver. »

L’homme effleura l’une des mains de la jeune femme, recula de quelques pas et s’inclina une toute dernière fois, avant de murmurer un :

- « Passe une bonne nuit, Ayane. »

Lorsqu’il se redressa, Yori lui adressa un sourire.

Il attendrait gentiment qu’elle parte la première, avant de se diriger à son tour vers ses quartiers.