Aujourd'hui et dans le monde, Muku est inconnue. Dans son pays, elle est inconnue. Dans son village, elle n'occupe aucun rôle particulier hormis le fait d'être inscrite sur la liste des prétendants au grade de Genin. Dans son quartier, elle est connue comme une orphelin courageuse, aux méthodes pas toujours orthodoxes. De son clan, elle y a été exclue pour corruption.
La lignée Senbaru a toujours été au cœur de l'histoire du pays et du village. C'est un Senbaru qui inventa le ryo à Kaminari : Hottan. C'est une Senbaru qui fonda le village de Kumo : Eiko. Grâce à sa compétence si singulière, la famille s'imposa dans de nombreux domaines, notamment économique. Le clan était un pilier fondamentale de la civilisation Kaminarijin.
Les guerres toujours plus nombreuses offrirent au clan les moyens de s'enrichir. Les besoins constant en matériaux, en armes et en vivres transitaient par ses mains expertes, ses négociants hors pair achetaient et vendaient au meilleur prix. Mais une date sonna le glas de cet âge d'or : le Traité de Prospérité signé en l'an 30.
Dès lors, le commerce mondial ralentit à mesure que la paix s'installait. Un an après, la démilitarisation du village de la Foudre et sa conversion en cité lambda ruina définitivement bon nombre de Senbaru, dont la branche de Muku. Les générations se succédèrent mais aucune ne parvint à rétablir l'honneur d’antan. A tel point que les parents de Muku préférèrent quitter le domaine clanique, afin d'éviter à leur future fille des jugements acerbes et des railleries malfaisantes.
C'est dans cet environnement précaire et délétère que naquit notre jeune héroïne, en l'an 130.
Dans ce taudis adossé à flanc de montagne, la vie à deux était exigeante, à trois elle devenait laborieuse, voir tragique. Toutefois, l'enfant reçut tout l'amour qui lui était dû. Devenue petite fille, Sakugo, son père, la rêvait en princesse Senbaru revêtue de somptueux kimonos et ornée de bijoux scintillants rivalisant avec la lune. Mais la réalité était tout autre, des guenilles trouées et poussiéreuses habillaient sa pauvre fille. La culpabilité l'accablait, le poussant à commettre l'irréparable.
Sans-le-sou, il se refusa à rentrer une énième fois les mains vides. Il répudia son nom en créant de faux ryos pour acheter quelques vivres. Ce soir là, comme les suivants, il fut accueilli comme un roi, comme un père digne. Il venait de mettre le pied dans un cercle vicieux.
Il fallut seulement quelques jours aux marchands du coin pour confondre le jeune faussaire. Ni une ni deux, Sakugo fut arrêté et expédié sans semonce à Arashi. Sa femme subit le même sort. Ils laissèrent derrière eux leur fille de 10 ans, livrée à elle-même.
Inlassablement, elle récusa l'idée selon laquelle son père était un criminel. Il souhaitait le meilleur pour sa fille, elle en était convaincue et pour cela elle se sentait coupable. Durant les dix années qui suivirent, elle jeta tous les mois à la mer une bouteille contenant une feuille de papier, papier infusée de son propre chakra. Cet espoir à la dérive, elle priait les dieux de la mer, si tenté qu'ils existent, pour qu'ils le guident jusqu'aux rives de Cha no Kuni.
Pour survivre, elle n'eut d'autre choix que d'aiguiser son don inné pour le commerce. Dans les rues malfamées de l'ancien village militaire, elle usa de sa gueule d'ange pour flouer les plus naïfs. La faim justifie les moyens.
Après toutes ces années de travail acharné, quand enfin elle s'extrait de la pauvreté, la nouvelle lui parvint : Arashi est détruite. Oscillant entre espoir et désespoir, elle ne savait à quel saint se vouer. Que sont-ils devenus ? Sont-ils toujours vivants ? Sont-ils morts ? Avant ou pendant l'attaque ? Ce flot intraitable de questions la submergea. Elle s'agrippa finalement à un fait : le Daimyô est à l'origine de tous ses maux. C’est lui qui à l'époque rétrograda Kumo, condamnant sa famille à la pauvreté. C'est lui qui aujourd'hui créa et enferma ses parents à Arashi. « Sugimoto » elle n'avait plus que ce nom à la bouche, il allait devenir son obsession.
Après ce coup de tonnerre, une nouvelle se répandit dans le pays : Kumo allait redevenir une puissance militaire. Alors simple civil, héritière d'un pouvoir qu'elle n'employait qu'en partie, elle se donna deux ans pour en redécouvrir toute l'étendu et rejoindre l'armée Kumojin.
Cette femme belle, douce et calme camoufle une colère indéchirable envers la lignée Sugimoto. Par la force, le pouvoir ou l'argent, elle mettrait fin à cette dynastie.