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Son nouveau rôle au sein des forces armées Kumojins ne l'empêchait pas de revenir régulièrement à sa boutique. Muku en était fière, elle était le symbole de sa réussite, la preuve qu'elle avait su s'extirper du bas monde qui l'avait vu naître. Elle l'était d'avantage qu'elle avait accompli cet exploit seule, sans aucune aide, au contraire.
Dressée face à la devanture, elle dévisageait l'édifice qui s'apparentait d'avantage à une échoppe bricolée qu'à une boutique digne de ce nom. La façade en bois de diverses essences s'articulait autour d'une vitrine composée de centaines de petits carreaux de verre, eux-mêmes enchâssés dans de simples tasseaux de sapins. L'usure hétéroclite des vitrages trahissait un ré assemblage de fortune. Néanmoins, de l'intérieur, les rayons solaires qui les traversaient se fragmentaient différemment, offrant aux visiteurs un jeu de lumière fantasque. Une porte en bois massif insérait dans un bâti qui n'est pas le sien terminait la façade. Cet étrange mosaïque donnait tout son charme à la gargote.

La main sur la poignée de la porte, elle leva les yeux sur la plaque publicitaire qui portait son nom ; du bout des doigts elle la redressa. La jeune Senbaru pénétra dans son bazar et fut assaillie par l'odeur du linge frais. Un vent de nostalgie faillit l'emporter, lui faisant presque regretter ses récents choix. Mais rien ne la ferait reculer désormais. Une voix enfantine l'accueillit et la ramena à la réalité.

« Muku, tu es revenue ! » s'écria, ravie, une gamine d'une dizaine d'années à peine.

« Maigo, je suis heureuse de te revoir. » répliqua la Senbaru, en ouvrant chaleureusement ses bras.

* Je suis surtout soulagée de voir que je peux te confier ce que j'ai de plus chère. *

Muku ne se confit à personne, elle ne croit en personne et ne fait confiance à personne. Mais pour une raison qui lui échappait, elle ressentait à s'y méprendre de l'affection pour cet enfant. Pour de vrai, elle se retrouvait dans cette gamine pauvre qui cherchait à s'en sortir, comme il fut son cas. C'est pourquoi elle prenait le risque de lui confier les clefs de son magasin.

« Alors dis moi, qu'as tu fais pendant mon absence ? »

« J'ai réussi à vendre presque toutes les étoffes de saison ! Il ne reste plus que ses tissus couloir ivoire, ça n'est pas la tendance de cette année. Qu'est ce qui t'as pris d'acheter ça. A part à une vieille, je ne sais pas qui voudra de ça ! » s'esclaffa-t-elle.

La clochette qui pendait devant la porte cliqueta soudainement. Les deux femmes se retournèrent et en découvrir une troisième qui venait d'entrer. D'apparence barbare, arborant des muscles masculins, Muku crut finalement avoir à faire à un homme, jusqu'à ce qu'il, qu'elle lui parle de sa poitrine.

*Drôle d'individu* pensa-t-elle.

« Bonjour, bienvenu dans notre échoppe. Si c'est du tissu dont vous avez besoin, alors vous avez poussé la bonne porte. Apportes moi mon mètre ruban, Maigo, tu veux bien ? Quand à vous, j'ai besoin de vos mensurations. Levez les bras ! » invita-t-elle la jeune grivoise tout en s'approchant.

D'un geste rassurant, elle amena Nanabe dans l'encadrement de la vitrine pour profiter de la lumière du jour. A aucun moment elle ne se souciait des passants.

« Il nous reste justement un peu de tissu blanc cassé, ça vous irait à ravir. Vous avez de la chance, c'est à la mode cette année. » osa-t-elle lui mentir sans vergogne. Les affaires avant tout.

Sans aucune hésitation, le garçon manqué leva les bras au plafond ; le peu de bandages qui l’habillait s’écoula délicatement sur le sol. Ce torse musclé, presque masculin, arborait deux seins bien proportionnés. Il ne faisait aucun doute, elle était bien une femme. Muku devinait facilement que sa cliente était plus jeune qu’elle, ce qui aiguisa d’avantage la pointe de jalousie qui la piqua. Elle se compara indubitablement à elle, et ne put que constater qu’elle avait une poitrine bien plus petite, malgré ses quelques années de plus.

* 90 C ? A Quoi, 16 – 17 ans ? Alors que j’en ai 20, ils ne font que du 85B. Nous ne sommes vraiment pas tous égaux. * ironisa-t-elle.

« Je vais vous passer le mètre autour de la poitrine, ne bougez-pas s’il vous plait. »

Muku se colla à Nanabe pour l’entourer du ruban gradué. Ces manches pendantes cachèrent un instant les deux beaux seins de son hôte, causant de nombreuses protestations verbales de l’autre côté de la vitrine. Surprise par l’agitation, la Senbaru porta son regard au-delà et aperçut un attroupement inhabituel. Plusieurs hommes s’étaient agglutinés pour faire du lèche-vitrine ; et les étoffes présentaient à l’intérieur ne les intéressaient guère. Ils pestèrent contre Muku, lui faisant signe de baisser les bras.

« Mes excuses mademoiselle, je vais régler le problème. Maigo, tu t’en charges ? »

« Avec plaisir ! » répondit la gamine, sourire narquois sur les lèvres.

La rue l’ayant bercé, ce n’était pas une bande de puceaux qui allait l’effrayer. De derrière le comptoir, elle dégaina une sorte de gourdin parsemé de grosses épingles à coudre. A la vue de l’engin, certains s’enfuirent, les autres persistèrent malgré tout. L’enfant accourut jusqu’à la porte en beuglant je ne sais quoi, prêtre à en découdre sérieusement. S’afférant à relever précisément les mensurations de sa cliente, Muku s’amusa du spectacle que lui offrait la rue. Après quelques dizaines de secondes, le calme avait retrouvé sa place.

« Une femme comme vous doit souvent subir ce genre de comportement ?! » la complimenta Muku.

La réponse de Nanabe ne fut pas celle qu’elle attendait. Probablement vexée par le précédent mensonge de la commerçante, la kunoichi proféra des menaces physiques à son encontre. La tisserand marqua une pause, avant de finir ses relevés.

« Bien ! Vous pouvez baisser les bras » dit-elle en s’écartant prudemment, faisant fi des propos menaçants.

La farouche exprima son besoin afin d’être sûr que Muku ne la prenne pas pour une idiote, une seconde fois.

* Une brassière de combat ? Ça explique sa musculature ! Sans aucun doute, c’est une ninja experte en Taijutsu. Décidément, tout nous oppose. * songea la pratiquante du Ninjutsu.

« Je confirme que la mode vous importe peu ! » rétorqua-t-elle, souriante mais blessante.
« En étoffe épaisse et solidement tissée, je n’ai plus que cette couleur ivoire. Elle se rapproche des bandages souillés que vous portiez » répliqua la belle Muku.
« Je vais vous découper des bandes et broder les bords pour qu’ils ne s’effilochent pas. Même après de nombreuses rencontres, vous serez toujours présentables. » asséna-t-elle, à la fois bienveillante et provocante.

Sans attendre la réponse de son hôte et avec l’aide de Maigo, Muku se mit à découper les étoffes.

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Accompagné de la jeune Maigu, le trio prit finalement le chemin des terrains d'entraînement. Muku ne s'y était jamais rendue, non pas par vanité mais simplement par manque de temps. Les cours physiques de l'Académie lui suffirent amplement. Elle préférait d'avantage s'adonner aux tâches intellectuelles comme le fuinjutsu qu'elle ne maîtrisait pas encore totalement. Et depuis qu'elle venait d'intégrer les rangs de l'armée Kumojin, de nombreux projets l'occupaient. Toujours à un stade embryonnaire, la Senbaru prenait grand soin d'aligner les cartes pour s'assurer un meilleur taux de réussite.

* Même s'il m'enchante guère, je suppose que ce combat me fera le plus grand bien. Il faut savoir se faire du mal, comme on dit. Mais ça n'est pas mon genre. *

« Je te te prierai de prêter attention à mon kimono blanc. Il est difficile de conserver sa pureté. Par contre, tes bandes ivoires sont plus adaptées au contact de la poussières. » persévéra-t-elle, narquoise.

* Elle va bien finir par s'énerver ? * se demanda-t-elle.

* Si tu insistes à ce point, elle te fera mordre la poussières ! * s'inquiéta Maigu au sujet de son amie désinvolte.

La bande féminine traversa les Jardins Kumojins pour rejoindre l'aire de combat. Le calme avant la tempête. La vaste étendue verdâtre parsemée de pétales colorées, embaumée de pollens bucoliques et bordée de jeunes  arbres noua pour de bon sa langue de vipère. Muku ne décocha plus un mot jusqu'au bout du chemin. Elle aime les belles choses et cet endroit lui offrait un luxe d'un naturel extraordinaire. Mais toute bonne chose a une fin.
Le sentier blanc, gravillonneux et entretenu prit soudainement une couleur jaunâtre, la poussière repoussa le gravier et lui succéda. D'un pas à un autre, la rangée d'arbustes franchie, un tout autre paysage s'étalait devant elles. Désertiques, les parcelles délimitées et numérotées étaient complètement nues. Dans ces grands rectangles dessinés à la craie, rien ne pouvait gêner ceux qui s'y entraîner, sauf peut-être la vue à vous couper le souffle.

* Même pas un rocher pour se protéger. * constata incrédule, Muku.

Nanabe rompit le silence et se présenta. En effet, une heure s'était déjà écoulée depuis son entrée dans la boutique, et elles ignorait toujours leur prénom. L'experte en Taijutsu ne semblait pas en avoir besoin pour désigner son adversaire.

* L'Aiguille ? Un surnom bien trouvé par cette guerrière à la tête creuse. *

Pas si creuse que ça apparemment. La petite Maigu hocha de la tête pour approuver ce pseudonyme.

« Je me prénomme Muku, du clan Senbaru. Je suis native du village des Nuages. »

Ces dernières informations ne semblaient guère intéresser la téméraire Nanabe. Sa posture s'articula de façon originale. Elle était prête à en découdre.

* Qu'est ce qu'elle fout ? * s'indigna la couturière.

Espacées l'une de l'autre de plusieurs mètres, Muku ramassa un caillou qu'elle balança sur son adversaire. Ultime provocation, elle venait de lancer sa première attaque !

« Que le combat commence ! » déclara Maigu, s'improvisant arbitre de la rencontre.

* Je vais bien me marrer ! * trépigna-t-elle. * Elle va se faire éclater. *

Un juunin alpagua la jeune Nanabe, tous les deux échangeaient comme s'ils étaient amis. La Mekata devait fouler régulièrement ses terrains pour fréquenter des personnages de ce rang. Le haut gradé nomma même Muku par son prénom, ce qui désordonna la Senbaru. Elle fronça les sourcils, signe qu'elle farfouillait dans son esprit.

« Tu ne te souviens vraiment pas de moi ? J'ai acheté cette veste il y a quelque temps, quand j'ai eu ma promotion. J'avais même le compte rond, qu'en petites pièces. »

« Aaaaaah oui ça me revient ! » mentit-elle.

Pour vrai, son visage ne lui disait rien, elle se souvenait en revanche d'un type qui n'avait payé qu'avec de la petite monnaie. Le truc bien chiant ! Ça part contre, les pièces sonnantes et trébuchantes, elle s'en rappelait clairement maintenant.
Le juunin prit place dans une estrade taillée dans la roche. Le pic montagneux ne s'arrêtait pas à la plate-forme, il s'élevait plusieurs mètres encore au-dessus de leurs têtes. Sur son flanc, les sculpteurs Kumojins avaient gravé des marches de tailles différentes, certaines pour s'y asseoir, d'autre pour circuler. Maigu et Waibe se posèrent l'un à côté de l'autre pour assister à la rencontre. Aussitôt que l'enfant lança le combat, l'experte en Taijutsu fonça sur la belle et douce Muku.

* Du Taijutsu hein ? Comme prévu. Putin il faut que je me tape une experte en corps à corps pour ma première escarmouche ! Et avec du public qui plus est ! *

Les pas rapides de la combattante levèrent un léger nuage de poussière, comme si elle arrachait la pierre à chacune de ses enjambées. Habituée à l'ombre et au silence, la Senbaru se retrouvait exposée en plein jours à la merci de cette guerrière. Les deux antagonistes étaient totalement différentes, mais probablement complémentaires pour partir en mission ou sur le champ de bataille. Toutes ces options fusèrent dans l'esprit vif de Muku, qui imaginait bien à quoi pourrait lui servir Nanabe. Mais ses pensées l'éloignèrent un instant de trop du combat qui se jouait maintenant.

« Kami, Entrave de Papier » prononça-t-elle tardivement en signant les mudras correspondant.

De son kimono aux larges manches blanches et tombantes s'effeuillèrent plusieurs feuilles de papier. Soumises à la volonté de leur créatrice, elles se plaquèrent sur les jambes de Nanabe. Au final, elles ne parcoururent pas grande distance puisque l'amazone était à quelques centimètres de leur maîtresse. La soldate se baissa avant de remonter subitement et percuta le menton ciselé de la belle Muku d'un poing lourd. L'assaut inarrêtable de la guerrière continua, elle leva avec rapidité un pied pour chasser les fines jambes de Muku.

* A la fois lourd comme la pierre et léger comme le vent ? Quel est son pouvoir ? *

Se doutant que le second coup serait au moins aussi pondéreux que le premier, elle se devait d'agir pour ne pas se faire éliminer au premier round. Elle signa le dernier mudra et les feuilles blanches étreignirent les jambes de Nanabe. Cela n'empêcha pas le coup de partir mais limita au moins ses effets. La plante du pied repoussa Muku sur le haut de sa cuisse droite et la fit reculer de plusieurs pas en arrière.
A cause du précédent coup de poing, elle se mordit la lèvre inférieure et saigna. Un fin filet de sang rougeâtre goutta sur son kimono.

« Tu viens de salir ma veste blanche ... » se soucia-t-elle.

A son tour, elle lança les hostilités. Elle joua de ses mains et une dizaine de feuilles apparurent. Les feuilles lévitantes dans les airs se plièrent sans que nul ne les touchent. Elles prirent alors la forme d'armes que tous ici connaissaient bien : des shurikens. Suite à un regard assassin, les projectiles filèrent en tournoyant droit sur leur cible : Nanabe.

Maigu, l'apprenti de Muku, serra les poings quand sa patronne se mangea celui de Nanabe en plein visage. Elle ne souffrait pas pour elle, la gamine manifestait plutôt un soutien silencieux à la guerrière. D'une certaine façon, la gamine y trouvait là un bon moyen de se venger. Il est vrai que Muku n'était pas tendre avec elle, mais pour sa défense, cette rigueur était bienveillante au fond.

« Je suis un bon entraîneur n'est-ce pas ? » demanda de façon rhétorique Waibe à Maigu.

« Elle s'habille mal mais elle sait se battre ! » affirma l'enfant. « Allez Nanabe ! » l'acclama-t-elle.

* Toi, tu ne perds rien pour attendre ! *

Les projectiles tournoyant sifflèrent en direction de leur cible. Ses armes en papier étaient aussi tranchantes que des vraies, valait mieux en éviter un maximum. Muku n'exprima aucun regret à employer ce type de technique, surtout pas après les assauts répétés qu'elle venait de subir. Mais la Mekata déploya des trésors d'inventivités tirés de son pouvoir. Muku ne l'avait toujours pas percé à jour et ne pouvait pas anticiper ses actions.

* Elle esquive toutes mes armes, légère comme une feuille, et pourtant ses coups sont lourds comme la pierre. Je n'ai aperçue aucune armure doton recouvrir ses poings, et pourtant... S'il ne s'agit pas d'un des cinq éléments, alors elle possède comme moi un pouvoir génétique, ces fameux Kekkai Genkai comme on les appelle. *

Nanabe ne laissait pas le temps à Muku de trouver les réponses à ses questions. Après avoir esquivée avec aisance, elle reprit sa course effrénée vers sa proie. La belle à la peau claire avait l'impression de passer pour un vulgaire sac de frappes, elle l'avait bien chercher après tout. La folle-furieuse évacuait probablement la frustration précédemment accumulée.

* Si je ne l'arrête pas plus tôt, je vais subir la même chose. *

« Kami, Mur de papier ! » renouvela la Senbaru.

A l'instar du tour précédent, comme une double peau, des feuilles blanches se détachèrent de ses manches et se dressèrent entre elle et l'autre folle-furieuse. Elles s'agglomérèrent en quinconce et finirent par former un épais mur blanc. Protégez derrière ce rempart, Muku entendit la combattante le heurter à deux reprises. Le second coup de pieds eut raison de la protection qui vola en éclat, libérant une multitude de feuilles qui se déposèrent au sol tel un jour venteux d'automne.

Étonnée par la puissance de la Mekata, Muku recula de trois bonds en arrière en entamant une série de signes incantatoires :

« Kami, Senbons de papier »

puis à nouveau pour multiplier ses chances :

« Kami, Senbons de papier »

Toujours de ses longues manches, des feuilles se créèrent, lévitèrent et se plièrent à la volonté de leur maîtresse. Cette fois, elles prirent l'apparence de senbons pointues. Muku souhaitait ardemment voir le pureté de ses créations virer au rouge sang.

Maigu soupira quand elle comprit que Nanabe s'exciterait sur un mur de papier. Mais l'enthousiasme remplaça rapidement la lassitude lorsque les feuilles volèrent en éclat. Comme face à un feu d'artifices, la gamine s'extasia devant la puissance de la Mekata. En passant le plus clair de son temps avec Muku, elle n'assistait jamais à ce genre de démonstration de force, la Senbaru privilégiant la discrétion et l'opportunisme.

« Waaaaoouuuw elle est impressionnante ! Muku n'a aucun chance. » s'inquiéta-t-elle finalement dans ce combat à l'issue certaine.

« Elle passe sa vie ici. » avoua Waibe en désignant les terrains d'entraînement. « Ses poings sont durs comme la roche et sa détermination est affûtée comme une lame. Cette ado sera une véritable arme sur le champ de bataille. Je suis heureux de l'avoir à mes côtés. » s'émut-il

* Tu nous entends certainement Muku, et je sais à quoi tu penses.
Depuis le début, tu sais que tu vas perdre et pourtant tu t'es jeté dans la gueule du loup. J'te connais trop bien pour savoir que tu restes toujours en retrait pour mieux préparer ton prochain coup, et pourtant cette fois... Je ne comprenais pas. Mais avec ce que Waibe vient de me dire, tu voulais simplement la tester. Et maintenant que tu sais que cette fille est une arme, tu veux qu'elle soit tienne. *

Cette conclusion tirée, la petite Maigu ricana au grand étonnement du juunin. Elle reconnaissait bien là sa grande sœur. L'issue de cet escarmouche était donc scellée depuis son commencement.
Muku donnait tout ce qu'elle pouvait dans cet affrontement direct, son point faible. C'était là le seul moyen pour que Nanabe fasse démonstration de tout son potentiel. Avec cette double salves de senbons, elle se demandait bien comment elle allait s'en sortir. Elle était loin d'imaginer que la guerrière bomberait le torse, toute poitrine dehors pour encaisser les armes pointues. Les piques s'enfoncèrent péniblement dans la peau chaleureuse de cette partie du corps, sans l'effet escompter... Pire, les armes tombèrent au sol sans que cette machine ne les touche.

* Toi, à mes côtés, je vois déjà de grandes choses. * Visualisa-t-elle.

La combattante avait soif de vengeance, elle qui avait encaissée sans broncher toutes les remarques ciselées de la Senbaru. Ses mots parfois blessants avaient stimulé son appétence au combat. Cette véritable chienne de guerre voulait son os, et elle le rongerait jusqu'à la moelle. D'une vive accélération, d'un coup trop bien placé et trop rapide, elle heurta violemment le doux visage de son opposante. Muku ne composa même pas un signe, se sachant condamnée.

Le poing droit de Nanabe s'écrasa sur la joue gauche de l'autre genin. La peau blanche se plissa puis s'enfonça sous la force de la main adverse. Ce fut au tour de la mâchoire de se déformer. L'inférieure se désaligna de la supérieure, avant de céder sous le poids. Le craquement de l'os qui se déboîte se fit entendre sur toute l'aire, arrêtant les combats alentours. Maigu ferma même les yeux et se renfrogna sur elle-même. L'onde de choc propulsa le corps bien habillé dans la poussière un peu loin.

Inerte, Muku resta immobile plusieurs secondes pour encaisser le choc, à la fois physique et émotionnel. Quand elle se décida enfin à redresser sa tête face contre terre pour faire face à son adversaire, elle ré-emboîta involontairement sa mâchoire. Là, ses yeux se fermèrent et sa trogne s'écroula sur le côté, elle venait de s'évanouïr.

« Muku !!! » cria la jeune enfant qui l'accompagnait, avant de courir à son chevet.

Nanabe, tu as abîmé son beau visage, jamais elle ne l'oublierait.

Waibe est un homme à la hauteur de son grade. Il aurait pu transporter la victime inconsciente comme un vulgaire sac de blé, mais il se souvint de la beauté de Muku avant les boursouflures. Alors, il la manipula avec soin et la portait de ses deux bras telle une princesse. Éveillée, elle aurait apprécié le moment. Mais que le sort est cruelle parfois, évanouie, elle ne se souviendrait de rien à son réveil.
Le médecin patrouille régulièrement dans cette zone où les combats, parfois violents, causent de nombreuses fractures ou tous autres blessures plus ou moins graves. Ce chemin entre les terrains et l’hôpital, il le connaît par cœur.

« Tu y as été un peu trop fort. Aveugle, tu n'as pas su estimer la puissance de ton adversaire. C'est pourtant un point clef pour un shinobi. »

« Ah bon ? » s'interrogea Maigu, profitant de la leçon.

« C'est primordial. En mission ou en combat, l'endurance est un facteur décisif. Si tu dépenses mal ton énergie, alors tu t’évanouiras avant même la fin. Il faut savoir adapter la puissance de ses attaques en fonction de ton adversaire pour gérer au mieux la chronologie des événements et tenir jusqu'au bout. »

« Je vois, Nanabe n'a donc pas compris que Muku est une novice dans le métier. En vrai, elle vient juste d'avoir son grade de genin. Quelle entrée en matière ! Hihi ! » se détendit-elle finalement. « Je dois vous avouer que Muku n'est pas étrangère à 'l'aveuglement' de Nanabe. A vrai dire, elle l'a bien cherché, même si la sanction est exagérée. » détourna-t-elle le regard vers la Mekata.

Tous les trois se présentèrent aux urgences du centre médical du village. On trouva à l'éclopée un brancard et une chambre pour se reposer. Toujours endormie, un médecin et des infirmières se succédèrent pour diagnostiquer, évaluer et soigner les conséquences de ce coup dévastateur.

« Les premiers soins apportés par Waibe lui éviteront une vilaine cicatrice au visage. Dans quelques semaines, tout aura disparu. » concéda le médecin de garde.

Soulagé par ce diagnostic, l'inconscient de la belle jeune femme la réveilla. La douleur refit surface instantanément et elle porta une main rapide mais douce sur son menton. Elle ne sentit pas la fraîcheur de sa peau blanche, mais la rugosité des bandages médicaux qui emmitouflaient son visage. Pour que les soins soient efficaces, le personnel hospitalier dut bander l'ensemble de sa tête pour faire tenir les divers compresses couvertes de pommades cicatrisantes et analgésiques.

« UN MIROIR ! » ordonna-t-elle.

Maigu se précipita et décrocha du bout des pieds celui suspendu dans la salle d'eau. D'abord hésitante, car elle savait d'avance la réaction de sa grande-sœur, elle orienta sans détour la glace. Les rares parcelles de peau laissait à l'air libre se reflétaient gonflées et bleuies, en pleine réaction inflammatoire.

« naNaBE ! » rugit-elle, faisant sursauter sa petite apprentie. « Je n'oublierai pas, je n'oublierai pas. » répéta-t-elle plusieurs fois.

* Les dommages et intérêts seront élevés ma pauvre ! Tu vas payer. *