Cela faisait maintenant quelques jours que le Mekata avait pris pied à Vung Tau. L’île pirate était toujours autant agitée. Forbans et marchands se rencontraient dans les différentes tavernes de l’île, vendant et achetant les différents produits issu du pillage.
Si le Mekata avait décidé de revenir sur cette île, c'était avant tout pour faciliter son acquisition d’un navire. Contrairement aux idées reçues, très peu de capitaine pirate était maître à bord et il était assez aisé de semer les graines de la révolte au sein d’un équipage pour en prendre le contrôle.

Le pirate avait fait le tour des tavernes et il avait finalement trouver un candidat de choix. Un certain Arkan commandait un navire du nom de Celestia. Ce dernier avait la réputation d’être un navire de contrebande alimentant le pays de l’eau. Le navire avait subi bon nombre de soucis ces derniers temps et il était temps pour l’équipage d’Arkan de recruter de nouveaux bras.
Haoru n’eut aucun mal à avoir l’emplacement du Celestia au port. Il ne lui avait fallu que quelques ryos et des tapes amicales dans le dos.

Une fois sur le quai, il avisa les différentes personnes. Il y avait foule. Nul doute qu’il y aurait sans doute une forme de sélection. Quoiqu’il en soit le Mekata devait absolument monter sur ce bâtiment. Son regard se posa sur une jeune femme présente sur une caisse. Elle abordait un large sourire et semblait attendre avec le reste des volontaires, une bouteille à la main.

Haussant un sourcil, le pirate se décida à aller à sa rencontre. Il faut dire qu’elle faisait légèrement tache dans le paysage : le quai étant essentiellement rempli d’homme. Non pas que les femmes n’étaient pas admises à bord des navires. Ce type de superstition étaient depuis bien longtemps oubliés. La mer demeurait simplement un secteur encore majoritairement masculin et les rares femmes à bord devaient se munir d’un sacré caractère pour ne pas se faire dévorer.

Haoru prit donc place sur une des caisses à côté de la sienne.

-Que fais donc une femme ici ? Tu serais plus lotie à faire le service dans une des nombreuses taverne de l’île.

Très vite un homme prit la parole devant le navire. Il s’agissait sans doute du quartier maître. Il invita la foule à se diriger vers la plage. Il n’y avait pas de place pour tout le monde à bord et d’après ses dires, les postes les plus importants étaient déjà pris. Aussi cela allait sans doute se régler en mêler pour départager le fort du faible...

Nami avait été, somme toute, une certaine déception. Pas que le pays  soit laid, mais l’omniprésence des maisons en ruines ou des bidonvilles n’avait guère aidée la jeune femme a apprécier son séjour autant qu’elle l’aurait aimé. Au moins,elle repartait avec quelques bouteilles intéressantes trouvées dans un bazar, dont l’une d’elle lui avait coûté approximativement tout ce qui lui  restait, y  compris son budget nourriture. Ce n’est qu’après avoir acquis la précieuse bouteille de cristal qu’elle s’était rendue compte de sa dépense pour le moins insouciante. Le travail n’étant pas forcément facile à trouver dans les environs, elle avait décidé de rentrer chez elle, en payant son trajet de son  labeur. Après tout, toujours fauchée, elle avait désormais un  peu d’expérience en tant que matelot, et même s’il ne s’agissait pas du métier le plus valorisant qui soit, elle savait au moins pouvoir toujours trouver du travail, ou presque.

En se renseignant un peu, un verre aide  souvent, elle avait appris que quelques bateaux partaient de Nami vers Mizu, et qu’ils embaucheraient sûrement quelques matelots de plus, juste au cas où. Sur les trois navires, deux l’avait refusé, le premier parce qu’ils avaient déjà remplis leurs quotas et qu’elle se présentait un peu trop tard, le second parce qu’ils avaient déclarés l’alcoolique  comme “inapte au dur labeur maritime”, sans même chercher à s’expliquer sérieusement. Le dernier bâtiment était également son dernier espoir d’échapper à la mendicité, plutôt crever de faim que vendre ses précieuses ambroisies.

Par bonheur, le port était agité, et rempli de gens qui savaient ce qui s’y passait, trouver la direction du navire, le “Celestia”n’avait ainsi pas été bien difficile. La foule qui s’y massait présageait une rude compétition pour monter à bord  en  tant qu’employée, mais il faudrait bien qu’elle se taille une place si  elle souhaitait rentrer tranquillement. Débouchant la gourde de  bois qui pendait à sa ceinture,elle prit une gorgée de l’alcool bas de gamme qui traînait dedans, rafraîchi à l’air matinal, finissant de se réveiller à grandes rasades de vin au milieu des discussions de marins. La majorité de ce qu’elle pouvait entendre se résumait aux on-dit à propos du navire et de son capitaine, notamment sa tendance à “oublier” de déposer des biens du pays  lors de ses retours à Mizu, mais elle ne comptait pas le juger, après tout, elle aussi oubliait souvent de vider ses poches.

Quinze, vingt minutes d’attente, le temps  se faisait long, et la jeune femme décida de sauter légèrement sur une caisse pour s’y asseoir, reprenant une gorgée de vin alors qu’un homme s’exclamait sur la présence d’une femme. Elle continua simplement de boire, se demandant ce qu’avait fait la cible de cette alpague pour mériter ce genre de commentaire, et surtout se disant qu’elle n’aurait pas aimé qu’on lui parle ainsi.

Avant qu’elle n’ai vraiment eu le temps de s’attarder dessus, le profil d’un homme se dessina sur le pont, un homme frêle, mais bardé de cicatrices et à la voix ferme, qui les enjoint à se déplacer. A l’entendre, il ne restait que quelques places à pourvoir, la majorité ayant déjà été prises par des hommes de main du capitaine, déplacés d’un autre de ses navires vers celui-ci, aussi, il aurait quelques tests à faire passer. Arrivée sur la plage, la jeune femme se retrouva presque au devant de la masse, comme portée, ou plutôt poussée par la foule devant l’homme, qui se révéla être relativement âgé.

“ Pour commencer simple, que tout ceux qui ont déjà travaillés en tant que matelot par le passé lève la main. Au moins trois voyages, pas moins.”

La jeune femme leva immédiatement la main, l’expérience lui ayant appris que ceux qui  hésitaient dans ce genre de cas étaient tout simplement recadrés d’emblée. Autour d’elle, quelques hommes levèrent la main rapidement, l’un d’entre eux visiblement peu sûr de lui. Le vieil homme, très probablement un officier  du navire, observa la troupe quelques instants avant de désigner quelques personnes.

“  Toi, toi, toi, toi…. Toi aussi. Non pas, toi, celui derrière. Ceux du fond également. Vous pouvez partir. On a besoin de gens compétents et motivés pour ce trajet. Désolé pour ceux qui venaient apprendre le métier, mais le capitaine a demandé uniquement des gens confirmés.”

Quelques personnes s’en allèrent sans un mot, d’autres tentèrent de se justifier avant d’être réduites au silence d’un regard implacable de l’homme.

“ Bien. Et maintenant, qu’est ce que je fais de vous….”

Ses derniers mots furent laissés en suspens un instant en l’air alors que l’épicurienne usait de son poignet pour porter le goulot de la gourde à ses lèvres, sans quitter l’homme des yeux.

“ Oui… Procédons ainsi.”

Une première selection avait été faite rapidement. En y repensant, le Mekata trouvait que la manière de faire de cet équipage était quelque peu étrange. Généralement on prenait la peine d’investir du temps pour les postes clefs, comme le charpentier ou le maître coq mais pour de simple matelot… La coutume était plutôt « premier arrivé, premier embauché ».

Le reste des volontaires étaient donc là, sur la plage, à attendre la suite. Finalement le maître de cérémonie annonça la suite des festivités : séance de pugilat. L’idée irrita un peu le pirate. Il n’y avait rien en soit contre une bagarre arrosée dans une taverne mais là. Il était clair que l’équipage du Célestia voulait simplement rigoler un bon coup en incitant des gens à se battre, soit.

-Nous garderons uniquement les dix personnes encore debout.

La foule de candidat devait compter environs une trentaine de personne. Il y eut un léger blanc. Le Mekata lui coula un regard à l’ivrogne non loin de lui qui semblait totalement ailleurs. Il avisa la bouteille quelle tenait à la main. Cette dernière semblait vide, aussi Haoru entreprit de lui prendre des mains pour venir assomer le premier venu avec.

Clac !

Le verre se fracassa sur un malheureux qui s’effondra. La mêlée générale commença alors. Haoru ne prit guère de réelle initiative hormis celle du début. Il préférait conserver ses appuis et contre attaquer lorsque l’occasion se présentait.
Au bout de quelques minutes, les plus faibles du groupuscule s’effondrèrent. Beaucoup des hommes et femmes encore debout ne se rendirent pas compte tout de suite que « l’épreuve » était terminée. Il fallait le cri d’un homme pour obtenir à nouveau le calme.

-Ça suffit ! Cessez donc ces enfantillages !

Ce n’était pas l’homme à l’origine de l’épreuve qui prit la parole, mais une silhouette plutôt large et grande. L’homme était vêtu d’un long manteau en cuir noir et d’une tresse en guise de barbe. Il s’agissait d’Arkan, capitaine du Célestia.
Haoru le reconnut tout de suite. Non pas que la réputation de l’homme faisait de lui un être de légende. Il le reconnut simplement à la façon dont les hommes avaient porté leur regard sur lui. Préférant ne rien dire pour le moment, il se contentait de l’aviser, guettant la suite.

-On embarque bande de chiens galeux et plus vite que ça !

Sans plus de cérémonie, Haoru suivit la foule.