N'étant qu'une simple Genin parmi de nombreux autres et sans aucun fait d'armes à son actif, Kaori n'est pour le moment que difficilement remarquable par ses pairs. Toutefois les plus observateurs auront remarqué le teint hâlé, les mains calleuses et le physique finement ciselé de quelqu'un qui a passé une bonne partie de sa vie à faire un travail physique au grand air.
Ses vêtements usés, cheveux ébouriffés et l'état déplorable de ses phalanges laissent également supposer une activité physique régulière et intense alliés à une origine modeste contrastant avec une posture droite et sévère digne d'un soldat particulièrement discipliné. Néanmoins, si le devoir et l'ambition se lisent dans son attitude, un reflet inhumain semble voiler son regard d'émeraude.
Kaori est née en 134 dans le petit village côtier d’Houryou au sein du pays des Nuages. Dernière née d’une fratrie de quatre enfants, elle a hérité, comme le reste des pauvres hères de son hameau d’une vie frugale mais relativement heureuse. Les jours s’écoulaient paisiblement, au rythme des sorties en de pêche, de travaux de ferme et autres nécessités dignes de paysans tout à fait ordinaires. Si cette vie pouvait paraître rude pour une enfant en bas âge, la jeune enfant n’en souffrait nullement, ses parents l’ayant habituée dès ses premiers pas à mettre la main à la tâche comme tout autre membre actif de la famille. Elle devint rapidement une jeune fille apte de ses mains rompue à l’exercice physique et au mental solide, hérité de l’ardeur à la tâche des petites gens. Ses parents, aussi prompts à la tâche que leur progéniture parvenaient tant bien que mal à maintenir la petite famille à flots, les nourrissant grâce aux maigres résultats de leur petite exploitation familiale et marchandant de temps à autre les fruits de leur labeur à la pêche et aux champs aux vendeurs et autres colporteurs du coin.
En période de coups durs où la disette menaçait, il n’était également pas rare de voir les plus âgés se rendre à Kouwareki pour trouver du travail saisonnier afin de joindre les deux bouts. Ils partaient ainsi pendant plusieurs semaines ou voire plusieurs mois, laissant habituellement la garde des jeunes à leurs grands parents restés au village. La petite Kaori, démontrant déjà un certain caractère alors qu’elle n’avait pas encore atteint ses dix printemps, appréciait particulièrement ces escapades car son grand-père, du fait de son grand âge, ne tarissait pas d’histoires et de légendes sur le pays des Nuages : le mythe de Susanoo et de son temple au coeur des montagnes, les lumières « éternelles » de Murayouri, les joncques voguant dans le port ou encore l’archipel de Mizu qu’il avait eu l’occasion de voir parfois lors de ses années de marin. Des histoires qui ponctuèrent les rêves et les désirs d’une jeune enfant pourtant déjà suffisamment raisonnable pour douter que son avenir ne lui permettrait sans doute jamais de voir les lieux où les fables de son aïeul dirigeaient son imagination.
Pourtant, à l’aube de son onzième anniversaire, la route que la petite pensait toute tracée devant elle devint trouble lorsqu’elle se découvrit la capacité d’utiliser le chakra. Au début, ce ne furent que vagues sensations similaires à des vertiges ; parfois des difficultés soudaines à coordonner ses mouvements ou encore des sautes d’humeurs inexpliquées. Si elle avait tout d’abord attribué tous ces signes à sa puberté imminente, la jeune pré-adolescente découvrit son affinité avec les éclairs alors qu’elle tentait tant bien que mal de maîtriser un poisson récalcitrant. Fourbue par une journée passée dans les champs sous la canicule, la jeune enfant avait dû retourner à la pêche en l’absence des autres membres de sa famille proche tous partis pour la ville portuaire compte tenu de la saison et ; déjà à court de patience, elle faillit perdre une belle prise sur le compte de la fatigue. Puisant dans ses dernières forces, elle avait saisit l’animal avec toute la colère dont elle fut capable et, l’instant d’après, généra brièvement une décharge électrique suffisante pour assommer sa prise.
D’abord effrayée par l’événement, elle s’empressa de ranger sa prise du jour afin d’en parler à ses grands parents. Ces derniers, bien conscients de la portée d’une telle nouvelle, lui demandèrent rapidement de cacher à quiconque cette capacité rarrissime dans de telles terres reculées. Mais, si elle avait décidé de suivre leurs instructions, la jeune enfant senti en elle également l’étincelle de l’ambition accompagnant un tel don. Ainsi, elle passa les jours suivants à demander plus d’informations à aïeul à ce sujet lorsqu’ils se retrouvaient entre quatre oreilles. Ce dernier ne mit guère longtemps à craquer et lui raconta l’histoire de la famille en lui faisant promettre de ne jamais révéler ce qu’il s’apprêtait alors à lui conter cette fois.
Les souvenirs du vieil homme étaient épars et flous, mais il lui narra dans les grandes lignes qu’au temps jadis alors que lui même n’était qu’un gamin, son propre aïeul, Yotsuki Heihachi était shinobi au sein de la première itération du village de Kumogakure, au service d’un Kage dont le nom avait été effacé suite à l’établissement du « Grand Oubli ». Il lui avait conté que les Yotsuki n’avaient pas toujours été cette famille de simples pêcheurs et agriculteurs malingres et pacifiques. Ils avaient été des guerriers, des combattants dépositaires d’un style de combat brutal maniant la foudre et la force brute dans une danse macabre et majestueuse. Mais lorsque les Daimyô et le peuple se retournèrent contre leur propre armée, ils durent fuir le village caché des Nuages et s’établir le plus loin possible de toute tentative de représailles à leur encontre. Et c’est ainsi que les fiers shinobi devinrent de simples fermiers, troquant leur technique de combat ancestrale contre les filets de pêche et les rateaux. Depuis que le village avait fermé - bien avant sa propre naissance - , plus personne au sein du Clan n’avait possédé la capacité d’utiliser le Ninshu. Plus personne avant elle, du moins. Il la mit toutefois en garde en lui apprenant l’existence d’un lieu nommé Arashi, où les criminels et les utilisateurs du chakra pouvaient atterrir si jamais ils attiraient trop l’attention sur eux, lui expliquant dès lors pourquoi il avait insisté pour qu’elle garde le secret sur ses capacités. Comprenant l’enjeu pour elle et sa famille, la jeune fille accepta de taire la chose et n’en parla plus. Dès le lendemain, les choses reprirent leur cours habituel, et transie par la terreur de perdre le peu qu’elle avait, la jeune fille n’en pipa plus mot à quiconque.
Cependant, elle ne pouvait rester sourde à l’appel de son sang et de son héritage. La maigre histoire qu’avait pu lui livrer son grand-père avait attisé les flammes de l’ambition et de l’excitation au sein de son être. Sans personne à qui se livrer, avec qui partager son fardeau, l’excitation des premiers mois se changea peu à peu en amertume. Puis au fil des années, l’amertume se changea en frustration. Frustration d’être en dessous de ce qu’elle aurait pu devenir. Frustration de ne pas accomplir ce pour quoi elle était née. La frustration se changea rapidement en colère. Colère contre un monde qui n’acceptait pas son potentiel. Contre ces Daimyôs qui l’avaient condamnée à être une bouseuse sans avenir alors qu’une bête d’une force monstrueuse ne demandait qu’à être instruite. Colère contre elle même d’en vouloir à sa famille, à ses amis et tous ses autres d’être « normaux », fades. Kaori avait eu un aperçu du pouvoir et à présent, elle en était assoiffée.
Gardant toujours son secret pour elle au fil des années, la jeune fille devenue adolescente avait décidé de tourner sa frustration dans un entraînement drastique pour améliorer sa condition physique. Si elle ne pouvait pas pratiquer ou apprendre le Ninshu par elle même, la jeune fille pouvait au moins se créer un corps aussi puissant et solide que le roc pour pâlier à cette nouvelle sensation de faiblesse qui l’horripilait au plus profond de son être. Fort heureusement, sa vie de tous les jours était déjà faite de travaux physiques perpétuels, et cela ne fit que redoubler sa ferveur à la tâche.
Puis vint le moment où le destin vint enfin lui sourire. En 149, alors âgée de quinze ans, Kaori apprend que le village de Kumogakure No Sato rouvrait ses portes suite à l’attaque contre la prison d’Arashi et qu’il était à nouveau possible de s’engager comme shinobi. Il ne lui fallut guère longtemps pour saisir cette chance d’accomplir enfin ce pourquoi elle pensait être destinée. Quelques jours seulement après avoir appris la fameuse nouvelle, la jeune fille a déjà préparé un sac rempli de rations et de quelques vivres pour partir à la rencontre de son destin. Elle s’excuse auprès de sa famille et leur divulgue finalement ce qu’elle leur avait caché pendant quatre longues années.
Ignorant ses propres larmes et celles de sa famille, faisant fi des doutes de certains, de la colère des autres, elle prend la route en leur promettant de revenir avec le blason de leur clan redoré par sa sueur et son sang. Cependant, avant de tirer le rideau sur sa vie passée, son père lui offre un dernier présent. Bien qu’étant réticent à voir sa dernière née devenir un soldat, il lui transmet un héritage ayant échappé aux purges du « Grand Oubli » : un coffret rouillé contenant de vieux parchemins détaillant certaines techniques ancestrales de l’époque où les Yotsuki étaient des combattants.
C’est alors avec un espoir fou et des rêves de grandeur démesurée qu’une fille de pêcheur prend la route pour devenir une bête de guerre.
Aujourd’hui, cette fille vit à présent à Kumo et vient tout juste de gravir le premier échelon pour accomplir son nouveau but : elle est devenue Genin. Enhardie par l’examen international des Chûnin qu’elle n’a pu suivre que depuis les gradins, Kaori entretien à présent l’ambition de suivre les pas de la plus grande légende de Kaminari à ce jour : Eiko Senbaru. Cependant, dans un coin de son esprit, elle ne peut ignorer cette même colère sourde à l’encontre des Daimyôs. La seule question qui se pose étant si elle suivrait la même voie pavée de sang.