Briefing:

Il pleut et il fait noir sur Kumo.
C’est une journée maussade qui nous attend. Aujourd’hui, il n’y a pas d’entraînement en extérieur ni de conditionnement physique, juste des cours théoriques. L’hiver, Kumo devient un village froid, où le soleil se couche tôt et se lève tard, la saison morte mérite bien son surnom. Néanmoins, si je suis à l’académie ce matin, ce n’est pas pour réviser mes classiques, mais bien pour enseigner le peu que je sais à la génération suivante. On m’a demandé, avec une autre ninja du nom de Mishima Keiko, de raconter mes expériences, expliquer la vie avant le village caché des nuages, les effets de la guerre, la vie en tant que genin. Des propres mots de nos supérieurs hiérarchiques : rappeler que la vie de ninja est dangereuse, mais aussi gratifiante. J’imagine que les élèves ont dû être lassé de leurs professeurs, il est difficile d’être proche des gens quand on incarne une figure d’autorité. Leur mission d’éducation passe avant tout et, peut-être hélas, les instructeurs de l’académie ne sont pas là pour être leurs amis. En partant de ce postulat, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les élèves ont du mal à les prendre au sérieux, ou au contraire, à comprendre leurs expériences.
Etre instituteur est un métier difficile, être pédagogue est plus complexe qu’il n’y paraît. C’est pour cela qu’en attendant le moment de notre intervention, je m’attarde un peu sur le tableau des absences, un professeur est en déplacement de longue date, c’est sans doutes pour ça que nous venons aujourd’hui. Ne souhaitant pas être en retard je suis venue en avance, un peu trop même.
Néanmoins, cela me laisse le temps de passer en revue mes souvenirs, les anecdotes dignes d’intérêt et les instants de gloire auxquels j’ai participé. Mais aussi les moments plus humbles, je suis militaire et surtout genin. Je dois de temps à autre, passer le balais, la serpillère et préparer les repas quand je suis de corvée. En attendant d’être une héroïne de légende eh bien… Je suis une biffin avec une passion pour les explosifs et une armoire pleine de coquillages. J’ai un petit sourire, chaque chose en son temps. Quitte à astiquer le carrelage jusqu’à ce qu’il brille.
C’est l’arrivée de ma camarade qui me tire de ma rêverie. Une genin plus expérimentée que moi, plus âgée aussi. Je m’incline respectueusement devant elle, avec les salutations d’usage.

« Bonjour, je m’appelle Suibaku Momiji, enchantée de faire ta connaissance. C’est pour rappeler aux étudiants de l’académie que la vie de ninja n’est pas de tout repos, c’est cela ? »

Cela faisait plusieurs jours que Keiko était revenue de sa mission à l'autre bout de Kaminari en compagnie de Nanabe. On se les caillait déjà pas mal au village alors imaginez tout là haut vers Houryou ! Elle imaginait même pas faire des missions à Yuki no Kuni, le pays de clan éponyme. Ainsi ce fut en habits d'hiver qu'elle se dirigea vers l'Académie. La Genin avait reçu son ordre de mission la veille et si elle était heureuse de repartir en mission après quelques jours de repos, passés certes sur la plateforme d'entraînement, l'intitulé de la dite mission laissait un peu à désirer. Quand vous venez d'arrêter le stratagème d'un odieux scientifique, c'était assez naze de devoir faire un cours à des gamins tout juste en âge de quitter papa et maman.

C'était le lot de tous les Genins.

Keiko se martelait à chaque mission de rang D. Si elle essayait de positiver, cela devenait de plus en plus compliqué. Nettoyer les rues de Kumo ou la baraque d'une vieille femme alitée possédant une douzaine de chats, c'était pas jouasse. Surtout quand vous avez bientôt trente piges et une expérience du terrain conséquente. La mission du jour était de faire un cours sur la vie d'un ninja à des aspirants. C'était tout de même plus acceptable. Le haut du panier des missions de ce rang. Fort heureusement, la Genin serait accompagnée d'une partenaire répondant au doux nom de Suibaku Momiji. Si le nom de famille était évocateur et plutôt du domaine des explosions et de la destruction, le prénom Momiji signifiait protéger. Un contraste très intriguant. Elle espérait toutefois que sa partenaire porte bien son nom, pas comme elle dont le prénom signifiait gracieuse. La militaire n'avait pas une once de grâce dans le corps ! Enfin c'était ce qu'elle aimait à raconter...

"Enchantée. Mishima Keiko."

Keiko répondit de manière laconique avant de la saluer de la même manière. Elle se savait plus âgée mais cela n'était en rien un frein au respect de la hiérarchie de Kumo. Pour elle, les deux femmes étaient des Genins. Point barre.

"J'espère qu'on leur donnera l'envie du métier et qu'on les fera pas fuir. Le village a vraiment besoin de bras en ce moment. C'est quoi ta spécialité si ce n'est pas indiscret. Ca serait dommage qu'on leur raconte toutes les deux la même chose. Plus généralement, tu le vois comment ce cours ? Qu'est-ce que tu aurais aimé apprendre de ninjas expérimentés lorsque tu étais à l'Académie ?"

« C’est un honneur. » La réponse de ma camarade laisse penser qu’elle est peu enthousiasmée par notre mission. Ce que je comprends tout à fait : nous sommes des rangs C et on nous confie des tâches humbles.

En entendant ses questions, j’ai un sourire. Au moins, elle éprouve un certain intérêt envers la mission et semble enthousiaste à l’idée de raconter la vie de ninja aux étudiants. Cette volonté de faire les choses bien est agréable et je suis heureuse de voir que nous en tirerons tous quelque chose.

« J’ai confiance en nous, nous serons à la hauteur pour leur parler sans les effrayer. Ils veulent devenir ninja car ils aiment le village plus qu’ils n’aiment la gloire. » J’ai un sourire, « ou du moins, je l’espère. Je suis spécialiste en démolition : je dégage des pistes bloquées par des gravats et participe aux excavations dans les mines. Je manipule l’argile explosif du clan Suibaku. » Le reste de sa question mérite une petite réflexion, en même temps que je me prête à l’exercice, j’ai un sourire. Kumo a été fondé il y a deux ans, j’ai à peine fait mes années à l’académie et j’ai été renvoyée très tôt auprès de mon maître. Il m’est difficile de partager un ressenti que j’ai peu vécu. « Si j’étais une élève de l’académie, je souhaiterai probablement en savoir plus sur la vie de tous les jours. Les casernes, les corvées, les tours de garde, la vie en collectivité est pleine de surprise. On s’ennuie rarement, en particulier entre ninjas. Tu dois connaître l’histoire mais, lorsque je suis de corvée, c’est souvent avec une fille qui fredonne de vieilles chansons. Un jour, son chef en a eu assez et lui a fait chanter une berceuse devant toutes les chambrées avant d’aller dormir. »

Mais je parle beaucoup de moi. Keiko doit avoir son lot d’anecdotes elle aussi. D’un signe de main, je l’invite à prendre la parole, alors que nous commençons tranquillement à marcher dans les couloirs de l’académie.

« Et toi Keiko ? Quelle est ta spécialité et qu’aurais-tu aimé savoir de nos aînés lorsque tu étais à l’académie ? »

Keiko se serait assurément contentée d'un résumé. La jeune Genin racontait un pe usa vie et cela s'avéra légèrement déplaisant. La militaire de carrière était une femme d'action alors la parlotte c'était pas vraiment son truc. Elle commençait d'ailleurs à flipper en se demandant si elle avait pas sous-estimé cette mission. Parler de la vie de tous les jours ? Elle voulait bien mais bon ça risquait soit de les faire fuir, notamment si elle parle de sa dernière mission et la torture qui a eu lieu, soit d'être d'un ennui mortel. Elle avait peur que les aspirants ne soient guère motivés par ces perspectives. Elle prit quelques secondes de reflexion.

"Je t'avoue que je suis partagée quand à raconter exactement comment se passe notre métier au quotidien. Ca risque de les ennuyer, non ? Je suis plutôt pour éviter de parler des corvées et des autres tâches ingrates de la vie d'un ninja. On doit les inspirer pas les pousser vers un autre job."

Keiko laissa échapper un petit rire cristallin avant de reprendre. Elle venait de s'imaginer en train de décrire en train de torturer un type et les regards effrayés des jeunes de l'Académie. Ca valait assurément le détour mais elle éviterait. Elle pourrait peut être parler d'une de ses missions. Un truc plutôt soft, un peu badass qui décrierait l'action sous une lumière plus tamisée. Quitte à légèrement mentir ou plutôt embellir les faits...

"Honnêtement je n'ai pas passé longtemps à l'Académie. Je me suis éveillée au chakra il y a seulement deux mois à l'âge vénérable de vingt-huit ans. J'étais dans l'armée de Kaminari pendant plus de dix ans. Je possédais déjà l'état d'esprit d'une kunoïchi avant de venir à Kumo. Du coup, je ne suis pas très représentative des aspirants."

Keiko sourit de manière plus amicale, presque nostalgique. comme si elle regrettait légèrement cette époque à présent révolue où elle arpentait la frontière de Shimo no kuni en compagnie de son unité en quête d'espions cherchant à infiltrer Kaminari. Elle se reprit rapidement.

"J'ai une idée. Si tu leur parlais de tes premiers pas en tant que kumojin ? De ce que tu as découvert une fois sortie de l'Académie en entrant dans le service actif. Ta rencontre avec notre Raïkage, tes nouveaux collègues et pourquoi pas ton quotidien. Mais évite les côtés chiants et détestables de notre métier. Les élèves auront largement le temps d'en prendre connaissance tout au long de leur scolarité..."

Keiko fit une pause pour répondre son souffle, visiblement pas habituée à parler autant. Penser à chopper une bouteille d'eau, elle se fit une note mentale. Elle reprit et conclut.

"De mon côté, en qualité de kumojin plus expérimentée, je leur décrierai ma dernière mission. En essayant d'y mettre les formes évidemment. Ca te parait correct ?"

« Bien sûr, nous devons les inciter à s’engager. Mais pour autant, je ne suis pas partisane de leur cacher la vérité. » De toute manière, il est parfois relaxant de nettoyer les sols.

Entre deux missions de haute intensité, passer quelques temps à graisser les armes, affuter les shurikens, peut aider à trouver la paix. La guerre est un métier éreintant, profiter d’un moment de calme, est toujours le bienvenu. Même s’il s’agit de passer la serpillère. J’ignore le point de vue de Keiko à ce sujet, mais je préfère amplement passer le balai à la base que d’enchaîner les assassinats ciblés ou les ouvertures de passages. Jouer aux troupes de choc c’est bien, mais il faut aussi se ménager. Nous avons encore de longues devant nous, inutile de nous tuer à la tâche.
Mais cette dernière pensée est un peu lugubre.

« Je comprends, je n’ai pas passé beaucoup de temps à l’académie moi non plus. Néanmoins, on y trouve son lot d’anecdotes comme partout. De bons souvenirs qui nous suivent partout où l’on va. » Je dirais bien que l’on emporte dans son cœur chaque pays qu’on a visité, chaque épreuve qu’on a traversé, mais je crains que cet élan lyrique ne soit pas au goût de ma camarade. Je me contente d’un petit sourire bienveillant. « Cela devait être quelque chose, l’armée de Kaminari. » Protéger le pays, surveiller les routes.

J’imagine que chacun à notre manière, nous participions à la défense du pays. Kumo n’est que l’aboutissement de ces volontés collectives, qui sont apparues un peu partout dans la région suite à la destruction de la prison d’Arashi. En soi, c’est une bonne chose, c’est la preuve que le pays de la Foudre est une nation réactive. Je n’ai pas attendu d’être ninja pour défendre mon prochain et elle aussi, elle a pris de l’avance sur Kumo. Lorsque Mishima me suggère de ne pas parler des aspects rébarbatifs du métier, j’ai une étincelle de malice qui me traverse le regard. Souvent, grâce à ces mauvais côtés, naissent les meilleures anecdotes : on s’ennuie rarement en corvées.
Ensuite, il y a les témoignages de vétérans.
Mais inutile de passer en revue cette facette noire de la vie de ninja. C’est un sacrifice auquel nous consentons tous.

« Oui, bonne idée. Je leur parlerai de mes premiers pas en tant que ninja de Kumo, mon emploi du temps, mes obligations, je veillerai à présenter cela sous un bon jour ne t’inquiètes pas. Décrire ta dernière mission semble en effet un bon compromis : la vie au camp et la vie sur le terrain. Il y a de quoi faire avec cela, c’est très correct. » Néanmoins, j’ai une dernière question.

Rien de grave, juste un petit détail à résoudre pour que nous fassions bonne figure devant les élèves de l’académie.

« Devrais-je parler en premier ? Ou honneur aux plus expérimentées ? »

Keiko appréciait que sa partenaire possède ses propres idées en la matière et n'hésite pas à lui en faire part. Si la jeune femme estimait qu'il était bon de montrer aux aspirants la vie d'un ninja telle qu'elle était réellement, même dans ses aspects les plus emmerdants, la militaire n'aurait rien à y redire. Elle se voyait juste mal expliquer des journées qu'elle trouve relativement insipide et peu propices à créer de véritables vocations. Il ne fallait pas oublier que les majorité des aspirants ne devenaient jamais des ninjas. La plupart restaient sur le carreaux notamment à cause d'une vie qu'ils avaient longtemps romantisée. Même si la réouverture de Kumo était très récente.

"En effet l'armée Kaminarijin n'avait rien d'une promenade de santé. J'ai cependant l'impression que la vie à Kumo sera bien pire dans un avenir proche."

Keiko lança un léger sourire sadique aux lèvres. La militaire de carrière rêvait d'une vie d'action et d'aventure. Cependant, elle n'avait plus la naïveté d'une adolescente qui voulait épicer sa petite vie tranquille. Elle avait connu l'armée et ce très jeune. Ce qui l'intéressait était de relever des défis, affronter des adversaires dangereux et dépasser ses limites. Des choses que l'Eveil de son chakra avait rendu compliquées dans la vie civile. Ses nouvelles capacités sensorielles étaient tellement supérieures à ce qui se faisaient au sein de l'armée régulière que cela n'avait plus aucun sens d'y être. Contrairement à l'adage, elle préférait être un gros poisson parmi d'autres dans un immense océan plutôt que le plus gros poisson d'une minuscule mare.

"Je te laisse volontiers commencer, Momiji. Je vais nous prendre des bouteilles d'eau le temps que les élèves arrivent. Essaye quand même de pas trop les dégouter de notre métier."

Keiko lui fit un clin d'œil alors que le petit amphithéâtre se remplit rapidement. Le cours allait commencer. La Genin laisserait sa partenaire accueillir tout ce beau monde et commencer les hostilités.

Je déglutis en entendant la funeste prédiction de ma camarade. Au contraire, j’espère que c’est une longue époque de prospérité qui s’ouvre à nous. Je connais un petit peu l’histoire de mon pays et de ma profession, j’espère que cette fois-ci, tout sera différent. Que Kumo ne sera pas une dictature et que la Raikage nous guidera vers des horizons meilleurs. Je n’ignore pas le vieil adage, comme quoi il vaut mieux être un samouraï dans un jardin qu’un jardinier sur un champ de bataille. Néanmoins, je préfère ne pas faire usage de mon argile explosive, le combat est imprévisible et mes talents dévastateurs. Qui plus est, mes techniques sont promptes à créer des dommages collatéraux.
Je retrouve vite mon aplomb en souriant.

« Alors, il n’appartient qu’à nous de former les générations suivantes, pour qu’elles puissent construire un monde meilleur. » Mais la suite de son discours m’arrache un haussement de sourcil.

Trop surprise pour répondre, elle m’abandonne dans l’amphithéâtre avec les élèves, partant chercher de l’eau. Livrée à moi-même, il m’incombe de faire la présentation, j’ai un dernier coup vers la porte, priant bêtement qu’elle revienne, mais je suis seule.
Quand même Keiko, c’est très aimable de me prendre de l’eau. Mais… Ce n’est pas très gentil de me laisser toute seule.
En attendant la bouteille d’eau qu’on m’a promise, je me tourne vers les élèves, ils sont une petite trentaine, ils attendent ma présentation. J’ai un sourire, voyons le bon côté des choses : il y aura des rafraichissements à la fin de l’intervention. Cette pensée suffit à me détendre.

« Bonjour à toutes et à tous. Je suis Suibaku Momiji, genin du village, avec ma collègue qui arrive bientôt, on m’a demandé de vous parler de la vie de ninja. Dans un premier temps, je vous parlerai de mon quotidien, puis ma collègue vous parlera de sa dernière mission. De sorte à ce que vous ayez tous les points de vue. N’hésitez pas à lever la main pour poser des questions si vous le souhaitez. » Je leur accorde un bref temps de silence, qu’ils assimilent bien le programme, puis je reprends. « En tant que futur ninja, vous serez confrontés à deux périodes : celles où vous êtes en mission, à poursuivre des espions, arrêter des voleurs et vous battre contre les bandits qui peuvent rôder. Ensuite, les instants où vous serez au village, pour des corvées, des rapports à écrire, ou simplement pour prendre du repos et vous préparer à la mission suivante. »

La deuxième catégorie est la moins populaire chez les élèves. Dans mes souvenirs, nous rêvions d’aventure, de grandes batailles héroïques et d’instants de camaraderie. Mais souvent, pour triompher, il faut s’imposer une méticuleuse préparation via l’entraînement. Or, la plupart des ninjas s’entraînent à Kumo, sur les terrains dédiés à cet effet. C’est une partie ingrate qu’il ne faut pas négliger.

« Ne vous inquiétez pas, moi aussi à votre âge, je trouvais l’arrière un peu barbant. Néanmoins, profitez de votre temps à l’académie et quand vous serez ninja, de vos périodes en garnison à Kumo. » Je garde mon sourire, même si j’aborde un sujet très sérieux. Il n’y a aucune raison de prendre un air solennel, ils comprendront quand ils s’entraîneront. « Durant les corvées, les séances d’entraînement, vous aurez l’occasion de fréquenter à vos camarades et vos chefs. Mettez ces instants à profit pour nouer des liens et apprendre de vos supérieurs. Voire même, expérimentez un petit peu. Mieux vaut commettre une erreur sur le terrain d’entraînement qu’en mission : une bêtise durant une simulation ne coûte rien. Au contraire, sur le terrain, elle peut vous coûter très cher. »

Néanmoins, j’ignore si à leur âge, j’aurais eu la maturité de comprendre tout cela. Malheureusement, certains enseignements doivent être inculqués dans le sang et les larmes, le baptême du feu est toujours angoissant, pourtant, il faut y passer un jour ou l’autre. Une bonne préparation atténue les risques.

« L’arrière est ennuyeux, comme les révisions. Mais il faut passer par là, si on veut éviter une mauvaise surprise au jour de l’examen ou plus important encore, de la bataille. » Keiko revient. « Du coup, je vais laisser la parole à ma collègue revenue de mission. »

Je lui résume très brièvement ce que j’ai dit, une petite phrase, puis lui laisse la parole, me plaçant sur le côté.

Keiko quitta la salle de classe en quête de quelques bouteilles d'eau. Le cours s'annonçait assez long et exhaustif et elle ne dirait assurément pas non à un petit rafraîchissement entre deux anecdotes sur sa dernière mission. Et puis c'était aussi une manière de tester la petite Momiji toute fraichement sortie de l'Académie. Il donnait le diplôme ces derniers temps. Il fallait qu'elle s'assure des capacités de celle qui partageait sa mission ce jour la et celle qui en partagerait potentiellement des tas d'autres à l'avenir. quoi de mieux que de la livrer en pâture à des aspirants indisciplinés à l'affut du moindre faux pas pour tenter de mettre le bazar ?

Ca lui rappelait son petit mois de cours...

Il ne fallut que quelques minutes à Keiko pour trouver un distributeur et d'en extirper deux bouteilles d'eau. Lorsqu'elle revint vers la salle de classe, elle constata que Momiji avait déjà commencé. Ne voulant pas l'interrompre et surtout continuer de l'observer, la Genin resta dans l'encadrement de la porte. elle surveilla toutefois les élèves, prête à intervenir si cela dégénérait. Si Keiko était du genre à tester ses partenaires, jamais elle ne mettrait une mission en danger, aussi insignifiante soit cette dernière ! Et c'était plutôt le cas de la mission du jour. Elle se dit qu'il ne restait fondamentalement qu'une petite heure ou deux de souffrance avant d'en terminer et de pouvoir retourner à ses occupations.

A savoir l'entrainement...

"Merci chère collègue mais j'ai des tas de questions. Je suis sûre que ces jeunes gens en ont pleins aussi ! Votre présentation était super ! Mais pouvez-vous nous parler de votre quotidien plus en détail ? Vous pouvez nous parler de votre entrainement ? Vous bossez votre physique, vos techniques ? Vous êtes beaucoup sur la plateforme ? Au total y'a beaucoup de ninjas ? Elle est comment notre Raïkage ? Comment on choisit une mission ? Y'a des missions pour tout le monde ?"

Keiko enchaina en prenant les aspirants à témoin. Ces derniers d'abord timides, se mirent à acquiescer et même à lever la main pour poser des questions sur tout et n'importe quoi. La militaire de carrière ne mettait pas sa partenaire à l'affiche bien au contraire. Mais estima que Momiji pouvait encore parler un peu plus longtemps et rentrer un peu plus dans les détails. Il y avait encore pas mal de choses à raconter avant que Keiko ne parle de sa dernière mission.

Keiko me bombarde des questions et j’ai un sourire poli, je n’ai pas l’habitude de parler en public. D’ordinaire, j’écoute les ordres et les cours, il est rare que je sois amenée à donner cours, en particulier avec mon manque d’expérience. Je prends un petit temps avant de répondre aux interrogations de ma camarade, puis celle des élèves.

« Mon quotidien est assez simple : hors mission, je me lève aux aurores, part m’entraîner avec mon groupe. La matinée est consacrée aux activités physiques. Ensuite, l’après-midi je suis à l’étude ou aux corvées, en fonction de la période. Quartier libre le soir, je me trouve un peu de temps pour lire. » Je n’ai pas les réponses à toutes les questions qui me sont posées, en particulier celle concernant le nombre de ninjas au total à Kumo. « Oui, je travaille beaucoup le physique, il faut avoir du souffle et de la force. » J’ai un bref regard avec Keiko. « Le ninjutsu principalement, je me spécialise dans la démolition comme beaucoup d’autres Suibaku. » Je fouille dans mes poches avant d’en sortir une petite boule d’argile qui se transforme en oiseau. « Pas d’inquiétudes à avoir, c’est un pigeon inerte, il ne peut pas exploser. » Il bât des ailes quelques instants avant de se trouver une bonne position sur mon bras. « Pour les plateformes d’entraînement, tout dépend des jours. En fin de semaine, il y a toujours du monde pour s’entraîner. D’expérience, on trouve beaucoup de senseurs et de furtifs la nuit, le jour ce sont des spécialistes du combat qui occupent les lieux. »

Quant à savoir comment est la Raïkage et les effectifs du village, ce sont des informations qu’ils découvriront par eux-mêmes.

« La Raïkage est un exemple pour nous tous. Quant aux effectifs, je n’ai pas accès à un compte précis, mais suffisamment pour défendre le village. Pour les missions, tout dépend des circonstances : on choisit la plupart du temps sur le tableau d’affichage, mais il arrive que l’on reçoive une mission en urgence, en fonction des talents. Si vous vous spécialisez dans la démolition comme moi, attendez-vous à déblayer des chemins et si un jour les évènements s’y prêtent, à ouvrir la porte d’un château récalcitrant. » J’ai un sourire.

Qui sait, peut-être qu’un jour je ménagerai un passage à nos troupes. Reste à savoir où et quand. Pour l’heure, ce sont les élèves qui me posent des questions et il y en a beaucoup. Je donne la parole à un jeune homme à la tenue débraillée.

« Les rations sont bonnes ? » Question sensible.
« Oui, les cuisiniers nous gâtent. » J’ai un bref regard vers Keiko, elle doit connaître ça, les fameux gâteaux aux haricots rouges.

Ils sont délicieux, mais quand on croque dedans pour la énième fois, ils perdent un peu de leur charme. J’ignore si j’ai manqué de chance ou au contraire, s’il n’y a que ça, mais je commence à craindre les rations standards.
Une élève reprend la main avec une question plus martiale.

« Vous avez déjà tué des gens ? » Je pince les lèvres, hoche poliment la tête et met un certain temps à répondre.
« M’oui, c’est… Particulier. » J’ai en horreur la violence. « Le combat ne m’enthousiasme guère. » Je tourne la tête pour consulter Keiko du regard, est-ce suffisant ?

Ou alors, dois-je continuer de répondre à la vie en caserne ?
J’ai toujours mon sourire, les deux me vont.

Les questions de Keiko étaient somme toute assez basique mais permettait à Momiji de s'étendre sur des sujets qu'elle jugeait intéressants et pas trop barbants. Une façon d'orienter le débat en quelque sorte afin de faire participer les aspirants.

"Le danger fait partie de notre quotidien. Au même titre que de récurer les toilettes du Palais du Raikage. Un autre genre de danger."

Keiko profita du thème abordé pour intervenir et ainsi soulager sa partenaire par le biais d'un petit trait d'humour. Elle avait pensé à une sorte de léger bizutage et Momiji s'en était très bien sortie. La Genin avait certes orienté la discussion vers des sujets plus intéressants pour l'auditoire. Mais elle n'aurait pas pensé à faire ce genre de chose par elle-même. C'était son dernier cours en compagnie de Juro qui lui donna cette idée. Bon ok c'était un cours sur le Taïjutsu mais son partenaire à cette occasion s'était montré très curieux de sa propre spécialité en Bukijutsu. Elle venait pour ainsi dire de faire pareil pour sa jeune collègue. Maintenant que le sujet tournait autour de la mort, il était temps de prendre la parole.

"Merci Momiji, je prends le relai. C'était édifiant. On applaudit bien fort."

Keiko lança une petite série d'applaudissements. Là encore il s'agissait d'une simple intervention, pas d'un véritable cours mais elle estima que les ninjas méritaient ce genre d'attention. Surtout dans ce genre de situations, propices à un certain culte de la personnalité. Tous ces aspirants n'avaient pas la vocation mais qui sait certains seraient peut être transcendés par le prestige associé. Keiko attendit que la salle se calme avant de prendre la parole. Par respect pour Momiji mais aussi pour réfléchir à ce qu'elle allait bien pouvoir raconter. Ce genre d'exercice n'était pas son fort.

"Bonjour à tous ! Je suis Mishima Keiko, je suis une Genin sensorielle. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de notre beau métier et plus spécifiquement de ce à quoi il faudra vous attendre lorsque vous serez sur le terrain. En mission, pour ceux qui ne suivent pas au fond de la classe."

Keiko resta sur un ton plutôt grave, mettant l'accent sur l'importance de la dite mission. Elle voulait captiver l'audience et surtout elle ne voulait pas la perdre avec des détails inutiles. Elle alla donc droit au but.

"Je reviens tout juste d'une mission effectuée en duo avec un autre Genin dans l'extrémité nord de Kaminari, à Houryou pour être plus exacte. Le village nous a contacté après une série de disparitions inquiétantes d'enfants. D'après nos renseignements préliminaires, un scientifique était soi-disant à l'origine de ces enlèvements et expérimentait sur les enfants."

Keiko fit une petite pause pour le suspense, mettant un doigt à la bouche pour signifier à un élève qui voulait visiblement poser une question de le faire plus tard. Elle reprit.

"Nous avons mis une journée et demi pour nous y rendre depuis Kumo. Un voyage éreintant et dangereux en soi. Lorsque nous sommes arrivés, on a pris contact avec le seul témoin d'un des enlèvements. Ma partenaire l'a interrogé quelques minutes pendant que je montais la garde en dehors de sa cabane. Au bout de quelques minutes, le témoin s'est pris un javelot en pleine tête !"

Keiko mima l'assaut avec une grande crédibilité. On s'y croyait ! Les aspirants aussi apparemment à la vue de leurs mines stupéfaites. Elle posa ses fesses sur un coin du bureau et croisa les bras.

"J'ai beau être une sensorielle, je n'ai rien vu venir. Nous sommes tout de suite partis dans la direction du lanceur et j'ai pu enfin retrouver sa trace. A votre avis, que c'est-il passé ensuite ?"

A mon grand soulagement, Keiko reprend la main. Je m’empourpre quand on m’applaudit, peu habituée à recevoir les louanges du public et offre une brève révérence à l’amphithéâtre. Puis je fais quelques pas en arrière, prenant un peu de recul pour laisser la place à ma supérieure d’expérience. La vétéran commence à détailler sa dernière mission, une affaire d’enlèvement d’enfants et de ce qu’elle vient de dire, d’assassinat de témoins. J’ai un pincement de lèvre en écoutant son récit : il est rare de croiser des furtifs, en particulier des éléments capables de se fondre dans le décor et de passer sous le nez d’un senseur.
Le binôme s’élance à la poursuite de l’assassin, mais elle n’en dit pas plus, nous invitant à réfléchir sur la suite des évènements. Des murmures se font entendre dans la salle, chacun essaie de deviner la vérité avec son voisin, moi-même, je tente de déduire logiquement ce qui a pu arriver.
Deux ninjas contre un homme seul, ils ont probablement engagé la poursuite et arrêté le meurtrier. Il est possible que la poursuite se soit conclue par un échec, mais j’en doute fort, connaissant les capacités d’un ninja par rapport à un non initié. Si l’autre en face était capable d’utiliser le chakra, ils auraient envoyé un contingent plus expérimenté. Les missions de rang C souffrent rarement d’une opposition shinobi, du moins, à ma connaissance.
Plusieurs voix s’élèvent dans l’amphithéâtre.

« Vous l’avez arrêté ?
-Vous l’avez eu n’est-ce pas ? »

D’une voix plus faible, n’arrivant pas à trouver une solution satisfaisante au problème qui m’est présenté, je donne mon opinion discrètement, pour que seule Keiko puisse m’entendre. Un doute dans ma voix.

« Il n’était pas seul ? Il avait un complice pour l’aider à s’enfuir ? » Je n’arrive pas à trouver un cheminement logique qui justifie les évènements présentés.

Une senseur qui n’arriverait pas à détecter un homme seul me paraît très étrange. Il doit y avoir quelque chose qui a mis Keiko en difficulté.

Keiko se délecta de l'effet de son histoire sur son auditoire. Les élèves semblaient investis dans son récit et se mirent même à proposer des solutions. Certaines plus folles que les autres mais la plupart mentionnaient une poursuite du méchant et un combat épique. C'était en effet la solution la plus logique mais ce ne fut pas ce que le duo décida. La Genin se tourna vers sa jeune collègue.

"Et on applaudit Momiji pour avoir trouvé la solution !"

Décidément, il y avait bien plus chez la jeune Genin que chez beaucoup de ninjas de son âge. C'était un réel compliment mais aussi une certaine critique de la formation du village. Certes cette dernière était très récente, le village ayant réouvert que deux ans auparavant. Cependant, la militaire de carrière peinait à voir de l'amélioration chez les nouveaux aspirants et plus inquiétant chez les nouveaux Genins. Mais bon, elle n'était probablement qu'une vieille femme aigrie. Oh mon dieu, elle devenait comme Fubuki ! Remarque leur background était sensiblement le même...

"En effet, nous avons arrêté la poursuite et rebrousser chemin, estimant que les chances de tomber dans un piège étaient bien trop grandes. Rappelez-vous, dans notre métier on fait tout pour rester en vie et limiter notre exposition au danger. Se jeter dans la gueule du loup est souvent vu comme du courage, et fondamentalement ça l'est, mais ça mène la plupart du temps à un danger bien trop important. Notre but est de réussir notre mission, pas de satisfaire des besoins personnels de combat ou un ego démesuré."

Keiko avait demandé à Momiji de ne pas évoquer les côtés trop chiants et rébarbatifs du métier de ninjas à ces aspirants mais elle venait plus ou moins de le faire. Elle pouvait voir la mine basse et presque déçue de la majorité de son auditoire après avoir évoquer la prudence et un certain rejet de l'héroïsme. L'exercice était plus difficile que prévu mais elle enchaina après avoir empoigné sa bouteille et pris une gorgée d'eau.

"Est-ce qu'on a arrêté le ou les méchants ? Evidemment ! Les ninjas de Kumo sont les meilleurs du continent ! Nous nous sommes séparés les tâches et nous avons enquêté chacun de notre côté. Ma partenaire a appris que les villageois étaient dans le coup. Et ensuite nous nous sommes rejoints pour investir la planque du méchant scientifique et le confronter. Après un combat épique, on l'a capturé et ramené au village afin qu'il soit jugé pour ses actes."

Keiko se leva et fit les cents pas tout en racontant son mission. Elle s'arrêta éventuellement au beau milieu de la salle. Elle n'avait pas vraiment évoqué ce qu'était un ninja sensoriel et se demanda si certains étaient curieux.

"Des questions ?"

Je ne cache pas ma surprise lorsque Keiko demande des applaudissements pour ma personne. Comme quoi j’aurais trouvé la solution. J’ai un haussement de sourcil et danse d’un pied sur l’autre alors que j’entends quelques félicitations polies. Ainsi donc, tout le village était de mèche avec le criminel pour enlever des enfants, c’est horrible ! J’aurais toutefois une objection quant au fait de se séparer, en particulier dans un environnement hostile comme celui-là. Néanmoins, je n’ai pas été sur place et je n’ai pas participé à la mission, il est injuste de critiquer l’attitude de Keiko sans avoir été à sa place. Les circonstances ont amené le binôme à faire au mieux, avec les outils du moment et les savoirs à disposition. Difficile de leur en vouloir quand on sait à quel point le métier peut-être dangereux.
Elles ont suivi le protocole et ont atteint l’objectif, elles ont triomphé et pour cela, elles méritent les félicitations.
Lorsqu’il vient l’heure de poser des questions, c’est un étudiant qui lève la main.

« C’est quoi un ninja sensoriel en fait ? » Je retiens un gloussement.

Je reprendrai volontiers la main sur les questions techniques, si Keiko ne se sent pas de le faire. D’autant plus que d’autres questions se mettent à pleuvoir, plus pertinentes ou au contraire, plus abstraites dans la profession de ninja.

« Vous avez retrouvé les enfants ?
-Vous êtes nombreux en mission ? Qu’est-ce qui se passe si on a besoin d’aide au cours d’une mission ?
-Il y a un si grand écart entre les ninjas et les soldats normaux ? »

Je m’attends presque à ce qu’on nous demande une démonstration. Mais se battre à la grenade dans un amphithéâtre ferait jaser et on me soufflerait dans les bronches. De toute manière, j’ai toujours eu une préférence pour les grands espaces. J’ai un petit sourire en voyant l’auditoire se perdre en bavardages, les étudiants de l’académie n’ont pas changé depuis le temps. J’ai un bref regard vers ma camarade plus expérimenté.

« Quand ils auront leur bandeau, les instructeurs seront plus stricts, c’est cela ? » Je suis née dans la discipline ninja, mais je sais que pour d’autres, c’est un choc quand ils deviennent genins.

Travailler en équipe, être fiable, ponctuel, honorer sa part de corvées, des surprises qui attendent certains au tournant.

« D’ailleurs, étions-nous comme ça à l’académie ? Ou alors, » j’ai un petit rire, « cette jeunesse est plus exubérante que nous ne l’étions ? »

"J'ai pas connu l'académie en étant jeune. A leur âge j'étais déjà dans un caserne sur la frontière. Mais j'imagine que j'étais aussi curieux qu'eux. Même si j'ai probablement un peu de mal à l'admettre."

Keiko avoua un léger sourire aux lèvres. Le monde des ninjas était particulier et mortel. Une Genin aussi jeune que Momiji était une vétéran pour beaucoup de ces aspirants. Le métier faisait malheureusement grandir à vitesse grand V. Les ninjas étaient souvent confrontés à des situations compliquées et souvent mortelles. Mais les élèves qui deviendront Genin s'en rendront compte rapidement.

"Alors pour où commencer ? Un ninja sensoriel est un ninja spécialisé dans les capacités dites de Sensorialité. Que ce soit pour repérer l'ennemi que se camoufler. C'est admis qu'il est préférable d'en avoir au moins un dans une équipe pour éviter les embuscades et pouvoir faire de l'infiltration. Et puis c'est cool de faire des trucs comme ça, non ?"

Keiko sourit avant de faire quelques mudras et de se transformer en Momiji. On aurait dit sa sœur jumelle ! Une technique très utile pour faire de l'infiltration. Une technique pas encore parfaite malgré un résultat visuel étonnant. En effet, si la sensorielle avait le visage et la carrure de sa collègue, sa voix, son odeur et plus spécialement sa gestuelle n'avait rien à voir.

"On a retrouvé les enfants dans le repère du scientifique. Certains étaient en mauvais état mais la plupart sont retournés chez eux auprès de leur famille."

Keiko pointa en direction de l'élève ayant posé la question, quittant par là même occasion son masque de Momiji. Elle répondait au hasard aux questions, sans ordre précis mais essaya de ne flouer personne. Ce qui s'avéra très compliqué...

"En ce qui concerne les missions, cela dépend de la difficulté. Lors de ma dernière mission on était deux, une combattante au corps-à-corps et moi-même. On était très complémentaires. J'imagine que c'est le plus important. Et puis les civils, c'est à dire les non-éveillés posent moins de problèmes que les ninjas pour des raisons évidentes. Un kumojin pourrait probablement se défaire d'une dizaine de soldats normaux, suivant sa spécialité ?"

Keiko estima à la louche. C'était compliqué d'estimer la valeur d'un ninja comparé au soldats réguliers. Ca dépendait d'énormément de facteurs mais elle se dit qu'une dizaine de soldats ça faisait un chiffre rond et assez impressionnant. La réalité en était probablement toute autre mais ça suffirait dans cette situation.

"Sinon je suis membre d'une équipe plus large dirigée par un sensei qui nous entraine et qui nous apprend à devenir de véritables kumojin. Nous sommes quatre et nous nous regroupons souvent pour des missions plus difficiles. Ca me fait penser, tu n'as pas encore été affectée à une équipe Momiji ? Tu vises une unité spéciale ?"

Je suis soulagée d’entendre que les enfants ont pu rentrer sain et sauf chez leurs parents. Même si nous ne voulons pas l’admettre, nous étions probablement curieuse à leur âge, comme l’explique Keiko en avouant à demi-mot qu’elle n’échappe pas à la règle. Moi aussi, je devais être comme ça, quand j’avais quatorze ans.
Dire que c’était il y a dix ans.
L’explication de ma camarade sur les ninjas sensoriels est claire et précise. Peut-être une certaine insistance sur le terme de senseur, mais difficile d’expliquer des termes qu’on a l’habitude d’utiliser. Je me rends compte que je peinerais à expliquer précisément mon argile explosive, ou mes dons de détection. Quant au nombre de non-initiés que je serais capable de vaincre, une dizaine me semble un nombre tout à fait exact. Mes bombes ne discriminent personne, avec l’avantage de la surprise et un peu de préparation, peut-être un peu plus. Néanmoins, il est très difficile de contrôler les dégâts d’une explosion. Je garde mon sourire et tâche de ne pas trop en dire, faisant disparaître mon oiseau d’argile dans le creux de ma main, en veillant à ne pas révéler la bouche sur ma paume. Le clan Suibaku peut susciter des réactions négatives, voire hostiles. Quand bien même je n’ai pas le droit de cité à l’intérieur du domaine. Keiko enchaîne sur son unité, expliquant que pour les travaux périlleux, ils s’y mettent à quatre afin de mettre toutes les chances de leur côté.
L’attention se porte alors vers moi, quand ma comparse me demande si je vise une unité spéciale.

« Je n’ai pas encore été affectée à une équipe. J’étais déjà ninja avant la fondation de l’académie, donc, j’imagine que je n’ai pas été prioritaire pour recevoir une affectation et un maître, j’ai déjà le chauve. » Je me tape le sommet de la tête en ayant une moue rassurante envers ma camarade. Peut-être qu’elle le connaît, le fan de minéraux. « Quant aux unités spéciales, je pense rester un temps chez les réguliers. J’imagine que la police de proximité et l’unité scientifique pourraient avoir besoin de bras en plus. Mais je préfère affiner mes talents avant de rejoindre un groupe particulier. Etre une généraliste a du bon aussi. » Une plus grande variété de missions, on travaille avec un peu tout le monde, c’est toujours utile. « Je suis techniquement senseur, mais je me verrais bien mal chez les éclaireurs. »

Un coup d’œil vers l’horloge m’indique qu’il est bientôt l’heure. Nous aurions bientôt terminé la mission, l’occasion de faire le point sur la jeunesse et de faire notre rapport auprès des chefs. J’anticipe un peu sur l’horaire.

« En tout cas, ne vous inquiétez pas. Kumo a toujours besoin de ninjas et si vous doutez de votre spécialité, vous aurez toujours l’occasion d’en changer. Il y a de nombreux postes à pourvoir et j’ai confiance en vous. Vous y arriverez. » Je me tourne vers Keiko. « Un encouragement ou un conseil pour la nouvelle génération ? D’ailleurs, je peux te retourner la question Keiko : quelle unité vises-tu ? »

Décidément, Keiko allait de surprise en surprise. Cette jeune femme lui ressemblait étrangement. Elle lui en fit d'ailleurs part.

"J'hésite aussi entre Mihari et Kagakusha, ou plutôt la branche Kaitakusha de l'unité scientifique. Il semblerait que nous ayons pas mal de points communs, notamment concernant nos spécialités. A terme je vise le Yûrei mais les conditions d'admission sont parmi les plus sévères."

Keiko répondit gaiement à la question de sa partenaire avant d'éventuellement reporter son attention sur un auditoire depuis quelques secondes pendu à ses lèvres. A vrai dire, la Genin ne savait pas trop quoi leur dire pour conclure. Si donner un cours était étrange à la base, cela s'était avéré assez libérateur de raconter ses dernières expériences. Un peu comme une visite chez le psy. C'était la deuxième fois qu'elle enseignait quelque chose à des élèves et elle commençait doucement mais sûrement à y prendre goût. La militaire de carrière n'était pas vraiment une pédagogue mais l'idée de formatter l'esprit embrumé de ces jeunes lui plaisait énormément. Pour le bien du village et de Kaminari. Evidemment.

"En conclusion, je dirais que le métier de ninja est le plus beau métier du monde. Certes on risque notre vie presque tous les jours. Certes ce n'est pas très bien rémunéré. Certes cela demande énormément d'investissement personnel. Mais au bout du compte, nous sommes l'unique raison d'être de Kumo et le dernier rempart de Kaminari contre ceux qui voudrait lui nuire. C'est une carrière, une vocation, une passion même. Comme l'a dit ma collègue, ne lâchez rien, vous êtes l'avenir de ce monde."

Les élèves se mettent debout et applaudissent à profusion. Keiko les salua de la main, presque gênée et se tourna finalement vers Momiji tandis que l'amphithéâtre commença à se vider. Ils étaient pressés apparemment. Remarque c'était l'heure de manger.

"Ca m'a fait plaisir de travailler avec toi, Momiji. Tu me trouveras sur les plateformes d'entrainement tous les matins à l'aube. Je serai ravie de m'entrainer avec toi et d'échanger quelques techniques, notamment sensorielles. A plus."

La police ou l’unité scientifique, puis à terme, les forces d’élite. J’ai un gloussement admiratif : c’est un parcours ambitieux, en espérant qu’elle parvienne à ses objectifs. Elle se retourne vers les autres pour faire une conclusion et quelle n’est pas ma surprise lorsqu’on nous félicite d’un tonnerre d’applaudissement. J’en perds mes mots et trop gênée pour répondre, je me contente d’une simple révérence, ne souhaitant pas en faire trop. C’est Keiko qui a fait tout le travail, j’ai été une bonne assistante. Sa conclusion, si elle est peut-être un peu trop réaliste à l’égard du métier, est aussi très juste : l’amour de la nation nous suffit, nous sommes des esprits simples qui nous contentons de ce que le pays nous donne.
Heureusement pour nous, Kaminari est une mère généreuse qui nous offre tout ce qu’il faut pour prospérer.
Lorsque ma comparse m’adresse son opinion sur toute cette mission, je m’empourpre. Elle me laisse ses disponibilités, m’indiquant qu’elle serait ravie de s’entraîner avec moi lorsqu’elle fréquente les plateformes d’exercice, au petit matin. Je m’incline bien bas devant Keiko, c’est une chance que de l’avoir eu comme partenaire de mission.

« De même, ce fût un plaisir que de travailler avec toi. Je viendrai quand j’aurais des techniques à t’apprendre, j’aime donner autant que recevoir. » Ce ne serait pas poli que d’apprendre ses méthodes de senseur sans apporter quelque chose en retour. « Bonne journée, j’écrirai le rapport de mission, il sera délivré dans la soirée. »

Les enseignants reviennent dans la salle, ils prennent le relais et nous remercient de notre intervention. Les festivités s’achèvent ici pour nous : nous partons sous les applaudissements des élèves et chacun de notre côté, nous vaquons à nos occupations. J’ai un petit pincement au cœur en voyant Keiko partir, c’est une personne agréable et de valeur. Néanmoins, ce n’est que partie remise et j’ai des obligations qui m’appellent, en un sens, c’est pour le mieux. Il faut que j’aille taper ce rapport ou je risque de me faire taper sur les doigts. La mission a été un succès selon moi.
N’empêche, j’aurais bien proposé d’aller manger sushi à Keiko, pour fêter cette petite victoire.