Une épidémie à la forteresse Mamori.
Dans n’importe quel contexte, c’est une nouvelle qui fait peur. Peu importe la personne qui se trouve derrière la missive, lire qu’il existe un tel mal qui court dans le monde n’a jamais rien de plaisant.
C’est une petite clinique dépassée, qui ne parvient plus à protéger les siens. Qui se doit de faire appel à d’autres institutions pour tenter d’avoir une chance.

C’est donc ça, l’état actuel du monde ?
Une épidémie inarrêtable ? Des rumeurs immondes sur une incompétence Konohajin ? Ou une absence pure et dure, qui sait ?
Shizue se mord la lèvre inconsciemment.

Elle est sortie tôt ce matin, s’est rapidement rendue jusqu’aux grands remparts.
Pour la première fois depuis bien longtemps, elle doit avouer ne pas être trop sereine.
Oh, évidemment, elle est bien accompagnée, donc tout ira pour le mieux, mais quand même. Des vies sont entre ses mains, aujourd’hui. Et ce n’est pas une manière de parler, non. Elle a réellement des vies entre ses mains.
La bagarre lui semble bien plus simple en comparaison.

Heureusement pour elle, son mentor en médecine sera présent. Kudo Sukunabikona. Il a dû vivre des expériences comme ça, lui, non ? Il doit un peu savoir comment s’y prendre.
Depuis le début de son internat en chirurgie, Shizue a assisté à des événements divers et variés, appris des choses toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Malgré ça, jamais elle n’a eu à faire à une épidémie de cette envergure.
C’est une toute nouvelle expérience, une situation complexe qui la met dans le bain plus vite et plus fort que jamais.

Adossée à l’une des deux grandes portes du village, elle attend tranquillement l’arrivée du médecin, en réfléchissant à toutes ses connaissances actuelles. Ce qu’elle sait des médicaments, des traitements, des pathologies.
Il y a beaucoup d’informations dans son cerveau, on y croirait presque pas ! Mais il y en a ! Et elle compte bien les utiliser autant que nécessaire pour sauver tous ces gens.

La forteresse Mamori a un petit truc en plus, aussi. Qui lui ajoute une pression supplémentaire sur les épaules.
Tout le monde connaît le nom de cette forteresse, tout le monde sait qui l’a créée.
Eh oui, les Hyûga. Ses ancêtres.
Elle se dit qu’il y a encore plus d’enjeux, qu’il lui faut se battre plus fort encore. Être à la hauteur des espoirs posés sur elle, sur son village. Sur les Hyûga ? Ouais, bon, p’têt’ pas. Mais quand même.
Ça lui fait un petit pincement d’y penser.
Elle se donnera tout autant que pour n’importe qui, c’est certain, c’est seulement cette aura, là. Ce truc qui plane sur ses épaules et l’écrabouille tout entière.
Sera-t-elle à la hauteur d’une telle mission ?

Quand Suku apparaît dans son champ de vision, elle fait la moue.
Ce ne sera pas une mission facile.

« Bonjour. »

Non, pas une mission facile.
Elle le sent, là, dans ses tripes. Ça fait bouillonner son sang.
C’est plus complexe qu’une bagarre, oh, oui.
Beaucoup plus complexe qu’une bagarre.

« Y a-t-il quelque chose que je dois savoir avant que nous arrivions là-bas ? »

Autant anticiper, se préparer à tout.
Et s’assurer d’être capable de donner plus que ses capacités une fois sur place.

Pas une partie de plaisir ?
Il amorce bien les choses, le Suku’ ! Ça la rassure pas du tout, bien au contraire.
En fait, cette mission est un challenge. Comme c’est sa première mission en tant que médecin, c’est sa première possibilité de briller.
Sauf que justement ! Comme c’est la première, c’est aussi la première occasion de se casser la gueule comme une crotte.
Donc, forcément, quand son supérieur lui dit que ce sera pas une partie de plaisir, ça la refroidit d’autant plus.
Elle est presque tentée de lui dire que ça ira, mais il ne lui en laisse pas le temps.

Il lui annonce les premières règles : d’abord, comme ils sont en zone inconnue, il va falloir que Shizue lui obéisse au doigt et à l’œil.
Ahah, merde.
Ça commence mal.
Il a pas tort, hein, mais Shizue n’est pas très très forte pour faire exactement ce qu’on lui dit. Son esprit carbure trop vite pour qu’elle se limite aux ordres données.
Bon.
Elle fera comme elle peut.

Pour toute réponse, l’interne hoche la tête.

Évidemment, connaissant un peu la Shizue, l’énergumène tête brûlée qui contredit tout le monde, tout le temps, il se reprend aussi sec.
Il ne la rabaisse pas, il lui dit ça parce que.
Hein ?
Parce que c’est son élève préférée ? Non, non, mieux que ça !
Elle est sa meilleure étudiante ! Wow. Il a mangé quoi Suku’, ce matin ?
Shizue lui sourit, sans trop savoir quoi dire.
Elle est la meilleure, il peut pas la perdre comme ça.
Si elle était sensible à la flatterie, elle lui aurait glissé un regard en coin ou un truc du genre.
Le problème, c’est que Shizue, bein, c’est Shizue. Ces trucs-là la touchent un peu, puis c’est tout. C’est dans l’action qu’elle s’épanouit, pas dans les mots.
Bon, y a apparemment un truc comme quoi ça le peinerait, aussi, mais ça … C’est la vie.
Les gens vivent, les gens meurent.

Une nouvelle fois, l’interne ne fait que hocher la tête.
Elle l’écoutera, elle l’écoutera. Elle le contredira pas (trop), puis ils verront bien comment ça se goupille.

Il enchaîne ensuite sur la mission en elle-même.
Et encore une fois, il est pas très très encourageant, le Suku’.
Ça l’amuse, Shizue, mais à moitié seulement.

Il lui indique qu’il faudra qu’elle soit très attentive à tout pour ne pas être elle-même touchée par l’épidémie.

« Eh beh. »

Elle s’attendait pas à une telle tirade quand elle lui a posé sa question.
D’un côté, ça l’arrange, d’un autre, ouais, faut admettre que ça lui fout un peu les miquettes quand même.
L’Hyûga se concentre, ne perd pas sa tâche de vue : ils vont s’en sortir.

Après tout, heh, elle est sa meilleure élève, non ?

« OK, bon, on fait comme ça. Ça devrait aller. »

De toute façon, si ça va pas, ils subiront aussi l’épidémie.
Donc quoi qu’il arrive, il y aura une issue, reste à savoir si elle sera positive.

Shizue impulse le mouvement, prête à se rendre dans la forteresse.
Sous les yeux de ses ancêtres, elle s’élève doucement.
Est-ce que ça la mènera à se casser la gueule ?
Elle ne peut qu’espérer que non.

« Je ferai de mon mieux. »

Et c’est probablement tout ce qui compte, à ce stade.

Elle est gâtée, Shizue, quand même.
Ah, ça a mal commencé entre eux, hein, ça c’est évident. Mais ça se poursuit de la meilleure des manières.
Comme ça, là, hop, il lui file une mallette pleine de matériel médical. C’est un « cadeau », parce que c’est quand même sa première mission dans ce domaine.
Elle aurait bien prononcé quelques mots familiers pour le remercier, mais elle essaye de faire bonne figure.
Ou alors la boule dans son ventre l’empêche d’avoir son pep’s habituel, ce qui n’est pas impossible.
Ça l’empêche pas de lui lâcher un bon gros regard en coin.

« Bein dîtes donc, Docteur, vous êtes aux petits soins ! »

Un sourire malicieux.
Oh y a tout à fait moyen qu’il lui tire dans les pattes ou l’envoie bouler pour ça, mais n’est pas Shizue qui veut.

Il lui explique qu’il faut qu’elle l’ait chaque fois qu’elle part sur le terrain pour réaliser une mission médicale. Ça lui permettra de sauver bon nombre de vies.
Ça, c’est noté dans un coin de sa tête et gardé précieusement en mémoire.
Si elle oublie, elle aura quand même ses compétences, mais Tonton le Médecin Suku’ sera pas content.
Faut quand même rester dans les clous pour que la formation se passe au mieux.

Une fois ces petits réglages terminés, il lui propose de se mettre en route.
Ni une, ni deux, Shizue lui emboîte le pas en direction de la forteresse des Hyûga.
Ahah, ça s’approche, ça s’approche.
Là, cette jolie forteresse de ses ancêtres, touchée par une drôle d’épidémies.
C’est là, c’est bientôt.
Elle le sent dans ses veines et ça lui plaît pas trop.
L’impression que ses intestins sont en train de fondre sous la pression.

Arrivée là-bas, elle va se liquéfier, c’est certain.
Quelle poisse.

La voix de Sukunabikona met un terme à ses pérégrinations mentales et la ramène sur terre.
Il faut qu’ils enlèvent leurs bandeaux. Ici, les ninjas ne sont pas trop appréciés, apparemment.
Chouette, ça !
Ah oui oui, ça rajoute un peu de piment à leur mission déjà qué piquanté ! Yes !

Bon, ça empêche pas la petite Shizue de s’exécuter, évidemment.
Elle range tout précieusement, réajuste sa mallette pour qu’elle soit bien en évidence.
C’est une ninja-médecin, ça veut donc dire qu’elle est à la fois ninja et médecin.
Eh ouais.
Malinx, le lynx, hein ?

Ils se remettent en route et, vraiment, ça va pas beaucoup mieux dans son ventre.
Ça s’agite, ça grogne, ça gronde.
Heureusement pour elle, ça fait pas trop de bruit.
Heureusement pour elle, seconde itération, il n’y a personne de trop hostile pour les accueillir.
Elle peut se liquéfier silencieusement, personne ne le saura et personne n’aura de honte à vivre aujourd’hui. Pas de p’tit caca lâché sous la surprise.
Hallelujah.

Ils arrivent à la forteresse.
Les lieux où tout commence pour de vrai.
Où l’action se joue.

Shizue inspire profondément.

« Allez, quand faut y aller, faut y aller … »

Elle va devoir parler aux patients, leur poser des questions, s’enquérir de la situation.
Parler aux soignants, aussi.
Et à tous les gens au courant de la situation actuelle.

« Est-ce que je vous suis pour parler au personnel, ou est-ce qu’on s’répartit les tâches ? J’aime autant les deux, mais j’pense que vous suivre sera plus instructif. À vous d’voir. »

Elle n’impose rien, n’est que l’élève du docteur Kudo, au moins pour cette première mission.
Un jour, peut-être, partira-t-elle en mission médicale seule, armée de sa super mallette.

Il est malin, Suku.
Au début ça partait vraiment mal entre eux, vraiment mal. Leurs deux caractères se heurtaient directement, violemment, dans un fracas incroyable.
Et là, au fur et à mesure, l’un et l’autre se rendent compte que leur collaboration est fructueuse. Utile. Épanouissante.
C’est dingue, quand même. Ça paraissait pas aussi chouette, au départ.

Là, le fait de faire patte blanche et de montrer sa bonne volonté, Shizue ne l’aurait jamais fait. Elle est envoyée par les hautes autorités, elle est là pour une bonne raison, personne ne devrait l’empêcher de circuler.
Et pourtant, l’ego Hyûga pourrait lui mettre des bâtons dans les roues, ne serait-ce que par esprit de contradiction.
Du coup, son approche lui semble bien plus pertinente que celle qu’elle aurait pu avoir.
C’est noté dans son carnet en gros, en rouge et en souligné.

Il poursuit en se présentant. Le type les observe tous les deux.
Un sourire amusé étire les lèvres de l’Hyûga. Pauvre vieux, il vient de digérer le prénom entier du médecin. Il l’a probablement oublié à la seconde où le prénom « Shizue » a été prononcé, effaçant les innombrables lettres du prénom du Kudo.

Une fois les présentations faites, ils entrent dans le bâtiment. Ni une, ni deux, Suku’ indique à Shizue qu’il faut qu’elle balaye l’endroit avec son Byakugan, histoire de repérer des traces de toxines ici ou là.
Elle hoche la tête.

« Faisons ça. »

Les prunelles incarnates deviennent pâles, nacrées, entourées des nervures caractéristiques aux yeux Hyûga.
Shizue balaye les alentours du regard, se concentre sur le moindre détail qui cloche.
Pour le moment, l’eau n’est pas en cause. Il n’y a rien qui sorte de l’ordinaire dans les étendues qui les entourent. Ils peuvent rayer cette piste, passer à autre chose.
Alors qu’ils progressent tous les deux dans la forteresse, l’interne ne relâche pas sa garde. Qui, où, quand, quoi, comment, toutes ces questions s’empilent les unes sur les autres. Elle veut tout savoir, tout comprendre.
Déceler le moindre indice qui lui permettrait de briller aux yeux de ses ancêtres.
Pourtant, rien à faire. Pour le moment, personne ne lui met le doute, personne ne la laisse perplexe.
L’eau est propre et toutes les personnes croisées ici sont pures. Propres jusqu’au bout des ongles.
Quoique.

« Y a rien. Ni chez les gens, ni dans l’eau. Ça doit v’nir d’ailleurs. »

Ils arrivent face au chef du complexe, auprès duquel Sukunabikona se présente rapidement, annonçant également sa subordonnée.
Shizue relâche son Byakugan et laisse ses iris rubis se mêler aux siens. Ils se jaugent l’un l’autre un court instant, pas assez pour que cela soit significatif pour autrui, pourtant bien trop longtemps pour l’Hyûga.
Elle sent un frisson courir le long de son échine, manquer de la faire trembler pour de vrai.
Dérangeant, ce type.
Beaucoup trop haut placé dans la hiérarchie.

Alors qu’elle reste bien installée, Shizue ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a un truc qui cloche.
Un petit truc, potentiellement un détail infime, mais « un truc ». Ça la gêne.
Peut-être l’air ?
Ou quelqu’un qu’ils n’ont pas encore croisé.
C’est le moment de se lancer.

« Auriez-vous eu de nouvelles arrivées, récemment, qui n’étaient pas prévues ? Quelque chose qui sorte de l’ordinaire ? »

Il y a tant de façons de déclencher une épidémie.
Ça va le vexer, le vieux, elle le sait, Shizue, mais elle s’en fout.
Elle peut pas laisser l’hypothèse humaine de côté.
L’Homme est capable du meilleur, mais surtout du pire. Elle serait même pas surprise que tout soit parti de là.