La réaction du lieutenant Danseitai suscite des éclats de rire. Puis j’écarte un pan de ma veste, révélant moult grenades et oiseaux explosifs prêts à fondre sur eux. Ils s’interrompent, ils observent nos tenues, nos brassards d’identification, ils se taisent. Désormais, ils ne ricanent plus, ils ne pensaient sans doutes pas que Kumo puisse débarquer aussi vite, mais les ninjas sont des gens pleins de ressources. Nous sommes la preuve que même pris par le temps, nous pouvons rattraper l’horloge et déjouer un imprévu de dernière minute
J’aimerais dire que j’ai une présence apaisante, mais c’est ma ceinture de grenade qui incite au calme et à la diplomatie. Une explosion, contrairement à une estocade, ne discrimine pas, c’est un « à quiconque sera concerné ». On esquive un shuriken, pas une onde de choc. On distance un poursuivant, pas une bombe. J’ai un petit sourire narquois en voyant les diplomates se mettre à l’honneur, en commençant par celui qui a l’habitude des menottes. Il s’adresse au lieutenant Danseitai sans attendre, clairement sur ses gardes.

« Pas besoin de s’énerver, les prisonniers se cachent dans le village, ils occupent la vieille grange à la sortie Est du village. Ils attendent la tombée de la nuit pour se déplacer et fuir le pays en prenant un navire sur la côte, vers Nami no Kuni. » Je gobe un morceau d’argile. L’autre poursuit, « Si vous partez tout de suite, vous les retrouverez bien assez vite. » Je souffle une petite grenade bouillonnante de chakra.

J’ai un regard vers le lieutenant Danseitai et me remet en bouche l’explosif.

« Mon lieutenant, que fait-on de ceux-là ? » Si on les embarque avec nous, ils risquent de nous ralentir.

Mais d’un autre côté, je ne pourrais nullement abattre un ennemi désarmé qui s’est rendue. J’ai un pincement de lèvres.

« Ou alors, on les garde et on les ramasse un par un sur le chemin ? »

Le lieutenant Danseitai convoque deux clones qui surveillent attentivement la petite troupe. J’ai un pincement de lèvre suivit d’un hochement d’approbation, impressionnée : il n’est pas lieutenant pour rien. Silencieusement admirative, j’écoute attentivement ses consignes, puis comprenant que plus rien ne nous attend ici, nous retournons à l’oiseau. Les ordres sont clairs : arrêter les criminels, puis les ramener à Kumo sans passer par la prison, les risques qu’un garde corrompu ne les fasse sortir est trop grand. La foudre se chargera directement de leur camp.
Nous embarquons sur mon oiseau et le grand-duc prend un instant avant de prendre son envol d’un bond fébrile. Deux personnes et il est à la limite de ses capacités, il aurait beaucoup de mal à faire des acrobaties avec le lieutenant Danseitai. Ce qui me fait songer que nous aurions bien besoin d’un gros porteur pour ce genre d’opération. Sayuri serait restée avec nous que nous n’aurions pas pu avoir un transport aérien. Je note dans un coin de mon esprit de remédier à cette faille une fois que nous serons rentrés au village : il doit y avoir un moyen d’obtenir plus grand et plus fort, au détriment de la maniabilité peut-être ?
Nous arrivons en vue de la grange à la sortie du village. Le grand-duc se laisser planer jusqu’au sol, nous dépose puis reprend de l’altitude. J’ai un sourire, j’adore mon oiseau, mais pour des raisons qui échapperaient à beaucoup. Ce n’est pas seulement un transport aérien, c’est un outil et j’ai nombre d’ambitions à son égard.
J’ouvre la porte de la grange et tous les regards se tournent vers nous : une petite dizaine de nobles et bourgeois qui attendent dans les quatre coins de la pièce. Ils ont pris leur aise en attendant la tombée de la nuit et en nous voyant débarquer comme des fleurs, ils ne comprennent pas. Enfin si, après un bref moment, ils réalisent ce qui va leur tomber dessus. Quatre à gauche, assis sur des sacs de riz, six à droite qui jouent aux cartes. L’un des joueurs tire un kunaï avant de le pointer sous sa gorge.

« N’approchez pas, ne faites pas un pas de plus où je me tue. Je ne retournerai pas à Kumo ni à la prison, j’en ai assez du pays de la foudre et je compte bien ne plus jamais y être. D’une manière ou d’une autre, » il fait un pas vers l’arrière, « vous ne m’aurez pas vivant.
-Du calme, » ma réponse est sans effet et un filet de sang perle le long de son cou, l’oiseau prend de l’altitude. « Il ne va rien se passer.
-Vous êtes des larbins de Kumo. » Le grand-duc se met à plonger. « Je reconnais l’uniforme de votre chef, c’est le lieutenant Dan… » Cinquante kilos d’argile lui tombent dessus.

Le hibou géant traverse le toit de chaume avant de s’écraser sur le suicidaire, l’empêchant de se tuer et nous donnant une fenêtre d’action par la même occasion. Je lance une grenade incapacitante vers la gauche. La droite appartient au lieutenant.

La grenade explose, mes adversaires sont projetés contre les murs dans un nuage de plâtre et ils toussent abondamment. L’onde de choc me traverse de part en part et je supporte la douleur de la vague d’énergie. Encore au sol, terrassés par la déflagration, les quatre brigands ne se relèvent pas, pétrifiés de souffrance et je titube jusqu’à eux pour les ligoter. Je sors les cordages de mon sac et les attache du mieux que je peux, malgré l’inconfort de l’explosion et le plâtre dans mes poumons. Je déteste utiliser mes grenades en milieu clos, l’onde de choc rebondit et tout le monde subit une double dose. Les fringues poussiéreuses, je dois poser le genou sur le dos du dernier pour le maîtriser et le restreindre. Je ne regrette pas les cours de l’académie sur les nœuds : il m’aura été très utile aujourd’hui.
C’est une voix familière qui me tire de mes efforts acharnés : le lieutenant Danseitai qui me demande si je m’en sors. Je prends un instant pour lui répondre, le temps de reprendre mes esprits.

« Oui mon lieutenant, tout est sous contrôle. »

Je recule, tire ma gourde, prend une gorgée d’eau et m’essuie le nez d’un revers de main : je saigne du nez. La surpression de la grenade qui me fait regretter mes années à l’académie. Mission rang B accomplie, avec quelques blessures et un nez qui coule, mais les criminels ont été arrêtés, les fuyards ont été retrouvés et il n’y a eu aucune pertes. Légèrement assommée, je bois une nouvelle gorgée, l’eau tiède a un goût bizarre mais elle désaltère.
Je prends un instant pour observer la scène : les cibles ont été capturées, les autres sont sous bonne garde, il ne nous reste plus qu’à rentrer à Kumo pour qu’ils soient traduits devant la justice. Je prends un foulard avant de le coller sous mon nez pour endiguer le saignement. Il fait chaud et pour être honnête, j’ai hâte que la journée se termine. J’ai eu ma dose de sang pour aujourd’hui.

« Mon lieutenant, quels sont les ordres ? »