Le voyage jusqu’à Suna a été long.
Une équipe médicale l’a rapidement prise en charge après qu’elle soit rentrée au port.
Les Sunajins qui l’ont accompagnée ont appris la mort de leurs comparses avec amertume, sans savoir quoi ajouter. Rise n’a pas beaucoup parlé. Des condoléances, des excuses. Elle aurait aimé les sauver, mais elle n’a rien pu y faire.
L’histoire se raconte vite, en exemptant tous les détails peu importants : Ils ont commencé par se séparer pour couvrir plus de terrain, pour que leurs recherches soient plus efficaces. Puis, ils ont croisé d’autres gens en chemin, Konohajins et Kumojins, avec qui Rise a choisi de s’allier. Bonne ou mauvaise idée, la brune ne saurait le dire.
Elle sait simplement que cette aventure a coûté la vie à deux des siens.
Mais elle ne rentre pas les mains vides, c’est déjà ça.
C’est une expédition utile. Coûteuse, mais utile.
Ça lui permet d’avoir moins de peine quand elle y réfléchit. Moins de culpabilité.

Soignée autant que possible pour le trajet, elle a été envoyée à l’hôpital dès son arrivée au village. Il a fallu s’occuper de ses brûlures, de son bras, de toutes les choses qui ont encaissé pendant qu’elle était à Arashi.
Le temps passé à l’hôpital n’est pas très long, à vrai dire, juste assez pour la remettre sur pattes, la renvoyer chez elle et lui annoncer une audience avec la Kazekage.

Rise a donc suivi le protocole comme indiqué, sans outrepasser les règles, sans chercher à faire plus que ce qui lui a été demandé. Elle en a fait assez. Ou peut-être pas.
Ça fait partie de ces moments où elle regarde le plafond de sa chambre sans trop savoir ce qu’elle en pense. La tête pleine de doutes, de regrets.
Sont-ils morts à cause d’elle ? A-t-elle été une bonne équipière ?
Ils ne sont plus là, ils ne pourront jamais le dire.
Leur mémoire, elle. A-t-elle été honorée ? Le retour à Suna, le bout de cadavre ramené ? Est-ce que ça, ça suffira ?
Combien d’autres mourront pour le Jinsei ? Parce qu’il ne s’agit plus d’Arashi, maintenant. Les créatures dotées du facteur de la prison sont libres, maintenant.
Libérées par le groupe qui se vante de protéger l’humanité, ironique, hein ?

Trop de choses dans la tête, trop de choses.
Et trop de choses tout court, finalement : elle n’a pas croisé son frère entre le moment de son retour et l’audience.
Lui aussi doit avoir bien des choses à faire …

Vient le jour de l’audience. Le Jour J. Le D Day. L’instant T. Toutes ces appellations qui lui filent la boule au ventre.
Elle n’est pas confiante, Rise.
C’est ce qu’elle a fini par se dire. Elle n’est pas assez forte, ni assez fiable.
Elle a des informations, oui, mais deux vies ont disparu pour ces informations.
Chouette, hein ?

Arrivée devant le bureau de la Kazekage, elle tente de ne pas se décomposer.
Elle frappe à la porte, entre.

« Bonjour, je viens pour vous faire mon rapport sur la situation Arashi. »

Elle a déjà envie de repartir.

Elle s’attendait à pire.
Ou peut-être pas à pire, mais à autre chose.
La neutralité de la Tegami sonne rassurante à ses oreilles. Ce n’est pas si horrible. Ils ont perdu des gens, oui, mais ce sont les risques de la vie qu’ils ont choisi de mener, tous.
Bien sûr qu’il y aura des morts, bien sûr qu’il y aura des pertes, c’est évident.
Ils ne suivent pas une voie facile, ni une voie où ils peuvent espérer vivre jusqu’à plusieurs longues décennies. Enfin, certains le font, mais ils sont généralement des exceptions.

Assise sur le siège, comme cela lui a été indiqué, Rise reste silencieuse un instant.
Ce n’est pas si horrible. Ça l’est, mais ce n’était pas uniquement de sa faute, elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que cela se passe pour le mieux.
Rise inspire un instant, sans trop savoir quoi répondre à ça.
Heureusement, Hazure enchaîne assez rapidement pour lui demander ce qui s’est passé à Cha. Tout, jusque dans les moindres détails.
Elle hoche doucement la tête.

« Oui, vous avez raison. »

Ça ne balaye pas toute sa culpabilité, mais ça la retient, là, sur cette chaise.
Elle n’a plus envie de faire demi-tour.
Sa mission est une réussite en demi-teinte, ou un échec en demi-teinte, tout dépend l’angle choisi pour la regarder.
Hazure la mène sur la voie de la réussite en demi-teinte, au moins pour le moment.

Elle se lance, fait confiance à sa mémoire pour tenter de ressortir toutes les informations récupérées sur le terrain.

« Nous sommes arrivés sur les ruines de la prison Arashi et avons décidé de nous séparer. Nous pensions que cela nous permettrait de rassembler des informations plus rapidement et plus simplement. De mon côté, j’ai rencontré deux autres ninjas, un Konohajin, Kinzoku Razan et une Kumojin, Senbaru Kimiko. Nous avons rapidement décidé de nous allier pour mener à bien cette mission, conscients que nous étions tous là pour la même raison. 

» Pour les ruines en elles-mêmes, de l’extérieur, elles étaient vides, il n’y avait rien à y trouver. Nous nous sommes alors rendus dans un bâtiment où traînaient de nombreux dossiers tachés, éparpillés sur le sol. Il y avait un plan, aussi. Cela ressemblait à une sorte d’hôpital. »

Rise sort le plan en question, ramassé pendant leur expédition. Elle le pose sur la table pour que la Kazekage puisse y jeter un œil à sa convenance.
Elle continue son récit.

« Nous nous sommes enfoncés dans le bâtiment suite au retour d’un avion en papier – envoyé par Kimiko, je suppose ? – qui nous a menés jusqu’à une salle où toute une mise en scène était en place. Bloqués derrière une barrière de sceaux, nous avons pu voir nos compagnons affublés de parchemins explosifs, ainsi que deux autres personnes. Une jeune femme aux cheveux roses, assez jeune, qui nous a été présentée comme s’appelant Haneko et un autre homme, Kinzoku Shiki.

» Haneko portait sur elle un manteau où était brodé le signe du Jinsei. Elle nous a confirmé que le groupe est à l’origine de la destruction de la prison Arashi. Elle nous a aussi expliqué la réalité derrière la prison, qui servait en fait à inoculer des gènes différents dans les prisonniers pour créer des êtres plus puissants. Par exemple, Kinzoku Shiki est un manipulateur de métal à qui les scientifiques ont injecté des gènes de Tokoya. Ainsi, il manipulait des cheveux de métal. J’ai prélevé sur le cadavre un bras et un morceau de sa chair : peut-être pourrons-nous les étudier pour en tirer des informations ? Je les remettrai au service scientifique suite à notre entrevue, je me suis dit que vous souhaiteriez peut-être les voir. »

Elle fait une pause, remet toutes ses idées en place.

« Cette modification génétique s’appelle le ‘Facteur Arashi’, selon Haneko. Elle distingue les gens modifiés, qui deviennent des sortes de monstres. Kinzoku Shiki était encore lucide, mais il était difforme, marqué par toutes les expériences. Nous avons aussi combattu d’autres de ces facteurs qui, eux, n’étaient plus que des espèces de cadavres mobiles qui se battaient. Il nous a aussi dit que le ‘Facteur Arashi’ cause la mort dans tous les cas : je pense qu’il entraîne une dégénérescence qui, après avoir causé des dommages sur le cerveau, finit par tuer ceux qui le portent. »

Un soupir.
Des super-humains. Des mutants. Des monstres.
Des gens condamnés à mener le reste d’une vie difficile, étrange, sans aucun contact avec la réalité.

« Le fait que le Jinsei soit intervenu dans cette prison signifie que des porteurs de ce facteur courent dans le Yûkan actuellement. Nous ne savons pas combien, mais nous savons qu’ils sont nombreux. Haneko a dit que certains ne s’en étaient pas sortis, d’autres ont été étudiés et les derniers sont dans la nature. J’imagine qu’ils sont une menace supplémentaire … »

Nouveau soupir.
Le Jinsei, le facteur Arashi, quoi d’autre ?

« Enfin, je pense que nous devons réellement nous méfier du Jinsei. Je sais, ça paraît logique voire idiot posé comme ça, mais c’est indéniable. Ils sont très dangereux. Je pense qu’ils sont très nombreux, en plus d’être potentiellement un peu partout. J’pense que les parchemins et tout ce qu’on a vécu n’étaient qu’une mise en scène pour nous montrer qu’ils sont là, implantés mieux qu’on l’imagine et qu’ils sont prêts à tout. »

Elle regarde la Tegami dans les yeux, une ombre dans le regard.
Il faut qu’elle devienne plus forte, beaucoup plus forte.
Cette expérience le lui a montré : Rise n’est pas encore prête pour ce qui déferle sur le monde. Il va lui falloir bien plus que ça pour être parée à toutes les éventualités.
Oh, oui.
Bien plus que ça.

Selon Hazure, le piège refermé sur les ninjas des grandes nations n’était pas un hasard, ni une surprise. Le Jinsei devait se douter qu’ils arriveraient tôt ou tard. Cela signifie-t-il qu’ils ont tout orchestré pendant des semaines, voire des mois, jusqu’à leur arrivée ?
Cela signifie-t-il qu’ils savaient pertinemment ce qui se jouait ?
Si c’est vrai, jusqu’où vont leurs informations ? Est-ce que c’est le fruit d’une attente, ou un véritable traquenard, réalisé au millimètre ?
Rise ne sait plus où se situer, il y a trop de choses, trop d’informations qui se mêlent les unes aux autres et lui donnent mal à la tête.

L’ordre donné à Suna par la Daimyô est de détruire le Jinsei, Hazure ne s’en cache pas. Au départ, elle n’était pas en accord avec cette mission, mais il semble que le récit de Rise lui fasse changer d’avis.
La brune hoche doucement la tête.
La lutte contre l’Humanité débute ici et maintenant, suite aux agissements de cette même Humanité à Arashi.
Ils ne font que récolter ce qu’ils ont semé.

Un court silence, puis Hazure reprend la parole.
Apparemment, en son absence, ils ont été envoyés à Tanisuna, mais Rise ne voit pas de quoi elle parle.
Comme la Kage ne détaille pas ce sujet, la borgne choisit de ne pas poursuivre, en laissant de côté cette part de leur conversation.

Elle reprend vis-à-vis de Rise, la félicite pour son travail.
Des félicitations ?
La nécromancienne n’a pas l’impression de les mériter, bien qu’elle ait donné son maximum pour cette mission.
Leurs partenaires, quant à eux, seront honorés sous peu.
Elle opine de la tête pour la Kazekage, silencieuse pour ne pas la couper.

Ils rendront hommage aux défunts et poursuivront la mission qu’ils ont entamée.
Le Jinsei tombera, quoi qu’il se passe.

Hazure enchaîne finalement sur les papiers laissés à Rise avant son départ.
L’IKAT. La fameuse unité spéciale de Suna, d’abord mise en place sur une idée d’Hizori Yori, que Chikkou et Akihiko ont rejoint. Enfin, c’est ce qui s’est passé dans son souvenir.

« Ah, ça. Oui, j’ai eu le temps de regarder de quoi il s’agissait. Je les accepte, Kazekage. »

Devenir membre de l’IKAT. Grandir. Devenir plus forte encore.
S’entraîner auprès des autres.
Faire en sorte que la tragédie Arashi ne se reproduise plus jamais.
C’est ça, aussi, s’investir et évoluer. Accepter d’avoir commis des erreurs, d’être imparfaite. Avoir conscience de ses défauts pour les corriger.

« Merci pour les défunts, ainsi que pour vos félicitations. Je ferai tout pour ne pas vous décevoir. »

Son regard se mêle aux iris de la Kazekage, qu’elle ne lâche pas, signe de toute sa détermination.

Transmettre le rapport à l’IKAT, mettre à jour le Bingo Book. Reporter les informations récupérées sur Kinzoku Razan et Senbaru Kimiko dans ce grand répertoire, au cas où.
Elle pourra peut-être y noter Haneko, aussi, qui sait ? Après tout, même si elle ne connaît pas précisément les compétences de la jeune femme, elle a son apparence, son nom, son appartenance … Plutôt utiles, tous ces renseignements.
Rise hoche la tête.

« Ce sera fait. »

Puis, alors que Rise s’attendait à ce que cela signe la fin de leur entretien, Hazure reprend. Ses paroles surprennent la borgne, qui reste perplexe un instant.
Est-ce qu’elle la rassure, là ? Est-ce que c’est une manière de lui caresser l’épaule en lui disant que ça ira ?
Non. Ça ne sonne pas comme une Kage qui dorlote sa subordonnée. Ça sonne différemment.
Mal ?
Non, non, y a autre chose.
Une nuance que Rise ne parvient pas à saisir.
Dans le fond de son discours, en tout cas, la brune comprend qu’il faut qu’elle lâche prise. Que ses remords, ses regrets, ne doivent pas la rattraper. Elle ne doit pas les laisser prendre le pas sur ses réflexions, ni sur la suite de son travail.
Son passé est son passé, il faut qu’elle vive avec.
Hazure semble lui rappeler que cette vie, là, ces moments compliqués, sont justement ce à quoi elle devait s’attendre en devenant ninja.
C’est ça, être ninja.
Vraiment ?

Rise reste pensive un instant, peu certaine de la bonne réponse à donner à la Kazekage.
Elle considère toutes les choses, sans trop savoir, jusqu’à mettre le doigt sur la réaction idéale.

« Oui. Ces regrets deviendront des tremplins pour devenir meilleure. Ils n’affecteront pas négativement mon travail. »

C’est une promesse à elle comme à la Kage, pour être capable de se relever plus forte, toujours plus forte.

Hazure finit par lui demander s’il reste quelque chose à aborder.
C’est le moment pour Rise, l’opportunité de lui toucher quelques mots pour la suite des choses. Pour lui montrer qu’elle va évoluer, aller plus loin encore.

« Maintenant que vous le dîtes, oui. J’aimerais devenir officiellement médecin légiste. Grâce à mes compétences de nécromancienne, j’ai acquis de nombreuses connaissances sur le corps humain et le métabolisme de manière générale. J’aimerais ré-appliquer ce savoir en médecine. »

Un silence.

« Quant aux cadavres. »

Là, par contre, c’est plus risqué. Elle le sait.

« Est-il possible d’obtenir un passe-droit pour réaliser des expériences sur certains macchabées ? Évidemment, je laisse ces autorisations à votre discrétion, en ne vous demandant pas de me livrer les cadavres de Suna, mais peut-être de petites frappes ou autres criminels ? »

Son cœur s’est mis à accélérer.
Elle sait qu’elle a plongé droit dans les expériences à la limite de l’éthique, voire pas éthiques du tout, mais elle ne peut plus faire demi-tour.
C’est la part d’ombre de Rise, la part immonde de sa réalité.

« J’aimerais, à terme, découvrir s’il est possible de réaliser un Edo-Tensei. »

La finalité d’un projet. L’objectif ultime de cette bataille.
L’horreur de la nécromancie appliquée de façon concrète.

Va-t-elle se faire rabrouer ?