Elle avait à peine dormi et mangé tant la pression et l’inquiétude lui nouaient le ventre ou chassaient un semblant de sommeil. Si certaines personnes étaient excitées à l’idée d’être entraînées par le Maître Hokage, l’affaire était tout autre pour celles qui avaient beaucoup à cacher – et à perdre – et qui s’étaient évertuées à ne pas causer de remous. Si sa jambe était guérie, depuis le temps, le Maître Hokage allait la retrouver bien plus pâle et amaigrie que lors de leur première rencontre. Elle qui voulait ne pas montrer ses troubles à quiconque, et surtout à un éminent personnage comme cet homme, l’ironie voulait qu’elle ait réuni toutes les conditions favorables pour que ces secrets soient dévoilés malgré elle.

Contre gré, la demoiselle se rend au terrain d’entraînement à l’heure exacte, soit 8h30. Un court instant, durant le trajet, elle avait eu cette folle idée d’arriver assez en retard dans l’espoir d’agacer l’homme, de lui donner une image négative et peu sérieuse de sa personne et le décourager de poursuivre son entraînement. Elle rejette aussitôt ce projet stupide : que ce soit à l’examen, ou lors de cet entretien dans son bureau, elle avait toujours fait preuve de sérieux. Agir subitement autrement serait étrange et risquerait d’attirer davantage l’attention à un homme habitué aux fourberies et aux mensonges. Il n’était pas arrivé à cette position uniquement par la force, mais également par la finesse de son esprit.

Lorsqu’elle pose enfin pied sur un terrain, elle inspire profondément et se récite aussitôt – et dans sa petite caboche – deux ou trois mots complexes. Ce petit rituel lui permettait de garder les esprits clairs et de chasser un temps ses démons intérieurs. Ce n’était pas des mots magiques, mais uniquement un moyen psychologique pour permettre à l’esprit de se focaliser sur un point précis lorsqu’il a la sensation de divaguer ou de lâcher prise en raison d’une douleur ou d’une peur intense. Elle avait lu les recherches de quelques éminents érudits, et si rien n’avait été totalement prouvé, elle était une des preuves vivantes que la technique n’était pas totalement désuet d’intérêt.

- Bonjour, Maître Hokage ! Je suis pleinement rétablie, et prête à recevoir votre enseignement, indiqua-t-elle, avec une voix aussi forte et aussi assurée que possible.

Pourtant, elle retenait difficilement ce léger tremblement dans le ton et elle était incapable de chasser cette petite peur qui brillait au fond de ses prunelles. Si le temps usait considérablement les nerfs de la jeune fille, l’homme semblait être ce canon violent et sans merci qui vient s’écraser sur les murs peu solides de sa forteresse. Elle était certaine que celle-ci allait bientôt se briser et s’effondrer sur les fondements bancals. La question était de savoir « quand » et « face à qui » ?

- Comment allons-nous nous entraîner ? demanda-t-elle, curieuse et craintive à l’idée du programme à venir. Elle connaissait pleinement ses limites, et elle savait aussi à quel point il était dangereux pour elle de les dépasser.