Travailler dur.
Ou passer ses nerfs.
Ça dépend, finalement.

Elle est venue aux plateformes ce matin, dans le seul but de se changer les idées.
Ou peut-être pour autre chose, elle n’en est plus sûre.
Est-ce que son but est vraiment de s’entraîner ? De devenir plus forte ? Meilleure ?
Ou est-ce que ce n’est qu’un prétexte pour massacrer ce pauvre mannequin fait de bois ?
Elle a perdu le compte des coupures qu’elle lui a infligées, jusqu’à se dire que, quand même, elle pourrait frapper plus fort encore.

C’est une hésitation, un silence, un temps qui passe sans répondre à ses questions.
Ça la fatigue.
Ça l’ennuie.
Ça l’use.

Et ça ne fait pas disparaître les mauvaises pensées qui l’assaillent.
Elle en a marre, Itoe.
Elle en a marre de ces gens ingrats, de ces gens qui propagent les rumeurs sans même tenter de les confirmer ou de les infirmer.
Marre que le peuple ne soit qu’une bouche de plus à-

Le mannequin s’écroule, emporté par la vague provenant d’Itoe.
Il tombe brutalement, décroché de son support, dans une agonie silencieuse qu’il ne ressent même pas.
La Raikage soupire.

Peut-être que ce n’est pas juste une question d’entraînement, finalement.
Peut-être que c’est réellement un besoin de se vider la tête, de tout envoyer valser et de ne plus penser à rien.
Peut-être que c’est de ça qu’elle a besoin, au fond. Quelque chose de fort, de brutal. Quelque chose qui fasse mal.
À elle, à autrui, peu importe, non ?

La douleur.
Est-ce que c’est une solution, la douleur ?

Non.

Elle avance jusqu’au poteau, qu’elle ramasse et remet en place.
Pauvre de lui.
Il a dû subir toutes les crises de colère du monde et le voilà, stoïque, à continuer d’encaisser.
Une aubaine que l’Homme ait créé des exutoires comme celui-ci.

Itoe se remet au travail, cette fois pour améliorer ses compétences en tant que manipulatrice des fleurs.
Plus de pétales.
Plus de pollen.
Plus des deux ?
Du poison, plein de poison, du poison partout.
Dommage que ce mannequin ne puisse en ressentir les effets.

Ouais, c’est peut-être de ça, dont elle a besoin. D’un punching-ball grandeur nature.

Des bruits de pas la sortent de sa réflexion. Quand elle tourne la tête, elle aperçoit l’adorable visage d’une Genin du village.
Elle l’a déjà vue.
Une fois, quelque part.
De loin.

Par réflexe, Itoe lui sourit.
Toutes ses pensées s’évanouissent, noyées par cette nouvelle arrivée.

« Pardonnez le vacarme, j’espère ne pas avoir été une nuisance. »

L’unique œil écarquillé. Elle pense vraiment ce qu’elle vient de lui dire.

« Comment allez-vous, mademoiselle Suibaku ? »

Suibaku Momiji.
Une jeune Genin qui se fait remarquer pour bien des raisons, à la fois pour son investissement sans pareil au village et, évidemment, parce qu’elle vient du fameux clan rebelle de Kumo.
Est-elle comme tous les autres ?
Aujourd’hui semble être une occasion rêvée de le découvrir.

Un entraînement pour devenir Kiheitai ?
Ça arrache un très grand sourire à Itoe.
Momiji ne s’est même pas cassée la tête à enrober ses questions, à faire des propositions ou marcher sur des œufs pour sa demande. Elle lui a juste posé la chose, comme ça, sans détour.
Ça lui rappelle presque Yuri, qui se contente de dire les mots qui lui viennent, sans tenter à les rendre plus beaux, ou même plus doux. Elle les dit, c’est tout.

Quant au vacarme, Momiji se veut rassurante, explique à la Raikage qu’elle y est habituée. Et pour cause ! La Suibaku manipule de l’argile explosif, elle ne risque pas d’être gênée par un pauvre mannequin qui se fait propulser.
Les joues de la Seika rosissent.

« En effet ! »

Un rire sincère.
Vu ainsi, il est certain que Momiji a une grande résistance à ce genre de grabuge.

Puis, assez logiquement, la Genin renvoie la question à la Kage : comment va-t-elle ?
Une bien bonne question que voilà.
La réponse d’usage serait habituelle, typique, un simple « ça va, merci », pour laisser les apparences en place et n’inquiéter personne.
Ce serait la méthode la plus simple, mais la moins honnête.
Itoe hausse une épaule.

« Je dois avouer être tout de même un peu stressée. Kaminari ne vit pas ses meilleurs jours et nous devons tous redoubler d’efforts pour le protéger. »

Son œil se pose sur Momiji, qu’elle regarde avec douceur.

« Je ne voudrais pas trop vous en demander. »

Elle aimerait tout faire, tout régler. Désamorcer tous les conflits d’une tempête de pétales ou d’un raz-de-marée, mais rien n’est jamais aussi simple.
Un soupir.
La Raikage choisit de balayer ses songes pour ne pas trop mettre de ses tracas sur les épaules de la demoiselle. Elle décide donc de rebondir sur le point clé de ce début de conversation : les ambitions de Momiji.

« Ainsi, vous souhaitez rejoindre le Kiheitai ? Que savez-vous de cette unité ? Avez-vous déjà pris contact avec l’un de ses membres ? »

Que doit-elle lui donner comme informations ?
Dans quel sens ira cette conversation ?
Toutes ces questions auxquelles Itoe souhaite répondre rapidement, pour pouvoir orienter la Genin au mieux.
Au final, cet entraînement – cet exutoire ? – prend une tournure d’audience en plein air. Ou d’une simple conversation, mais qui pourrait être particulièrement déterminante, en particulier pour la demoiselle.