---------Depuis que le groupe de veille à la biodiversité fut créé, les crimes perpétrés contre les animaux malgré l'interdiction formelle de leur consommation n'ont cessé d'augmenter dans la région jusqu'à ce que l'on constate une baisse drastique des naissances de biches et sangliers. La Haute Autorité du Pays fut convoquée pour ce qui constituait pour elle un début de crise si cette vague de violence n'était pas endiguée et les habitants eux même, horrifiés à l'idée de voir ce Paradis disparaître, ont fait entendre leur voix jusqu'aux portes de la Capitale pour demander une intervention de la part du Conseil et du Daimyo. Malgré le retard administratif une missive fut rédigée et envoyée à deux Shinobis dans les environs, détaillant l'objet de leur mission et leur récompense en billets s'ils parvenaient à mettre la main sur les malfaiteurs tueurs de gibiers et dépeceurs de loutres.

Bien indiqué pour cette besogne, Omon s'était levé dès les premières lueurs du soleil pour se préparer à cette tâche pour laquelle il venait d'être employé. En même temps, ça faisait une vingtaine d'années qu'il faisait partie de la garde de la réserve Saikkou, autant dire que si quelqu'un savait se repérer et découvrir l'origine de ce génocide c'était bien lui, cela, il en avait conscience plus que personne mais il tentait aussi d'avoir une approche accueillante lorsqu'il vit qu'à côté de son nom était griffonné celui d'un autre Shinobi de passage dans le pays. Kinzoku Aen, un nom qui à vrai dire ne lui parlait pas vraiment. Peu importe, balayant la fumée de son cigare aux herbes séchées douteuses, l'ange gardien de Saikkou esquissa un rare sourire à l'idée de faire la rencontre d'un camarade potentiel. Voyant là une tentative pour lui de se faire un pote et d'occuper son temps, il prit soin la veille de nettoyer son réseau de plumes jusqu'à être débarrassé de toutes les impuretés qui auraient pu s'y être installées. Oui ça va sans dire, l'âge de l'ailé ne l'empêchait pas de vouloir faire bonne impression, la mission dépendant de ces attentions mineurs mais desquelles peuvent découler des relations de confiance, ce qu'il cherchait définitivement quoi qu'avec peu d'espoir dans ce monde si terrible.

Le lieu de rendez-vous mentionné était un quartier de Shizenkai, le Paradis des animaux à l'intérieur duquel toutes les espèces avaient l'habitude de vivre en harmonie parfaite avec l'homme. Il n'était donc pas rare en chemin que l'homme aux ailes s'arrête saluer un couple de belettes, ou perde du temps pour parler projets d'avenir avec les tortures centenaires du coin, un train-train habituel n'ayant pour conséquence, si ce n'est de gonfler de gloire le Juuruijin, le rendre au moins heureux le temps de quelques commérages et bavardages insouciants. C'était de cette manière qu'il aimait vivre sa vie en dépit des circonstances qui l'amenaient à rejoindre le point de rendez-vous.

Là, il n'avait plus qu'à attendre que le groupe fasse son apparition, étant donné qu'aucun plan n'avait été strictement discuté et qu'eux seuls étaient en charge de régler cette fâcheuse affaire. Prendre ses responsabilités, préférer un plat de salade à des ailes de poulet, tel était le nindo des habitants de ce pays adepte du tofu et du soja, tel était le mode de vie qu'un peuple tout entier cherchait désormais à protéger contre la menace des braconniers et des carnivores. Ce qui fait la Nation c'est son peuple et sa faune, si l'un souffre c'est toute la Nation qui en ressent la douleur.

Décidément, il n'y avait pas que tu tabac dans son cigare à lui..

Contrat de Paix rang C - Juurui no Kuni:

On ne peut pas dire que le Kinzoku déteste les animaux. On ne peut pas non plus dire qu'il les adore. Néanmoins, il est du genre à penser qu'il faut les laisser tranquille... Mais il est aussi du genre à aimer la bonne barbaque bien saignante et juteuse... Cette mission était donc tout indiqué pour mesurer sa dépendance à la viande, mais aussi sa bienveillance pour les animaux... Un contrat bien paradoxal par rapport à ses valeurs... Il soupirait déjà d'avance... Il se rendait donc sur le lieu de rendez-vous mais étant le premier arrivé, il décida de s'octroyer un petit moment de détente dans un restaurant aux alentours...

Un des établissements attira son attention : paraîtrait-il qu'ici, de la viande était consommé! L'homme au bob poussa les portes en bois massif laissant celle-ci cogner contre la butée et se refermer tout aussi brutalement derrière lui. Sa toge se leva sous la brise créée par cette force tandis qu'il observait l'ensemble des clients et serveurs. Tous se regardèrent l'un l'autre, c'était gênant. Mais au bout d'une bonne dizaine de seconde de silence glacial, Aen s'installa à une table proche d'une fenêtre avec vue sur la rue, et attendait patiemment le serveur qui arriva relativement vite.

Le Kinzoku demanda à l'employé s'il y avait effectivement de la viande... Ce dernier répondit qu'il s'agissait simplement de viande reconstituée mais pas de viande à proprement parlé. Aen fixa le regard du serveur et laissa couler une larme. De ce fait, il quitta les locaux pour retourner dans un autre restaurant... Proche de son lieu de rendez-vous qui plus est, une aubaine ! Il s'installa normalement et un autre serveur arriva à sa hauteur pour prendre sa commande. La même demande fut formulée... La même réponse fut apportée... Aen frappa du poing sur la table.

« Mais aucun restaurant ici ne fait de la vraie viande ??!! »

Oups. L'homme au bob fut quelque peu maladroit. En effet, il était dans un endroit que l'on pourrait qualifier de secte végan... Sa demande fut particulièrement déplacé. Du coin de l'oeil, il put apercevoir un homme se lever... Puis un second... Puis un troisième... Rapidement le Kinzoku se leva aussi et d'un pas discret tenta de partir... Mais ses pas furent suivit des autres qui – de toute évidence – ne voulaient pas laisser partir le traître qu'il était. Aen ouvrit les portes brutalement et emboîta une marche rapide tel un sprint au 400 mètres !

Ses getas en bois firent résonner l'impact sur le bitume tandis qu'une foule derrière lui scandée des menaces de mort à son encontre. Il courait de plus en plus vite en regardant derrière lui à quelques occasions. Ses yeux s'écarquillaient et une petite goutte de sueur longea sa tempe. Ses bras battaient très vite en avant, puis en arrière pour se donner l'élan qui saura l'emmener loin de cette manifestation végan derrière lui !

Au détour d'une ruelle, il se cacha rapidement et se mit accroupie, les mains au dessus de sa tête... La tripotée de personne passa en furie dans la rue principale sans même s'être aperçu de la vaste supercherie... Aen patienta quelques minutes, et tenta une petite percée... Le lieu de rendez-vous n'était pas loin... Il fallait qu'il y aille... Il se leva... Et se mit à l'angle de la ruelle où il fit dépassé un tiers de sa tête. Un unique œil lui donna l'information convoitée : il pouvait quitter les lieux, et allait à son point de rendez-vous...

« Que cette ville est bruyante . . . Hééï morveux ! C'est quoi tout ce raffut ?!.. Un homme au Bob ? Mais vous ne comptez pas exécuter un étranger en place publique quand même ?! Évidemment un étranger bande de demeurés ! Qui demanderait une côte de bœuf alors que c'est formellement interdit ?!! Maintenant on va passer pour des végétariens extrémistes dans les pays voisins !! Aaaaaaaaaahhh !!.... »

---------Le Shinobi se prenait la tête dans les mains en chouinant toutes ses fausses larmes, dépité que ses compatriotes n'aient pas eu la patience de chercher à comprendre la situation. C'était même presque sûr que son compagnon d'aventure venait de perdre la vie en ayant eu cet affront, d'autant que l'heure du rendez-vous venait d'être dépassée d'une bonne dizaine de minutes et qu'outre sa solitude les seuls signes de vie environnant venaient de la bande de grognards dont certains s'étaient armés de fourches et de faucilles, même un GAMIN avait été cherché le marteau de forgeron de son père et le brandissait en l'air alors qu'il lui manquait toutes les dents de lait de devant.

« Effrayant ...  »

Est-ce.. qu'il veut me tuer ? Son regard, son visage .. Il ne plaisante pas, sa génération va déferler sur le monde, quelle éducation de merde !

Le groupe de veille à la biodiversité étrangement absent impatientait Omon qui en voyant les rues s'inonder peu à peu d'un brouhaha permanent, hésitait réellement à prendre ses ailes à son cou et à s'enfuir en remettant la mission au lendemain mais qu'en était-il pour son compagnon de fortune, ou est-ce qu'il pouvait bien être ? Est-ce qu'il était retenu captif par les manifestants ? En tournant la tête, la traque de l'homme au Bob était devenue le nouveau rassemblement qui contrecarrait leur propre mission car les bruits de couloirs allaient et se déformaient aux oreilles de l'homme aux cheveux blancs qui comprit rapidement la gravité de la situation. En ayant voulu commander de la viande, certains habitants et notamment ceux qui venaient de sortir des bars sujets à l'apparition d'Aen, eurent le courage de s'adresser aux autorités et d'énoncer des pistes sans fondement concernant un homme vêtu largement et qui serait en cavale dans les rues de la ville.

Les forces de sécurité un peu moins affolées eurent au moins l'intelligence de vérifier d'où provenait la source des accusations, un temps précieux avant qu'ils se rendent compte de l'innocence de l'étranger. Profitant de la situation et de la diversion de la population, Omon jeta son cigare au sol pour l'écraser à la semelle de sa botte et souffler la derrière volute de fumée verdâtre qu'il venait d'aspirer. Ses poumons se gonflaient, ses ailes s'écartaient et grandissaient sur toute leur envergure lorsqu'il poussa une rare gueulante qui faisait fuir les moineaux de leurs nids.

« AEN KIIIINNNNNZOKKKKKUUUUUUU.
MONTRE TOOOOOOIII !!! »

Ce groupe de manifestants herbivores avait perdu la trace de ce cher Aen qui pouvait déambuler dans les rues à la recherche de son partenaire. Son itinéraire fut bouleversé par ce petit désagrément mais il comptait bien retrouver son chemin même si son retard était de plus en plus important. Ses pas étaient méfiant et il guettait avec attention tout ce qu'il pouvait se passer aux alentours. Les rues s'étaient vidés : probablement pour partir à sa recherche...

Il continuait de marcher mais il avait omis de regarder à sa droite, une ruelle sombre et obscure. Une main vint le prendre par le col et il fut tenu fermement tandis qu'une main était sur sa bouche l'empêchant de crier à l'aide. Le problème étant que l'homme au bob ne pouvait se battre et anéantir ses ennemis : il s'agissait d'un contrat de paix, ce ne serait donc pas une situation d'avenir de faire la guerre...

Un pied vint se loger à l'intérieur de la jambe d'Aen et ce-dernier finit à genou. Quelqu'un vint devant lui, l'air sévère et ferma son poing dans le but de faire craquer ses doigts. Il cracha à terre, et arma son poing avant que le nom « Kinzoku Aen » fut proclamé haut et fort par un individu inconnu au bataillon. Ce poing qui fut brandit auparavant s'arrêta net, et l'air sévère se transforma en regard interloqué... Tous se regardèrent, et le Kinzoku pu enfin voir les autres membres du groupe... Ce n'était pas les manifestants...

Une main fut tendue vers Aen pour l'aider à se relever... Celui-ci fut aussi interloqué que son bourreau mais il prit la parole et brisa ce silence.

« Kinzoku Aen alors... Votre spectacle dans le restaurant a ameuté tous les extrémistes du pays et vous êtes considéré comme l'un des braconniers que l'on recherche... »
« Et j'en suis navré, mais je suis parfois maladroit » Dit Aen tout en souriant faussement, la main sur son bob qui manqua de tomber.
« Nous comprenons mieux l'affaire... » Ils se regardèrent tous et d'un mouvement de tête, mirent quelque chose en place pour calmer les tensions.
« Mais... On se connaît ? »
« Nous sommes la veille de biodiversité, et nous allions rejoindre Betsumei Omon... Vous êtes Kinzoku Aen et vous allez faire équipe avec lui... C'est une chance qu'il vous ait appelé... »

Un mouvement de tête suffit à ce que tout le monde se comprenne. Ce nouveau silence fut briser par un soupire de soulagement par l'homme au bob qui pu enfin respirer. Être traqué n'est pas une chose agréable surtout lorsque l'on dispose de peu d'expérience dans ce domaine.

En sortant de cette sombre et lugubre ruelle, Aen aperçu celui qui lui avait sauvé la vie. Il marchait devant le groupe, et fit un grand signe de main qu'il secoua de droite à gauche. Marchant comme un militaire en levant de façon exagéré ses jambes, il avait un sourire niais.

« Je suis là Omon ! » Fit-il surjouant la scène. « Dis donc, il y a de l'action ici... » Une goutte de sueur longea sa tempe. « Pardon pour le retard, mais je suis enfin avec le groupe de veille à la biodiversité ! » Il s'écarta et les désigna du bras. « Nous allons pouvoir mettre la main sur ces braconniers ! »

---------Il avait attendu depuis au moins vingt minutes maintenant qu'un signe de vie vienne perturber son attente interminable et c'est quand il fut sur le point de prendre la tangente pour se tirer de l'endroit que son camarade et ses nouveaux amis firent leur apparition. Soulagé, il soupira et vint se présenter au-devant de l'homme au Bob quoi que par principe, il salua en tout premier le baraqué Juuruijin à ses côtés avant de passer à l'étranger avec lequel ils devaient faire affaire. C'est quand il vit l'excentricité du personnage qu'Omon réalisa sa liaison entre les mouvements de foule et sa venue.

« Alors comme ça, c'est toi qui agites tout ce beau monde ? T'as une idée de la sentence pour la consommation d'viande ? C'est un crime de catégorie 6 qui peut valoir un an d'emprisonnement dans les geôles souterraines de la capitale et un suivi hebdomadaire avec un nutritionniste pour remettre de l'ordre dans ton équilibre alimentaire. On ne plaisante pas avec ces choses-là l'ami.. À Juurui si tu consommes de la viande animale c'est comme si tu tapais un croc dans la jambe de ta propre sœur. T'as déjà tapé un croc dans la jambe de ta propre sœur ? Moi pas et ça m'donne pas vraiment envie de faire dans l'cannibalisme le jour où j'en aurais une. »

Qu'est-ce qu'il me prend à bavasser autant tout d'un coup, je suis pas là pour faire régner l'ordre moi, encore moins pour lui dire quoi faire ou non, ses problèmes le regardent et s'il se fait choper ça sera que justice. Il a l'air de piger, ou pas, enfin tant qu'il se tient à carreau pendant la mission j'suppose que c'est ce qui compte le plus.

Ses ailes étaient par ailleurs largement visibles dans son dos, laissant libre cours aux interprétations mais ce qui semblait être un humain avec des cheveux blancs, possédait bel et bien une paire d'ailes rattachées à son dos et repliées vers le bas. Les habitants semblaient en tout point habitués à la particularité, ne la notifiant même pas quand le Shinobi s'avançait pour tendre sa poignée de main à l'homme au Bob, le fixant droit dans les yeux et détaillant l'énergumène avec lequel il devrait faire équipe.

« Moi c'est Omon, j'suis gardien de la réserve Saikkou pas très loin d'ici. »

Une fois les formalités données il se tourna vers le reste du groupe pour évaluer d'un coup d'oeil les capacités de chacun, certains ressemblants plus à des touristes en quête de safaris qu'à de réels défenseurs de la vie animale, une femme dans le lot semblait elle à la pointe du progressisme dans le Yuukan, mono sourcil et poils longs sous les aisselles, petite sueur sur sa peau, une vraie militante de l'égalité des sexes qui dans le pays n'était pas encore au goût de tout le monde, il faut pas rêver non plus, on protège les animaux mais les femmes ça attendra un siècle. Il esquissa un sourire en se voulant rassurant même si une gêne transparaissait de l'expression de son visage. Un homme parmi le groupe s'avança par la suite pour prendre la parole alors que les bavardages semblaient bien avancer et que l'heure tournait. Il vint aux abords des deux principales têtes affectées pour faire part des observations du groupe qui s'était dissimulé dans les ruelles de la ville durant la nuit.

« Omon, Aen. Permettez-moi de me présenter, je suis Rokuko. Mon groupe et moi veillons depuis plusieurs nuits suite aux tueries qui ont agité le pays. On n'a pas su identifier la menace mais d'étranges mouvements ont été notifiés dans la rue des carnassiers. D'après no-... »

« Oh, oh, attends, la rue des carnassiers ? J'croyais qu'on envisageait de déplacer les clans carnivores du côté de la rivière pour pallier à l'interdiction. »

Ouais c'est vrai qu'on avait aussi des familles essentiellement carnivores mais c'est la démocratie ? Le végétarisme a été voté à la majorité, force au peuple, chacun doit s'adapter.

« Héhé oui c'est tout le problème. L'interdiction n'a pas reçu un accueil unanime. Même si la majorité était pour, l'équilibre alimentaire de ces clans a été durement touché par la mesure et des bruits de couloir font état de plusieurs membres malades au sein de ces familles. »

« Et le poisson, il est dans la rivière pour faire joli ?! Tu crois que c'est eux qui sont à l'origine du braconnage ? »

Dis oui.. Dis oui.. J'ai jamais tellement apprécié ces dresseurs de hyènes de toute façon, ils sont toujours dans les pires coups fourrés.

« Ils refusent de se nourrir de poisson, M'sieur Betsumei.. C'est tout ce que je peux vous dire, mais si les braconniers sont quelque part c'est sûrement chez eux. »

« T'es un mec perspicace dis-moi.. et toi Kinzoku ? Tu viens faire le tour de la ville, dis moi que t'as gratté quelque chose. »

Un sermon. Son coéquipier était en train de le sermonner... Ce n'est pas comme si Aen connaissait bien les us et coutumes de ce pays... Aussi, pendant qu'il était en train de se faire gronder tel un enfant, il mit son auriculaire dans l'oreille et fit quelques mouvements rotatifs, le regard ailleurs. Il n'écoutait qu'à moitié mais était tout de même conscient du charisme du bonhomme qui allait lui servir d'acolyte. Un dialogue suivit entre le groupe de veille et Omon concernant ce fameux groupe, des interdictions de pêcher... Enfin, Aen ne comprenait absolument rien. Tout ce qui importait été de retrouver les braconniers...

Il écoutait qu'à moitié mais Omon lui posa une question : avait-il entendu quelque chose vu qu'il avait fait le « tour de la ville ». Son index se posa sur sa bouche, et il leva les yeux au ciel : il se concentrait fermement et essayer de réfléchir... Avait-il vu ou entendu quelque chose ? Telle était la question. Il fallait avouer qu'avec tout ce remue ménage, il était compliqué d'avoir bien cerner toutes les informations qu'il put avoir.

« Non. » Fit-il en secouant la tête, dépité. Après tout, comment aurait-il pu entendre quelque chose lorsqu'il était accroupi pour échapper à la horde de végan ? Ou lorsqu'il était à deux doigts de se faire tabasser par le groupe de veille qui pensait qu'il était un des braconniers ? Puis... Soudainement... « Ah, quoi que... » Une lumière s'alluma... « En fait non... » Puis elle s'éteint... « Navré. »

Il s'éloigna du groupe de quelques mètres. Les groupes d'individus l'empêchait de réfléchir correctement. Aussi, il s'était positionné à une distance raisonnable d'eux tandis qu'il faisait les cent pas... Un coup à droite, un coup à gauche... Son bras droit soutenait son coude gauche tandis que son index tapotait sa lèvre... Le regard baissait, il mettait tout en œuvre pour tenter de trouver un détail, quelque chose qui pourrait faire avancer le groupe. Il s'arrêta soudainement. Le groupe de veille leva leurs yeux vers Aen qui – finalement – continua à nouveau de faire les cent pas...

« Mais oui ! » Fit-il en levant son index au ciel. Il se dirigea ensuite vers le groupe. « Je me souviens d'une chose qui a attiré mon attention. » Il montra le coin d'une ruelle. « Quand j'ai semé la horde de végan extrémiste, il y a deux personnes qui se sont arrêtés et qui ont profité de l'effet de foule. » Il fronça les sourcils, concentré. « Ils ont ensuite parlé entre eux, et ont prit une direction diamétralement opposé à ce groupe... » Il sourit avant de reprendre. « Et de toute évidence ce n'est pas moi qu'il cherchait. » Termina t-il.
« Savez-vous ce qu'ils se sont dit ? Où sont-ils allés ? » Demanda l'un des membre du groupe de veille.
« Tout ce que je peux dire, c'est qu'ils sont partie en direction de la forêt... » Dit-il en haussant les épaules... « Omon, gardien de... » Il réfléchit. « Tu connais bien la forêt ? Peut-être que survoler l'endroit pourrait apporter quelques réponses... »

« Saikkou, gardien de Saikkou.. Mais Omon ça suffira. »

Encore un peu et il va m'appeler votre excellence, j'ai pas une tête de noble si ? J'me verrais bien Daimyo à la place du Daimyo ceci dit.. Interdire les protéines carnées, quelle réforme, c'est pas avec un gars comme ça qu'on va aller loin lorsque nos voisins nous tomberont dessus.

---------L'homme-Bob avait enfin délivré une information intéressante au groupe et ce n'était pas sans déplaire au plumé, que la prise de parole vienne de celui censé faire partie intégrante de l'équipe d'enquêteurs. En posant les mains sur ses hanches il s'était tourné vers son comparse pour l'écouter attentivement et s'en remettre à ses conseils et il est vrai qu'un survol de la région n'était pas déconnant. Quand bien même il est difficile de croire que certains s'enfoncent dans la forêt et échappent à la vigilance de son clan, si c'était arrivé nul doute que de sombres dessins se tramaient derrière. L'homme joua un moment avec ses sourcils, sceptique quant à l'idée de se séparer et loin de s'imaginer partir seul à la recherche des malfaiteurs. 

Ses ailes battaient légèrement le vide dans son dos, une petite manie quand il se perd dans ses réflexions, avant qu'une bourrasque un peu plus forte vienne soulever les poussières aux alentours et élèvent l'homme d'un mètre au-dessus du sol. Il pivota de 45 degrés du côté d'Aen vers qui il se dirigea sans grande hésitation et passa ses bras en dessous de son grand manteau pour l'harnacher contre lui. Là, un sourire mesquin vint illuminer la commissure de ses lèvres, le regard rempli de malice se dirigeant vers les yeux de son voisin qui avait encore une chance de se débattre avant que l'oiseau ne le soulève à son tour dans les airs sans lui demander son avis. 

« Très bonne idée Kinzoku. Je te largue dans la forêt ? On est prêt à décoller ? On est prêt.. Les autres, tentez de boucler la ville et si vous voyez un carnassier en sortir avertissez nous. Quant à toi cher ami, j'espère de tout cœur que tu n'as pas le vertige. »

En quelques secondes le Betsumei avait réussi à s'élever en tenant fermement son voisin qui depuis sa vue pouvait observer la ville de plus haut. D'abords ce sont les toits qui commencent à paraître si petit, puis les hommes, les animaux, les arbres, jusqu'à ce que l'horizon s'éloigne et que la ville ne devienne qu'un panorama de carte postale. Paradoxalement à cette fuite, Omon pouvait maintenant s'exprimer librement et sans contrainte à son voisin, le nez baissé, la voix sur le ton de la confidence tandis qu'ils prenaient un peu de vitesse et d'altitude en se dirigeant du côté de la réserve. C'était son élément, là où il se sentait le mieux et où les traits de son visage se déridaient pour laisser place à une forme de béatitude, où était-ce encore le cigare qu'il venait de terminer qui dilatait ses pupilles au-delà de la normale.

Les dires de Kinzoku furent rapidement avérés, quand le survol de la plaine et du sentier menant à la réserve révélait la présence de deux silhouettes, une marchant sur ses deux jambes et l'autre aux airs plus bestiaux marchant sur ses quatre pattes. Le choix du transport terrestre avait largement augmenté leur temps de trajet et il était facile de voir par cette décision une méconnaissance du terrain ou du moins un semblant d'amateurisme ou d'absence de vigilance. Le Betsumei en déduisit qu'il devait s'agir d'un jeune ou d'une recrue  et de son partenaire animal mais rien n'était moins sûre qu'une information basée sur un repérage visuel, ce à quoi il s'arrêta quelques instants pour se confier à Aen. 

« J'te lâche pas loin l'ami. Va les intercepter et j'me tâche de voir si ça grouille dans les environs.  »

Je vais surtout aller me cueillir deux trois herbes et m'en rouler un nouveau . . . Kof Kof Kof.. On ne change pas les bonnes habitudes et vu comme c'est parti on va en avoir pour la journée. 

Le contrat virait au cauchemar. Tantôt poursuivi par des végans extrémiste, tantôt soulever dans les airs par un volatile à l'allure humaine... Qu'allait-il advenir de la suite ? Déjà, lorsqu'il senti les bras de son partenaire passer sous ses aisselles transpirantes, ses yeux devinrent blancs... Le sentiment de vide sous ses getas en bois l'obligeait à secouer ses jambes dans tous les sens tandis qu'un petit cri de détresse sorti du fin fond de sa gorge. Mais c'était trop tard. Il ne put dire le moindres mots qu'il pouvait déjà apercevoir une fourmilière humaine à plusieurs mètres sous ses pieds.

Tout cela était encore supportable, bien entendu. Mais c'était sans compter sur la suite des événements qui furent encore plus difficiles mentalement. Pas loin de là où deux individus furent repérés, le volatile lui balbutia quelques mots qui ne firent pas plaisir à entendre : « j'te lâche pas loin »... Les yeux du Kinzoku devinrent à nouveau blanc, et lui ainsi que son visage, se figèrent en observant la distance entre lui et – tout simplement – la Terre.

Les bras qui soutenaient l'homme au bob relâchèrent leur étreinte après s'être rapproché préalablement du sol...  L'épopée vers la Terre fut vertigineuse... Le sentiment de vide, le corps qui relâche l’entièreté de ses muscles et qui laisse l'individu en total béatitude... Une émotion de bien-être rapidement stoppé par son propre poids qui s'écrase sur un sol terreux. Les organes victimes de la gravité s'engouffrent au fin fond de nos entrailles tandis que notre corps réagit par le rejet d'un filet de sang par la bouche. Se relever relève d'un effort interminable mais lorsque le Kinzoku se trouve à nouveau sur ses jambes, et une brève toux plus tard, peut enfin commencer ce pour quoi il fut jeté.

Son sens de l'orientation fut particulièrement touché lors de la chute : où était-il tombé ? Par où devait-il aller pour retrouver les protagonistes suspects ? C'est un aboiement qui attira son attention – certainement dû à bruit de l'impact du corps d'Aen sur un sol rigide. Naturellement, Aen alla en direction de l'animal... Par chance – ou coincidence – les deux suspects ne se trouvaient pas loin... Et c'est en quelques secondes que chacun se croisa.

Arrivé à la hauteur du canidé, celui-ci s'arrêta et commença à grogner à l'encontre de l'homme au bob qui était un peu décontenancé... L'autre, un jeune homme à peine majeur stoppa son chien et le garda près de lui tout en demandant à Aen qui il était, et ce qu'il faisait là.

« Cela ne te regarde pas jeune homme. » Dit-il avec un sourire niais et provocateur. « Il est beau ton chien. » Fit-il en arrêtant avec sa main gauche, sa main droite qui alla caresser le canidé. « Je pense que ce ne serait pas judicieux de tenter de le caresser. Il n'a pas l'air de me sentir. » Fit-il tout en souriant davantage. « Alors, que fais-tu ici dans ce coin reculé et tout seul jeune garçon ? Ce n'est pas prudent ! »

L'air provocateur disparut pour laisser place à un visage plus bienveillant et sympathique. Il était prouvé qu'être gentil envers son auditoire permettait de recevoir la même chose : la loi de l'attraction, juste mal expliqué m'voyez...

« Oh, tu promène juste ton chien ! » Répondit-il à ce jeune garçon dont l'activité principale n'était clairement pas la conversation. « Alors je vais te laisser tranquille. Navré pour la gêne occasionnée ! »

Après cela, Aen prit un peu de distance entre lui et le gamin tandis qu'il observait le ciel à la recherche de Omon.