Kukan était entré sans trop de problème, la partie la moins militarisée du village lui était ouverte, rien d’extravagant pour l’instant, si ce n’était l’allégresse ambiante. Les gens bossaient dur, pour ceux qui bossaient, les autres s’amusaient, flirtaient, discutaient calmement. Comment se sentir aussi loin de son objectif et pourtant aussi près ? Des ninja, des hommes-bêtes, le village en possédait probablement, mais le colosse butait pour l’instant sur la méthode à employer pour solliciter une entrevue avec les plus grands sans s’enrôler lui même dans cette armée qui pour lui était aussi synonyme d’emprisonnement que de revenir chez son propre père.
Un vague à l'âme minime flottait sur ses émotions, comme les pétales de fleurs de cerisiers sur la surface de la rivière limpide en contrebas du pont où se tenait la bête. En bas, des marmots et des enfants jouaient, profitant du beau temps d'après-midi pour s’éclabousser, se rafraîchir, s'émerveiller. Le colosse quant à lui n’était pas tout à fait seul, quelques femmes se tenaient tout comme lui appuyés sur la rambarde. Elles regardaient leurs enfants tout en papotant de sujets divers et variés, du travail de leurs maris, des notes de leurs progénitures, des récents événements. Elles faisaient tout cela en se tenant relativement éloigné de Kukan qui de son ouïe fine avait entendu des commentaires aux opinions mixtes à son sujet.
Il n’avait pas rencontré de shinobi depuis qu’il était entré. Mis à part la police militaire, pas un seul pelot n’était venu lui demander de rendre des comptes, et comme ses papiers étaient bien à jour, sa noblesse étrangère faisait de lui un visiteur de marque (Même si n’importe qui d’officiel aurait pu se moquer de son statut et d'adopté, et de fils secondaire d’une branche mineure d’un clan d’une province peu intéressante). Nan, curieusement, si la bête s’était attendu à voir un village tout entier gardé comme la dernière prunelle d’un borgne, habité par une foule immense et redoutable de ninja tous armés jusqu’aux dents, il n’en était rien, du moins en apparence.
Kukan s’était tout de même paradoxalement rassuré de se sentir de temps en temps observé. Il espérait que rien de bizarre n'arriverait et que son premier contact avec les forces habitant cet endroit ne serait pas un interrogatoire, ou pire.
Soudain, une main attrapa son manteau de fourrure, il pencha la tête, observant un petit garçon les yeux plein d’étoiles. Il ne l’avait pas vu venir, un petit s’était comme téléporté, au grand dam de tout le monde présent. Le mioche le sollicitait pour quelque chose, tendant un carton d’une main. -Hé grand-frère, tu peux faire la pose de…
Derrière lui, sa mère avait un visage presque apeuré, une main tendue et la bouche ouverte. Que croyait-il ? Que le colosse allait manger le gosse ? Il lui sourit un instant flattant de la main comme pour dire que ce n’était pas grave, puis il regarda la carte que tendait l’enfant, détaillant les capacités incroyables d’un ninja sans doute ultra méga rare de rang SSR+, ainsi qu’une image de lui, de dos, tout dorsaux contractés, un œil flambant tourné vers le lecteur, comme un signe de défis alors que chacun de ses bras était contractés de part et d’autre de son corps dans une posture stoïque. -Okay, tu veux que je dise un truc ? demanda le colosse en commençant à enlever son manteau. -Heu… Tu pourrais faire un “NIN” ? réclama le mioche, en abaissant sa voix au maximum pour faire plus viril. -Nin ? D’accord..
Après avoir pris le temps de détailler la posture de l’icône d’élite, il se mit en position, gonflant volontairement ses muscles avant de déclarer d’une manière presque caricaturale ce qu’on lui avait demandé. Une fois cela fait, il se retourna, s’excusa encore une fois de la main auprès de sa mère et demanda au gamin d’aller la voir. Il fourra ensuite son manteau dans son sac, puis s’accouda de nouveau à la rambarde pour contempler la rivière de nouveau.
Il était temps pour Aen de prendre un peu de bon temps. Le recrutement pour ses projets futurs était sur pause. Il fallait laisser du temps au temps, et au fond de lui, il le savait. Il n'allait pas pouvoir changer le monde en quelques jours et cela mettrait des années à se mettre en place. Finalement, il avait été peut-être un peu trop radical avec Kukan... La divergence d'opinion ne devait pas être un frein pour rejoindre le projet. Malgré tout, le Kinzoku ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne pourrait jamais faire équipe avec ce monstrueux personnage – et lorsque l'on dit monstrueux, c'est pas en terme de beauté mais plutôt en terme de gabarit !
Devait-il lui laisser une seconde chance ? Devait-il écouter son instinct ? Ou peut-être devait-il simplement se laisser porter par le courant que l'on appelle destiné ? Cette troisième option était celle qu'il allait choisir. Après tout, le temps n'était pas ce qu'il lui manquait, et il ne devait pas confondre vitesse et précipitation. Bref, il marchait au pays du feu, naviguant d'établissement à un autre, tantôt il mangeait, tantôt il buvait. Ses yeux ainsi que ses joues étaient rouges. Enivré par l'alcool, ses membres étaient en compote et il avait hâte d'aller s'installer dans un lit bien douillé. Il était toutefois conscient et lucide.
Aen passa proche d'une aire de jeu pour enfant, laquelle était surplombée par une sorte de corniche où des parents observaient leurs progénitures s'amuser. Parmi ces silhouettes, une d'elle attira l'attention du Kinzoku qui ne put s'empêcher de sourire en l'apercevant. Il s'agissait bel et bien de Kukan. Levant sa main qu'il secoua de gauche à droite en guise de salue, il l'interpella.
« Ohé ! » Dit-il pour attirer l'attention de Kukan. « Ne bouges pas, j'arrive ! »
L'homme au bob emboîta le pas et gravit les marches qui séparaient la corniche de l'aire de jeu. Rapidement en haut, il arriva dans le dos de celui qu'il convoitait et se mit à ses côtés. Posant ses coudes sur une barre métallique arborait de bois pour un effet esthétique des plus plaisants, il commença à parler à Kukan.
« Merci de m'avoir attendu. » Commença t-il. « Je crois que la dernière fois... Nous sommes peut-être parti sur de mauvaises bases. » Il sourit sincèrement tout en reprenant. « Peut-être l'ambiance ou les vapeurs d'alcool qui m'ont rendu différent de ce que je suis habituellement... »
Il est vrai qu'en temps normal, Aen prenait le temps de réfléchir. Les à priori ne faisaient pas parti des habitudes de l'homme au bob qui, ce jour là, préféra ignorer Kukan et s'échapper plutôt que de continuer la conversation. Une erreur qu'il ne devra pas refaire aux risques de laisser passer certaines chances.
« Si cela te convient, reprenons le temps de discuter, et de faire connaissance. » Il leva l'index pour appuyer un point précis. « Concernant mon projet, ignorons le pour l'instant, rien ne presse. »
Le petit entracte avait remis du baume au cœur du colosse qui était relativement paisible, apaisé de son impression d’être loin de son but, c’était peut-être pas si mal de pas y arriver de suite. Le nez plongé sur les jeux aquatiques en contrebas, il laissait le soleil cuire légèrement la peau de son dos mise à nue à la vue de tous et toutes.
Il regardait un garçon faire le fier puis se prendre une tannée de la part de la fille qui m'embêtait, sans doute que des années plus tard ces deux là seraient ensembles, ou du moins complices. Cela lui rappelait à quel point il pensait ne pas avoir eu ce genre de relation, la vérité lui avait révélé le contraire, au prix aussi juste que dur. Le petit suivait la fillette qui l’éclaboussait en reculant, et au détour d’un des assauts, le regard de Kukan se posa sur un accessoire familier. Cet accessoire, ce bob, lui évoquait des sentiments contraires, ceux d’une soirée agréable et d’une effroyable confusion. L’homme à l’accessoire singulier jeta un œil à l’édifice qui le surplombait, et lui fit signe. Ne sachant trop comment répondre, il inclina légèrement la tête.
Fort heureusement pour le colosse, il n’eut pas à répondre plus que cela, puisque le fin jeune homme se proposa d’arriver en lui intimant gentiment de l’attendre. Trop aimable. Kukan s’exécutait, se posant de multiples questions, de la plus simple comme est ce qu’il arriverait à avoir le fin mot de l’histoire de la dernière fois aux plus étrange comme comment quelqu’un d’aussi secret avait réussi à passer la porte d’entrée du village. Les questions attendaient sans doute les conversations qui allaient se produire pour être d’elles-mêmes résolues.
Le colosse répondit “Je t’en prie” aux remerciements de l’homme au bob. Puis à sa mention d’être parti d’un mauvais pied, commenta d’un “J’ai eu l’impression que nous n’étions pour ainsi dire pas parti du tout à vrai dire.”, s’excusa-t-il, même si il n’avait pas réellement de raison de le faire.
Aen s’excusa, prétextant que l’alcool l’avait sans doute influencé. Kukan n’avait pas envie de se faire un ennemi, aussi évita-t-il d’être condescendant en suggérant qu’il n’avait pas l’air très frais actuellement non plus. Mais si il se sentait en pleine possession de ses moyens, peut-être que cela se déroulerait mieux que la dernière fois, peut-être même que la bête en saurait plus sur ce drôle de phénomène. Quand il y repensait, souvent le colosse se disait qu’il était relativement différent des autres, mais force était d’avouer qu’Aen était probablement plus étrange que lui, a moins qu’il ait vu juste et que ce soit effectivement l’alcool.
L’homme au bob et aux yeux bordés de rouge se proposait de rouvrir la discussion et la guidait même à s’éloigner de son but initial de la dernière fois. Faire connaissance pouvait être simple comme compliqué, tout dépendait de lui à vrai dire. Mais du reste, Kukan accueilli la proposition en laissant un de ses bras sur la rambarde pour ouvrir l’autre vers son interlocuteur et lui faire face avec un sourire. -Ce sera avec plaisir. Je me demandais si nous nous recroiserions un jour et si j’aurais plus d'explications sur votre point de vue ou même qui vous êtes.
Oui, jouer cartes sur table, être clair dès le début pourrait bien être une solution pour avoir une vraie conversation. Se frottant la joue, le colosse sonda ses options un instant. -J’avoue ne pas avoir tout compris de ce que vous insinuiez la dernière fois, sur notre compatibilité. Mais pour reprendre du début, puisque l’alcool efface bien des mémoires…
Le colosse s’éclaircit la voix. -Je suis Rengeki Kukan, Noble secondaire en errance, manipulateur de chakra, métamorphe et défenseur des causes qui me semblent justes, déclara la montagne de muscles en tendant une main amicale.
De retour d’un de mes nombreux voyages à travers le pays pour accomplir des missions au nom du Hokage. Les forces armées de la Feuille se devaient de passer à droite et gauche afin de régler les différents conflits causés, entre autres, par le Jinsei. Il fallait croire que les choses n’allaient pas s’améliorer aussi facilement avec le temps, alors que les nombreux groupuscules se montaient les un après les autres, mais se faisaient tout aussi rapidement remettre à l’ordre par nos interventions. Tout ça pour dire que je commençais à passer moins de temps chez moi et plus à me trimballer hors du village de par les demandes du Kage de « régler les conflits majeurs rapidement ».
D’un soupir, me voilà donc à passer le rempart de Konoha, me disant que j’allais juste faire mon rapport à l’accueil avant de me diriger vers le palais, mais je fus à la place surpris d’une conversation qui ne semblait pas être du bon pied. En effet, deux Chûnin semblaient s’engueuler parce que, pendant que l’un s’était absenté pour X raison, l’autre avait détecté un utilisateur de chakra passer les portes, mais n’avait pas cru bon d’intervenir. Le protocole dicte d’en général poser un peu plus de questions à ces gens qu’à l’accoutumé, pour les référencer et s’assurer qu’un terroriste n’entre pas dans le village, qui faut le rappeler, est basiquement une base militaire, et ne se mette à foutre le merdier. Au milieu de leur dispute, je décidai d’intervenir, d’une paume fortement et bruyamment appuyée sur la table.
« - Restez concentré sur votre mission. Si la personne ne semblait pas dangereuse au point de pas intervenir, je me chargerais de la retrouver, pendant que vous retournez à votre boulot. Donnez-moi juste sa description. »
Après un très rapide portrait de la personne, une armoire à glace aux vêtement tape-à-l’œil et aux cheveux flashy, je repris ma route à l’intérieur du village. Selon les discussions, la chose se serait passée il y’a moins de deux minutes, coup de chances, ça voulait dire qu’il ne se serait pas barré loin. En mettant de côté les quartiers claniques et les zones autour du palais qui regorgent de Shinobis, et donc de senseurs, il ne restait que les zones commerciales à fouiller. Prenant le pas en me disant qu’il s’agissait encore d’une connerie à rattraper, je commençais à retracer le potentiel parcours qu’il aurait pu faire. Malheureusement, je n’avais aucun don pour repérer les signatures chakratiques, donc j’allais juste devoir compter sur ma chance. Et ma chance me sourit, alors que je fus intercepté par plusieurs femmes qui, repérant mon bandeau attaché sur moi, considéraient que j’étais une « personne adéquate » envers qui se plaindre d’un individu louche ressemblant trait pour trait à celui que je cherchais, en soulignant de « penser aux enfants » pour laisser entrer un tel individu. Merci Karen, je m’en charge.
Je finis par retrouver la trace de l’individu en question, et chose qui me fit écarquiller un sourcil, fut qu’il était en train d’être rejoint par un autre individu, et qu’une discussion semblait s’amorcer… Comme s’ils se connaissaient. Cela pouvait être n’importe quoi, un rendez-vous d’affaire, recroiser une vieille connaissance, ou bien juste quelqu’un qui semblait suffisamment sociale pour amorcer une conversation avec n’importe qui. Quoiqu’il en fût, je fini par m’approcher, arrivant suffisamment proche pour entendre mon homme énoncer son nom.
« - Au moins, ça fera quelque chose en moins à remplir sur le dossier. »
Annonçant ma présence par cette phrase, j’attendis que les deux autres remarquèrent ma présence avant de prendre la suite de la conversation.
« - Navré de vous interrompre, mais il semble y avoir eu un souci aux portes. Il est demandé en général aux individus « comme vous » d’enregistrer un dossier sur les raisons de votre venue, en plus de présenter les papiers. Considérez ceci comme une garantie en échange de votre liberté de mouvements aux alentours. »
Je finis par lui tendre le dossier et stylo que j’avais demandé aux remparts. Il y avait des informations comme ce qu’il aurait pu dire oralement aux personnes l’ayant interrogé : nom, âge, origines, raisons du voyage, etc… La seule chose qui manquerait serait une photo, mais bon il avait un visage suffisamment atypique pour en faire une description pour un dessin, et bien évidemment, le « niveau de dangerosité », qui ne serait évidemment pas visible pour le jeune homme. Bien que j’essayais de me montrer courtois, il me fallait rajouter un petit coup de pression pour « insister ».
« - J’espère que vous comprendrez l’importance de cette procédure, et de l’effort que nous faisons actuellement. Le cas échéant, je me verrais contraint de vous ramener aux remparts pour faire votre entrée proprement. »
Spoiler:
Petite intervention rapide. Les nouveaux arrivants à Konoha doivent d'abord faire un premier RP aux remparts pour les "accueillir" avant de pouvoir RP ailleurs. Là je fais rapidement un passage mais je vous laisse tranquille après, ça évite de refaire un nouveau RP !
La conversation fut coupé par l'arrivée d'un Konohajin. De toute évidence, il y a eut un souci aux remparts de Konoha et le personnel sur place n'avait pas fait le travail qui était à faire. Ce n'était bien sûr pas le cas d'Aen qui fut accueilli par un autre Konohajin dont le nom lui échappe. S'en suivit une justification de la part de l'arrivant mais Aen leva la main au niveau de son thorax et fit un signe à la figure d'autorité.
« Les gardes aux remparts ont bien fait leur travail, pas d'inquiétude. » Dit-il pour détendre l'atmosphère. « Pour ma part, j'ai été accueilli par... » Il mis son pouce et son index au niveau du menton et réfléchi un instant. « C'est un nom compliqué, Suko quelque chose » Finit-il en haussant les épaules.
Il jeta un coup d’œil à Kukan – qui était le principal intéressé puisqu'Aen souhaitait s'entretenir avec lui et repartir sur de meilleures bases. De toute évidence, les gardes n'avaient pas fait entièrement leur travail puisque le colosse a put échapper à cette paperasse interminable. Le Kinzoku rigola brièvement. Il se disait que si les gardes n'avaient pas prit la peine de faire remplir ces documents au Rengeki, peut-être était-ce par peur ? Peu probable, soit dit en passant mais envisageable.
Pendant ce court instant où la conversation fut suspendue par l'autorité Konohajin, Aen pouvait continuer de contempler les environs, et faire une pause. Après tout, la vie de nos jours étaient toujours sur les starting-blocks. Tout devait aller très vite, toujours plus vite, perdre le moins de temps possible... Les moments où l'on ne faisait rien, où l'on profitait, contemplait le paysage se faisaient de plus en plus rares. Contrairement aux militaires des différents villages Shinobi, les errants jouissaient d'une certaine liberté leur permettant justement de se poser, et de faire un point, méditer.
« Le paperasse... » Il leva les yeux au ciel. « Tellement énervant mais si indispensable pour l'organisation administrative du village... » Il se retourna pour sourire à l'auditoire. « Je suis content d'en avoir fini avec tout ça ! » Toutefois, Aen se rendit compte que malgré que le dossier soit déjà rempli, il ne s'était pas présenté au Konohajin. « Je m'appelle Aen, et je suis un modeste commerçant d'un village éloigné... » Il reprit son souffle et reprit. « Et je parcours le Monde à la recherche de choses que je pourrais vendre dans mon commerce... » Il eut un sourire niais. « Par contre, je ne sais pas ce que je recherche... On verra bien... »
Le Kinzoku se remit à sa position initiale, à savoir accoudé sur le rebord de la corniche pour contempler les environs, calmement...
Un grand type arriva, moins grand que le colosse, s’était convenu, mais tout de même toisant les cimes des autres par sa stature. Le grand blond au bandeau noir regardait d’un seul oeil son interlocuteur, brandissant avec respect sa plaquette contenant des papiers et un stylo. Kukan accepta sans sourciller, le temps que le soldat ait fini d’expliquer sa démarche, il avait eu le temps de contempler l’étendue des informations demandées. -J’imagine que je vais finir par en avoir tout le tour du ventre des garanties de circuler, plaisanta le colosse.
Il prit quelques secondes pour remplir le dossier, notant ça et là des similarités avec les autres questions posées à son arrivée. -Ils devaient être absorbés par autre chose pour ne pas noter cela ou s’en souvenir, constata Kukan d’une voix basse pour lui-même. Ca ou ils ne me font pas confiance au point de me redemander mes informations pour être sûr que je ne les embobine pas. Mais rien n'a changé depuis, donc j’imagine que c’est tout ce qu’il vous fallait, adressa-t-il enfin à son interrogateur en lui tendant le dossier complété.
Aen faisait un commentaire sur la paperasse. -Naïvement je me disais que la paperasse était le nerf de la guerre des marchands, pour les chiffres, tout cela, s’étonna innocemment le colosse.
La présentation d’Aen était quelque peu étrange. C’était un peu comme si il essayait de cacher qui il était tout en tentant de paraître aussi avenant que possible histoire d’éviter les soupçons. Il s’était présenté comme un marchand, hors la dernière fois il était venu le voir en tant que recruteur pour une organisation qu’il allait monter, drôle de coïncidence que son motif change en fonction de l’endroit ou il se trouve. Le colosse n’avait aucune raison d’attiser le doute du Shinobi en leur présence, ils avaient probablement déjà enquêté sur son cas et si ils ne l’avaient pas jugé dangereux malgré ses mystères, peut-être que Kukan se fourvoyait en soupçonnant qu’il fasse partie d’une organisation malveillante.
Revenant au grand blond prévenant, il lui fit un clin d'œil complice. -Je comprends vos efforts en cette période troublée, Ninja. Je dois vous avouer que j’imaginais que mon entrevue avec la police militaire suffisait, mais merci d’être venu rectifier leur erreur.
A défaut de grade à lui donner ou de nom pour l’appeler, Ninja était la seule chose qu’il ait pu trouver de moins offensant. Visiblement l’homme n’avait ni le temps ni le désir de décliner sa propre identité, contrairement à l’intention de clore cela au plus vite qui se dégageait plus ou moins de son être sous une forme élégante et impérieuse. A l’évidence, il devait être sous tension d’avoir dû courir après quelqu’un lui même. -Je devrais vous remercier également pour l’escorte sans doute diplomatique de vos homologues très discrets, j’ai presque eu l’impression de me balader seul un instant, notait le colosse.
Plus que discret, mais toujours présent, est-ce que Aen les avait perçu lui aussi ? Était-il également surveillé ? Mieux valait identifier cela à une garde honorable qu’à un dispositif pour entraver ses mouvements. Le colosse laissait l’agent repartir en un mouvement, disparaissant de leur vue à lui et son premier interlocuteur et s’installa plus confortablement sur la rambarde.
-Marchand, Recruteur, Chercheur de biens, Visiteur, Justicier, vous disiez trouver mon histoire intéressante, mais je dois vous avouer être perplexe quant à votre véritable statut. Je comprends bien votre volonté de vous faire discret, mais j’ai l’impression que cela pourrait nuire à l’image que vous voudriez que l’on vous prête, qu'elle quelle soit.
Se questionnant lui-même, Kukan se frotta l’arrière du crâne avant de brosser sa chevelure en arrière d’une main. -La dernière fois que j’ai voulu en savoir plus sur vous, je… disons que votre réaction n’était pas celle que j’avais prévu. Alors j’imagine qu’il faudrait que je vous pose d’emblée, vers où vous mène votre but. La dernière fois vous vouliez si j’ai bien compris soulager la peine de l’ensemble des shinobi, qu’ils soient errants ou non, à l’aide d’une méthode qui m’échappe et que vous ne désiriez pas me démontrer. Est-ce là ce que vous vouliez dire, ou était-ce autre chose ? Et quand vous dites cela, je me disais que vous souhaiteriez probablement faire cela par compassion, mais je m'interroge sur ce que vous y gagneriez à la toute fin de votre projet. Mais cela ne regarde que vous j’imagine… soupira Kukan, insatisfait d’avance de la réponse qu’il pensait arriver nébuleuse et fractionnée, à l'instar de toutes les interventions de l'homme au bob.
L'autorité du village daigna laisser les deux protagonistes – non pas sans une once de suspicion, pensa Aen. Après tout, les deux se trouvaient proche d'une base militaire et inconnu du bataillon : pas de quoi rassurer les forces armées. Notamment en imaginant les différents litiges qu'il pouvait y avoir en leur sein. Bien que n'étant pas omniscient, le Kinzoku pouvait largement imaginer les problèmes qu'un village pouvait avoir et était compréhensible quant à leurs intentions.
Bien entendu, une fois les erreurs du passé réparés, Kukan ne tarda pas à revenir sur la précédente entrevue... Une entrevue qui ne s'était pas réellement passé comme il l'aurait voulu mais Aen soupira d'avance. Il l'avait pourtant bien spécifié au début de la conversation : ignorons le projet pour le moment. Mais de toute évidence, la curiosité du colosse n'avait d'égal que sa carrure imposante. L'homme au bob arbora un sourire niais tout en reprenant ce par quoi Kukan avait commencé.
« Nul besoin d'autant de noms pour me nommer, Kukan ! » Fit-il avec une pointe d'ironie. « Je ne suis qu'un commerçant qui s'adapte à son environnement. » Conclut-il d'un clin d'oeil.
La suite ne fut pas étonnant et était même d'une logique implacable. Il voulait en savoir plus... Beaucoup d'interrogation sur la conversation qu'ils eurent chacun fut un temps... Une conversation qui s'était terminé un peu précipitamment... Alcool ? Intuition ? Quelle fut l'élément déclencheur à cette fin ? Il était probable qu'Aen ne le sache pas lui-même bien qu'il puisse mettre ça sur le compte de l'intuition... A ce moment précis, quand un projet quel qu'il soit commence à devenir concret, l'erreur peut coûter cher... Et était-il nécessaire de prendre des risques ?
L'alcool s'étant dissipé à la venue du Konohajin – l'adrénaline probablement – Aen était maintenant en pleine possession de ses moyens. Il était pleinement conscient, et parlerait avec honnêteté avec Kukan... Malgré tout, il ne pouvait en dire trop...
« Parfois, les choses ne se passent pas comme on les prévoit... » Dit-il en roulant des yeux. « Mais il est essentiel de se comprendre, et c'est pour cela que je compte revenir sur ce qui s'est passé, malgré le fait que j'ai spécifié ignorer le projet le temps de faire connaissance. »
Remettant le col de son kimono en place et tout en repositionnant son bob correctement, le Kinzoku se racla la gorge pour récupérer un peu de voix. Le brouhaha des enfants et des conversations parentales permettaient une plus grande discrétion pour les deux protagonistes qui allaient aborder un sujet sensible... Ou en tout cas, pouvant être considéré comme sensible pour un village tel que Konoha.
« Oui. Je compte soulager une grande partie des Shinobi qui ne sont dictés – pour beaucoup – non pas par le fait d'être valorisé en donnant leur vie pour un pays, mais pour avoir un salaire... » Dit-il en serrant les poings. « Pour beaucoup, le simple fait de se vanter être Ninja, n'est en réalité qu'un visage masqué par la peur de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins... Le nier, c'est se voiler la face. » Il desserra les poings avant de reprendre avec un sourire sincère. « Je compte justement permettre à ce genre de personnage de ne plus être victime de l'Etat. »
Aen reprit un peu sa respiration. Il laissa quelques secondes à Kukan d'ingérer ses informations avant de reprendre son petit discours.
« Je ne gagne rien... Ou disons plutôt pas grand chose dans l'immédiat... » Il réfléchit un instant pour répondre enfin à une question que le Rengeki se posait. « Si je n'ai pas voulu donner suite à notre entrevue – prétextant l'incompatibilité – c'est simplement parce que tu n'as pas l'air d'être dans le besoin, et que ton statut actuel à l'air de te convenir... Hors j'ai besoin de personne ayant connu ce que j'ai abordé précédemment pour avoir une pleine loyauté, et une entière disposition à la réalisation de l'objectif commun ! »
Les yeux du Kinzoku s'écquarillèrent... Il s'arrêta un instant avant de sourire avec une légère gêne. Sa main vint derrière son crâne tandis qu'il termina son discours.
« Bon, désolé, je t'ai tutoyé sans même demander la permission de le faire... Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes... » Dit-il, gêné. « Est-ce que cela peut te convenir, que l'on se tutoie ? »
Patiemment, le colosse écouta l’homme au bob en dire plus sur lui-même, ou plutôt centraliser ses informations sur son projet bien que la question de Kukan ne porta que sur le but de l’homme, et non son projet. Avec un sourire, il fixait en contrebas la jeune populace qui s'éclaboussait dans de grands rires. L’homme voulait rester mystérieux sur sa profession. Un marchand n’aurait pas tellement d’intérêt à lutter contre l’avantage économique que représentent les villages ninja et les différents conflits à venir. Bien sûr, pour lutter contre l’injustice cela pourrait s’avérer différent, tous les marchands qu’avait rencontrés le colosse avaient tous été neutres, insouciant de savoir si leur produits étaient utilisés pour prendre une vie ou la sauver.
Les shinobi n’étaient pour l’homme au bob que des soldats qui s’engageaient pour l’argent, se masquant derrière une façade. Bien sûr, l’on pouvait toujours voir la chose ainsi, se représenter chaque soldat comme une victime qui s’engage pour son propre bien, pour le bien de sa famille. Mais un plan contrant cela pourrait potentiellement s’étendre aux militaires sans chakra à ce compte là.
Aen termina son discours sur les raisons de sa fuite expéditive de leur dernière rencontre. Le colosse se redressa, croisant les bras avec un air amusé. -Je n’ai pas de problème avec le tutoiement, je préfère, même. Les vieilles habitudes ont la vie dure, en vérité j’aurais peut-être dû commencer par te tutoyer, après tout le milieu s’y prête et tu ne possèdes rien qui m’incite à utiliser ce genre de langage.
Kukan s’appuya sur la rambarde d’une main, laissant l’autre brosser ses cheveux en arrière, pour éviter d'appuyer sur le petit tacle qu'il venait de faire à propos du statut de l'homme au bob. -Maintenant pour ce qui est de la loyauté, de la dévotion à un organisme, je ne pense pas que ce soit lié avec la condition de l’homme. Sûr, quelqu’un dans la situation que tu décris est en quelque sorte opprimé par son propre statut qu’il est obligé de s’infliger et sera donc enthousiaste à l’idée d’un système qui lui permettrait d’éviter son fardeau. Mais la peur est rarement une bonne conseillère, si ces gens sont stressés, si le contrôle de leur maîtres est plus fort que la forme de libération que tu leur propose, il se pourrait que tu te fasse trahir. Tu pourrais même par erreur frapper à la mauvaise port… Oh, j’imagine que ta prudence t'empêchera de frapper à la mauvaise porte.
Kukan croisa de nouveau les bras. -Ce n’est pas parce que je ne fais pas partie des concernés que je ne peux pas être loyal et dévoué, et je ne serais sans doute pas le seul à vous dire la même-chose. Mais il est vrai que je préfère les contrats simples pour m’éviter de rester soudé aux autres. Cela ne veut pas dire que ne rejoindrai pas ta cause un jour ou un autre, ou que je le ferai. Par ailleurs, tu ne me semble pas particulièrement concerné par le sujet non plus. Loin de moi l’idée de couper ton élan et ta volonté, mais aux yeux de ceux que tu veux aider, tu pourrai avoir l’air d’un imposteur, mais tu es assez intelligent pour l’avoir déjà pris en compte. Personnellement la question que je me pose maintenant, c’est de quelle manière tu comptes t’y prendre, une question que j’imagine il te sera plus simple de ne pas répondre et de me laisser le découvrir par moi-même si tu réussis.
Le colosse se mit à réfléchir à voix basse. -Si il réussit, pas que cela me paraisse impossible, mais il a quoi, toute l'errance à convaincre ? Toutes les armées à affronter ? tous les seigneurs à défier ? Ca implique la quasi totalité des forces spéciales militaires de part le monde, et ça, avec comme origine un seul homme ?
Se rendant compte qu’il avait parlé sans prêter attention à son interlocuteur, il s'excusa d’un signe de main, se brossa les cheveux et le regarda en face. Le type en face de lui devait avoir un autre plan que cela, c’était trop pour un seul homme, trop même pour un groupe armé. Par la subtilité, certains conflits pourraient peut-être ignorés, mais Aen ne possédait ni noblesse ni volonté de coopérer avec le système déjà en place. Kukan revenait en arrière dans la conversation, se remémorant des mots. “Plus victimes d’un état”, “pas le fait d’être valorisé par leur pays, mais pour avoir un salaire”, “un commerçant qui s’adapte”... -Oooh, il vous manque probablement l’argent et les terres, conclut verbalement Kukan, pensant avoir compris.
Le tutoiement fut accepté et cela soulagea l'auditoire. Il était coutumier de se vouvoyer mais Aen commençait un peu à en avoir marre de devoir se targuer de ces manières qu'il discrimine au plus haut point – surtout lorsque les deux individus sont au même niveau... C'est en tout cas ce que pense le Kinzoku tandis que Kukan avait bien mis le doigt sur la différence de statut des deux confrères... Ce à quoi Aen eut un sourire satisfait lorsque son interlocuteur spécifiait cette différence, sans même prêter attention à cette critique – qui n'en était pas une en soi.
Dans tout le discours du Rengeki, l'homme au bob releva une partie qui l'intéressa plus que le reste... Une partie traitant de la trahison des futures recrues... Il était vrai que lorsque l'on met en place un anti-système, il se peut qu'il y ait une – ou plusieurs – brebis galeuse dans le troupeau... Aen y avait pensé mais comme il va l'expliquer au Colosse, il n'y pouvait rien...
« Malheureusement, je suis tributaire de la loyauté de mes confrères... » Il leva les yeux au ciel. « Il faut que chacun des membres puissent se faire confiance et travailler ensemble... Il n'y a que comme ça que l'on peut y arriver, et venir à bout d'un système qui exploite les gens. » Conclut-il.
L'autre fait intéressant dans le discours de Kukan, n'était autre que la manière de s'y prendre pour réussir à réaliser un projet d'une envergure aussi énorme... C'était une question pertinente puisqu'à l'heure actuelle, Aen n'avait pas la possibilité de faire quoi que ce soit. Sa seule alternative actuellement, était de se faire connaître, d'acquérir de l'expérience, de la puissance et réussir à rallier du monde à s cause – une tâche ardue puisque la confiance n'était pas donnée à n'importe qui. Il se permit de rire après quoi il répondit.
« On ne lutte pas contre le système en se battant contre lui, Kukan... » Il leva son index pour bien appuyer ses propos. « On lutte contre le système en se servant de lui ! » Fit-il tout n arborant un sourire confiant. « Je n'entrerais pas plus dans le détail puisque finalement, je ne sais même pas si tu comptes te rallier à ma cause... » Il haussa les épaules. « Ta carrure imposante et tes muscles saillants pourraient bien me forcer à cracher le morceau en passant par une torture... » Il émit un rire bref. « Mais je ne pense pas que ce soit ton genre, je me trompe ? »
Petit coup de bluff. Parce qu'effectivement... Si c'était le genre de Kukan a obtenir ce qu'il souhaitait par la torture, et qu'il prenait ce qu'Aen venait de dire au mot... L'homme au bob risque fortement de regretter ses paroles... Ce-dernier préféra ne pas penser à ce que pourrait advenir de la suite. Il préférait attendre la réponse du Colosse mais une dernière chose devait être abordée... Le Kinzoku ne tarda pas à prendre une énième fois la parole pour répondre...
« Alors en ce qui concerne l'argent et les terres, figure toi que... » Une petite seconde de réflexion laissa planer le suspens. « Je n'en dispose effectivement pas... Mais j'y travaille... » Il s'accouda à nouveau sur la rambarde tout en contemplant l'horizon... « Si l'on veut qu'un travail dure dans le temps, il faut y aller par étape... Et les étapes sont parfois longues et fastidieuses... »
Réussir à devenir une puissance reconnue dans le monde en partant de rien, ne pouvait pas être réalisé en quelques jours... Ni même en quelques semaines. Tout cela se mesure en année. Le temps de réussir à trouver l'argent, les terres, acquérir de l'expérience, connaître les bonnes personnes et enfin mettre en place un plan qui tient la route... Il y avait encore beaucoup à faire, mais par chance...
« Je suis pas pressé... » Pensa-t-il à haute voix, sans même s'en rendre compte.
Kukan eut un petit rire quand Aen avoua qu’il pourrait tout de même se faire trahir, et eut un sourire quand son interlocuteur lui signifiait qu’il allait se servir de ses ennemis. C’était bien beau, mais très idéaliste de sa part d’imaginer qu’une chose pareille se déroulerait sans accroc aucun, sans période de grand doute. Et enfin il en vint à sa prudence, espérant qu’il avait juste à son propos. -Si tu ne veux pas en dire plus, je me vois mal me lancer dans une entreprise dont je ne connais pas le plan. Cela ne vaut pas l'intérêt de te dire oui pour ensuite te dire que je t’abandonne parce que tes idées sont irréalisables ou qu’elles me semblent suicidaires, pas vrai ? Quant à te faire cracher ton plan par la force, personne ne m'a engagé pour le faire, et les villages ont des moyens bien plus sophistiqués pour violer les limites de la pensée humaine, des bras et des muscles ne leur serviraient à rien pour cela.
Le plan se dévoilait malgré la prudence de son planificateur, visiblement il était bien question de fonder une force au-delà des territoires détenus par les puissances pour siphonner leurs ressources humaines. Un plan tel que celui-là était dangereux, Kukan doutait qu’Aen en soit capable malgré sa volonté. Le colosse se frotta l'arrière du crâne, tournant de la cheville pour se mettre à l’aise dans sa chaussure alors que l’homme au bob disait ne pas être pressé. -Tout dépend de ta volonté à vouloir les sauver j’imagine. Bien qu’il s’agisse d’un plan sur le long terme, il te faudra bien commencer quelque part. J’imagine que ton voyage de Hi au village caché est une manière de tâter le terrain. Néanmoins ce temps que tu passes à tâtonner sert à d’autres à se fortifier. Mon père dit souvent que le monde ne s’arrête pas pour nous, je pense que c’est particulièrement vrai pour ce genre d’entreprise.
Kukan réfléchit aux histoires qu’il avait entendues sur son voyage. -Je gage que le pays de l’eau pourrait être une bonne idée pour installer ton “commerce”. L’endroit ne manque pas de travail, l’instabilité qui y règne permet de s’y installer aisément pour peu qu’on en ait la force et sa distance par rapport au reste du monde la rend plus défendable, donc moins sujettes aux inquisitions des grandes puissances. Pour ce qui est de la richesse, si l’injustice d’une noblesse décadente est une cible à abattre, alors le Daimyo de Mizu pourrait-être une cible de choix pour prélever force et argent, on raconte même qu'il a perdu le support d'une partie de ses sujets. Dans un cas comme dans l’autre, il te faudra les deux pour réussir, peut-être que développer ton chakra pourrait-être une bonne idée, si tu en es capable. Tu devrais peut-être songer à trouver quelqu’un pour t’apprendre.
En contrebas, les enfants terminaient leurs jeux, leurs mères leur demandant de se regrouper pour rentrer à leur maison respective. Elles avaient été bon train sur leurs discussions elles-mêmes, plutôt satisfaites de leur journée comme on pouvait en juger par leur visage rayonnant. Kukan s'arrêta de réfléchir aux désir de cet homme, à comment le concrétiser, de toute manière il se sentait quelque peu éloigné du concept de celui-ci. C’était difficile d’être d'accord avec un concept sans en connaître la logique. L’idée paraissait belle, libérer les gens d’un service qu’ils s'infligent, mais hors d’atteinte. Il ne pouvait probablement pas se permettre de donner de l’argent contre rien, et déléguer des missions sans contrepartie c’était couler son entreprise, d’autant que le risque était le même au final, donc c’était forcément autre chose. Comptait-il les faire changer de vocations ? Passer d’un quotidien de force d’élite à autre chose de plus commun ? Il y perdrait l'atout de la force et n’importe qui pourrait se permettre de les soumettre.
Nan, peu importe quelle solution envisageait Kukan pour résoudre une chose pareille, il se heurtait à l’idée d’un échec par une menace bien logique. Finalement il haussa les épaules, se tournant de nouveau vers Aen. -Je ne comprends pas suffisamment ton plan pour accepter, mais je ne suis pas hostile à l’idée que tu semble promouvoir. Quoi qu’il arrive par la suite, tu a ma parole que je ne divulguerai aucune information sans qu’on m’y force. Tu pourras donc dormir sur tes deux oreilles sans avoir peur que des soldats viennent te chercher par ma faute parce que je t’aurais d’une quelconque manière trahie.
Sans rentrer dans son camp, sans prendre le camp opposé, il avait juré au moins de s’en tenir à fermer sa bouche sur le sujet tant qu’il n’était pas forcé de parler, peut-être ce geste soulagerait légèrement la conscience de l’Homme au bob.
Il était temps. Il était temps de faire confiance à son interlocuteur, et de lui expliquer les tenants et aboutissants pour avoir éventuellement une aide précieuse de Kukan. Serait-il partant pour faire partie de ce projet qu'il décrit comme impossible ? Pourtant, il fallait se dire une chose : dans la vie, rien est impossible. En revanche, tout est une question de travail, de rigueur et de discipline. En se donnant corps et âmes à une tâche, la réussite de celle-ci n'est qu'une question de temps.
Néanmoins, le Colosse donna tout de même quelques conseils comme le choix du territoire et comment réussir le coup d'état. Très intéressant ! Mizu était – en effet – une zone de choix. Les Archipels étaient bien protégés, on avait le temps de voir venir des ennemis, ce n'était pas une zone réellement touristique donc non sujette à de la visite que l'on ne souhaite pas... Aen fronça les sourcils en écoutant les recommandations de Kukan. Attentif, le Kinzoku buvait la moindre de ses paroles : tout avis était bon à prendre.
Il se permit de sourire discrètement lorsque ce-dernier précisa que l'homme au bob devait tout d'abord de développer son chakra avant d'imaginer réussir quoi que ce soit. L'homme au bob s'était bien gardé de dire à Kukan qu'il était un Ninja et du clan Kinzoku qui plus est. La discrétion était très importante dans un domaine tel que celui qu'exerce le concerné.
« Peut-être est-ce le moment de te dévoiler davantage ce que je compte faire... » Dit Aen tout en expirant, en pleine réflexion. « J'apprécie ta discrétion quant à tout ce que l'on s'est dit. Je me trompe peut-être, mais je me dis que je peux peut-être te faire confiance. » Il se tourna vers lui, et lui fit face. « Je vais aller à l'encontre de mes principes moraux, et j'espère ne pas me tromper, mais c'est le jeu : il faut savoir prendre des risques. »
Lorsque l'on joue, il faut parfois prendre des risques pour parvenir à la fin du jeu. Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre. Parce que selon la décision, et le moment de ce choix, le jeu peut prendre fin. Et le but n'était pas d'être coupé en plein élan, mais de bien franchir la ligne d'arrivée !
« On lutte contre le système en faisant en sorte que tout se retourne contre lui. Le système actuel fonctionne grâce à l'argent. L'argent règne sur le monde. » Dit-il en guise d'introduction. « Mais lorsque l'on enlève l'argent, que reste t-il ? » Lança t-il à Kukan. « La réponse est simple, c'est l'anarchie. Sauf si une chose est mise en place. » Il s'accouda sur le rebord de la corniche avant de reprendre. « Si tu as besoin de quelque chose dont le prix est au delà de ce que tu peux dépenser... Un service par exemple de mercenariat, de blanchisserie, de transport ou que sais-je encore... Tout domaine est concerné... » Il soupira, tranquillement, zen. « Et si je te proposais de faire ce service à ta place gratuitement ? »
Aen laissa un petit instant à Kukan de réflexion, le temps pour – lui aussi – reprendre un peu son souffle et tenter d'expliquer les choses plus clairement.
« Le système sera court circuité. Bien entendu, tu peux te demander ce que moi j'ai à gagné dans cette situation... » Il sourit, provocateur. « Et bien ce que j'ai à gagné, c'est un service en contrepartie... »
Il s'arrêta là, laissant le Colosse interprétait les paroles du Kinzoku. Il en avait dit assez. Pas trop pour éviter que la conclusion de son plan ne soit dévoilé, mais assez pour donner l'envie de rejoindre ses rang – quand bien même les principes et les valeurs soient partagés... Mais cela est peu probable car comme dit précédemment, Kukan ne semblait pas être dans le besoin...
Kukan posa un coude sur la rambarde pour s’appuyer dessus, écoutant la base du système de l’homme au bob. Enlever la monnaie pour détruire le système était déjà une vision très utopique, comme l’idéal même d’Aen. Personne ne pouvait comme cela, simplement enlever la monnaie ou les principes économiques, mais le colosse faisait l’effort de mettre la contradiction dans un coin pour considérer le “et si c’était fait”. Dans la tête de la bête se déroulait une fresque absurde ou le monde retournait simplement au stade précédent, utilisant la base du troc, ou réinstaurait simplement une nouvelle monnaie. Jusque là rien de transcendant pour les shinobi qui se retrouvaient payés avec des vivres et un logis, plutôt qu’avec le logis et l’argent pour se payer des vivres (pour ceux qui habitaient dans un village).
L’homme au bob continua son discours, parlant d’un prix impossible à payer. Le colosse mit de côté une fois encore un élément contradictoire, que l’argent fixait la valeur des choses, et il présuma qu’Aen parlait d’un prix comme il parlait d’une valeur de troc. Donc avec cette idée, il fournissait un service exorbitant gratuitement… A la condition que la personne effectue un service en échange. -Donc remplacer la monnaie par un échange de service, et t’arroger les services d’autres personnes en faisant des efforts pour eux, cela te semble plus just… Oh… Je vois ou l’équité ce joue, tu ne pourra pas établir des marchés avec le monde entier et ton pouvoir se limitera aux nombres de tâches que tu peux effectuer pour les autres.
Quelques habitants passèrent devant eux, Kukan s'arrêta de parler pendant quelques secondes, réfléchissant à des arguments. Quand ils libérèrent l’endroit, il se permit de reprendre la parole. -Mais je vois mal comment tu pourrais réussir l’exploit de convaincre ne serait-ce que les gens que tu veux à tes côtés de te rejoindre. La promesse d’un service n’est pas grand chose face à l’argent, et bon, si les shinobi que tu veux recueillir sont ceux qui ont des besoins, je doute qu’ils acceptent d’être payés en faveur, même immédiate. Si l’on prend l’exemple de ce village, et que tu échafaudes le tiens, la personne qui pourrait se prétendre chef serait sans doute celle qui peut offrir le plus, ce qui ne change pas grand chose avec ce village-ci, a ceci près qu’au lieu de donner de l’argent, ce serait quoi, des vivres et un logement ? J’ai du mal à voir en quoi cela valoriserait plus leur vie, puisque dans un cas comme dans l’autre il s’agirait en quelque sorte d’un salaire.
Kukan s'arrêta, perplexe, fixant Aen des yeux. Il manquait encore quelque chose pour expliciter le plan, malheureusement la pièce manquante devait être celle qui reliait toutes les autres entre elles, car le colosse ne trouvait pas le stratagème si bon que cela. Pour une vision censée changer l’existence des shinobi, cela ne transformait pas grand chose au final. Sur, cela les mettrait dans une position où ils étaient plus libres de leurs choix (ou presque), puisqu’il n’était pas ici question d’allégeance envers un pays ou un seigneur, mais juste une foi en un système où ils pourraient piocher un peu comme ils le désiraient selon leurs besoins. Sauf qu’au final, même libres, les shinobi se cantonneraient à ce qui faisait vivre leurs familles aujourd’hui, avec d’autres peurs. -En vérité, je pense pouvoir en percevoir les défauts, mais peut-être devrais-tu m’éclairer sur les qualités de celui-ci pour que je comprenne mieux.
Le colosse tapota des doigts sur la rambarde quelques instants avant de fixer de nouveau l’homme au bob, les deux oreilles pointées vers lui.
Créer un nouveau système, requiert de modifier sa façon de pensée... Mais l'argent, la hiérarchie était si ancrée dans la société que modifier une habitude s'avérait être compliqué. Et là où Kukan avait raison, c'était le temps de mise en place, et la complication du projet. Il fallait voir les choses plus loin que le bout de son nez, et c'était une chose difficile lorsque l'on connaît que le système mise en place... Pour autant, Aen souriait. Il avait là, la première personne qui se tenait face à lui... Chaque système à son début ont eu leur lot de détracteurs pour X ou Y raisons... Là, ce n'était pas encore une personne hostile au projet du Kinzoku, mais tout de même quelqu'un qui discutait une façon de faire qui – bien qu'imparfaite – pourrait arranger beaucoup de monde...
« Tu te trompes. » Commença-t-il d'un air provocateur. « Le projet réside dans le nombre. Plus nous sommes, plus nous pouvons s'arranger entre nous. Le début sera compliqué, mais une fois que nous serons nombreux, nous pourrons réaliser de grandes choses. »
Le premier point abordé, et clos pour le Kinzoku, il fallait maintenant vanter les bienfaits de ce système. En effet, il y avait des inconvénients. Il fallait d'abord trouver assez de monde pour se joindre à la cause... Regardant l'horizon – toujours accoudé à la rambarde – Aen continua de contredire Kukan : après tout, ses arguments étaient entièrement légitimes, et si l'on ne voulait pas de changement, alors ce système actuel conviendrait parfaitement à un lambda.
« Là où tu te trompes encore une fois... » Il marqua une pause avant de reprendre. « Ou bien sûrement me suis-je mal exprimé... » Une seconde pause pour bien marqué la remise en question. « Il faut totalement oublié le système actuel : l'argent, la monnaie, la valeur, la hiérarchie... Tout cela n'a du sens que si l'on y croit. »
Et Aen n'y croyait pas. L'inflation des prix d'un côté, et le maintien d'un salaire de l'autre... Tout cela finira par imploser et ce n'était qu'une question de temps. Par chance, le Kinzoku en avait, du temps. Et il sera là, au bon moment et très certainement au bon endroit.
« Il n'y aura pas de chef... Pas de monnaie... La personne qui voudra qu'une personne lui rende un service, imposera un service en échange... Le demandeur sera pleinement conscient de la dette... » Le Kinzoku soupira. C'était en effet une tâche complexe à mettre en place et à expliquer. « L'avantage principal, une fois que nous serons nombreux, c'est que rien ne pourra nous arrêter... Si X veut quelque chose qui coûte trop cher dans ce monde actuel... Il pourra l'avoir dans mon monde avec l'investissement de chacun. »
Il releva son bob de son index pour mieux apercevoir l'auditoire. Son regard se tourna vers Kukan, et il haussa les sourcils...
« Bien entendu, tout cela n'est qu'une ébauche et nous pourrons en parler plus concrètement lorsque le système se mettra en place petit à petit... » Un sourire arbora son visage... « Mais comme tout système, il y a des avantages et des inconvénients, c'est indéniable... »
Son sourire niais, il ricana rapidement avant de reprendre.
« Tu comprends pourquoi j'ai dit que nous étions incompatible finalement ? Là où je tente de changer le monde, tu penses cela impossible préférant rester dans une zone de confort qui finira par imploser tôt ou tard... »
“Tu te trompes… tu te trompes encore”, Kukan en aurait presque ricané au nez de son interlocuteur si celui-ci n'avait pas l’air aussi sérieux à propos de tout cela. Par courtoisie, le colosse se fendit d'un sourire gêné pour s’excuser. -Je me trompe parce que j’ai du mal à voir comment ton système peut contrer l’anarchie que tu proposes d’instaurer. Je me trompe probablement aussi parce qu’un instant tu me parle d’enlever la monnaie, et celui d’après que si quelqu’un veut quelque chose hors de prix, un effort collectif le contrera. C’est faux, si tu enlèves la monnaie, rien n’est hors de prix, il ne te reste que le troc, un service ou des méthodes moins pacifiques. Ça veut dire quoi, “rien est impossible, plus de hiérarchie” quand tu veux quelque chose hors d’atteinte ? Sinon un vol, un meurtre, le fait de prendre par la force.
-Je me trompe parce que j’ai du mal à concrétiser la méthode à employer pour faire abandonner à des dizaines de millions de gens l’idée que la société à toujours été une bonne chose pour eux, notamment pour aider certains des plus faibles, en dépit des quelques jetés plus bas que terre et traités comme de la merde…
le colosse effaça gestuellement les idées qu’Aen lui jetait au visage concernant leur compatibilité d’un revers de la main dans le vide. -J’ai dit “mal voir” comment tu peux t’y prendre pour faire ton plan, pour convaincre les gens… Je ne t’ai pas dit que mon esprit était plus en paix avec le monde actuel. De mon point de vue rien ne change si tu passe de notre monde au tiens. Au lieu de chercher des missions dans les villages pour avoir de l’argent si j’en ai besoin, je n’aurais qu’à me contenter de la nature, si je me moque de mon intérêt personnel dans ce monde, ce n’est pas tellement pour qu'on me dise que je m’y sente confortable… De quelle zone de confort parle tu ? Celle des milliers d'innocents que ta volonté personnelle va jeter dans le fossé par négligence ?
La bête commença à hausser le ton, légèrement mis en colère par le jeu d’acteur faussement maître de la situation. -Mettons que tu changes le monde, mettons que tu transformes soudainement tout le monde à ta vision… Il reste un problème majeur, et tu l'as souligné dans ta phrase même si ce n'était pas pour indiquer un problème… “L’avantage principal, une fois que vous serez nombreux, c’est que rien ne pourra vous arrêter". Ce “Nous” que tu emploie ne pourra pas inclure tout le monde. Il n'inclut pas tes ennemis, parce que tu en auras, il n'inclut pas les gens les plus lointains qui mourront sous la botte d'autres se rappelant qu’il n’y a ni argent, ni hiérarchie pour leur imposer leur loi. Qui, dès lors, se targuera d’être un allié de la justice ? De se dédier au bien des gens si ce n’est les gens qui n’ont pas encore découvert que se servir est plus rapide, plus simple que de s’allier aux autres dans l'espoir qu’ensemble ils puissent protéger ceux qui ne peuvent se défendre tout seuls ?
La main du colosse tomba brutalement sur la rambarde, clôturant la colère d’un homme. Il prit un moment pour prendre une longue inspiration, passant l’autre main dans ses cheveux avant de se masser la nuque. -Je suis désolé de m’être emporté… Mais même si ma manière de vivre n’est pas affecté par tes choix ou tes projets, je sais que si tu arrive à les mener à bien ils seront susceptibles d’affecter des millions de vies. Hors pour qu’une décision de cette ampleur puisse tomber entre les mains de qui que ce soit, il vaut mieux que ce soit quelqu’un qui soit conscient des enjeux. Je ne dis pas là que tu n’en es pas conscient, si tu veux changer quelque chose, c’est que comme tu me l'as dit, tu as vu quelque chose qui te déplait dans cette société. Je cherche justement à savoir si les changements que tu comptes opérer sont en faveur du plus grand nombre, plutôt qu’une idée lancée sans fondement et qui risque de résulter en plus d’injustice que ce monde ci n’en voit déjà.
Kukan ferma les yeux, ses oreilles lui indiquant que plus personne ne trainait dans le coin désormais, il les rouvrit quelques instants après. -Ce monde ci est imparfait, certains seigneurs ne sont pas dignes de leur rang, certaines personnes n’ont pas le mérite qui leur est dû, certains crimes sont impunis, certaines personnes sont traitées comme du bétail, d'autres sont glorifiées sans raisons aucune et en profitent. Une partie de ce monde est pourrie, et quoi que tu y fasse, elle le sera toujours, et même si tu change ce monde, cette partie qui corrompt et bouffe le système pour se mettre à son propre avantage sera toujours là. Pas parce que tout le monde sera arbitrairement “incompatible”, ou parce qu’il “préfère rester dans une zone de confort”... Mais parce qu'à un moment ou un autre, il aura cette idée peu subtile de se dire “rien ne pourra nous arrêter"...
La bête leva sa main de la rambarde pour pointer un doigt sur un nœud dans le bois de celle-ci. -Cette chose que tu déteste, la hiérarchie dominante qui plie les autres à sa volonté, à ce point commun avec toi que leur idée est d’être invincible, ou du moins de se sentir comme cela. Il a ce point commun avec toi d’être isolé et d’avoir des idées qui dépassent son propre pouvoir. Si j’avais voulu être crédule, je t’aurais répondu que j’ai envie d’y croire, et que je vois bien que c’est tout ce qui manque pour faire partie de ton plan. Mais je ne veux pas me lancer dans quelque chose que tu n’arrive même pas à me convaincre, moi, qui n’ait aucune attache, que ton plan est bien fondé et bénéfique pour tout le monde. Si moi j’ai des doutes, comment convaincra tu quelqu’un qui a un pied dans la société que tu méprise ? Comment fera tu pour dire à un ninja qui se bat bec et ongle pour soutenir sa fille et la mère de celle-ci, qu’il peut abandonner sereinement son emploi, renier son allégeance, se parjurer, se mettre potentiellement le monde à dos pour quoi ? Pour simplement ne plus avoir à payer ? Le monde continuera à tourner, sa famille aura faim, elle aura besoin de vivre quelque part, quelque part en sécurité, pendant que lui rend des “services” pour d’autres “services”, parce qu’il n’aura d’autre choix pour s’occuper de sa famille. Et quoi, les gardes de la cité ou tu les aura conduits rendrons “service” également ? Comme le type qui s’occupe de la nourriture, celui qui gère la plomberie, l'électricité, les bains publics, le nettoyage ? Tous liés par un service à rendre pour sa propre sécurité, pour ses propres besoins ou ceux des autres. Tout cela sans aucun chef, et là je ne parle qu’une poignée de gens qui s'entre-déchirerons dès que l’un d’entre eux aura perdu de vue la vision que tu leur aura donnée et choisira de suivre son propre but.
C’était désormais à Kukan de ricaner, mais d’une manière plus tragique, légèrement triste. -Je retire ce que j’ai pensé avant que tu me dises que je me trompe… J’ai pensé que tu voulais nous renvoyer à l'âge du troc, du simple monde sans économie stable, ou les gens faisaient tout au juger, quitte à s'entre-tuer pour savoir qui de l’âne ou de la mule vaut le plus. Non, c’est plus similaire à ce que je vis lorsque je m’absente du monde des humains. Ce que je vois devant moi, c’est la justice de la loi de la nature. Ceux qui auront la volonté ou les talents pour prospérer le feront, les autres mourront, proies aux premiers… Et ta vision n’est pas assez fédératrice pour empêcher le monde de se consumer sous tes yeux sous prétexte qu’ils n’auront pas "cru" en elle.
Kukan leva une main, paume vers Aen. -Ne va pas me faire dire que je suis ton ennemi, ou croire que je me dit que ton idée ne séduira que les gens assez stupide pour croire a un monde pareil. Juste, tu ne m'a pas convaincu. Je ne peux pas y croire avec ce que j’en sait pour l’instant, vu que tu joues à cacher des choses alors que tu pourrais tout dévoiler sans aucun risque. D’autant que je me prête au jeu de chercher tous les points qui pourraient faire défaut à ton plan sans me vexer de te voir éluder chaque point de ton plan au point de partir sans te dire gentiment que si tu n’es pas sérieux tu peux toujours en faire une comédie que les nobles trouverons désopilante. Tu n'as absolument rien à perdre, mais tu préfères agir comme un gourou qui viendrait me vendre le concept pour une secte en me disant que tu a des plans impénétrables et bien ficelés. Si c’est bien le cas, je te répondrais la même chose que je leur réponds, “bien pour vous, si jamais votre plan se concrétise, j’aimerais bien voir à quoi cela ressemble, parce que rien ne fait sens dans votre charabia”. Si ce n’est pas le cas, J’imagine que si je ne suis pas encore parti c’est que je te laisse encore une chance de t’entrainer avant de te lancer dans le grand bain en parlant avec quelqu’un qui t’intéresse pour ton projet. Tu la dit toi même, ce monde est injuste, inéquitable, alors ne croit pas que convaincre quelqu'un de partir dans un plan à l'aveugle est tâche aisée.
Les dés étaient jetés, Kukan désirait une réponse franche, mais il doutait que l’homme aux cents interruptions dramatiques allait lui fournir autre chose que sa soupe. Quoi qu’il en était, il n’était pas peu fier de lui avoir laissé maintes occasions de s’expliquer, il regrettait juste de s’être emporté.
Intéressant. Le Colosse habituellement bavard sans excès, venait d'avoir un discours peu banal. Aen écoutait attentivement tout ce qu'il disait. La conclusion était la même : Kukan n'était pas dans le besoin, n'avait pas d'attache et semblait satisfait de sa vie. Il était difficile de convaincre quelqu'un sans aucun besoin spécifique de rejoindre une cause aussi ambitieuse que celle du Kinzoku. L'Homme au bob le savait : il était bien trop difficile de faire en sorte que le Rengeki rejoigne sa cause. Devait-il abandonner ? Ce n'était pas dans son tempérament. Il se satisfaisait de faire un signe de tête, et d'émettre quelques sons pour montrer à son interlocuteur qu'il écoutait bien ce qu'il disait. En revanche, outre le fait de vouloir le convaincre par des mots, il allait devoir s'y prendre autrement : le convaincre par des actions.
Après son long discours, Aen s'accouda à la rambarde. Le regard vers l'horizon, il restait silencieux. Les paroles de Kukan ne l'avait pas laissé indifférent comme vexé dans son égo. Il fronçait les sourcils preuve d'une longue réflexion. Les légères brises du vent qui commençait à s'élever firent virevolter le feuillage des arbres avoisinants tandis que la toge verte foncé du Kinzoku dansait telle une houle. Quittant son air interrogateur, il se redressa tout en expirant de fatigue. Se mettant de profil par rapport à la rambarde, il fit face à Kukan avant de récupérer son sourire forcé légèrement niaiseux.
« Finalement Kukan, tu as absolument raison ! » Dit-il retournant la situation. « Je dois probablement mal m'exprimer et peut-être est-ce la raison qui fait que nous nous comprenons pas. Néanmoins, je vais me permettre de clore cette conversation sur ce projet qui n'est actuellement pas prêt de voir le jour. » Fit-il tandis que son bob, sous l'effet du vent, fut à deux doigts de s'envoler rapidement rattraper par la main du concerné. « Je vais simplement réaliser une bonne partie de ce plan, et une fois fait, alors je reviendrais vers toi pour te montrer à quel point ce projet – aussi vague soit-il – a avancé ! »
Ce premier projet – celui qui allait suivre Aen toute sa vie tant le réaliser sera difficile – sera jonché d'obstacle. Le Kinzoku s'était crée un listing des objectifs à atteindre avant de pouvoir caresser les résultats de ce dernier. Le premier objectif était simplement de réussir à créer son organisation avec laquelle il pourra créer son village... Un petit village de mercenaire... Peut-être que ce premier objectif pourrait intéresser Kukan ? Il pourrait être dans le projet final sans même s'en rendre compte et finalement adhérer à celui-ci involontairement ? Ce Colosse était tout de même intéressant, et bien qu'il s'était légèrement emporté – et à juste titre, sachant la difficulté de parler la même langue sans se comprendre – il restait très intéressant pour Aen.
« Quoi qu'il en soit Kukan, mon premier objectif est d'abord de créer mon organisation de mercenaire pour – par la suite – créer tous ensemble un petit village. Si nous parvenons déjà à créer ce petit village de mercenaire, nous pourrons obtenir des fonds pour d'autres projets... »
Il tendait sa main vers le Rengeki comme pour faire affaire avec lui. Le visage plein d'espoir, la main franche, et le regard sûr de lui.
« Il n'y a pas de piège. Le projet sur lequel nous débattons depuis le départ n'est qu'un rêve que je caresse et mon optimisme fait que j'y crois dur comme fer. » Sa main gauche se leva montrant son index. « Mais j'ai quand même imaginé un plan B et je viens de te l'énoncer. » Son sourire niais devint un sourire presque diabolique. « Cet étape de mon projet – à savoir la création d'une entité de mercenaire – est la pierre angulaire d'un nouveau monde que nous pourrons mettre en place – ou pas. Car je ne serais pas le seul décideur : nous le serons tous... »
Aen l’avait écouté jusqu’au bout, mais l’avait-il entendu ? Là était la question, question laissée légèrement en suspens par l’homme au bob qui restait un moment silencieux après l’échange, peut-être pour faire un effet dramatique. Le colosse en avait un peu trop soupé, mais en regard à son emportement précédent, il s’empêcha de faire un commentaire ou de simplement s’agacer. Après son petit effet, le mystérieux marchand de rêves se décidait à reprendre son air de bonimenteur et de sourire au colosse avant de sortir un autre artifice.
Espérait-il vraiment que Kukan soit assez simple d’esprit pour gober qu’il avait tout compris en un instant ? Il revenait encore à une conclusion hâtive, et le grand homme fit juste un geste dédaigneux, comme demandant aux mots de s’en aller d’un mouvement de la main. “Nan, c’est bon, je crois que j’ai eu mon compte finalement, ce type vit dans un nuage, il a visiblement trop de temps à consacrer à ses idéaux pour réfléchir un peu au monde qui l’entoure.” pensa la bête rageusement. "Ça en est presque dangereux pour les malheureux qui diront oui à ses idées, dommage que j’ai donné ma parole que je ne ferais rien pour entraver son projet, ça me semble la meilleure chose à faire maintenant.” réfléchit Kukan dans le temps que prenait l’homme au bob pour attendre un peu avant sa nouvelle tirade.
En vérité, le musculeux avait eu raison dès le début apparemment, puisque le gringalet avait véritablement le désir de fonder son propre village et de le faire croître grâce à l’argent. Et puis finalement l’homme au bob concédait que tout n’était qu’un rêve d’une part et un plan B de l’autre, confortant l’idée dans la tête de Kukan qu’il était peut-être un peu trop candide pour ses ambitions.
Ça.. Il avait démontré une absence d’éloquence, de talent pour gouverner, d’ambitions réalisables, d’alliés déjà existants, et ça ça n’était que ce sur quoi il pouvait influer. Le colosse se dit que c’était perdu d’avance pour lui, mais décida quand même de le laisser poursuivre son rêve. De toute manière, ce n’était pas comme si il avait l’air d’entendre les conseils qu’on lui donnait. Quand Aen lui avait tendu la main, il l’avait serré en déclinant d’un geste de la tête et d’un “Je vais poursuivre ma route, je te souhaite bonne chance pour ton projet.”.
Tout était dit, le colosse en avait marre et il conclut hâtivement. -Vous serez tous décideurs, bien sûr.. lâchait Kukan avant de taper deux fois sur l’épaule de l’homme et de le dépasser pour aller ailleurs ou Aen ne serait pas.
C’était presque déplorable de voir un homme aussi âgé que lui tomber dans le piège d’une candeur aussi juvénile, mais soit. La bête n’avait plus qu’à s’extraire du champ de vision de l’homme au bob d’un pas presque colérique alors qu’il fouillait des yeux les environs pour trouver un endroit où manger et se reposer. Il faisait déjà presque nuit et ne pas finir à la rue était désormais une priorité, quoi qu’il en pensait. L’air commençait à se rafraîchir, aussi le colosse se rhabillait sans attendre de choper froid. Il finit par tomber sur une auberge aux prix pas trop dégueulasses, petite ristourne de saison chaude et un accès aux sources chaudes. Cela mit du baume au cœur de la bête alors qu’il s'engouffrait dans le bâtiment plutôt joli et visiblement agréablement bien servit.
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