L’arène 09 est un peu différente des autres plateformes d’entraînement. D’ordinaire, ce sont des cercles délimités par des murs solides. Ce qui a donné son nom de « marguerite » à la zone réservé aux combats de formation. Mais l’arène 09 est un brin différente, principalement parce qu’il fallait de la place et qu’en l’absence d’espace suffisant pour obtenir un cercle à l’air libre, il a fallu creuser dans la montagne. Ce qui fait qu’une moitié de la zone d’affrontement est à l’ombre d’immenses parois rocheuses, dans un demi-dôme qui offre une certaine dissimulation face aux menaces aériennes. C’est un mélange de graviers et de pierres qui constitue le sol et pour être tout à fait honnête, donne un aspect dévasté à l’arène 09. En un sens, c’est un endroit assez populaire pour les ninjas qui misent sur la distance : le gravier est constellé de petites dunes et de cratères, la portion en pierre cimentée au contraire, est lisse comme une table de billard. Couplé à la grotte ouverte qui constitue l’autre moitié du terrain, cela donne un certain relief au terrain. Idéal pour simuler une zone boisée ou urbaine. Il est rare que les ninjas s’affrontent dans des environnements stériles, savoir composé avec les circonstances fait partie du métier. Cerise sur le gâteau : l’immense caverne fait aussi poche d’air frais, ce qui rafraichit un peu l’ambiance, contrairement aux autres plateformes qui chauffent beaucoup. L’arbitre de plateforme 09, une jeune femme du clan Suibaku, a un soupir en voyant mes sacoches d’argile : nos bombes ont tendance à exploser en soulevant quantité de poussière et de pétillons. Si quelqu’un encaisse une de mes explosions, nul doute qu’elle sera crépite de gravier. Pour l’occasion, Waibe le médecin en chef des arènes s’est invité à la fête. Il me lance un bref regard mi-figue mi-raisin, sceptique : trois duellistes, dont une spécialiste des explosions. C’est le cocktail idéal pour provoquer des blessures graves et occasionné des blessés sérieux. D’autant plus de raisons de nous modérer et de nous contrôler. Néanmoins, cet affrontement est nécessaire, après le marché que nous avons passé, il faut que nous puissions faire nous confiance. Cela passe par combattre en unité, connaître les forces et les faiblesses de chacune, pouvoir compter les uns sur les autres. Tout cela ne s’acquiert que par une pratique assidue. En voyant les filles arriver, j’ai un hochement de tête soulagé : je craignais de rester plus longtemps seule en la présence de deux officiers. Si Waibe ne m’intimide guère, j’ai parfois un certain malaise à rester en présence de membres du clan Suibaku, même s’il s’agit d’une arbitre. Après tout, j’ai quitté le clan. Même si j’étais dans mon bon droit, j’ai parfois la sensation d’être considérée comme une traîtresse, quand bien même j’ai simplement refusé une tradition. Je m’incline devant Kaori et Muku.
« Bonjour les filles, j’espère que vous êtes en forme pour aujourd’hui. J’ai fait quelques gâteaux pour l’après-combat. » Des gâteaux aux haricots rouges, j’espère qu’ils seront à leur goût.
En se rendant à son match d'entrainement en triplette aujourd'hui, une seule pensée obsédait l'adolescente: vaincre au moins l'une de ces partenaires. Frustrée de ne pas avoir pu obtenir de victoires par K.O pour le moment, Kaori avait passé plusieurs semaines à réfléchir à de nouvelles approches tactiques afin de pouvoir remédier à son manque flagrant de mobilité et de précision dans les situations de combat rapproché. En effet, si elle disposait d'une force de frappe déjà non négligeable, son style de combat relativement lourd et pataud avait souvent montré ses limites face à ses adversaires successifs. Nanabe, Sayuri, même Muku avaient su tirer parti de sa lenteur pour la tenir en respect. Momiji de son côté, avait su faire preuve d'une créativité hors normes pour tenter de pénétrer la défense optimale de son assaillante. Et si la Mekata et sa maîtrise de la densité eut été la seule a réellement avoir été capable de la vaincre; l'adolescente ne considérait pas de son côté sa victoire technique sur Momiji, Muku et Sayuri comme absolues.
Telle était sa philosophie: dominer par sa force brute et ses capacités et non pas se reposer sur des notions aussi volatiles que le manque de chakra ou les technicités de la chose. Elle agirait et gagnerait comme elle l'avait toujours fait: par la soumission. Et ce, même s'il s'agissait de potentielles alliées. En vérité, la basanée considérait déjà la petite blonde comme une alliée précieuse car, au delà même de ses capacités héréditaires s'alliant merveilleusement avec sa propre spécialisation; Momiji avait prouvé être une mine d'optimisme et d'humanité, sa naïveté et son innocence naturelles fleurtant dangereusement avec la bêtise la plus désintéressée. Et bien qu'elle aurait sans doute eu du mal à le lui dire clairement, KAori appréciait ce brasier dévorant d'humanité contrastant admirablement avec son cynisme et son pragmatisme désabusé.
Muku, quand à elle, lui ressemblait bien plus; c'était peut être la raison pour laquelle la paysanne continuait de nourrir une certaine méfiance vis à vis de cette dernière. Car si la grandeur de leurs ambitions et de leurs égos étaient similaires, les deux femmes nourrissaient des natures à première vue totalement contradictoires. La manipulatrice de papier semblait se reposer sur des stratégies, des plans, des réflexions et semblait manier la langue avec maestria; tandis que la combattante ne s'embarassait que rarement de tels détails; préférant foncer dans le tas... souvent littéralement.
Et pourtant, aujourd'hui, ces trois femmes allaient se retrouver sur le même champ de bataille pour la première fois. Le prétexte donné semblait être de nouer des relations pour leurs futurs projets; mais les autres devaient à présent bien se douter que c'était là le cadet des soucis de la femme aux poings d'acier. Elle réfléchissait d'abord à vaincre, et le reste viendrait naturellement. Comme à son habitude, la brune se présente floquée de ses fringues d'entraînement dignes d'une friperie bon marché, et adressa des salutations amicales à l'assemblée. Waibe eu droit en plus à un clin d'oeil malicieux. Si les événements se déroulaient comme à chaque fois qu'elle avait tenté de se battre contre ses collègues, Kaori serait sans doute la plus mal en point à la fin de toute cette histoire.
Lorsqu'elle se tourna vers la petite blondinette, elle lui adressa un sourire approbateur, hochant la tête sans dire un mot avant d'observer les environs. Visiblement, ce terrain là était bien plus large que ce à quoi la jeune femme était habituée. Compréhensible étant donné que cette fois, l'affrontement allait comporter trois protagonistes. Toutefois, ce n'était pas à son avantage, contrairement à ses consœurs se complaisant dans le combat à mi-distance. Selon toute vraisemblance, les deux autres auraient tout intérêt à concentrer leurs attaques sur la seule combattante au corps à corps afin d'éliminer une variable de taille pour ensuite dicter leur affrontement sur des termes similaires. Néanmoins, l'argument qu'il était plus sage de se débarrasser d'abord d'un adversaire ayant les mêmes points forts que soit s'entendait également.
Kaori poussa un soupir pour se remettre les idées en place. De son point de vue, Muku représentait une menace plus sérieuse que Momiji de part la nature de ses assauts. En effet, son papier pouvait aisément trancher la chair, elle en avait fait la douloureuse expérience durant leur dernière entrevue; et contre de tels assauts, les défenses de la maitresse du Taijutsu étaient beaucoup moins efficaces. Momiji de son côté avait une créativité sans bornes et pourrait sans doute dévoiler des trésors d'ingéniosité une fois encore, mais c'était une variable aléatoire qu'elle ne pourrait que difficilement évaluer à l'avance.
De fait, se débarrasser de Muku en premier semblait être la tactique la plus raisonnable. Mais il lui fallait agir rapidement. Elle pris une grande inspiration et se placa à quelques mètres de distance de ces équipières avant de se mettre en position de combat. La journée promettait d'être pleine de surprises.
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