Au commencement, des hommes naquirent.
Des hommes qui avaient peur.
Mais aussi des hommes qui étaient fatigués d’avoir peur, d’avoir cette crainte de l’orage, du tonnerre, des tremblements de terre. Des héros qui étaient las de se rouler en boule en priant les dieux, des proies qui ont affuté leurs dents pour se transformer en prédateurs, quelque chose de pire que des loups, des animaux qui chassent par haine viscérale de la peur et de leurs ennemis. Des fauves qui poursuivent encore et encore les loups, les cerfs, tout ce qui leur a un jour inspiré crainte, ils les pourchassent, pour ne plus avoir peur, pour se tenir au sommet de la chaîne alimentaire. Pour que leurs enfants ne naissent pas dans la crainte du lendemain et des loups. Ce sont des hommes qui n’attendent pas la guerre, ils la font, puis ils rentrent chez eux, ils transforment les katanas en socs puis élèvent leurs familles dans la paix et la tranquillité.
Ce sont des hommes comme eux qui ont forgé Kumo, en s’inspirant des légendes qui les faisaient vibrer, car en agissant, les hommes deviennent héros, les héros deviennent mythes et les mythes deviennent légendes. Tel est le cycle vertueux de la réussite.
Bien évidemment, il y en a d’autres qui lâchent la balle dès le début de la partie, se foutent en position fœtal sous un arbre dès qu’il y a de l’orage et se disent que finalement, être une merde humaine ça passe. Sans prendre en considération qu’une vie attachée au trône de son seigneur, ce n’est pas une vie. Mais ils acceptent de vivre une existence de tabouret humain sans que ça ne les dérange.
Heureusement, à Kumo, ces gens-là ont tendance à disparaître.
Sinon, qu’est-ce qu’on subirait, un peu comme le pays du thé. Ils doivent avoir un pourcentage de gélatine dans leur ADN, c’est la seule explication plausible.
Mais bref, vous êtes venu pour une histoire à propos de ma fille Momiji, je vais donc vous raconter cette histoire.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, ma fille Momiji est partie en mission avec une autre genin, Kaori.
Petite aparté : je désespère de la voir avec Kaori, autant que je désespère de la voir avec un garçon. D’un côté, j’apprécie que ma fille prenne son temps pour choisir le bon homme, de l’autre côté, je sue toujours à grosse goûte quand je la vois en tête à tête avec une fille. C’est ma plus grande réussite et je suis heureux, mais bordel qu’est-ce qu’elle m’inquiète à l’occasion.
Momiji et Kaori sont en mission dans le Nord du pays pour résoudre une histoire, une vieille histoire intimement liée à Kaminari, qui à l’occasion refait surface. Pourtant aujourd’hui, ni mandée par la Raikage, ni par le Daimyo, les deux jeunes filles ont décidé de civiliser un petit peu plus le pays de la foudre. C’est du propre des hommes de guerre de ne jamais tolérer le mal où qu’il se trouve et le binôme en a décidé ainsi.
Car il reste une menace pour les populations les plus crédules de Kaminari, dans les forêts montagneuses, constituées presque exclusivement de sapins, ce qui lui a donné le doux surnom de « forêt noire », il y a un chêne. Un chêne au milieu d’une clairière qui pousse dans ce sol acide, un chêne malfaisant qui selon la légende, dévorerait les enfants qui se perdent dans la forêt. Alors, comme le veut la tradition, les habitants lui donnent une part des récoltes, pour apaiser son appétit infernal, afin que les enfants soient préservés. Il existe même des rumeurs comme quoi, parfois, un couple sacrifierait un enfant dont il ne veut pas au chêne. Un marchandage ignoble qui satisfait les mauvais parents et l’arbre maudit.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, Momiji et Kaori vont dans la forêt avec des haches.
Parce que les gens ont peur d’un arbre et qu’ils doivent avoir confiance en Kumo. Les gens doivent avoir confiance en les ninjas de la foudre comme ils craignent les arbres mangeurs d’enfants : car ce sont des entités surnaturelles, qui obéissent à des lois différentes du commun des mortels.
Aujourd’hui, c’est l’heure de prouver qu’un ninja, ça soulève des arbres, même ceux qui mangent des enfants. Ce chêne maudit, elles vont le ramener à Kumo et en faire du PQ.
Sur le chemin, ma fille ouvre la conversation.

« Tu penses qu’on croisera un esprit ? Ou alors, même les kamis ont appris à craindre Kumo ? »