« — Les standards esthétiques Kazejin sont ce qu'ils sont. Je n'y répond pas, et je suis parfaitement aligné avec cela. »

Et pour cause, à l’instar de son comportement et de son pouvoir, l’apparence de Benkei a toujours laissé circonspect. Au moment où il a été ramené dans la case de Masako à la suite d’une mission de reconnaissance au village de Rōran, les passants se sont penchés au-dessus de son berceau runique et ont pu constater qu’il était maudit d’une canitie intégrale et profonde. Ses cheveux, ses sourcils et ses cils abondants sont d’un blanc cristallin, presque violacé, qui brille de mille feux en réfléchissant la lumière. La curiosité de Celle qui la trouva fut déjà fermement sollicitée par le coloris de sa crinière, mais en relevant la tête, des lumières jaillirent de ses mèches en cascade et elle ne put s'empêcher une exclamation de surprise. Deux galaxies éthérées, profondes, mais ouvertes, venaient de l'absorber. Ses pupilles infinies sont serties d’un anneau de quartz bleu lune, leur profondeur est mise en exergue par des cils longs et soyeux. Son visage était déjà fin pour un nourrisson, et lorsqu’Elle l'a vu sourire innocemment dans sa direction, alors que le vendeur secouait son berceau pour le présenter aux acheteurs, cette kunoïchi a bondi, tel un fauve, et l’a récupéré. Est-ce qu’elle l’a choisi pour son apparence, pour cet échange de regard métaphysique, pour ce ris de pur candeur, pour cet appel à l’aide inconscient ? Dur à dire. Ce qui est sûr, c'est que Masako n'a jamais regretté d'avoir pris cette décision.

En grandissant, Benkei est devenu un éphèbe à la beauté androgyne, mais il s’en est vite caché. Si ses prunelles transperçantes furent très jeune couvertes d’un voile noir pour les protéger de la poussière ambiante et du soleil, c’est par pudeur et humilité qu’il préfère aujourd’hui se couvrir. De son faciès angélique, le shinobi des sables blancs n'a décidé d'exposer que son sourire radieux et son menton imberbe. L’admiration que l’exotisme de sa physionomie a suscitée chez certains, a été contrebalancée par le mépris que son manque de virilité évoquait à d’autres. Renoncer aux deux n’a jamais été un dilemme. Son style vestimentaire a dès lors été réfléchi dans cette optique : la discrétion. Le blanc de ses cheveux est de la sorte atténué par des tenues sombres, amples, mais droites, qui n’attirent pas le regard. L’efficacité de ces choix textiles ne doit toutefois pas s’extraire de la logique militaire à laquelle Benkei a adhéré en devenant shinobi. Pour enfiler les plastrons du village, et avoir une largeur de mouvement, tout en supportant la chaleur, ces vestes et ces pantalons en toile ont toujours été les partis optimaux.

Pour autant, en dépit de la réalité du terrain, il serait difficile de dire que Benkei suit les canons physionomiques du shinobi entrainé. Son corps ne présente ni les stigmates de l’affrontement et de l’entraînement, ni les privilèges. Une sveltesse féline, un dessin des muscles à peine esquissé, une peau douce et immaculée… Seul un détail trahit le labeur : ses mains. De minuscules éclats et des petites cicatrices sont inscrits sur ses poings, labourent ses phalanges et ses paumes, griffonnent ses carpes. Elles sont les garantes de sa dévotion à l’alchimie chakratique. Sa taille et son envergure viennent également trahir des facilités martiales : la longueur de ses bras mesure environ un mètre quatre-vingt-quinze, pour un bon mètre quatre-vingt-cinq. Il suffit d'ailleurs de le voir bouger pour en avoir le cœur net.

Car c’est sûrement cela qu’il faut retenir de ce que Benkei dégage. L’aisance avec laquelle il se meut au combat et l’aura de sérénité qu’il dégage, troublent par leur parfaite, et paradoxale, concordance. Il y a une cohérence intérieure, une finesse psychomotrice, qui émane dans chacun de ses faits et gestes. Lorsqu’il fait quelque chose, il parait savoir parfaitement ce qui a besoin d’être mobilisé en lui pour l’entreprendre, et cette minutie qui le distingue se retranscrit à la fois dans l’affrontement physique, dans le jeu, dans ses recherches, dans ses réflexions, dans ses missions… et dans la vie de tous les jours.

« — L’Univers m’a fait don de la capacité à épouser les dimensions ; ma réalité est donc, par essence, différente de la leur – nos perceptions, nos pensées, nos émotions, nos énergies sont basées sur des continuums parallèles. »

La vie est une magnifique parenthèse du néant, une disgression sublime que Benkei, depuis tout jeune, a toujours su regarder avec des yeux d’enfant émerveillés. Il y a dans la manière dont la faune, la flore, les minéraux, les éléments et les dimensions collaborent, une alchimie si pure et parfaite, qu’il est bien difficile de ne pas se sentir transcendé lorsqu’on commence à ne serait-ce que l’effleurer du bout des doigts. Notre réalité est gouvernée par des principes quantiques qui fascinent ce shinobi à la chevelure opalescente et qui animent chacune de ses interrogations philosophiques. Pour autant, une question se pose : pourquoi en est-il venu à s'intéresser à cela ? Déterminer comment s’est formée, en lui, cette passion mystique pour l’ineffable nous conduirait inévitablement à donner autant d’importance à l’influence percutante de Masako, sa mère, qu’au vécu empirique de son don héréditaire. La part de l’inné et de l’acquis, de ce qui est naturel et de ce qui est culturel, dans le développement comportemental d’un individu a toujours été sujet au débat, et là encore, dans le cas particulier de Benkei, ces notions fonctionnent de concert.

En effet, c'est sans doute parce qu'il était prédestiné à l'entendre, à l'écouter avec attention, qu'au cours d'une belle nuit étoilée, allongés sur une douce dune, la Déesse des Sables lui a évoqué une sagesse kazejin, une légende traditionnelle, pour accompagner ses rêveries éveillées… Leur discussion aurait commencé de la sorte :

« — Benkei ? À quoi penses-tu ?
— Aux étoiles que je regarde. Elles sont belles. Elles sont si… lointaines.
— Connais-tu l’histoire de l’homme qui les a créées ?
— Non, Okaa-san...
— Viens contre moi.
— D'accord !
— Il est dit que l’Univers est fait en une langue que tout le monde peut entendre, mais que tous ont oublié. L’histoire que je m’apprête à te conter, est celle d’un homme qui a su la comprendre à nouveau… D’aucuns l’ont surnommé le Jingi (神器, litt. trésor sacré), et cette langue, qui n'a pourtant pas de nom, pour t'en parler, je l'appellerai la Hannya (般若, litt. porte d'entrée vers l'Eveil)… »

Et tel que cela fut présupposé, ce mythe ne le quitta plus jamais. Il hanta ses songes jusqu'au bout des nuits et des jours, il transporta son esprit voyageur à travers les temps et les mondes. Poussé par ses capacités inter-dimensionnelles, comme porté par le silence éternel de ces espaces infinis, il décida donc d'incarner cette légende… ou plutôt devrions nous dire que cette légende décida de s'incarner en lui. Quoiqu'il en soit, comprendre le langage de l'Univers est devenu la quête absolue de Benkei ; à la fois la fin et le moyen pour y parvenir. À l'instar de ce sillon paradoxal vers il tend de tout son être, la génèse de son caractère parait également sans fin et sans début. Il serait bien aventureux de dire que cet illuminé a toujours été comme cela, au fond, et pourtant rien ne contredit une telle affirmation. Depuis tout petit, ses pensées et son regard se sont toujours tournés vers l’Ailleurs.

Aussi, les gens sont nombreux à penser que Nanashi Benkei est une personne sur qui tout coule, un être complètement hors-sol qui ne s'attache pas aux gens et qui, par un sang-froid à toute épreuve, ne réagit pas aux surprises. On a l'impression qu'aucune situation ne lui échappe, que tout est sous son contrôle, et la vérité n'est pas si éloignée. S'il est d'un naturel prolixe et affable et qu'il ose s'extasier sur des choses que certains jugeraient insignifiantes, telles que le circuit d'une goutte d'eau sur les nervures d'une feuille, la danse langoureuse d'une flammèche ou le discours d'un ancien incompris, il dégage, de fait, une aura de tranquillité profonde, presque abyssale, qui parle d'âme à âme. Benkei semble tout simplement être incapable d'éprouver des émotions dites « négatives », comme la peur, la tristesse ou la colère... Son sourire éclatant, qui affine son menton, creuse sa mâchoire et lui donne des airs nonchalants, presque je-m'en-foutistes, dissone pourtant avec le sérieux dont il peut faire preuve dans le cadre de ses missions.

La réflexion est un processus phare dans ses mécanismes décisionnels. Et c'est peu de le dire, puisqu'absolument tout, sans exception, motive sa curiosité et questionne sa réflexivité. Cependant, il ne faut pas s'y méprendre : cette prise de recul instinctive n'impacte en rien la ferveur de sa détermination. Il n'est, certes, pas du genre à foncer bêtement, et est, tout au contraire, plutôt enclin à refuser la confrontation si celle-ci présente des désavantages majeurs, mais il reste tout de même un des enfants de Masako et sera prêt à braver vents et marées, à remuer ciel et terre pour réaliser son rêve. Son éducation, comme susdit, a été structurante dans l'élaboration de sa psyché : il a été élevé par une véritable lionne, prête à tout pour protéger ses petits, y compris à les forger au combat, à l'adversité, et dont le dessein était d'unifier le monde, de gré ou de force, pour arrêter les guerres. La Déesse du Sable souhaitait une paix durable, une stabilité éternelle au sein de laquelle les Pays, les villes et les groupes prospéreraient en parfaite harmonie... À sa manière, Benkei suit ce crédo, puisqu'il est persuadé que c'est par la découverte de l'Ultime Vérité que l'unité tant désirée verra le jour, et bien qu'ils agissent tout aussi différemment que lui, il en est de même pour ses frères et sœurs.

« — Que voulez-vous ? Je divise. Ce qui paradoxal pour quelqu’un qui tend vers l’Unité, je vous l'accorde.... »

Il n'y est pas né, mais il est bel et bien un homme du désert. Tout le monde le sait, et il est même connu en cela... D'aussi longtemps qu'il s'en souvienne, Benkei n'a grandi que dans le Pays du Vent, et s'il est tout de même jeune, les anciens disent également de lui qu'il incarne, à sa manière, l'Âme des Sables. Au sein de Sunagakure no sato, qu'il a intégré depuis maintenant quelques années en tant que shinobi au moment de sa réhabilitation militaire, il est considéré comme un élément efficace, qui a fait ses preuves depuis longtemps. À vrai dire, ces lieux sont aussi empreints de son essence, puisqu'il y a tout de même grandi, en se fondant la criminalité ambiante sans toutefois y contribuer.

Néanmoins, sa personnalité clive énormément. Il est un être lunaire qu'on ne comprend pas ou trop peu, et qui, sans pour autant s'isoler, étant d'un naturel éloquent, semble s'intéresser à des abstractions absconses. Pour certains, il est d'un ennui sans nom, et pour d'autre, il est un génie merveilleux.




Il est l'un des enfants de la Déesse des Sables, une héroïne locale qui a œuvré à de nombreux sauvetages d'enfants et de civils dans la région. Cette femme magique a fait Benkei, en ce qu'elle lui a donné une voie, une voix à suivre, et qu'elle l'a choyé au point de lui ouvrir les yeux sur la munificence de l'Univers. Elle est la première personne à lui avoir donné de l'amour et non contente de l'avoir sauvé des griffes d'un vendeur d'enfant, elle l'a également aidé à devenir celui qu'il voulait être. Masako était une prophétesse, un ange gardien capable d'un amour abondant, inconditionnel et éternel, prête à tout pour que la paix, l'Unité, s'installe durablement. Benkei est le premier à la voir comme telle.

Cependant, dire qu'il souhaite lui ressembler serait rabaisser la nature de leur relation à un rapport binaire de mère-enfant, la vérité est qu'il s'imprègne de son rêve, celui d'instaurer une paix durable en ralliant tous les pays à une même cause, comme justification au sien, l'obtention de la connaissance absolue. Sa mère est la personne la plus empathique qu'il ait connu, porter ses rêves est ainsi un hommage à son humanité. Il l'aime de tout son cœur.



Shōbu est le frère avec lequel il a grandi. Ils ont le même âge, et ce garçon incroyable est le premier enfant à être entré dans sa vie. Depuis tout petit, Benkei n'a cessé de prendre la main de Shōbu pour l'attirer vers la lumière, il est tombé maintes et maintes fois, mais il l'a toujours aidé à se relever. Quelque chose de grandiose brûle au fond de lui, comme un soleil sous un drap, et ce feu a résonné dans l'Esprit de Benkei. Il a l'intime conviction, presque intuitive, que c'est grâce à lui qu'il trouvera la Hannya, d'une manière ou d'une autre. Leurs rêves ne sont pas si éloignés après tout.

Depuis la mort de Masako, ils ne se sont revus qu'une seule et unique fois en plein désert et ont parlé pendant trois nuits et deux jours. Ils se sont promis à ce moment-là de se retrouver et de ne plus jamais s'abandonner. Ils sont arrivés à Suna en même temps. Leur relation a évolué, car Shōbu, qui était déjà enclin au spleen, a réellement été impacté par la disparition de leur mère, et Benkei, plus que jamais, s'est enfermé dans sa quête spirituelle, mais la complicité au combat, le rapport de confiance et l'affection fraternelle est quelque chose qui s'en ira jamais.



Cette sérénité qui le gagne en permanence, comme un calme céruléen qui flotte entre les nuages, a longtemps été incarnée par la figure de Heiwa-chan. L'assurance charismatique de sa sœur a toujours fasciné Benkei. Dernière arrivée de la famille, à ses 12 ans, lorsque le shinobi à la crinière blanche n'en avait encore que 7, elle a su très vite s'adapter à son nouvel environnement et devenir une des quatre roues du carrosse. Benkei est la personne qui a le plus contribué à son intégration dans le groupe, en lui ouvrant les bras sans réfléchir et en lui donnant un amour fraternel dès le premier contact.

Masako a toujours été émoustillée par la relation de confiance tacite, plane et détendue, qui s'est installée en quelques secondes à peine entre les deux. Heiwa a également été l'une des rares personnes à être capable de suivre les divagations ésotériques du shinobi alchimiste dès la première conversation. Son analyse des rapports humains, sociaux et naturels est d'une précision que Benkei sait apprécier à sa juste valeur, et ils ont très souvent tendance à construire leurs échanges autour de cela. Son savoir-faire de marionnettiste a également passionné Benkei : du traitement des cadavres à la manipulation des fils, en passant par la construction mécanique des armes.

Depuis la mort de Masako, ils ont l'occasion de se recroiser plusieurs fois et de partager le thé.



À l'instar de sa sœur et de son autre frère, Benkei n'a pas une relation de hiérarchie fraternelle avec Kagen et le traite avec une fascination affective qui n'appartient qu'à lui. Il estime avoir énormément de choses à apprendre de cette étoile silencieuse, ne serait-ce qu'en l'observant, sans même qu'il ait besoin de lui dire parler, et pouvoir se permettre de lui en faire le témoignage pour l'aider dans sa propre réflexivité. Benkei apprécie la compagnie de Kagen, car il est une personne à l'écoute, humble et sincère. Sans se sentir lésé d'un devoir de protection pour autant, il a toujours eu, en écho à ce que sa mère montrait de plus humain, cette envie de l'aider à devenir ce qu'il désire être.

Plus jeune, Benkei a souvent eu tendance également à lui enseigner des tactiques de corps-à-corps et à lui donner des astuces pour malaxer son chakra. Il faut dire que ce garçon au pouvoir effroyable, celui du contrôle de la densité, lui a inconsciemment servi de cobaye pour tester l'étendue de sa maîtrise de l'Espace et de sa conscientisation. Kagen est un ninja puissant dont les brides ne sont que des illusions.

Depuis la mort de Masako, ils ne se sont pas encore recroisés. Benkei l'a pourtant cherché pendant plusieurs années.

« — Le passé est aussi loin de nous que l'avenir. Pour comprendre le passé, il faut avoir deviné l'avenir. »