D’ordinaire, en été, il fait beau, d’ordinaire. Aujourd’hui, c’est une pluie diluvienne qui s’abat sur Tsuchi, alors que le couvre-feu rattrape les derniers badauds et que tout le monde part se mettre à l’abri quelque part. Les hommes du Daimyo commencent mollement, mais sûrement, à patrouiller dans les rues. Ils ne sont pas trop motivés, mais ils craignent plus la colère du Daimyo que le courroux du ciel et en passant devant un poste de garde, j’en vois quelques-uns qui enfilent leurs capes de paille. Il va être l’heure de sortir vérifier que tout le monde rentre bien chez-soi, intimider les mercenaires qui pensent pouvoir filouter et pourquoi pas prendre un verre à la taverne locale. On s’ignore cordialement et ils partent de leur côté, j’ai encore quelques minutes avant qu’il ne soit officiellement interdit de circuler dans les rues.
Ce qui m’arrange, les auberges sont pleines et je n’ai toujours aucun endroit pour dormir. Je n’aurais pas dû barboter au fond de mon bain, à l’aube avant de partir. J’ai perdu du temps en restant au fond du bac d’eau, je suis arrivé un peu en retard sur mon horaire à Tsuchi et maintenant, je dois trouver un coin où passer la nuit. Sinon, je vais dormir dans les prisons du Daimyo et si je ne doute pas de sa bienveillance, je n’apprécie pas d’être l’hôte du geôlier. J’ai un coup d’œil vers le château du seigneur : c’est une ombre noire qui domine la cité. Définitivement, je me passerai volontiers de son hospitalité. Les barreaux et les chaînes me rappellent une période que j’aimerais oublier, mon service à Arashi n’était pas de tout repos, inutile de découvrir ce que cela fait, d’être du mauvais côté du bâton. Les auberges sont pleines, les habitations grouillent de mercenaires qui verraient d’un mauvais œil que je leur demande l’hospitalité, moi, un membre du clan Waiya et un ex d’Arashi. Si la plupart des prisonniers n’en réchappaient pas, avec l’évasion orchestrée par le Jinsei, je ne vais pas prendre de risque. Recroiser un type qui croupissait au trou ne me dit rien qui vaille. Techniquement, je pourrais dormir avec les traînes savates sous un pont, j’ai un hamac. Mais c’est une solution de dernier recours. Il faut que je trouve un endroit où dormir, au chaud et au sec. Sinon, je vais geler.
J’hésite une seconde : il me reste bien une possibilité, une carte à jouer. Je connais des gens au sein du clan Hougyoku : j’ai travaillé pour eux durant quelques années, avec Emika. Ils ont souvent besoin de mercenaires, ou plutôt de « saisonniers » comme certains aiment dire, pour faire les besognes qu’ils ne peuvent pas faire. J’étais un bon élément, c’est un peu culotté, mais avec un peu de chance, je réussirai à négocier un lit et un bol de soupe chaude. Tant pis, je couperai du bois et je ferai du jardinage. Plutôt que de passer par l’entrée principale, réservée aux gens importants, je fais le tour par les ruelles. La pluie me fouette le dos et m’incite presque à accélérer.
Finalement, j’arrive dans une petite cour, nichée entre plusieurs domaines qui appartiennent à la haute société de Tsuchi. C’est là qu’on trouve plusieurs entrées dérobées, pour les serviteurs et les saisonniers comme moi. J’ai un petit soupir, aussi anxieux que nostalgique : la dernière fois que j’étais venu, on m’avait demandé pourquoi Emika n’était pas avec moi. J’avais réussi à esquiver le sujet, ne souhaitant pas en discuter. J’ignore pourquoi, mais ce soir, je sens que je vais devoir en parler. J’observe un instant la propriété Hougyoku : derrière de solides murs en pierre, on distingue la toiture des maisons et le bâtiment principal, qui s’élève sur plusieurs étages. Les gargouilles qui doublent en tant que gouttières ont toute mon attention, puis toute ma révérence : elles sont belles. L’entrée secondaire est gardée par deux lions en pierre qui restent à leur poste qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige. Mais ce qui attire mon attention dans cette petite cour est la statue qui trône au centre de la place, sur un piédestal de marbre. Perchée sur le bloc de pierre, une cigogne en cristal noir veille sur ses petits. Par moment, lorsque le ciel gronde et qu’un éclair révèle toute la scène, j’ai l’impression qu’elle me suit du regard. Avec une certaine déférence, je m’incline devant l’oiseau : j’ignore si c’est un golem ou une simple décoration, mais dans le doute, je ne prends pas de risque et lui présente mes salutations.
« Haute cigogne du clan Hougyoku, je viens en paix, prêter une fois de plus mes services à ton clan. Je ne souhaite rien de plus qu’un travail honnête. »
J’ai appris à craindre le ninjutsu et à ne pas me fier aux apparences. Je m’abrite sous le petit préau qui domine la porte d’entrée, retire ma capuche et corrige ma tenue. Finalement, j’ai bien fait de prendre un bain ce matin. Pour mettre toutes les chances de mon côté, je mâche une feuille de menthe en toquant à la porte. Je l’avale quand j’entends quelqu’un arriver. On m’ouvre. C’est une demoiselle qui se présente à la porte, une blonde aux cheveux longs dans un beau kimono.
« Bonsoir, mes excuses de vous déranger à cette heure-là. Je suis Waiya Akula, un saisonnier qui a travaillé plusieurs fois pour le clan. » J’ai fait un peu de tout pour eux, elle doit voir qui je suis. « Je me présente à vous car je cherche du travail et l’hospitalité pour la nuit. » Je pince les lèvres.
C’est culotté, mais parfois, quand on cherche un lit chaud, il faut savoir compromettre avec son égo.
C'était le déluge, depuis des heures, on pouvait entendre la pluie tabasser les tuiles de terre cuite. Les membres du clan s'étaient en partie tout isolés dans leurs appartements. Quelques domestiques terminaient leurs tâches avant d'aller se reposer. Saxa était dans les siens et brossait sa longue chevelure assise à sa vanité. Un cône d'encens brûlant et la fumée ondulait de bassin en bassin dans le brûleur en oryx qu'il avait sur son meuble. De l'autre côté, une bougie brûlait derrière un globe cristallisé. Enfin tout dans cette chambre était de grande valeur, allant de sa vanité en quartz jusqu'à sa brosse en ivoire. Vêtue d'un simple kimono de nuit fleurie dans les tons de pêche et de rose, la demoiselle se préparait à se mettre au lit perdu dans ses pensées.
Tant de choses c'étaient passés dans la dernière année et pour la pluspart, que des déceptions et de la douleur Ce serait mentir que de dire qu'elle ne repensait pas à Ikta... Cela faisait des mois qu'elle lui avait annoncé l'union politique avec le Kazan dont on l'accablait. Son amour avait décidé de quitter le pays et ce sans même un dernier adieu... Enfin, avait-il vraiment d'autre choix que de se séparer ? Se battre pour elle aurait été du suicide... Puis Haiko... Ce Kazan impétueux à qui on l'a fiancé ne lui inspirait rien de bon... Heureusement, il était parti en mission pour le Daimyo... Une très longue mission, cela faisait près de deux mois qu'elle restait sans nouvelle ce qui commençait à agacer Kanato qui attend impatiemment son retour pour célébrer ce mariage tant attendu.
Puis il y a Tenryu... Voilà maintenant près d'un mois que Saxa est revenue de Konoha et elle y repense encore... Cet homme, ses paroles. La kunoïchi repensait à ce qu'il lui avait dit au sujet des sacrifices qu'elle faisait pour son clan et pour la résistance de Tsuchi... Que le jour où elle arrêterait de se sacrifier pour les autres, c'est le jour où elle commencerait à vivre. Son regard fixait le néant à travers son miroir. « Quand vais-je accepter de commencer à vivre ? » Se demandait-elle en repensant à tous ce qu'elle faisait pour les autres depuis tant d'années.
''Pac, pac, pac''
La jeune femme secouait la tête et terminait de descendre la brosse dans ses cheveux avant de tourner la tête en direction du bruit. « Qui peut bien cogner à la porte à cette heure ? » S'interrogeait-elle avant de se lever. Celle-ci plaçait son kimono court avant de sortir de ses appartements pour aller vers la porte. En y arrivant, Saxa voyait une domestique s'approcher de l'entrer pour ouvrir, la femme lui faisait signer qu'elle s'en occuperait et la demoiselle repartait vaquer à ses occupations. Elles avaient si peu de temps pour elles, il n'était pas utile de sacrifier ces précieuses heures de repos pour cela. L'Hougyoku saisissait donc l'anneau de la porte pour l'entre ouvrir légèrement afin de voir à qui elle ouvrait.
Saxa le regardait de bas en haut. Dans l'obscurité, il était difficile de distinguer l'individu, cependant, lorsqu'il se présentait et qu'elle distinguait son visage sous sa tignasse blonde mouillée, en effet il ne lui était pas inconnu. Il s'agissait de l'un des mercenaires que Kanato cachait dans sa manche. La femme hochait la tête et ouvrait un peu plus la porte pour l'inviter à entrer. Son chef était absent pour des raisons d'affaire tout comme son oncle ainsi que son père. Il y avait maintenant que très peu de membre chargé de prendre les décisions dans le domaine, donc la kunoïchi en serait garante.
_Entrez, vous êtes trempé ! C'est en le voyant à la lumière que ses traits lui semblaient beaucoup plus familier, la jeune femme souriait avant de refermer la porte derrière lui.
_Restez sur le tapis, je reviens. La femme le regardait une dernière fois en tirant sur son kimono pour s'assurer qu'il était bien placé avant de tourner les talons et partir dans la buanderie. La demoiselle récupérait une grande serviette et fouillait parmi les kimonos masculins. Une tenue plutôt sobre et détendue qui serait sans doute mieux que ses vêtements complètement trempés. L'Hougyoku revenait vers lui. Ses pieds nues sur le marbre résonnait que très peu contrairement aux cliquetis de son bracelet de cheville. La demoiselle lui tendait d'abord la serviette pour qu'il puisse éponger le plus d'eau possible de sa tenue.
_Les appartements des domestiques sont complets, alors je vais vous donner un quartier réservé aux invités. Ajoutait-elle avant de lui faire signe de le suivre et partir en direction de cette chambre qui est surtout destiné à la noblesse, donc les appartements sont loin d'être modestes. C'est surtout une autre façon pour le clan Hougyoku d'impressionner les invités avec leur extravagance. La demoiselle glissait la porte coulissante et entrait pour porter le kimono sur une commode, elle allumait la lumière tamisée et le chauffage de la salle de bain.
_Voilà il y a tout ce qu'il vous faut pour vous mettre à l'aise, lorsque vous aurez terminé, je serai dans la chambre de thé au bout du couloir. Disait-elle en pointant à sa droite pour désigner la direction qu'il devait prendre.
_Au fait, moi c'est Saxa. La kunoïchi sortait donc des appartements pour aller préparer le tout pour faire un bon thé et chauffer la pièce pour y être confortable. La chambre de thé avait un grand hublot et un mur vitré qui donnait sur les grands jardins. La pluie glissait sur le verre des carreaux et il n'y avait que les éclairs qui éclairait la vue. Cependant, l'ambiance que cette nuit pluvieuse apportait était assez agréable et reposante, ce qui allait bien avec le oolong latté qu'ils partageraient en discutant travail. Normalement, à son arrivé, Akula pourrait voir une petite table avec des coussins sombres, une théière de fonte avec deux petits gobelets assortis. Un petit pot à lait et un chandelier.
On me fait entrer, je fais un bref pas sur le côté pour laisser toute amplitude à mon hôte pour refermer la porte. D’un bref geste, elle pince ma veste et me fait faire un pas sur le tapis, que je reste bien au centre du paillasson et me dit de ne pas bouger, qu’elle revient. Du coup, je me retrouve avec ma cape de paille, mes fringues trempées et mon allure de chien mouillé dans le vestibule. Je consulte brièvement ma montre, pince les lèvres et attend, un peu embarrassé. Je suis dans la demeure des grands patrons, difficile camper.
D’habitude, c’est une servante qui m’ouvre, me dit d’aller dans les quartiers des domestiques ou vers les écuries (quand c’est une mauvaise période) et je me retrouve à installer mon hamac pour une nuit avec les chevaux. Mais ce soir, en détaillant un peu plus la blonde qui m’accueille, je me rends compte à ses longs cheveux au vent et son beau kimono de nuit que je comprends. C’est la maîtresse de maison qui m’accueille, j’en reste sans voix quelques instants et m’incline respectueusement, quand bien même elle ne peut pas le voir. Elle est belle, après une journée comme celle-ci, je ne vais pas me plaindre d’une bonne surprise. J’ai un très bref regard sur ses courbes, puis elle disparaît à un angle.
Je mets l’attente à profit pour réfléchir, elle m’est familière, je n’arrive plus à me souvenir de son nom, mais je sais qu’elle est la fille du grand chef. Mieux vaut ne pas avoir les yeux baladeurs, il y a motif à pêcher mais le châtiment serait plus grand encore. C’est le cliquetis de son bracelet de cheville qui m’informe de son retour. Un peu surpris de la voir revenir avec une serviette un kimono soigneusement repassé et amidonné, je prends la serviette et m’éponge.
« Merci beaucoup mademoiselle, » les cheveux, les vêtements, je suis trempé jusqu’aux os et je veille à ne pas en mettre partout en m’épongeant. Je retire mes chaussures, notifiant au passage que les semelles commencent à se décoller, au bout de trois ans de service, elles peuvent. Je les laisse sur le paillasson et suit la demoiselle qui m’emboîte le pas. Elle m’explique que les appartements des domestiques sont bondés et qu’il n’y a plus de place et donc, que j’aurai droit au traitement de luxe. Les quartiers réservés aux visiteurs nobles. Trop honnête pour mon propre bien, je lui réponds sur le ton de la confidence, « je m’attendais aux écuries ou au préau, je vous suis humblement reconnaissant pour ce traitement de seigneur. » Je m’attendais à bûcher quelques jours, finalement, je vais devoir bûcher quelques semaines.
Elle ouvre une porte et me présente ma chambre : futon bien matelassé, salle de bain avec carrelage chauffant. Tout a été refait à neuf. Je m’incline une nouvelle fois, pour une fois qu’on me traite comme un être humain, je ne vais pas me plaindre, bien au contraire. La demoiselle pose le kimono sur un meuble, se présente sous le nom de Saxa et par réflexe, je me présente de nouveau.
« Akula, enchanté. » On s’était déjà croisé, mais nous n’avions jamais été présentés de manière formelle. « Je me dépêche. » Elle me laisse pour aller préparer du thé.
Je me désape et embarque le kimono. Il a une odeur de lavande. J’observe la salle de bain un brin songeur et plutôt que de prendre un bain, je me contente d’une toilette de chat. Je me suis déjà lavé ce matin, je ne vais pas faire attendre Saxa, mon gant de toilette, du savon et un bref coup d’eau suffiront. Je pose mes fringues trempées sur un étendoir et soupire. Tout ce luxe, je crois que je vais bûcher quelques mois ici, le temps de rembourser ma dette. J’enfile le kimono de nuit et pince les lèvres en voyant qu’il m’arrive à peine jusqu’aux genoux. J’ai une grimace un peu gênée : on passe de dormir intégralement fringué dans un hamac, quelque part entre Taki et Tsuchi, à prendre le thé en kimono de nuit, avec la princesse du clan Hougyoku. En me regardant dans le miroir, je pince les lèvres : le kimono dévoile un brin mon torse, rien de vulgaire, ce doit être la mode qui veut ça. Manches courtes qui arrivent aux coudes. En voyant mes jambes, je ne regrette pas de faire tous mes déplacements en marchant : le kimono m’arrive aux genoux, je n’ai pas deux baguettes en guise de guiboles. L’esthétique compte avec ce genre de kimono de nuit et j’ai le physique adapté.
Je rejoins Saxa dans la chambre de thé. J’écarte le panneau de riz, entre en le refermant derrière moi, le tout saupoudré du protocole traditionnel, quand bien même cela va faire des années que je ne l’ai pas appliqué. Depuis la dernière fois que je suis venu, je crois. Cela remonte à si loin ? Je détaille brièvement la pièce du regard : Saxa est évidemment le centre du tableau, elle est la première chose qu’on notifie, très digne, très belle, très élégante. Dans la périphérie de ma vision, c’est le hublot et le mur vitré qui attirent mon attention : ils donnent sur les grands jardins, perclus d’obscurité. On distingue à peine ce qui se passe à l’extérieur, mais depuis les jardins, nul doute qu’on nous voit. Le chandelier diffuse une lumière tamisée qui m’aide à être en confiance. Dehors, l’orage gronde, il y a des éclairs et du tonnerre. Dans cette ambiance aussi informelle qu’intimiste, je m’assois face à Saxa, sur le petit coussin noir qui m’est réservé. L’occasion d’une tasse de thé et d’une petite conversation.
« Comment se porte le clan ? » Je prends une gorgée de ma boisson, « le thé est délicieux. »
Le mercenaire arrivait enfin en passant entre les panneaux de feuilles de riz pour les refermer derrière lui les laissant dans l'intimité de cette pièce sombre, mais pas froide pour autant. Les flammes des bougies aidaient à réchauffer l'atmosphère. Le kimono était un peu court pour lui et il ne semblait pas très à l'aise de le porter, au moins il en faisait l'effort. La kunoïchi souriait et détournait le regard pour le laisser s'asseoir sans le fixer. Un grondement de tonnerre puis Akula entamait la discussion demandant comment se portait le clan avant de goûter son thé. La femme hochait la tête suite au compliment et faisait de même que lui en goûtant sa boisson du bout des lèvres.
_Les affaires sont stables, mais cela ne vous surprendra pas d'entendre que mon oncle ne s'en satisfait pas. Il veut toujours plus. La femme prenait une cuillère et la secouait doucement dans son gobelet pour en refroidir le contenue.
_Alors, dès son retour, je suis sûre qu'il aura quelque chose pour vous. J'ai entendu dire qu'il était parti régler quelques problèmes à la mine aux frontières du pays du fer. Les Kinzoku nous a toujours autant en horreur... On dirait. Ajoutait-elle avant de sortir sa petite cuillère de son gobelet et laisser tomber les gouttes avant de la déposer sur sa serviette pour prendre une bonne gorgée de son thé. La jeune femme fermait les yeux avec un petit sourire pendu à ses lèvres. Un long frisson de chaleur apaisant la détendait jusqu'au coup de tonnerre suivant.
_Enfin, Kanato se chargera de vous expliquer en temps et lieux. Pour l'instant, faisons connaissance, je ne crois pas qu'on se soit déjà adressé la parole vous et moi, bien que je reconnais votre visage. L'Hougyoku se mit à le regarder plus sérieusement, peut-être que cela allait le mettre mal à l'aise, mais celle-ci ne cherchait pas à le ''matter'' grossièrement, juste l'analyser pour mieux cerner le personnage.
_Alors parlez-moi de vous, d'où vous venez, votre âge, qu'est-ce qui vous a pousser à être mercenaire et surtout... Comment en êtes-vous venu à travailler pour mon oncle ? Car, il faut se l'avouer, les shinobi ne se jettent pas à nos portes pour du travail. Même si on paie bien, les gens préfère ne pas se mêler de nos affaires. Après une dernière gorgée, Saxa posait son gobelet et s'accoudait sur la table en croisant ses doigts devant son visage avant d'y déposer son menton.
Saxa m’annonce que son oncle cherche toujours plus, ce qui est compréhensible : la vie de ninja est dangereuse. Il est pertinent de jouer sur le long terme en cherchant à maximiser les sources de profit et de pouvoir pour la famille. Selon elle, il y a encore des problèmes à la frontière et cette fois-ci, ce n’est pas moi qui m’occupe du sale boulot. Je ne dis rien, les Kinzoku ont souvent été problématiques aux affaires du clan. Rien d’inhabituel, je prends une gorgée de thé en écoutant attentivement ses explications. Bien malgré moi, en dépit de l’ambiance tamisée, je retrouve mes réflexes de saisonnier et écoute avec une attention renouvelée la maîtresse des lieux. Jusqu’au moment où elle plante son regard sur moi avec une curiosité non feinte, sérieuse. Je m’apprêtais à resserrer le col de mon kimono, mais au dernier moment, je me retiens : ce n’est pas mon physique qu’elle observe, mais mon attitude. Je reste opaque, ne souhaitant pas en dévoiler d’avantage qu’il ne faut, même si les quelques balafres que j’ai récolté au fil des ans en disent déjà beaucoup. Finalement, Saxa me pose les questions tant attendues : qui suis-je, comment suis-je devenu mercenaire, mon âge, pourquoi travailler au nom de la maison Hougyoku. J’ai un sourire, ce n’est pas tous les jours qu’on s’intéresse à moi. Sans grande hésitation, principalement parce que ce sont des réponses que j’ai déjà donné, je m’efforce d’y ajouter une touche personnelle. Elle m’a accueillie avec une hospitalité que je n’attendais pas, c’est la moindre des choses que d’être le meilleur des invités.
« Je suis un ninja de Taki, du clan Waiya plus exactement : les fameux manipulateurs de fils. Nous sommes un clan tout jeune. » Quant aux autres réponses, j’essaie d’ajouter quelques détails croustillants, de sorte à ne pas tomber dans le mélodrame. « Je suis devenu mercenaire par soif d’aventure, pour découvrir le monde et ses secrets, faire des rencontres. J’aime beaucoup voyager, c’était le métier idéal pour moi. Contrairement à d’autres qui sont solitaires, je travaillais en binôme avec mon épouse : votre maison paie bien, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes venus. On est devenu saisonnier : on arrive au printemps et à l’hiver pour certaines missions ou corvées, on reçoit notre solde et on reprend notre circuit. Cela a duré un temps, puis j’ai dû partir travailler au pays de thé. J’avais des problèmes d’argents et je connaissais des gens qui payaient des sommes mirobolantes. » L’argent fait tourner le monde, j’avais mes raisons et je ne regrette rien. Parfois, le voyage compte plus que la destination. J’ai un haussement d’épaule. « J’ai repris mon circuit habituel avec l’apparition du Jinsei. Les affaires sont les affaires, je veille toujours à délivrer un service de qualité. Je suis dans le début de la trentaine, même si souvent, on me donne moins. » J’ai un regard vers elle.
Saxa me fait penser à ces jeunes qui n’ont pas encore l’expérience du réel, mais l’enthousiasme d’apprendre et de se perfectionner. Quelque chose me dit que sous ses airs de jeune fille innocente, elle a quand même du vécu. Une certaine sagesse dans son regard, peut-être ai-je tort, autant le savoir tout de suite.
« Et vous ? Comment est la vie au sein du clan ? J’imagine que votre oncle vous traite avec une vigueur martiale non ? » S’il traite les membres de sa famille comme ses mercenaires, avec justesse mais sévérité, il doit avoir une dynastie de fer.
Il tonnait et la pluie tapait sur les tuiles comme un petit torrent pourtant si agréable et apaisant, enfin, pour Saxa ce l'était. Akula commençait à parler de lui, de qui il était et d'où il venait. Ainsi que ses motivations pour devenir mercenaire. Il venait donc d'un Pays voisin et issue d'un jeune clan... Ces fameux manieurs de fils. Ils étaient peu connus et pourtant une sombre réputation planait sur eux comme quoi ils étaient habités par un parasite. Saxa se mit à le regarder un peu plus, elle n'avait encore jamais eux la chance de rencontrer un membre du clan Waiya et pour tout dire, elle ne les imaginait pas comme ça. Son invité avait l'air beaucoup plus doux que ce qu'elle s'était imaginée. Un stéréotype barbare ou primitif l'aurait moins surpris, mais elle n'aurait pas été portée de lui ouvrir sa porte et de l'inviter si tel avait été le cas.
Son histoire était intéressante, il n'était pas devenu mercenaire pour de mauvaises raisons, mais pour une certaine liberté et pour pouvoir découvrir le monde, ce qui faisait beaucoup de sens. Voyager, aller où le vent nous mène, n'appartenir à rien, ni à personne, être libre comme le vent. Cela était un idéal que Saxa ne pouvait atteindre, mais elle pouvait comprendre ce qui poussait les gens à choisir cette vie. De plus, il ne vivait pas cette vie seul. Il était accompagné par sa femme. Ce mode de vie lui rappelait celui de Raesthra et de sa femme... Sa femme qui connut une fin tragique à l'issue du combat qu'ils menaient. Parcourir le monde avec la personne que l'on aime et tout vivre ensemble, ce devait être quelque chose d'unique, une façon de se sentir vivant, à deux.
Toutefois, il avait repris son chemin... Mais il ne mentionnait plus le ''on'' et il était ici seul, est-ce que son épouse avait connue la même fin qu'Haneko ? Seulement, il n'en parlait pas et souhaitait sûrement pas en parler, remuer ce genre de souvenir fait toujours mal et en parler lors d'une première rencontre n'est pas forcément une bonne idée. Mais cela amenait Saxa à réfléchir. « Est-ce le genre de fin qui attend toutes les femmes qui rejoignent cette vie ? Sommes-nous trop faibles pour ce genre de vie? Est-ce que Kanato a raison? » La kunoïchi détournait le regardait avant de prendre une gorgée de thé et revenait à Akula lorsqu'il lui posait une question à son tour. La femme déposait son gobelet en gardant ses mains autour pour les réchauffer.
_Oh, beaucoup moins excitante que la vôtre je le crains. Lorsque nous voyageons, c'est pour affaire et donc pas encore aux quatre coins du Yukaan, même si c'est le rêve de Kanato. Répondait Saxa en premier lieu avant d'acquiescer d'un petit sourire.
_Certains membres ont plus de chance et s'aventurent assez loin, mais ce n'est pas mon cas. Je les envie, mais Kanato a d'autres projets en ce qui me concerne. En tant qu'Héritière, mon rôle est surtout politique, alors oui, il me traite avec beaucoup de vigueur pour faire de moi la parfaite petite épouse et servir ses projets d'expansion. La femme avait lâché son gobelet pour tracer des cercles sur la table avec son ongle. Elle accoudait son autre bras sur la table et venait se masser la nuque, un peu par ennui pensant à ce qui l'attendait.
_Alors malgré tout le respect que je lui dois... Je l'emmerde. La demoiselle ouvrait grand les yeux et se redressait en posant une main devant sa bouche. En effet elle le pensait, mais elle n'avait pas vraiment l'intention de le dire, surtout pas comme ça, ni à un étranger. Juste repenser à toutes les magouilles de Kanato lui faisait aussi penser à ce qu'il avait fait vivre à Ikta juste pour continuer d'avoir de contrôle sur elle. Son chef n'était pas une personne honnête, ni très droite. Un menteur, un magouilleur et un manipulateur. Seulement trop influent et puissant pour perdre sa place, il jouait bien ses cartes et cela lui procurait un grand avantage... Saxa l'avait tout simplement en horreur. Donc, jouer la comédie restait le meilleur moyen de ne pas éveiller les soupçons et de continuer à tout entendre et étudier sans qu'on ne s'en méfie. Au moins avec chance son commentaire passerait sur le dos de la jeune femme frustrée de devoir épouser un homme qu'elle n'aime pas
_Je ne voulais pas dire cela comme ça, désolée. Ajoutait-elle après avoir baissé sa main de devant son visage. La kunoïchi tournait la tête vers les panneaux de riz qui fermait la pièce. Aucune silhouette ne circulait dans les couloirs, ce qui était déjà une bonne chose, Akula devait sans doute être le seul à l'avoir entendu.
_Vous savez quoi ? Il n'y a pas que du thé dans cette pièce. Disait-elle en se relevant doucement pour quitter la table et aller vers une toile qui décorait le mur. Saxa se retournait vers son invité avant de pousser le cadre pour le déplacer et dévoiler une cavité dans le mur avec une bouteille de sake et des petits gobelets. L'Hougyoku revenait à la table et posait les nouveaux gobelet sur celle-ci avant d'ouvrir la bouteille.
_Heureusement il se boit tout aussi bien froid. Kanato cache toujours une bouteille derrière ce cadre. Selon lui, ça aide à délier les langues lors des négociations. La demoiselle leur versait chacun un peu de sake avant de s'emparer de son petit verre en terre cuite et de le présenter à son interlocuteur.
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