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La caravane rouge. [PV Benkei]
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Waiya Akula
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Errant
Waiya Akula
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Waiya Akula
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Waiya Akula
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Waiya Akula
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Cela va faire plusieurs jours que nous arpentons le désert. Plus exactement, cela va faire deux semaines que nous faisons le tour du pays du vent, à escorter des camelots et autres marchands en quête de profit. Nous progressons en file indienne, à marcher dans les pas des autres pour espérer tromper la fatigue, en priant que le sable tassé soit plus clément que le sable fin des dunes. Mais avec les jours qui se suivent et se ressemblent tous, c’est la lassitude qui nous guette plus que l’épuisement.

Aujourd’hui, je suis le marcheur de tête avec notre guide, une dénommée Sura.

Décrire Sura est un exercice relativement complexe, non pas parce que c’est une beauté infinie ou au contraire, une femme laide. Non, en réalité, c’est une demoiselle troublante, avec un beau visage et de beaux cheveux noirs, la peau mate, simplement, en regardant son regard bicolore, on se rend compte que la vie ne lui a pas fait de cadeau. L’œil droit est bleu, l’œil gauche est de porcelaine, il y a encore la cicatrice du coup de sabre qui lui a tranché l’original. C’est une tribale, elle descend des clans nomades qui arpentent le désert et connaissent chaque dune comme le dos de leur main. Elle ne parle pas beaucoup et lorsqu’elle ouvre la bouche, souvent, c’est pour nous sermonner. Le désert l’a remodelé à son image : impitoyable, plein de ressource et mortel. J’esquisse une œillade vers son cimeterre, il est joli, mais au vu des rayures, doit avoir l’âge de sa propriétaire : deux décennies et des poussières. Sura rajuste brièvement son keffieh noué autour du visage, elle m’accorde un bref regard, puis reprend la marche, menant son chameau par la bride. Sans rien dire, elle a un bref signe de tête vers une dune. Ne comprenant guère où elle veut en venir, je me contente de marcher à ses côtés, mon âne est trop fatigué pour protester. De toute façon, chiffon doit avancer ou lui aussi, le désert l’avalera.
Nous escaladons le sommet des dunes et en voyant ce qu’il y a de l’autre côté, j’ai un soupir de soulagement : l’oasis du salut. Aujourd’hui il n’y a personne d’autre qui y fait halte, cela veut dire que nous l’aurons pour nous seuls. J’en profite pour tirer ma gourde et la vider de ses dernières gouttes.

« Akula, » me hèle notre guide. « Descend, va prévenir les autres que nous arrivons, ils se tairont peut-être. » Je tourne les talons.

Le reste de la caravane me fait face : une dizaine de marchands, autant de mercenaires. Une vingtaine de chameaux, avec quelques ânes et pour les plus riches, des chevaux. La plupart des montures sont chargées à blocs de marchandises, d’eau et de vivres. Quelques privilégiés restent à dos de cheval, ils sont assez riches pour entretenir deux montures, ce qui dans le désert représente une petite fortune.
Je brandis haut ma gourde et les autres comprennent. Mon signe est accueilli par un soulagement collectif, sous les écharpes, voiles et autre keffiehs, on distingue des sourires béats. On cuit au soleil depuis des jours, un peu d’eau fraiche nous fera du bien. Dormir à l’ombre des palmiers et profiter de quelques dattes me changeront de la viande séchée que j’avale depuis des jours. Avec un peu de chance, Sura nous fera du thé ce soir : je ne savais pas qu’on pouvait mettre du millet, du lait, de la graisse, du sucre et que sais-je encore, puis rajouter quelques feuilles séchées et appeler ça du thé. En tout cas je remercie les kamis pour cette boisson : sans elle, le voyage aurait été beaucoup plus long et désagréable.

« On est en avance sur l’horaire et il n’y a personne à l’oasis, c’est notre jour de chance ! » Mon annonce déclenche quelques réactions.

Yu lève le pouce, heureux que nous soyons tous arrivés à bon port. Aspirant ninja de Suna, il sera bientôt prêt à devenir chuunin. Il rajuste ses lunettes d’un air assuré et retire son keffieh, satisfait d’avoir atteint l’oasis. Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, mais le plus dur a été fait. Il biberonne quand même pas mal sa gourde et je sais que ça agace Sura qui doit régulièrement le sermonner. L’eau est précieuse et il ne l’a pas encore compris, il n’a pas l’habitude des longs périples dans le désert.
Tae au contraire, se contente d’une moue songeuse. Médecin itinérante, elle a l’habitude de travailler avec les caravanes, son travail va commencer lorsque nous aurons monté le camp. Quand il faudra traiter les bêtes, s’occuper des plus en mal points et prescrire des médicaments, la bobologie habituelle.
J’aide Tae sur ce genre de question, je connais les rudiments de la médecine et avec mon don, même si je ne peux pas sauver des vies, je peux empêcher de mourir. Mes sutures ne valent pas celles de notre médecin, mais elles ont leur valeur quand il faut faire dans l’urgence.

« Tout se passe bien de ton côté ? » Ma question est adressée à Benkei.

C’est un type bien, j’avoue ne pas être enthousiasmé par son style, les yeux bandés me mettent toujours mal à l’aise, j’aime bien discerner le regard de mes interlocuteurs. Mais il a une bonne tête et il est zen. Le dernier point en particulier, il joue pour beaucoup : il ne faut pas gaspiller l’eau et c’est plus simple de se rationner quand tout le monde garde la tête froide. Je n’ai pas à l’engueuler comme d’autres, ça m’arrange.
Une fois qu’il m’a répondu, Sura me tape sur l’épaule : c’est l’heure de monter le camp, on discutera un peu plus tard. Avec de la chance, ce sera autour d’un bol de thé.

Deux heures plus tard, le camp est installé : les tentes sont posées, quelques draps ont été tirés pour nous abriter du vent et au centre du cercle, il y a un petit feu de camp. Rien d’extraordinaire, je garde les braises basses, nous allons bientôt manquer de bois de chauffe et je n’ai pas envie de manger de la viande froide pour le reste du voyage.

« Chauffe plus fort. » Me dit Sura. « Il faut que le thé bouillisse si tu veux manger. » Pour rajouter du poids à son argumentaire, elle pose dans la grosse poêle un morceau de graisse de mouton.
« Oui, remet une buche Akula. C’est le crépuscule et on gèle déjà. » Confirme Tae, blottie dans une couverture. Elle se tourne vers Benkei. « Tu n’as pas froid toi ? Tu ne grelottes pas.
-C’est un sunajin, il a l’habitude, non ? »
Demande Yu en se tournant vers le chuunin. Ironie ultime : l’aspirant ninja est en train de claquer des dents, il n’y croyait guère, quand on lui disait que ça pouvait descendre très bas la nuit. Le climat de Suna et le climat du désert sont différents, on a moins d’amplitude thermique dans le village caché du vent. Finalement, après avoir eu une réponse (ou pas), il se tourne vers moi. « Tu… » Yu déglutit, glacé jusqu’aux os. « tu pourrais remettre du bois Akula s’il te plaît. » Je m’exécute.

Sura retourne tranquillement à sa cuisine, j’ai envie d’un bol de thé : j’ai faim et j’ai froid. Je me retiens de saliver quand je la vois mettre du lait dans la casserole, puis le sucre et le beurre. Notre guide continue tranquillement sa préparation, tandis que la conversation dérive sur un sujet plus mystique. Tae est curieuse des traditions locales.

« Alors, l’oasis du salut. Il y a une légende qui entoure les lieux ? » Demande la médecin à notre guide.
« Oui, selon la légende, c’était un point de rassemblement des nomades du désert, avant les guerres et le siècle des horreurs.
-Le siècle des horreurs ? »
S’interroge la docteur, avant que Sura ne lui réponde.
« C’est comme ça que mon peuple appelle l’époque trouble avant la fermeture du village de Suna, il y a un siècle de cela.
-Ce devait être horrible. »
Commente Tae par politesse, ne connaissant rien à la période.
« Beaucoup de bandits, beaucoup de taxes, beaucoup de violence. » Résume notre guide.
« Ça va, » tempère Yu d’un air absent. « Ce ne devait pas être si terrible, si vous êtes là aujourd’hui c’est que tout n’était pas noir non plus. Peut-être qu’il y avait de la criminalité à Suna, mais si elle était si problématique, le village n’aurait pas été rouvert. » Sura fusille Yu du regard, qui trop bête pour comprendre, s’acharne dans la mauvaise direction. « En plus, avec l’attaque d’Arashi, votre peuple a grandement bénéficié de Suna non ? C’est grâce à nous que vous êtes protégés des criminels. » Je sens le dérapage, j’essaie de murmurer discrètement à Yu, mais il n’entend pas.
« Sura est aussi de Suna. » Ce n’est pas parce que c’est une nomade qu’elle n’est pas une sunajin. Elle rentre peut-être une fois tous les deux mois au village pour délivrer un rapport, il n’en reste qu’elle a juré obéissance et fidélité à la Kazekage. Elle prend son serment très à cœur, comme beaucoup de nomades.
« En plus, » reprend Yu qui est totalement inconscient de ce qui va lui arriver, alors que Sura pâlit à vue d’œil, n’en croyant pas son œil. « Il n’y a pas de honte à dire que les nomades ont grandement bénéficié de la protection de Suna. Je trouve même odieux que certains aient rejoint les rangs opposés de la guerre civile. » C’est un sujet polémique et un peu tabou pour les étrangers.

Quand je dis étrangers, je parle au sens très large : les nomades ont l’habitude de vivre entre eux. S’ils ont une forte tradition d’hospitalité, ils n’aiment pas trop que des gens qui ne sont pas de leur culture se mêlent de leurs affaires. Ce que vient de faire Yu de la pire manière qui soit. Il y a un long silence qui enveloppe l’assemblée, j’ai un regard un peu fébrile avec Benkei, puis avec Tae qui pince les lèvres, très gênée par ce qui vient de se passer. J’éponge avec difficulté la sueur qui perle sur mon front, les températures sont en-dessous du zéro, pourtant il fait très chaud d’un coup.
Tant pis, je tente malgré moi de calmer le jeu.

« Euh, je crois que…
-Yu ! » Me coupe Sura, la voix pleine d’aigreur. « Tu m’injuries moi et mon peuple avec tes manières, tu me traites de citoyenne de seconde zone alors que je suis chuunin du village caché du vent. Tu nies tous le sang versé par les miens, pour ou contre le village, sans aucune respect pour les combats qu’ils ont mené. » Explose la guide. « Tout cela, alors que tu présentes un danger pour les autres, à gaspiller de l’eau à tout bout de champ. Au mépris des consignes, au mépris des risques que nous prenons à chaque fois que nous partons dans les dunes ! » Il y a un long silence, l’aspirant est trop stupéfait pour réagir, il comprend sa bêtise. Malheureusement, Sura ne le prend pas de cette manière et croit à de l’insolence. « J’en ai assez de toi et si ce n’est pas ton sensei qui va t’inculquer une correction, ce sera moi, en garde. » Les deux se lèvent, Yu est perdu, il comprend à peine ce qui lui arrive et quand il voit le cimeterre jaillir hors de son fourreau, il tire par instinct un kunaï. Je bondis, comprenant que la situation va mal se terminer si personne n’intervient. « Akula ! » Tonne la nomade. « Tu seras mon témoin. Duel au premier sang. » Par instinct, avant même que je ne puisse répondre, Yu cherche de l’aide à son tour.
« Euh, Benkei ? » Demande l’aspirant en se tournant vers son aîné.
Waiya Akula
(#)Mer 18 Aoû - 20:49
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Nanashi Benkei
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— Insondable ? Ou insondé ? Telle est la question.




Un jour, un vieillard expliqua à Benkei que l’homme, qui du désert connaissait le secret, ne pouvait point vieillir. La mort venait le regarder amicalement, elle lui tournait autour pour s'inspirer de ses faits et ses pensées, puis repartait, pleinement satisfaite d'avoir laissé en vie un être capable de parler son langage. À l'instar de la légende du faiseur d'étoiles, cette sagesse le marqua à tout jamais. Il comprit que tous les mythes étaient intimement reliés par un seul et même axe sémantique : la quête de l'Eternel. Chaque récit racontait la même histoire, avec des acteurs et des lieux différents. Et pourtant, même si cette longue traversée dans laquelle il s'était lancée à la demande de la Kazekage paraissait être la même que toutes les autres, l'alchimiste ne pouvait s'empêcher un émerveillement enfantin. La beauté pure et parfaite que l'absence de toute chose offrait généreusement à ce désert, était un bien précieux et fragile, que la moindre construction pouvait détruire.


Placé en dernière position de la file indienne que le groupe d'itinérants s'efforçait de former, Benkei fermait la marche en appréciant ce spectacle paradoxal. Malgré la vigilance dont il devait faire preuve en permanence, il ne trahissait pas sa nature. Ce lieu épuisait tout le monde, sauf lui, qui, au contraire, paraissait totalement vitalisé par l'air sec que la vastitude de Kaze no Kuni diffusait. C'était là une bien belle aubaine étant donné que son rôle d'escorte lui demandait une concentration de tout instant. Pendant les deux semaines qui avaient précédé cette journée, il avait fréquemment été désigné comme le second guide ou comme la sentinelle et, bien que cette attribution ne le dérangeait pas le moins du monde, cela avait évidemment impliqué qu'il fasse montre d'une certaine dextérité martiale et spatiale pour rassurer la cohorte. Les quelques interactions houleuses avec les brigands de Junapura et les confrontations avec les troupeaux de chiens du désert affamés avaient souvent été gérées par les soins de ce shinobi mystérieux.

En se débrouillant pour assurer la sécurité mentale et physique du groupe, il s'était fait remarquer par tout le monde. Malgré lui, malgré ce qu'il essayait de contenir pour ne pas attirer l'attention sur lui, il était devenu une figure importante de la horde. Il fallait aussi dire que son physique atypique, ses pouvoirs invraisemblables et son attitude parfois hors-sol avaient fortement contribués à rediriger la lumière sur sa silhouette filiforme. Il portait si légèrement le poids qui pesait sur ses épaules, cette pression indicible que les petites communautés imposaient à leurs piliers, que la plupart des marchands aimaient le fixer pour se rassurer, lorsque le doute les assaillait.

Alors que le soleil paraissait aspirer goulument chaque goutte de sueur et que le voyage s'éternisait, l'un des marchands les plus reculés lorgna par-dessus son épaule pour vérifier qu'il était toujours présent, et fut comme frappé par une réminiscence. Il l'avait déjà aperçu quelque part... mais où ?


― Eh ! Vous ! Le sunajin aux cheveux blancs... chutota-t-il en direction de Benkei. Il avait essayé de tonaliser le volume de son interpellation pour ne pas inviter d'autres personnes dans la conversation. Cet homme intrigant était à quelques mètres de sa position et paraissait se perdre dans le ciel, la tête pendue en arrière, les mains dans les creux de son plastron. Il se redressa lentement et se tourna vers ce vieux marchand.
― Quelque chose vous tracasse et vous n'osez pas me le dire, c'est bien cela ? Benkei s'était rapproché à quelques centimètres de lui d'un petit saut.
― Euh... s'étonna-t-il, gêné par la proximité soudaine. Tracasser serait un bien grand mot ! Quoique... Je m'interroge à votre sujet. C'est peut-être la même chose.
― C'est exactement la même chose, mon cher ! Eh oui ! Si toutes les questions sont des réponses à d'autres questions, et que toutes les réponses sont aussi des questions en devenir, alors nous pouvons en conclure qu'il n'existe pas de véritable réponse. Et pourtant, c'est ce que nous cherchons tous, inlassablement. Nous sommes perdus dans une quête éternelle à travers les ensembles indéfinis de notre Univers. C'est à la fois magnifique et cruel. Donc je comprends que ça puisse tracasser. Mais si vous voulez mon humble avis... Je pense qu'il faut prendre les choses à l'envers. S'il n’y a pas de so­lu­tion, alors s’in­quié­ter ne chan­gera strictement rien à la substance des faits. Tout ce qu'il nous reste à faire... c'est d'en rire ! exposa-t-il en appliquant sa propre consigne avec brio.

Le silence absolu plana. Le marchand le regardait, circonspect, sans mots. Il secoua la tête et reprit :
― Est-ce que vous êtes...
― Difficile à dire.
― ... l'enfant...
― Qu'est-ce qui ne l'est pas ?
― ... de la légende ?
― De quelle légende parlez-vous ?
― Euh... Eh bien... Vous savez... Celle de l'enfant aux cheveux de cristal et aux yeux d'opale, habillé d'une coiffe runique... qui devait être vendu cent mille pièces !
― Dites m'en plus ! Ca m'intéresse...
― Je ne saurais pas quoi vous dire de plus... Ah, si ! On dit qu'il était le descendant d'un clan de marcheurs de failles et que le prix de ce bambin n'était pas seulement dû à ses curiosités physiques... Si vous voyez ce que je veux... BAAAH ! s'écria soudainement le marchand. Un doigt, sorti de nulle part, appuyait sur sa joue. Il jeta un coup d'oeil à la main qui venait de le brusquer et il ne put cacher une certaine détresse en se rendant compte que l'avant-bras qui la tenait, s'effaçait dans une fente dimensionnelle. Mais... Mais... Cette trouée était hypnotisante, elle paraissait s'ouvrir sur une galaxie lointaine... Toutefois, autre chose semblait l'appeler. Il tourna la tête instinctivement en direction de son étrange interlocuteur. Benkei avait son bras droit enfoncé dans une déformation similaire et le fixait, avec un rictus narquois. Le marcheur de failles...
― C'est dommage parce que vous ne m'apprenez rien. Sourire aux lèvres, il leva son bandeau et lui révéla la profondeur de son regard. Ses iris infinis se projetaient comme des rayons de soleil. Il marqua un petit instant pour lui communiquer sans verbes qu'il ressemblait effectivement à l'enfant de la légende. Une idée fit cependant bouger ses yeux vers le haut et crisper ses sourcils. Il rappela sa main évadée pour venir se gratter le menton, interrogativement. Le portail s'évapora aussitôt, comme transformé en cendres fuyantes.Cependant, un point m'interroge. La coiffe runique est un objet que peu de personnes savent qualifier. Si je ne m'abuse, cette appellation était un abus de langage du vendeur en question...
― AH ! NON, NON, NON ! Je ne suis pas ce vendeur ! Il y a méprise ! Il est mort... protesta le vendeur ambulant en tentant une gesticulation défensive de premier recours.
― Tué par une certaine Masako pendant les enchères... D'où ma question : étiez-vous présent lors de cette vente ? Et si oui, combien avez-vous misé ? L'inclinaison de son sourire paraissait de plus en plus insistante.
― On est en avance sur l’horaire et il n’y a personne à l’oasis, c’est notre jour de chance !
― L'eau est là ! L'eau nous a trouvés ! C'est merveilleux, n'est-ce pas ? La soif nous appelle ! Allons-y ! s'esquiva le marchand, soudainement déculpabilisé par leur arrivée à l'Oasis du Salut. Il accéléra ainsi le pas en faisant mine d'être trainé de force par son chameau jusqu'à se sortir définitivement d'affaire. Benkei peina à le suivre, tant le vent et le soleil assaillaient sa vue. Il fut même obligé de se couvrir les yeux avec le revers de sa main.
― Ah ah ah ah... Je voulais seulement savoir si c'était un gros parieur... Décidément, ces errances solitaires ne m'ont pas aidées à me sociabiliser... Il se tourna finalement vers cette portion de vie organique qui rayonnait d'une aura verdoyante au milieu de la chaleur. Un petit lac, des arbustes fruitiers, des buissons, de l'herbe fraiche... L'air de l'eau et de la végétation embaumait la brise, et le cri des bêtes de somme donnait un corps à ses battements. En revanche, elles m'ont permis de connaître en profondeur cette magnifique mer de sable. Elles m'ont offert la capacité d'aimer inconditionnellement toutes vies organiques, minérales, astrales... et de comprendre finalement qu'elles m'aimaient toutes déjà, infiniment plus, depuis bien avant que je ne me matérialise.




Alors que ses pas tranquilles s'étaient stoppés, au sommet de la plus grande butte, pour lui permettre de s'extasier pleinement devant la beauté de ce paysage paradisiaque, il se fit vite distancer par les mercenaires et les marchands assoiffés. Ils se ruaient tous en direction du point d'eau sans se soucier du monde alentour, en trébuchant bêtement, en roulant dans le sable et en se poussant. Après tout, leur hâte était légitime, elle était même salutaire en un sens. Le rationnement de l'eau était une épreuve que seuls les itinérants du désert et les shinobis étaient réellement capables d'assumer jusqu'au bout. Tous n'étaient pas aussi résignés à l'abandon que Benkei. Dans le fond, cet alchimiste au verbe mystérieux devait bien être le seul à apprécier le moment présent sans se soucier de ses besoins primaires.

En se retournant vers le contre-bas de la dune, il replaça son bandeau oculaire et adressa quelques sourires innocents aux marchands les plus en difficulté. Si elle se présentait sous des atours de politesse, cette attention avait surtout pour objectif d'analyser la situation et d'identifier le gros des nécéssités. Il capta petit à petit les différents soucis et décida finalement de rebrousser chemin. Certains n'allaient sans doute pas s'en sortir sans une intervention de sa part et son devoir était de faire en sorte que rien n'entrave la progression du groupe. Arpenter ces sables, ces dunes et ces rocailles trouées éreintait certaines montures, au point de les rendre totalement réfractaire à toute traction. Ânes criards et chevaux hennissants envoyaient ainsi valser d'une ruade les quelques forcenés qui osaient tirer un peu trop fort sur leurs mors pour les entraîner vers la dernière montée. Il était temps d'agir. Arrivé à proximité du problème, une courte série de mudrās, exécutée sans cérémonie, l'aida à distordre l'espace de quelques bons mètres pour déplacer les équidés les plus récalcitrants jusqu'au sommet de la dune et leur permettre d'apercevoir l'Oasis.

Cela parut être si naturel que les marchands ne prirent pas tous conscience de la pertinence du geste qu'il venait d'exécuter. Libérés de ce poids, ils accoururent avec naïveté vers la source, en compagnie de leurs bêtes enjouées. Benkei leur adressa un geste de sympathie, en secouant sa main dans leur direction. Un ris de satisfaction ourlait la commissure de ses lèvres. Le principal intérêt de cette manœuvre n'était pas de gagner leur reconnaissance, mais bien d'épargner à tout le monde, y compris à lui-même, une perte idiote de temps et d'énergie. Force était donc de constater qu'il était parvenu à ses fins sans trop de mal. Une fois de plus, la voie s'alignait pour lui.

Alors il continua sa route, inlassablement, comme guidé par un fil invisible... jusqu'à ce que l'un des mercenaires, Waiya Akula, ne l'interpelle.

― Tout se passe bien de ton côté ? Benkei se tourna vers lui et ne put s'empêcher de le dévisager. Tout au long du voyage, ses réactions d'étranger et son physique avaient éveillé la curiosité instinctive du shinobi alchimiste, qui, par habitude, avait finalement adopté les mêmes réflexes identitaires que ses compatriotes Kazejin. Il était aisé pour un homme du désert de voir qu'une personne n'y avait pas vécu les trois quarts de sa vie, mais force était de constater que ce guerrier savait faire face aux épreuves. L'Univers les avait disséminés un peu partout ici-bas.
― Eh bien ! Eh bien ! Aimer les dépendances que nous impose la nature semble définitivement être la clef du bonheur ! Ah ah ah ah ! rigola Benkei, en ouvrant les bras vers lui. En réalité, ce serait bien présomptueux de ma part de te dire que, dans le fond, je ne suis pas spécialement réjoui à l'idée de pouvoir me désaltérer. Ce serait même un fieffé mensonge ! Cette oasis est merveilleuse. Je l'ai passé de nombreuses fois, mais on ne s'aperçoit pas toujours que l'on traverse chaque jour un nouveau chemin. Je ne me lasserai jamais de cette sensation libératoire, transcendante même, qui gagne tout le monde au moment où on aperçoit cette portion de vie à travers le serpentement lointain de la chaleur. Elle nous bénit de sa grâce fleuve et fluide. À vrai dire, son essence, ce qu'elle évoque en profondeur, celle qu'elle fait vibrer dans mon esprit, m'importe plus que le reste. L'Univers a créé le désert pour que nous nous réjouissons à la vue des palmiers. L'eau seule est... Benkei ne s'arrêtait pas, alors ce fut à la guide de s'en charger. D'une tape sur l'épaule de son interlocuteur, elle l'enjoignit à monter le camp en le regardant avec l'air réjoui de l'avoir sauvé d'un laïus interminable. En tout cas, je vais bien ! Merci ! J'espère que toi aussi ! s'amusa-t-il finalement en le voyant s'éloigner.

Cette conversation s'évanouissait vers un ailleurs bien lointain. Benkei replaça le bandeau et soupira, avant de continuer lui aussi en direction du point de chute. Le jour commençait doucement à s'estomper. Des nuances d'ocre et de rubis se diluaient dans le ciel comme autant de tâches d'encre dans une eau claire. La pesanteur qu'il faisait agir à l'intérieur des voyageurs, les incitait au repos. Il fallait l'écouter, se laisser tomber, à son image, et s'abandonner au calme, à la torpeur... Une pause était finalement bien méritée.
• • •
Deux heures plus tard
Le campement installé, la nuit tombant, les voyageurs allèrent se poser autour d'un feu de camp...




Les mercenaires, en charge de l'acheminement des marchands, s'étaient affairés autour du feu pour préparer leur souper. La guide désignée cuisinait le msemen, un plat traditionnel que les touaregs avaient l'habitude de préparer les soirs de fête. Cette large crêpe, composée de semoule et de farine de pois-chiche, fourrée aux légumes du désert, embaumait les alentours des effluves de son jus cuisson. Tous étaient obligés d'apprécier le spectacle. Les braises crépitaient, la graisse de mouton crissait, les racines bouillies faisaient mousser le mélange et déborder la casserole de cuivre, mais personne ne venait essayer d'atténuer les gerbes de flammes qui s'échappaient du foyer à chaque giclée d'huile. Il commençait à faire de plus en plus froid dans ce désert et la frénésie de ce feu était la bienvenue. Benkei ne dérogeait pas non plus à la règle. Il restait debout, immobile, légèrement en retrait, les mains cachées dans les poches de son pantalon, et fixait amoureusement la danse des flammes. Si la chaleur qu'il propageait dans le souffle du vent était une sensation qu'il trouvait somme toute agréable, ce n'était toutefois pas la véritable raison de sa fascination pour ce feu. Quelque chose de bien plus profond semblait l'hypnotiser.

Cependant, il fut quelque peu désarçonné lorsque les cris de la guide vinrent le sortir de sa léthargie contemplative. Son visage se secoua d'un spasme tonique et la réalité reprit alors son écoulement normal. Il était maintenant question de reprendre le fil des évènements présents et d'en saisir les subtilités profondes. La conversation venait de tourner au mélodrame : en pensant étaler le peu de culture historique qu'il avait sur le siècle de non-droit du Pays du Vent, le jeune aspirant ninja, Yu, assigné en apprentissage de terrain pour la mission, s'était attiré les foudres de Sura, chuunin de Suna et fervente défenseuse des valeurs de son peuple. Il avait commis la grave erreur d'atténuer la souffrances des habitants de la ville désaffectée et de ses alentours. Quelque chose que même Benkei, qui avait pourtant vécu tranquillement et contribué à la réduction de la criminalité dans l'enceinte de l'ancienne Suna, n'osait pas nier.

L'alchimiste esquissa un sourire tremblant en repositionnant le bandeau sur l'axe de son nez. Il se retenait d'éclater et des petits bruits aigus s'échappaient de sa gorge pour le signifier.

— Euh, Benkei ? demanda l'aspirant, peiné par l'ampleur de la bourde qu'il venait de commettre assez idiotement.
— BOUAHAHAHAHA ! explosa finalement Benkei, d'un fou rire qui transperça la tension. Les claques qu'il envoya sur ses cuisses pour manifester son amusement résonnèrent comme des cymbales à travers l'interstice de silence qu'il venait d'imposer. Et moi qui croyais ne pas savoir m'y prendre avec les autres ! Voilà qui me rassure ! J'ai enfin trouvé un compagnon d'infortune !
— Mais... je voulais simplement...


— Tututut ! coupa Benkei, en se reprenant. Son index levé lui avait sommé de se taire et de l'écouter. Tu finiras par saisir qu'il y a littéralement un monde de sens entre ce que tu désires dire et ce qui est interprété par les autres. Toujours est-il que le meilleur moyen d'apprendre, c'est par l'action ! Alors, accueille ce qui arrive, cueille le moment... et accepte ce duel. Il s'agit sans doute de la meilleure occasion pour vous connaître réellement.
— Benkei, je... je ne suis qu'un aspirant... Je ne suis pas...
— Tu n'as pas besoin d'être beaucoup plus que cela pour regarder la réalité en face. Lève-toi et combats, mon petit ! Allez ! Répondre à une provocation en duel est la première marque de respect que tu puisses adresser à une kunoïchi du désert. Ce serait déjà un bon début, n'est-ce pas ? S'il s'attendait à tomber sur un faiseur de paix en demandant l'aide de Benkei, Yu s'était également trompé sur son cas. Sa sérénité n'était pas un vœux de non-violence. Bien au contraire...
— Hmmm... commença à réfléchir Yu, en regardant le kunaï trembler dans sa main fébrile. J'imagine que quand il faut y aller, il faut y aller... C'est peut-être ça aussi le devoir d'un sunajin... La peur se ressentait dans ses paroles, il ne s'en cachait guère, mais il lui faisait maintenant face. Son regard avait quelque peu changé : à travers le reflet des flammes dans son iris, se découvraient des éclats de courage.
— J'entends là des paroles sages ! Ce sont les premières de la soirée ! Toutes mes félicitations ! Il se leva et apporta son soutien à Yu en massant ses épaules de ses deux mains. Sura lança un regard noir à Benkei, en se demandant ce qu'il pouvait bien penser, derrière cette bonne humeur inappropriée.Toutefois, j'ai quelque chose à proposer pour qu'on puisse tous s'amuser en vous regardant. Le shinobi contempla alors le reste de l'assemblée, hébétée devant sa prise en main de la situation. Chaque spectateur devra poser une condition à respecter pour votre affrontement. Si l'une d'entre elles est enfreinte par un combattant, alors il sera déclaré perdant, et ce, même avant le premier sang.
— Nanashi... J'espère que tu as conscience que tu es en train de bafouer, toi aussi, mon honneur.
— Aaaaaah... C'est bien dommage, Sura ! concéda Benkei d'un air sarcastique. Je n'ai même pas eu le temps de donner ma condition. Je suis pourtant sûr qu'elle allait te plaire !
— ASSEZ ! J'EN AI SOUPE DE CES IDIOTIES ! CE N'EST PAS UN JEU ! COMBATTONS MAINTENANT ! ET QU'ON EN FINISSE AU PLUS VITE !
— Tu as parlé de lui inculquer une correction, c'est bien cela ? Il attendit le retour de Sura, qui, d'un geste agressif du menton, acquiesça à son affirmation. Je ne me suis pas trompé. Donc, si mon raisonnement est juste : tu ne veux pas seulement te venger et lui en faire baver. En réalité, tu souhaites qu'il ne commette plus jamais l'erreur de ne pas tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler de ta culture. Je me permets donc de te poser cette question : en quoi cet empressement lui est pédagogique ? Que veux tu lui apprendre de concret, si ce n'est que tu es en colère et que tu ne tiens pas en place ?
— Où veux tu en venir ?! Explique-toi !
— Yu est le premier à savoir que tu vas le battre. Seulement, il est déjà en train de se demander à combien s'évalue l'écart qui vous sépare et quelle leçon il pourra retirer de sa défaite. Plus elle sera évidente, plus les réponses lui apparaitront facilement. Et ce n'est pas en te facilitant la tâche que tu pourras prétendre à une victoire pure et parfaite. Crois-moi, ces conditions vous seront bénéfiques à tous les deux ! En s'éloignant légèrement de Yu, l'alchimiste se dirigea au centre de l'affrontement, à la parfaite jonction entre les opposants et montra le sol du bout du doigt. Je commence. Déposez vos armes juste là et pas touche pendant toute la durée du combat. Un duel au premier sang avec des lames, ce serait bieeeeeeeen trop facile, vous ne trouvez pas ?!


Si dans la manière dont elle était tournée, cette mesure pouvait paraître assez sadique, elle était, en y réfléchissant à deux fois, plutôt sécuritaire. Une mauvaise ruade pouvait infliger un K.O, certes, mais une entaille mal placée tuait sur le coup, et personne ne voulait arriver à de telles extrémités. Quand bien même la présence de médecins assurait un certain confort d'esprit, il n'y avait aucun intérêt à ce qu'ils se trimballent une mort sur la conscience. Ce tirage allait apporter son lot d'émotion au groupe, offrir des enseignements aux deux belligérants et permettre à Benkei de s'occuper des crêpes pendant ce temps.

— Bon... À qui le tour ? Akula ? Tae ? Toi là-bas avec ton chapeau ? demanda-t-il en se rapprochant doucement, mais sûrement, de la petite marmite. D'un sifflotement innocent, il commença à goûter la mixture pour en tester l'assaisonnement.

En se concentrant sur l'imminence de la rixe, tous les voyageurs avaient oublié d'observer le ciel s'enténébrer. De son rose orangé, il commençait à dévier vers un bleu marine de plus en plus prononcé. Les étoiles poignaient, lentement, comme accouchées du cosmos, et avec elles, la lumière blanche de la lune. Petit à petit, cette oasis qui avait contribué à leur salut aujourd'hui, se transformait en une place dangereuse, qui allait finir par attirer les bandits du désert et les animaux en quête d'eau, motivés par la fraicheur de la nuit.
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Nanashi Benkei
(#)Ven 10 Sep - 1:48
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