Durant les semaines qui suivirent sa mission à Honjun, les journées de Yuri étaient principalement articulées autour d’un moyen de trouver une solution durable pour préserver la région. Durant les prochains moyens, ses habitants seront soumis à un régime restreint et très peu varié en raison de la destruction de nombreux champs par le Jinsei. Au moins, les gens qui s’y trouvent ne mourraient pas de faim mais il fallait du temps pour purifier les sols et replanter les graines. Des shinobis avaient été mobilisés pour venir en aide aux fermiers et la jeune scientifique avait même pris le temps de distribuer des protocoles décrivant la démarche à suivre. Il restait néanmoins le problème de l’accumulation de poison dans la rivière.

Avec le temps, des poissons l’avaient repeuplé et étaient devenus des réservoirs à toxines. En les consommant, les gens de Hounjun pourraient à terme développer des maladies liées à cet empoisonnement insidieux et il était alors nécessaire de travailler sur un remède afin de régler définitivement cette situation. Évidemment, des personnes développeront des immunités mais Yuri ne tolèrerait pas de laisser faire les choses en attendant que les plus résistants survivent aux plus faibles. La jeune femme n’était guère pressée par le temps mais elle devait avouer que trouver une solution avant que les premiers symptômes inquiétants n’apparaissent n’était pas une mince affaire. Ses chances les plus élevées se trouvaient sans doute dans une alternative qu’elle avait proposée à sa collègue de mission quelques semaines auparavant.

Par sympathie, Yuri n’avait rien mentionné dans son rapport concernant son empoisonnement. Elle se sentirait coupable si on l’obligeait à participer à des expériences dont Muku n’aurait pas donné son aval. De plus, la jeune brune était peu encline à laisser des échantillons à des personnes dont elle n’avait pas une totale confiance. Les Senbaru restaient un clan important de Kumo dont certaines capacités étaient certainement tenues secrètes. Sa plus grande crainte était qu’un membre du Kagausha n’utilise ces échantillons à son propre compte ou de lever des mystères qu’il n’aurait pas dû.

C’est pour toutes ces raisons que Yuri n’avait pas insisté sur cela bien qu’elle avait laissé la suggestion en suspens. En s’acharnant, elle trouverait bien une alternative mais cela lui demanderait beaucoup de temps et ralentirait peut-être un peu ses recherches. En l’occurrence, Yuri se livrait depuis peu à faire avancer ses propres découvertes. Les récentes feuilles de présence indiquaient qu’elle était celle qui utilisait le plus souvent la salle des scanners afin de poursuivre ses recherches sur la compréhension du système circulatoire de chakra en utilisant son propre corps comme support. C’était notamment pour cela qu’elle demandait souvent de ne pas la déranger puisque le haut de son corps nécessitait souvent d’être exposé afin d’y placer la myriade de capteurs nécessaires à ses analyses.

Néanmoins, Yuri prévenait toujours lorsqu’elle s’y rendait et il fallait simplement frapper à la porte métallique pour avertir la jeune scientifique. En fonction de la personne, la jeune chunin était tout à fait encline à interrompre ses tests afin de la recevoir mais beaucoup de gens connaissaient la personnalité de la jeune femme. En raison de son cercle très restreint d’amis, la plupart de ses collègues n’osaient même pas essayer même si, dans de rares cas, la jeune femme pouvait faire des exceptions…

Les yeux rivés sur une machine, Yuri observait une image contrastée représentant un mouvement régulier et harmonieux. Cinq capteurs étaient disposés sur la région gauche de sa poitrine et récoltait en temps réel ses battements de cœur. L’une des raisons pour lesquelles Yuri s’enfermait ici pendant de longues périodes pouvaient s’expliquer assez facilement. Depuis ses études sur les portes, la jeune femme faisait très attention à rechercher de potentiels dommages ou anomalies qu’elle trouverait au sein de son corps. En l’occurrence, les capteurs étaient reliés à un appareil permettant de mesurer la différence de potentiel de cellules spécialisées dans la contraction cardiaque. Le but étant ici de déceler des arythmies mais cela nécessitait de mettre son cœur sur écoute pendant plusieurs heures.

Ces heures se devaient d’être ininterrompues afin d’obtenir un électrocardiogramme continu et d’interpréter la répétition des cycles coronariens. De prime abord, l’ouverture successive des portes semblait repousser la fréquence cardiaque maximale toujours plus loin. En effet, la suppression des limites cérébrales qu’offre l’ouverture de la première porte semblait donner un certain contrôle sur le système nerveux végétatif, obligeant ainsi certaines fonctions du corps à agir différemment. C’est pour cela que Yuri avançait aussi prudemment dans son apprentissage, ne voulant pas risquer à des problèmes dont elle n’avait pas compris encore le fonctionnement.

Alors qu’elle était plongée dans ses réflexions analytiques, deux coups retentirent sur le métal de la porte. Comme l’indiquait l’ECG, un pic irrégulier s’afficha soudainement, indiquant que la jeune femme avait été un peu surprise par cette visite impromptue. Elle se demandait bien qui voudrait la voir alors que Yuri avait clairement dit de ne la déranger qu’en cas de nécessité. Ce n’était certainement pas l’un de ses collègues du Kenkyûsha dont la plupart avaient abandonné depuis bien longtemps donc cela devait être quelqu’un que la jeune chunin connaissait mieux que cela.

Désireuse de ne pas gâcher l’expérience en cours, la jeune femme se leva et alla ramasser son haori qu’elle enfila sommairement pour couvrir sa généreuse poitrine. Cette dernière, libre de toute entrave tanguait au gré de ses mouvements mais surtout, les électrodes qui dépassait de son vêtement donnait l’impression d’un patient dans un état de maladie avancé alors qu’en réalité, Yuri était en pleine forme. Se regardant à la hâte dans un miroir, la jeune femme ajusta son haori comme elle put en faisant passer les câbles par-dessus celui-ci, les tenant même d’une main afin qu’ils évitent de s’enrouler autour d’elle. Un panel situé à droite de la porte lui permettait de déverrouiller cette dernière mais quelle fut sa surprise en voyant un visage bien familier.

« Muku ?! Désolée, je pensais que c’était encore un de mes collègues qui venaient me déranger pour pas grand-chose. En tout cas, je suis vraiment contente de te voir. Tu vas bien depuis la dernière fois ? Je suppose que oui sinon tu serais venue plus tôt j’imagine. »

Elle s’écarta de la porte pour la laisser entrer et prit le soin de verrouiller cette dernière pour éviter d’être dérangée à nouveau. Sa joie était sincère. C’était un peu triste de passer ses journées toute seule ici alors revoir un visage qui lui était sympathique de temps en temps, cela faisait chaud au cœur.

« Je ne t’accueille pas dans les meilleures conditions et j’en suis navrée. Ne fais pas attention à tous les bidules attachés sur mon corps, c’est juste pour des analyses. Si je les enlève, je vais devoir tout recalibrer après et ça prend un temps fou. »

Elle lui indiqua un siège tandis qu’elle-même s’installer sur un fauteuil conçu à l’égard de celui qui manipulait la machine qui enregistrait les données. Yuri tapota quelques commandes avant de se tourner vers Muku. Dorénavant, l’appareil continuerait de récolter des données de manière automatique pendant que les deux femmes auraient tout le loisir de discuter.

« Voilà, ça ne devrait plus nous déranger. Je t'écoute maintenant. » Dit-elle en souriant.

Muku ne semblait pas vouloir évoquer tout de suite les raisons de sa visite. A la place, elle expliquait simplement qu’il s’agissait là d’une simple visite de courtoisie. L’expression de la Senbaru manquait de chaleur pour que Yuri ne puisse vraiment la croire et cela lui faisait même un peu de peine de la voir encore autant sur la défensive. D’habitude, on venait souvent la voir par intérêt et jamais juste parce qu’on avait envie. Néanmoins, Muku était venue alors c’était déjà bien. Yuri n’essaya même pas de forcer à lui révéler le véritable objet de sa visite, sa collègue lui en fera part en temps voulu…ou pas.

« Cela me fait plaisir que tu dises cela. En général, on vient souvent me consulter par intérêt ou avec une idée précise. Je ne sais pas trop ce que les gens normaux font. Disons que mon cercle d’amis est assez réduit donc des remerciements, j’en reçois pas souvent.»

Yuri était sincère. Elle faisait son travail pour le bien des autres sans vraiment attendre quoi que ce soit en retour. Lors de l’épidémie, beaucoup de gens étaient venus la remercier et c’était vraiment sympa d’avoir bénéficié d’une petite reconnaissance après avoir travaillé aussi durement. Cependant, les choses s’étaient plutôt calmées depuis et la jeune femme n’avait pas vraiment réussi à établir de liens durables avec une quelconque personne. Plutôt recluse, il était difficile de l’approcher et ses interactions sociales se limitaient bien souvent à des relations professionnelles ou d’ordre d’intérêt général. Que Muku vienne jusqu’ici juste pour prendre de ses nouvelles, cela lui faisait chaud au cœur même si l’intérêt de la Senbaru était certainement ailleurs.

« Non, je vais très bien, ne t’en fais pas. Ces fils sont des électrodes. Ils servent à mesurer les impulsions électriques de mon cœur. En résumé, je m’auto-analyse pour savoir si celui-ci va bien et pour cela, j’utilise un électrocardiogramme. Normalement, ce genre de tests ne prend que quelques minutes mais ici, j’essaie de faire ça sur une très longue durée afin de déceler la présence d’une arythmie d’où le fait que je ne peux pas interrompre l’expérience maintenant. »

Pour expliquer son projet, Yuri devait remonter un peu plus loin.

« En fait, depuis plusieurs semaines déjà, je travaille sur une compréhension plus approfondie du système circulatoire de chakra. Comme tu le sais, je me suis essentiellement spécialisée dans l’iroujutsu alors ces recherches servent à développer des techniques de plus en plus affinées pour soigner des blessures, des maladies ou encore d’extraire des poisons plus efficacement. Cela m’occupe donc sur mon temps libre puisque c’est plutôt un sujet de recherche personnel. »

Il y aurait bien un moyen de réduire un peu les temps de recherche mais c’était un moyen dont Yuri n’avait pas vraiment accès dans l’immédiat. Ni dans le futur probablement...et c’était sans doute le genre de requête à laquelle on trouverait toujours une excuse illusoire pour la reporter.

« Récemment, j’ai fait des découvertes intéressantes concernant la manipulation des flux de chakra. Une manière de lever des verrous pour avoir accès à du chakra qui, normalement, est indisponible Cependant, cette capacité est très dangereuse si utilisée à tort et travers. Du coup, pour faire des expériences, tu te doutes bien que je ne mettrais pas la vie des gens en danger. C’est pour cela que je m’utilise comme mon propre sujet d’expérience… »

Yuri se gratta la joue, un peu embarrassée.

« Je conçois que ça donne un peu l’image d’un savant fou mais je t’assure qu’il n’en est rien. J’ai passé plusieurs semaines à retourner les archives de la bibliothèque pour savoir dans quoi me lancer ! Puis ça m’occupe plutôt bien pendant que je ne fais pas de missions alors c’est pas mal j’imagine…»

Yuri parlait avec beaucoup de passion et l’on voyait que cela lui tenait à cœur. Certes, elle n’avait pas livrer tous les détails mais c’était réellement pour les raisons évoquées. Les Portes Célestes étaient vraiment dangereuses et c’était pour cela qu’elle ne voulait pas y engager quelqu’un d’autre qu’elle-même jusqu’à savoir de quoi il en retournait vraiment.

Evidemment, Muku cherchait à en savoir plus. L’appât avait été grossièrement tendu et pourtant la Senbaru n’hésita pas à s’en saisir sans la moindre hésitation. Intérieurement, Yuri se sentait un peu triste, presque abattue même. Son enthousiasme semblait être retombé et elle se retourna un instant pour fixer son électrocardiogramme. Rien d’anormal, ses émotions intérieures ne trahissaient pas les battements de son cœur. Même dans les moments difficiles, la jeune femme avait su garder son sang-froid et essayait toujours de tirer le meilleur de chaque situation. Muku souffrait de sa solitude mais elle était bien trop fière pour se l’avouer ou alors quelque chose d’autre obstruait ses pensées. A ce stade, Yuri n’eut pas d’autre choix que de laisser le sujet en suspens. L’atmosphère était suffisamment glaciale pour qu’elle n’en rajoute une couche de toute façon.

« Euh…je crois que c’est toujours bien d’avoir des amis sur qui compter mais je ne m’y connais pas non plus alors c’est sans doute juste la manifestation de mes propres désirs intérieurs. » Conclut-t-elle sur le sujet.  

Pour ce qui était de son sujet de recherche, il était évident que Muku ne mesurait pas vraiment l’ampleur de ce que la scientifique étudiait. On ne débloquait pas les portes célestes en faisant sauter les verrous comme un bouchon de champagne. La dangerosité de la chose était en partie la raison pour laquelle la jeune femme n’en avait fait part qu’à très peu de personnes. Les gens étaient assoiffés de pouvoir et mettre quelque chose d’aussi incontrôlable dans leurs mains les mèneraient tout droit à leur propre discussion. Utiliser des cobayes ? Comme si c’était aussi simple.

« Tu sais Muku, les recherches scientifiques ne se limitent pas qu’à utiliser des cobayes. C’est même une représentation très clichée que l’on pourrait se faire de la science en général. Pour répondre à ta question, c’est impossible. On ne peut pas obliger quelqu’un à faire sauter les verrous chakratiques, cela doit venir de la personne en elle-même alors l’utilisation d’un cobaye n’a pas trop de sens dans ce cas-là. En plus, si on s’y prend mal, l’on s’expose à des risques considérables »

La jeune femme soupira un instant avant de prendre une feuille. Sur cette dernière était dessinée une ébauche du corps humain avec les trois cent soixante et un tenketsus et leurs positions relatives sur ce dernier. C’était là le travail de plusieurs semaines de recherches qu’elle dévoilait à Muku. De toute façon, sans la méthodologie, elle ne pourrait rien en faire. Sans compter que la jeune brune ne cherchait pas spécialement à le cacher. En fait, elle voulait surtout qu’on lui foute la paix et éviter que tout le département ne vienne l’entourer telle une mouche le ferait sur une bouse de vache.

« Tous ces points sont les méridiens par lesquels passent le chakra. J’ai mis plusieurs semaines à tous les identifier en utilisant mon corps comme une carte pour ensuite les retranscrire sur papier. Mais si tu regardes bien, il y en a huit qui sont bien plus imposants que les autres. Ce sont des véritables carrefours à chakra qui facilitent le flux de celui-ci à travers le corps. Cependant, on ne peut acheminer qu’une certaine quantité en un temps donné, ce qui laisse donc du chakra qu’on ne peut jamais mobiliser. »

Yuri marqua une pause avant de prendre un crayon et d’entourer les huit portes.

« Le voyage commence dans le cerveau où se situe deux d’entre elles : Kaimon, la porte initiale dans l’hémisphère gauche et Kyumon, la porte de la Guérison dans l’hémisphère gauche. Ensuite, cinq verrous situés tout au long de la colonne vertébrale : Seimon la Porte de la Vie, Shômon la Porte de la Blessure, Tomon La porte de la Rétention, Keimon la Porte de la Contemplation et Kyômon la Porte de l’Extase. »

Yuri indiqua ensuite de son pouce le côté gauche de sa poitrine.

« Et enfin Shimon la Porte de la Mort…située dans le myocarde. »

Elle laissa planer un silence de quelques secondes avant de continuer.

« D’après ce que je sais, lorsqu’on fait sauter ces verrous, on supprime les barrières cérébrales sur le corps et on mobilise une quantité énorme de chakra à chaque ouverture de porte. Si on arrive à effectuer la Formation des Huit Portes, c'est-à-dire à toutes les ouvrir alors on a accès à une puissance quasiment illimitée. Pendant un court laps de temps, on devient invincible...
En pratique, j’ignore encore leurs effets sur le métabolisme mais théoriquement, cette puissance est contrebalancée d’un contrecoup énorme. Fatigue générale, courbatures, déchirures musculaires, hémorragies internes, os brisés et enfin et sûrement, la mort. C’est pour cela que son utilisation est dangereuse si on ne sait pas s’y prendre. Un cobaye ici ne servirait pas à grand-chose. »

Yuri savait bien ce à quoi Muku pensait et elle s’empressa de mettre tout de suite fin à toute idée illusoire.

« Et non, son utilisation à grande échelle est impossible. Tu te doutes bien qu’on ouvre pas les Portes Célestes comme si on ouvrait un paquet de biscuits ! »

La jeune femme avait retrouvé un semblant de joie même si intérieurement elle était toujours un peu triste par la froideur que Muku manifestait à son égard. Dans les grandes lignes, elle lui avait honnêtement exposé tout ce qu’elle avait appris et elle espérait un peu plus de considération de la part de sa collègue dans le futur.

« Concrètement, j’essaie un peu de comprendre si je ne peux pas contrebalancer les contrecoups en utilisant l’iroujutsu de façon défensive mais très honnêtement, le chemin est encore très long avant que je n’obtienne des résultats concrets. D’ici là, je pense que ça pourrait me servir dans le futur pour me défendre. Enfin, je pense. »

Un nouveau sourire. Ce qui était bien chez Yuri, c’était son désintéressement vis-à-vis des enjeux politiques du Yuukan. Elle travaillait pour découvrir et elle s’amusait à le faire et son épanouissement se lisait tout entier sur son visage.

« C’est gentil de vouloir m’aider. C’est avec grand plaisir que j’accepte. Ca me facilitera la tâche de trouver les bouquins directement plutôt que de les chercher. Bien sûr, si tu as d’autres questions, n’hésite pas…Tu es la première personne que j’invite ici d’ailleurs » Ajouta-elle sincèrement non sans un certain embarrassement.