Le monde était d’une telle médiocrité.. Alors que notre Kinoko arrivait avec difficulté, due à sa blessure lors de l’incident bouleversant du Kagirinai, au niveau du centre trois en un de la capitale du pays du vent, un homme, probablement voleur l’avait violemment bousculé en se saisissant du sac noir au contenu extrêmement précieux. Mais quelques temps plus tard, Jäa avait tout de même réussi à récupérer son trésor, intact par une très heureuse chance. Il avait donc reprit lentement sa route vers le centre scientifique de Suna, qui servait d’hôpital au rez-de-chaussée; de complexe scientifique au second étage et de serre pour le troisième et dernier étage. Arrivant lentement au niveau du complexe, il ouvrit doucement la porte avant d’approcher vers une jeune femme qui visiblement servait d’accueil pour répartir les visiteurs sur les trois niveaux. Désirant se rendre à la serre, la femme rousse visiblement perplexe au départ, fut rapidement convaincu lorsque le Kinoko, tout en déclinant son identité, avait montré à son homologue Sunajin, le contenu du sac noir que Jäa gardait précieusement dans sa main gauche.

Après accord, il montait alors, avec une extrême lenteur, les marches des trois étages. Il se tenait toujours les côtes, comme un vieux qui avait besoin de sa canne, en se tenant à la rambarde des escaliers. Il souffrait, mais c’était rien par rapport à ses ambitions quant à ce complexe entier. Un bon quart d’heure plus tard, il arrivait enfin au niveau de la serre. Ouvrant grands les portes de la serre, Jäa fut plus que stupéfait du spectacle. Il fallait chaud et humide dans certains endroits de la serre, certaines zones étaient mises sous cloches, car il fallait adapter chaque cloche à des environnements différents. Certaines étaient plus sèches que d’autres, plus humides, plus froides, etc. Le peu de personnel qui s’occupait de cette serre était à pieds d’oeuvre, et semblaient faire les choses d’une façon plus que méritante. Ils étaient en train de recréer tous les biomes des différentes parties du globes pour cultiver les plantes, champignons et toutes espèces végétales de ce monde. Une lueur d’admiration s’affichait dans les pupilles de Jäa alors qu’un frisson d’excitation lui parcourait l’échine. Il était partagé entre la joie de tout découvrir et la motivation de se mettre à cultiver l’espèce en question.

« Bien le bonjour jeune homme. Je me nomme Eden, membre du clan Kinoko et l’une des gestionnaires de cette immense serre. Je suppose que si ma collègue à l’accueil vous à laissé rentrer, c’est qu’il y a une bonne raison. Puis-je vous aider ? » Dit alors une grande femme mince, à la peau halée avec de longs cheveux noirs. Elle venait de se poster juste devant Jäa, imposante, bien plus grande que son cousin Kinoko. C’était d’ailleurs la première fois que notre protagoniste rencontrait quelqu’un de son clan, enfin, de sa famille très dispersée. Le regard jaune serpent de Jäa se baladait alors sur la femme qui le regardait fixement, visiblement pressée de connaître la raison de la présence de l’homme aux tatouages noirs sur peau neige. Un léger sourire apparaissait alors sur le visage de notre héros alors qu’il prenait la parole pour répondre à sa cousine.

« Je me nomme Kinoko Jäa. Je me suis effectivement présenté devant votre collègue il y a quelques minutes avec une demande précise. Elle n’a pas pu me répondre, peut-être vous le pourrez-vous. Je viens demander à travailler avec vous dans cette immense serre. Je suis certain qu’en tant que membre, comme vous, du clan Kinoko, je pourrais apporter un bon soutien au développement de vos projets. »

La femme écarquillait les yeux d’un seul coup. Etait-elle surprise à l’entente du nom de son cousin, membre comme elle du clan de manipulateur des champignons ? Ou peut-être était-elle surprise de la demande particulière de Jäa de devenir un membre de ceux qui s’occupaient de la serre ? Pour le moment il n’y avait aucune question de salaire, de verser de l’argent ou quoi que ce soit. Cette fameuse Eden vint mettre sa main sur son menton, se grattant nerveusement ce dernier, prenant peu à peu un air gêné. Jäa voyait venir le refus, et avant qu’elle n’ouvre la bouche pour donner son avis quant à la demande de son cousin. Jäa mit la main devant lui, sortant un petit sac noir avant de l’ouvrir aux yeux de son homologue. « Voila ce que j’ai à offrir ». Les yeux sortant limite des globes oculaires, elle lui fit signe d’attendre un peu avant de partir. Mais derrière Jäa, une autre personne venait d’arriver.

Akuhei avait pris le temps de visiter consciencieusement l’endroit. Un tel complexe avait de quoi intriguer et fasciner un scientifique comme lui. Pléthores de salles dédiées à sa passion et autant d’âmes à pied d’œuvre pour soigner et faire progresser le monde de la science. Le docteur Akuhei n’avait pas manqué de fureter un peu partout à la recherche de renseignements personnels. Essentiellement des informations sur l’emplacement de certains services. Maintenant qu’il avait gravi quelques marches, il s’attelait aux dernières qui l’attendaient.

Celles-ci menaient à la fameuse serre qui faisait la renommée de l’endroit. L’Octopus avait bon espoir d’y trouver des matières premières pour ses remèdes. Lui qui s’était intéressé à la médecine suite à ses péripéties au sein de Kagirinai, il n’avait pas abandonné cette vocation. Aider ses frères et sœurs s’était converti en une volonté d’aider tout un chacun. Après ce qu’ils avaient traversé, il ne pouvait faire la sourde oreille au malheur des autres. Il avait décidé dès lors de ne plus penser égoïstement et d’agir dans l’intérêt commun. Cette place dans le village était une aubaine pour lui, il allait pouvoir développer ses talents pour les mettre à disposition de cette structure qui les avaient recueillis.

Toujours autant fasciné par l’architecture des lieux, il se rapprochait du sommet. Si la réputation qui en était faite s’avérait juste, il se devait d’entretenir d’excellentes relations avec ce « service ». En effet, certains remèdes réclamaient des ingrédients particuliers et il était de bon aloi d’entretenir des relations cordiales avec ceux qui s’occupaient de l’entretien des plantes. Ainsi, certaines ressources pourraient lui être plus facilement accessibles. Sans pour autant tomber dans un trafic illégal, il voulait s’assurer avoir les meilleurs matériaux pour ses aspirations.

Arrivé là-haut, l’enfant émerveillé ne fit que régresser encore plus alors qu’il était de nouveau hébété. La splendeur de l’endroit le rendait aussi harmonieux que relaxant. Une véritable forêt en pleine cité urbaine. Une aubaine inespérée pour un lieu dominée par la chaleur écrasante et le climat désertique. Lorsqu’il se présenta à l’entrée de ce refuge sylvestre, il y avait déjà deux personnes. Une jeune femme et un jeune homme qui se tenait de dos. Il ne fut pourtant pas difficile pour Akuhei de reconnaître son demi-frère. Lorsqu’il fut à son niveau, il put constater qu’il semblait échanger avec la demoiselle, sous la forme d’un petit sac. Ne s’immisçant pas outre mesure dans leur discussion, le docteur s’annonça en alourdissant son pas pour ne pas les surprendre.

- Bonjour à vous. Agréable surprise de te trouver ici Jäa. J’aurais dû me douter que tes talents t’amèneraient ici.

Il adressa un regard à leur hôtesse qui avait l’air de gérer l’accueil de l’endroit. Saluant d’un bref mouvement du buste, il s’adressa directement à elle.

- Je me permets de venir vous trouvez pour savoir si vous avez ici des plants d’eschscholtzia ?

Laissant la dame à ses recherches, Akuhei remarqua très brièvement un mouvement de travers chez son demi-frère. Quelque chose d’à peine détectable mais qui attira son œil sur le coup. Ne sachant pas s’il avait rêvé ou un instinct fraternel, il préféra tourner la question de manière plus subtile que de s’improviser tout de suite grand manitou qui voit tout.

- Tout va bien pour toi ? Tu t’en sors dans ce nouveau foyer ?

Alors que le visage de Jäa fit un quart de tour, il vit son frère, Akuhei, arriver dans son dos et s’adresser directement aux deux Kinoko. Alors qu’Eden allait partir, elle s’arrêtait juste un instant pour entendre la demande du cyborg. Celui-ci souhaitait savoir s’il pouvait se procurer ici des plants d’eschscholtzia, fameuse plante de l’insomnie. La jeune femme acquiesçait d’un simple signe de la tête avant de partir de nouveau, certainement pour aller voir ses supérieurs afin de traiter les deux demandes des deux scientifiques. Cependant, cela étonnait tout de même notre yeux de serpent de voir Akuhei dans un tel endroit. Même s’il savait qu’il s’intéressait à ce genre de chose, Jäa était tout de même surprit, voir amusé. Il se retournait alors totalement vers son frère avant que celui-ci ne parler courtoisie, ce qui changeait de la dernière fois qu’ils s’étaient vus tous les deux, lors d’une mission avec Haru, pour aller globalement casser du pirate qui empêchait le commerce entre Suna et Cha no kuni. Il souhaitait simplement avoir des nouvelles de l’homme à la peau blanche, savoir comment se déroulait son intégration dans le village et les forces armées Sunajins. Un léger rire vint accompagner une plainte sourde quant à la blessure de Jäa. Celui-ci se tint rapidement les côtés avant de répondre à son très cher frère.

« L’intégration était compliquée. La chaleur est bien différente de celle dont j’avais l’habitude, mon corps a du mal à s’adapter à de tels changements. Mais c’était avant que je trouve cet endroit. Je crois que je vais m’installer ici… » Précisait alors le scientifique, tout en levant ses yeux jaunes vers le ciel, observant avec minutie les détails des installations métalliques de la serre. Les immenses baies qui couvraient le toit et formait un dôme parfait. Une véritable oeuvre d’art pour quiconque d’intéressé de près ou de loin à la botanique, l’herboristerie et les plantes d’une manière générale. Son sourire ne pouvant se défaire de son visage malgré son caractère méfiant et distant. Cet endroit provoquait chez lui un mélange de sensations qu’il n’avait pas ressentit depuis un âge bien lointain, tellement lointain qu’il n’en avait plus aucun souvenir. Mais rapidement son regard revint se planter dans celui de son frère à l’allure ténébreuse. Il était grand temps qu’ils passent tous les deux à une discussion plus sérieuse, outrepassant la politesse de lui demander comment son intégration se passait pour lui. Honnêtement, l’information ne lui ferait pas grand chose, il n’aurait aucun moyen de la traiter correctement. Donc elle était de ce fait inutile.

« Des plants d’Eschscholtzia ? Tu t’intéresses à la botanique ? J’ai cru comprendre par le passé que tu avais des notions de médecines et que les sciences étaient un sujet intéressant pour toi, mais je suis surpris de te voir ici. Contrairement à moi qui suis obligatoirement passionné par les plantes de par mes origines, te voir en ces lieux m’interpelle. Il marquait une courte pause avant de reprendre, plongeant son regard sans paupière dans celui de son frère. Que vas-tu faire de ces plants ? »

De ce qu’il savait de cette plante, c’était une « toute année » dotée de feuilles jaunes orangés, souvent utilisés dans des mets gourmands ou plus médicalement pour se faire une cure afin d’améliorer le sommeil de la personne sous traitement. Il y a médicalement parlant plusieurs phases de sommeil : l’endormissement, le sommeil léger, et le sommeil profond. Grossièrement, il s’agit des trois phases ou le corps récupère différemment. La première phase consiste à détendre progressivement ses muscles et à perdre conscience, d’où les rêves. Mais le corps ne récupère pas. La deuxième phase consiste à commencer à récupérer de l’énergie, mais les muscles ne sont pas totalement endormis, le cerveau est toujours en état de fonctionnement et c’est lors de cette phase que peut survenir le sommeil paradoxale : état où le patient peut se réveiller au moindre bruit. Le corps commence à récupérer, mais ce ne sera jamais complètement. La troisième phase est la phase de récupération complète. Le corps est endormi, l’esprit est endormi et le sommeil est réparateur. Cependant, certaines personnes, sous certaines conditions, n’arrivaient jamais à cette troisième phase. C’est à ce moment que le plant d’eschscholtzia rentre en jeu.

Le regard affûté du médecin ne manque pas de repérer le passage rapide d’une main sur les côtes de son frère. Ce dernier n’y faisant guères allusion dans ses propos, Akuhei décide de ne pas relever. Son expérience en tant que docteur lui avait appris que parfois, il ne fallait pas poser trop de questions. Jäa faisait cependant une très bonne remarque à propos de l’endroit. Il était magnifique. Il est vrai qu’un petit cabanon modeste au milieu de cette végétation luxuriante ferait un havre de paix idéal après les souterrains du centre Kagirinai. Au final, les deux hommes ne s’étaient que vaguement connu lors de cette sombre époque.

Bien sûr Akuhei avait toujours eu des rapports privilégiés puisque membre de la première génération. Il avait néanmoins appris à ne pas trop s’attacher dans les premiers temps. Sous peine de voir les membres de sa large fratrie disparaître. Avec le temps, il s’était fortifié et avait tâché d’ériger une carapace souple mais solide. Assez pour ne pas souffrir d’une perte mais pas trop pour ne pas paraître arrogant. Son interlocuteur ayant toujours été assez réservé cependant, il n’avait pas forcé la discussion avec lui. Quelques passages à l’infirmerie ou ce genre de contacts. Rien d’extraordinaire.

Suna était justement l’occasion de tisser des liens plus profonds. Même si certains, comme Waichiro, étaient des connaissances de longue date, il y avait les jeunes de la seconde génération. Même si Jäa n’avait jamais rejoint l’escouade officiellement, il avait été formé par le même homme et subi le même courroux. Aux yeux du scientifique, il était tout autant son frère que les autres. L’Octopus était ravi de pouvoir profiter du cadre chaleureux de Suna pour se rapprocher de ces personnes semblant venir d’un monde si lointain. La science semblait rapprocher ses deux êtres qui avaient tous deux des compétences plus ou moins précises dans le domaine. Un sujet de discussion pouvant mener à une véritable relation amicale. Aussi lorsque l’héréditaire Kinoko interrogea son aîné sur sa présence ici et son intérêt pour la plante qu’il demandait, le docteur répondit avec entrain :

- Je me suis dit qu’il fallait que je vienne admirer cette splendeur moi aussi ! Puis il est important de nouer de bonnes relations avec nos nouveaux « colocataires ». Puis ma nouvelle place à l’hôpital pourrait m’amener à avoir besoin des services de cette jeune femme, aussi je tenais à venir en personne. J’avais vu passer un ancien traité sur l’ eschscholtzia et je me suis dit qu’il fallait que j’essaye. Des fois, mon sommeil n’est pas aussi profond que je le souhaiterais.

Il marqua une pause brève mais lourde de sens. Il se serait insulté publiquement pour tout ramener à lui. Ils devaient avancer mais ne pas avoir une seule pensée pour cet être était impossible. Akuhei prit les devants pour ne pas s’appesantir sur ce sujet sensible que son frère n’avait peut-être pas envie d’aborder. Au lieu de ça, il préféra s’intéresser de manière sincère au petit sac qu’il avait avec lui et dont le contenu avait semble-t-il intéresser la damoiselle présente plus tôt.

- Serait-il indécent de te demander ce qu’abrite ceci ? demanda-t-il en désignant du doigt la pièce de tissu.