Comment Kasai en était arrivé là, il n’aurait su dire. Le gamin s’était embarqué sur un navire en quête de pêche, histoire de se remplir l’estomac, et pourquoi pas une partie de sa bourse. Et voilà qu’il se retrouvait à vomir ses tripes sur un sol des moins hospitaliers. Était-il passé par-dessus bord ? Possible. Une vague embrouille avec un vieillard lui revint à l’esprit. Au moins était-il entier. Pour le moment. Quand il eut fini de remplacer le liquide de ses poumons par un air froid, Kasai se décida à observer l’environnement où il avait atterri. Ce paysage ressemblait beaucoup au côté le plus hostile de son île. A la différence près que Kaigai avait su s’aménager un coin plus paisible. Or ici, la faune et la flore semblait imposer impitoyablement son règne. Pas de couteau. Pas d’arc. Pas de lame émoussée. Le Sakurada avait été dépouillé avant de prendre son bain. Il était donc dans une belle merde.

Deux solutions s’offraient à lui. Rentrer à la nage et mourir lamentablement. Attendre le cul sur le sable de crever de faim. Ou partir en exploration. Son estomac trancha pour lui : ses borborygmes devaient faire trembler l’île jusqu’à son opposé ! Aussi Kasai se mit-il en route, espérant tomber sur quelques fruits à ingurgiter. Et priant pour ne pas avoir une courante magistrale le lendemain. L’idée de rentrer chez lui ne l’effleura pas davantage. La priorité revenait à son appétit, et en soit le Sakurada n’avait jamais quitté sa petite île natale. En quatorze ans d’existence, il s’était cantonné aux frontières de Kaigai, plus par habitude que par réelle motivation. Déjà fatigué à l’idée de devoir explorer tout ce bordel humide, il se mit pourtant en route.

Entre les couinements, les bruissements de feuilles, les grognements, Kasai comprit vite qu’il était bien loin de ses habitudes. Son territoire n’avait rien à voir avec celui-ci, et il frissonna en songeant qu’il était seul, et sans la moindre défense. Ce n’était pas un vulgaire tour de change-flaque qui lui sauverait les miches cette fois-ci. Une première ombre imposante lui passa devant, rapidement suivie par une meute enragée. Kasai resta stoïque, surpris par un tel manque de crainte de l’Homme. Apparemment, il fallait s’attendre à être tout en bas de la chaîne alimentaire par ici. Et finalement, il déboucha sur une surface rocailleuse, totalement à découvert. Sans la moindre bouffe à portée de main. Il était grognon, Kasai. Il était impatient. Et il était inconscient. Rincé par le peu d’efforts fournis, il finit par poser son séant sur la roche, en quête d’un regain de motivation.

Au pire, il y laisserait sa peau. Au pire, il s’évaporerait au soleil. Advienne que pourra.