Cela faisait un moment que tu étais arrivée au Village de la Feuille... Depuis lors, tu n’étais pas retournée une seule fois chez Baa-chan. Vous n’aviez fait que des échanges épistolaires... Toutefois, aujourd’hui, sa présence te manquait plus que jamais... Tu voulais retourner dans la petite campagne du Pays du Feu pour revoir la vieille dame. Mais d’un côté, tu avais peur qu’en la revoyant, tu ne perdes à nouveau ta détermination…
Tu avais entrepris ce long périple dans le seul et unique but de retrouver ta mémoire perdue. Mais malgré les jours qui défilaient au sein du village, tu ne trouvais toujours aucune réponse à tes questions… Parallèlement, tes doutes et tes incertitudes continuaient à grandir peu à peu, alimentant ce vide qui prenait doucement place en toi... Ce sentiment d’hésitation et de regret te conduisirent jusqu’au temple Benzaiten, lieu de refuge et de prière...
Levant la tête, tu voyais les centaines de marches qui s’étendaient devant toi comme un tapis rouge menant jusqu’au bâtiment pourpre… Sans vraiment réfléchir, plus attirée par le calme et la tranquillité, tu commenças à monter les marches une à une. Et, arrivée au bout du chemin, un moine vint alors t’accueillir...
« Mais n’est-ce pas Shirayuki ? Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu n’es pas en mission ? – Tennin-sama. Non, je suis en congé. Je viens vous rendre visite au temple et trouver un peu de calme pour prier… »
Tu affichas un faible sourire et t’inclinas respectueusement devant le maître moine avant de reprendre ton chemin en direction de la cours extérieur, jardin de paix et de sérénités. Là-bas, un immense arbre millénaire était planté au milieu. Calmement, tu marchas jusqu’à ses racines et, posant ton regard sur son feuillage, tu pris la parole à voix basse t’adressant directement à ses ramures…
« Tu as connu Baa-chan en tant que prêtresse n’est-ce pas ? »
Délicatement tu vins poser ta main sur son écorce parsemée de multiples cicatrices témoignant de sa sagesse Baa-chan ne faisait plus partie de ce temple désormais, mais le fait de savoir qu’à une époque lointaine elle se trouvait là, à ta place, te donnait l’impression d’être proche d’elle à l’instant présent… Fermant les paupières, tu te projetais dans le temps.. Alors, un terrible sentiment de nostalgie s’empara de toi…
Tu aimais la vie au village, tu aimais effectuer des missions pour aider les villageois, mais tu ne pouvais t’empêcher de te questionner sur ton véritable objectif… Allais-tu retrouver tes souvenirs ? Tu avais beau chercher à droite à gauche une solution, une réponse, un indice, tu ne trouvais rien... À l’inverse, les jours continuaient de défiler sans pause comme la source d’un ruisseau...
Perdue dans tes pensées, tu sortis ta flûte et commenças à jouer un petit air mélodieux pour le grand arbre.
巧 合
Dernière édition par Shirayuki le Sam 10 Oct - 3:19, édité 1 fois
Perdu sur les hauteurs d'une colline infinie, le Temple de Benzaiten trônait fièrement pour qui avait la chance de pouvoir le voir, après avoir gravi la multitude de marches menant jusqu'à lui. M'inclinant sous le large tori rouge qui se dressait, impérial, comme la porte des Dieux, j'avançai vers le temple avec une certaine retenue. Mes pas étaient feutrés, presque hésitants. Il fallait dire que cet endroit était quelque peu particulier pour moi, bien que je n'en avais aucun souvenir... Il paraît que j'avais séjourné avec les moines durant une courte période, après que l'on m'ait retrouvé sur un bateau dérivant sur les côtes de Hi, seule et avec pas plus de deux années au compteur. C'était sans doute grâce à eux ou à cause d'eux que j'avais la vie sauve. En tout cas c'était eux qui m'avait baptisé « Ushinatta Ama' ». Mon nom signifiant « celle qui a tout perdu » et mon prénom, pour contrebalancer et m'apporter chance et bonheur dans la vie, se rapportait à la grande Déesse du Soleil, Amaterasu. Rien que ça. Alors ouais, je me sentais redevable quelque part même s'ils m’apparaissaient comme des étrangers.
Il m'arrivait de venir sur place, comme aujourd'hui, observant le cadre tout en cherchant à y déceler certains souvenirs mais en vain. Aucun moment passé ici ne s'était ancré dans ma petite mémoire de -trop- jeune enfant. Je me souvenais de l'après, toutes ces années passées dans la rue après être partie de ma propre volonté du centre pour orphelin vers mes dix ans. Encore plus de mon passage dans l'armée, véritable rédemption à ma vie dont je pouvais enfin faire quelque chose en me rendant utile... et puis la déchéance après la décimation de mon équipe... Il fallait vraiment que les moines revoient la puissance de leur sutra parce que m'apporter leur bénédiction avec un prénom pareil et me retrouver dans ma situation... quelque chose avait foiré quelque part.
Déposant une pièce, je me mis a faire sonner la cloche, frappant des mains a plusieurs reprises avant d'incliner le buste par deux fois et frapper dans mes mains de nouveau. Je n'avais aucun vœu a formuler, je voulais juste leur adresser un petit don en signe de ma reconnaissance. Certes je n'avais certainement pas emprunté le chemin qu'ils auraient voulu me voir arpenter : l'armée, les morts et le sang versé... mais dans un monde que l'on voulait paisible et juste, il fallait parfois en passer par là pour atteindre ce semblant d'idéal : en déracinant la mauvaise herbe. C'était en tout cas ma façon de voir les choses. Etre un soldat de la nation et connue comme telle aux yeux de tous ne m'intéressait plus mais je pouvais toujours agir dans ce sens avec ma position indépendante. Je ne côtoyais plus les champs de bataille. J'agissais dans l'ombre, discrètement et promptement, aussi insaisissable que le vent... Mmh.. Fréquenter le temple me rendait un peu trop philosophique avec mes métaphores à deux ryos...
Quittant le lieu de prière, je vis une jeune femme discuter avec l'un des moines. Ils semblaient se connaître. Bien que c'était l'impression qu'ils donnaient avec tout le monde. Leur conversation se termina et la dame se dirigea vers un arbre millénaire. De ceux qui étaient sacrés et entourés par une banderole blanche, mais n'empêchant pas la femme de déposer sa paume sur son écorce, sans doute pour se ressourcer. A la voir comme ça, elle semblait sacrément perdue et même dépossédée de la moindre étincelle de vie dans le regard, et lorsque je la vis sortir sa flûte pour jouer un air je compris que c'était pire que ce que je croyais. C'était... glauque. N'aimant pas vraiment voir les âmes égarées – car étant le propre reflet de moi-même - , j'avançai vers elle et me stoppai devant le grand arbre, observant les balafres du temps marqué sur son écorce.
« Un élan de nostalgie ? »
La questionnai-je tout en conservant mon regard vers l'arbre.
« Qu'êtes vous venue demander à la Déesse ? »
Nonchalamment, je viens m'adosser à un autre arbre « normal » du jardin, fixant la jeune femme en cherchant à sonder ses pupilles vides.
Une voix vint se mêler aux sons de ta flûte, mettant brusquement fin à la douce mélodie. Tu te retournas en arrière et découvris une jeune femme à la chevelure violacée adossée à l’un des multiples arbres du jardin… Sa figure pale en contraste avec ses yeux étincelants lui donnait un charme incontestable…
Surprise et complètement prise au dépourvue, tu rougis instantanément et tentas de bredouiller à voix basse quelques mots, mais qui prenaient plus la forme d’une suite de syllabes incompréhensibles... Après un temps, tu finis par reprendre ton calme pour répondre :
« De la nostalgie… Oui, on peut dire cela. »
À vrai dire, tu n’avais rien à cacher. Vous étiez dans un temple, portail entre le monde des vivants et du surnaturel, et lieu de sérénité et de vérité... Il n’y avait rien d’étrange à vouloir trouver de la consolation ici. Disons que… Tu pensais être seule en tête-à-tête, mais vous voilà désormais trois… Ton regard se tournas à nouveau vers l’arbre planté au milieu de la cours.
« Il y a une personne qui me manque beaucoup mais que je ne peux pas aller voir - du moins, pas avant d’avoir finis ce que je suis venue faire ici… Même si elle n’est pas là, j’ai l’impression de me sentir proche d’elle en venant dans ce temple… Peut-être est-ce le pouvoir du temple...? »
Un sourire se dessina alors sur tes lèvres...
« Cette personne a prit soin de moi. Je lui dois beaucoup. Je ne veux pas l’inquiéter avec mes problèmes. Je me dois de gérer mes propres affaires ici moi-même… Mais… J’ai l’impression de n’arriver à rien… Peut-être que Benzaiten m'entendra et voudra bien m'aider...? »
Aucune de tes recherches sur ton passé n'avait donné de réponse... Les questions menaient toutes vers un gouffre sans fin… Peut-être était-ce trop tard ? Peut-être était-ce perdu ? Peut-être que ton passé était d’ores et déjà noyé dans le néant infini ?
Devant l’absence de résultats, tu avais envie de tout lâcher et retourner vivre une vie paisible à la campagne. Mais tu avais peur. Même si tu abandonnais tout, ici et maintenant, tu porterais le poids des remords d’avoir abandonné à mi-chemin. Tu ne seras toujours pas libérée de ton fardeau… Et que dire à Baa-chan à ce moment-là ?
En venant ici, tu espérais tacitement que Benzaiten puisse t'ouvrir la voie... Éclairer le début du chemin ou même simplement confirmer l'existence ou l'absence de réponse... Car pour l'heure, tu étais plongée dans l'incertitude totale...
Calmement, tu te retournas vers la jeune femme.
« Et vous ? Etes-vous venue ici aussi car vous aviez des difficultés ou des tourments ? ….Mon nom est Shirayuki ! Quel est votre nom ? On dit que chaque rencontre est le fruit d’un destin, peut-être pourrais-je vous aider ? »
Tu avais partager ton histoire, tu étais désormais curieuse de connaître la sienne.
La jeune femme avait l'air réellement perdu mais s'avérait malgré tout être une pipelette qui n'avait rien contre l'idée de raconter sa vie à une parfaite inconnue. Peut être que se trouver au Temple de la Déesse aidait à la confession … ou bien elle était vraiment encore plus perdue et désespérée que je ne le pensais... A dire vrai, cette nana me faisait de la peine.
« Vous dites que vous ne voulez pas voir cette personne pour l'inquiéter avec vos problèmes mais qui vous dit qu'elle ne se sent pas déjà impuissante par votre absence de nouvelle ? »
Je n'avais pas de famille alors j'étais mal placée pour donner des conseils mais j'avais eu quelque chose qui y ressemblait pendant plusieurs années... On comptait les uns sur les autres et le mutisme de l'un faisait souvent plus de mal aux autres qu'autre chose. Une équipe ça devait être soudée et faire part de ses doutes pour avancer, ne pas flancher.
« Je m'appelle Amaya »
Dis-je poliment à la révélation de sa propre identité alors qu'elle pensait voir en notre rencontre le fruit du destin. Je n'étais pas aussi spirituelle.
« Le Temple de Benzaiten est le premier vrai souvenir que je garde de mon enfance. C'est un semblant de moment chaleureux qui m'est resté en mémoire alors j'aime bien m'y promener à l'occasion. »
Même si cela restait très vague, je ne devais avoir que deux ou trois ans après tout. Je savais que j'étais déjà passée par là – et puis on me l'avait confirmé au foyer – mais je ne me souvenais plus du tout de la tête des moines ayant pris soin de moi durant mon court passage. Je devais certainement la vie a des visages fantômes dont j'ignorais tout.
« Je doute que vous puissiez m'aider malgré la gentillesse de votre proposition. Surtout, qu'entre nous, je pense que vous êtes celle qui a le plus besoin d'aide. »
Je n'avais aucune idée de pourquoi je faisais la conversation avec cette femme, hormis le fait que la voir dépossédée de ses moyens, paumée dans sa vie, résonnait en moi en me renvoyant à mes heures les plus sombres.
« Sans offense, vous avez l'air frêle et perdue. Une proie facile pour les plus mal intentionnés, donc. Par les temps qui courent vous devriez vous méfier et ne pas l'exposer aux autres. Savez vous seulement vous défendre ou comptez vous uniquement sur l'intervention divine de la Déesse pour venir à votre secours ? Non pas que je doute de Benzaiten pour vous illuminer mais... j'en doute. »
Se reposer sur sa seule foi en errant sans but c'était définitivement une très mauvaise idée selon moi. Si ce n'était pas ses pensées confuses qui allaient l'enterrer ça serait les loups qui lui sauteraient à la gorge pour la déchiqueter.
« Je pense qu'avant de compter sur les autres il faut savoir s'aider soi-même »
Si j'avais attendu que quelqu'un me prenne en charge, je serais probablement morte à l'heure actuelle. La vie dans la rue était sans pitié, c'était la loi de la jungle. Puisse le sort vous être favorable...
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