Ordre de mission:

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je fus le premier arrivé aux portes célestes. Il restait visiblement encore du temps avant l’heure du rendez-vous, il fallait donc trouver de quoi m’occuper. Pour ce faire, rien de plus simple, en effet, je m’assis à même le sol, en tailleur, près des portes célestes, avant de sortir une bouteille de saké d’un sceau de Fuinjutsu et de me mettre à boire. Les passants me regardaient étrangement, certains se mettaient même à juger et à critiquer, indiquant à leur enfant qu’ils pouvaient finir comme moi s’ils ne travaillaient pas dur pour réussir dans la vie. Les gardiens semblaient s’amuser de la situation, depuis leur plateforme. Je n’en étais pas à la première expérience, mais c’était toujours aussi amusant. Sourire aux lèvres, je regardais les passant passer, levant ma bouteille pour les saluer, pendant qu’une silhouette semblait arriver dans ma direction.

Il devait probablement s’agir du shinobi qui allait m’accompagner durant cette mission. Suibaku Jinmu, si je ne me trompais pas. Je ne l’avais jamais rencontré, mais il était aussi un Chûnin. Les membres de son clan n’étaient d’ordinaire pas les plus bavard, mais j’osais espérer qu’il saurait rendre le voyage qui nous attendait aussi plaisant que possible pour notre hôte. Bref, sentant sa présence à quelques mètres derrière mon dos, je le laissais avancer et arriver à ma hauteur avant de dégainer l’interpeller.

« Suibaku Jinmu, je présume ? Moi c’est Raesthra, enchanté. » Fis-je, en l’invitant à s’asseoir, à moins qu’il ait peur de se salir.

Je l’analysai très rapidement avant de porter mon regard à l’horizon. Il allait bientôt faire nuit, c’était peut-être la raison pour laquelle ils avaient décidé de mettre deux Chûnins ensemble pour escorter la Hongaken.  

« Tu en veux ? C’est un saké qui m’a été offert par un vendeur de tapis. Le goût laisse à désirer, mais ça se boit. » Fis-je, d’un sourire amusé.

En vérité, c’était dégueulasse, mais qui sait peut-être qu’il adorera ça. Encore fallait-il qu’il ait le courage d’y goûter. A moins qu’il soit de ceux qui ne boivent pas ? Peu importait.  

Soudain, notre hôte nous rejoignit. Elle semblait s’être fait belle pour le voyage, du moins à en croire son effort vestimentaire, la fleur qui ornait ses cheveux, ainsi que l’étrange parfum qu’elle dégageait. Son regard se posa naturellement sur le jeune homme, qu’elle devait probablement trouver très charmant, avant de me fustiger du regard, moi le vieux pas beau, quoique... ma bouteille devait probablement y être pour quelque chose.

« Vous, vous n’avez pas honte de boire alors que vous êtes en plein mission ? » Fit-elle, tout d’abord, d’un air sévère. « J’espère que vous remonterez cela à vos supérieurs, jeune homme. » Ajouta -t-elle, en s’adressant au Suibaku.

Amusé, je me relevai naturellement pour saluer notre honte.

« Hongaken Otome, je présume ? Vous êtes très ravissante, regardez comme les jeunes hommes autour de vous vous regarde. Moi, c’est Raesthra, je suis enchanté et honoré de faire la connaissance d’une érudite telle que vous. Ne faites donc pas attention à des détails aussi insignifiants que celui-ci, tout ce qui compte c’est que vous arriver à bon port, sans aucune égratignure, n’est-ce pas ? Alors, soyez sans crainte, mon camarade et moi allons vous escorter et nous ferons en sorte que le voyage soit le plus plaisant possible pour vous. » Conclus-je, d’un léger sourire.

Je laissai le soin à mon partenaire de mission d’ajouter ce qu’il souhaitait avant de nous mettre en route.

Portrait d'Otome:

@Suibaku Jinmu

« On dirait que tu as déjà eu affaire à eux, Ahahaha ! » Fis-je, en riant à gorge déployé. « J’ignore s’il provenait de cette contrée, mais j’aurais tendance à dire non, puisque ceux-là sont bien connus pour ne rien céder sans contrepartie. » Ajoutai-je, en étirant mes lèvres.

Bien des rumeurs courraient à leur sujet, et il était toujours difficile de démêler le vrai du faux, mais une chose était sûre : il fallait toujours se méfier d’un vendeur de tapis provenant de Tsuchi. Oui, toujours.

Je lui tendis naturellement ma bouteille pour qu’il juge de la qualité par lui-même. Et comme je m’y attendais, il ne trouva pas cela extraordinaire, non loin de là. Il aurait même pu le recracher, mais il n’en fit rien, probablement par respect. Cependant, pour un habitué tel que moi, la boisson restait malgré tout buvable. Disons que jamais je ne claquerai de l’argent pour une liqueur d'une aussi piètre qualité, mais que si l’on me l’offrait, je ne cracherai pas dessus.

« Ah, c’est clair ! Ahahahaha ! » Rétorquai-je, suite à sa remarque, riant toujours à gorge déployé.

Il semblerait que je mettais toujours aussi mal à l’aise les passant, surtout ceux qui ne me connaissait pas, et peut-être même les autres. Toujours aussi amusant comme expérience.

Enfin, notre hôte finit par se manifester. Elle ne manqua pas de tailler mon comportement, avant de s’adresser au Suibaku sur un ton plus doux. Sa réaction était tout à fait normale, aussi je fis le nécessaire pour la rassurer à mon sujet, en gardant toujours le sourire.

Jinmu tenta à son tour de rassurer la veille, en mettant en exergue des qualités que je n’avais point. Il était intéressant le jeune homme, notamment du fait qu’il soit aussi l’un des rares à ne pas juger sur les apparences. En parlant de jugement, la retraitée émit une remarque pour le moins déplacée, critiquant ouvertement les Suibaku. Elle avait probablement des raisons de ne pas les aimer, mais cette manière de généraliser ne me plaisait guère. Cependant, le concerné restait fidèle à lui, courtois et calme, avant de nous inviter à prendre la route.

« Tu as raison, mettons-nous en route. »

Nous finîmes par nous éloigner du village, nous approchant petit à petit du lac Raiun qu’il nous fallait traverser. Durant le trajet, Otome commentait de temps à autre le paysage, nous partageant quelques détails pour le moins intéressants. Après une trentaine de minutes de marche, la veille dame continuait de s’exprimer sur tout et rien, démontrant à quel point elle adorait dialoguer.

« Messieurs, je vous propose que nous fassions une petite pause près de ce lac. » Finit-elle par lâcher, lorsqu’on arriva au niveau du lac Raiun.

Cela me surprit quelque peu, puisque nous avions à peine effectué une heure de route et qu’il nous restait encore plus d’une demi-journée de marche.

« Vous êtes sûr ? Si vous êtes fatigué, je peux toujours vous porter si vous le désirez. » Rétorquai-je, en étirant mes lèvres.

Elle ne me répondit pas immédiatement, prenant le temps de sortir un petit tapis de son sac et de s’installer dessus.

« Ne dites pas de bêtises, asseyez-vous, reposons-nous un peu, et on reprendra la route ensuite. Rien ne presse. » Fit-elle, avant de s’hydrater.

J’ignorais si c’était une bonne chose de s’installer par ici, cela avait l’air d’être un coin parfait pour les bandits. Mais bon, c’était elle la reine. Je finis donc par m’installer, non pas sur son tapis où il y avait à peine de la place pour elle, mais plutôt à proximité, assis sur un rocher.

J’invitai le Suibaku à faire de même, tout en étant curieux de connaître la prochaine histoire ou anecdote que nous contera Otome…

Assis au bord de la rive, on écoutait attentivement l’histoire contée par la doyenne. Un récit qui n’avait ni queue ni tête, mais on l’écoutait sans rien dire, hochant par moment la tête pour monter qu’on était bien attentif. Puis, au moment où je pensais que son histoire deviendrait intéressante, la vieille décida qu’il était temps de reprendre la route. La suite de l’histoire sera pour plus tard. C’était cruelle de sa part de nous faire attendre, surtout si la suite était plus intéressante que l’introduction. Mais peu importait, je décochai un léger sourire amusé avant de décoller mon postérieur du rocher sur lequel je me trouvais.

Puis, nous nous mimes en route pour le temple de Susanoo. Pour le moment, on pouvait dire que le voyage se passait sans encombre. En effet, pas de bandits, de shinobis ennemis, pas de type louche, rien, seulement nous trois en train de progresser sereinement vers notre destination.

« … N’empêche même un aveugle ne confondrait pas une tomate avec une fraise, tu n’es pas d’accord, Jinmu ? » Finis-je par dire, en repensant à l’histoire de la vieille.

Si sa vue n’était pas bonne, il fallait simplement se fier au toucher non ? Et si cela ne suffisait, il y avait l’odorat. A croire que cette « planche » avait tout fait pour qu’on puisse parler d’elle. Ce ne serait pas étonnant lorsqu’on savait jusqu’où certaines personnes étaient prêtes à y aller pour qu’on puisse parler d’elles, en bien ou en mal. Je soupirais un petit coup, avant de rediriger la discussion sur autre chose.

« ... Dites-moi, Otomoe-san, qu’est-ce que vous pensez des gens qui sont derrière la destruction d’Arashi ? Les pensez-vous animés de bonnes intentions, ou au contraire les voyez-vous comme des ennemis ? » Demandai-je, en étirant les lèvres.

La plupart des gens ne semblaient pas voir cela d’un bon œil. Personnellement, je ne savais pas quoi en penser, et pour le moment ce qui m’intéressait c’était de trouver ceux qui avaient condamné Hanako.

« ... Tu dois aussi avoir un avis sur la question, j’imagine, Jinmu ? » Ajoutai-je, en m’adressant au Suibaku.

Il serait intéressant de connaître leurs avis… Pendant ce temps, on avançait lentement mais surement vers notre destination.

Jinmu haussa légèrement les épaules. N’était-il pas d’accord ? Peut-être qu’il ne voulait tout simplement pas trop se prononcer ? Peut importait, de toute façon ma remarque se voulait plus sarcastique qu’autre chose. Aussi, je me tournais vers la doyenne pour l’interroger sur une autre question plus sérieuse et d’actualité. En effet, je voulais connaître son avis sur les individus derrière la destruction de la prison d’Arashi. J’imaginais qu’elle devait avoir un avis sur la question, qu’il soit différent du mien ou non cela n’avait pas d’importance.

« Des bonnes intentions ? il faut être fou pour les imaginer pourvu de bonnes intentions. » Lâcha finalement l’érudite.

Une réponse qui m’étonna, car je ne l’imaginais pas répondre de façon aussi catégorique. Aussi, Jinmu et moi nous nous retournèrent naturellement vers elle, désireux d’en savoir plus.

« Ces gens menace l’équilibre du monde. A partir de là, ils doivent être considérés comme des criminels et appréhendés rapidement, avant qu’ils ne causent trop des dégâts. Vous savez, si on a réussi à maintenir le monde en paix jusqu’à maintenant, c’est en partie grâce à Arashi et ses secrets. Aucun des criminels qui y étaient enfermés n’est innocent, peu importe qu’il n’ait commis rien de repréhensible à vos yeux ou des ceux qui les ont libérés. Aussi, si vous voulez mon avis, préparez-vous, car la destruction de cette prison et la récente ouverture des villages ninja marquent une nouvelle ère : celle du retour des ninja sur les devant de la scène, avec tout ce que cela représente. » Ajouta -t-elle, craignant visiblement le pire.

Au moins, elle avait un avis claire sur ces gens dont la population les assimilait à des terroristes. Jinmu n’avait pas l’air tout à fait d’accord avec la vieille, mais il s’abstint de rajouter quoique ce soit, se contentant de reprendre la route vers le temple.

« … Dois-je comprendre que vous n’êtes pas ravie de la réouverture des institutions ninja ? » Finis-je par demander, alors que nous suivons le Suibaku.

Otomoe me jeta un bref coup d’œil, avant de porter son regard vers l’horizon, visiblement pensive.  

« … Vous l’êtes-vous, peut-être ? » Finit-elle par répliquer.

« …  Pour tout vous dire, cela m’importe peu. Je préfère accepter et m’adapter que de regretter les choses et de chercher à les changer par tous les moyens. » Glissai-je, en jetant un bref coup d’œil au ciel.

Le changement était toujours imprévisible et éphémère. Aussi, vous avez beau vous battre pour changer le monde, vous n’obtiendrez jamais le résultat escompté, mais si vous êtes chanceux et que vous y parvenez, sans parler des sacrifices et des conséquences que vous avez dû causer, une autre personne viendra demain pour vouloir changer les choses, pour défaire ce que vous avez fait, et ainsi de suite, il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille rien faire, loin de là, mais qu’il faille avant tout rester réaliste. Accepter et s’adapter, avant de vouloir ou d’espérer changer, c’était en tout cas ce que m’avait appris mon père spirituel.  

« Nous avons au moins cela en commun. » Rétorqua l’érudite, d’un léger sourire.

« J’en vois plutôt au moins deux points en commun… » Ajoutai-je, d’un large sourire.

Elle réalisa alors que je parlais de l’âge, ce qui la fit légèrement grimacer. Elle ne trouva toutefois rien à rajouter, se contentant de marcher en regardant devant elle. Jinmu se fit très silencieux également, comme s’il était plongé dans son monde intelligible. Aussi, je me dis que je devais l’en sortir pour qu’il discute avec nous, seulement à ce moment Otome s’effondra sans que je ne sache pourquoi. Elle gémit de douleur, comme si elle s’était brisée la jambe. Je cherchais naturellement à savoir ce qui s’était passé, lui donnant aussi la main pour l’aider à se relever. Jinmu se pressa aussi de venir à son secours.

« … Ma… Ma Jambe ! Elle est coincée. » Dit-elle, en attirant notre attention sur le trou dans lequel sa jambe était bloquée.

Un trou semblable au terrier d’un lapin, en plein milieu de la route, c’était très étrange, c’était le moins qu’on puisse dire. Aussi, cela expliquait pourquoi elle n’avait pas spécialement fait attention, tombant alors dans le piège.

Quoi qu’il en soit, Jinmu et moi tentions de l’aider à en ressortir, mais rien à faire. Jinmu me demanda alors de m’écarter, il usa d’une technique doton pour élargir la faille, en veillant à ne pas blesser davantage Otomoe.

« Merci… Mais je crois que j’ai une entorse… » Fit-elle, visiblement inquiète.

J’examinais rapidement sa jambe, et effectivement elle semblait avoir quelque chose. Sachant qu’il nous restait encore au moins plusieurs heures de marche, je l’imaginais difficilement pouvoir tenir jusqu’à là.

« … Nous pouvons encore faire demi-tour si vous le souhaitez. C’est peut-être le mieux à faire, sachant qu’on aurait moins de temps à faire que si nous devions poursuivre le trajet. » Fis-je, alors que je l’aidais à se stabiliser.

Elle agita la tête.

« Non, non, je dois absolument m’y rendre. Je suis attendu et je ne peux annuler. Je tiendrais ne vous en faites pas. » Rétorqua -t-elle, alors qu’elle tenait à peine débout.

Jinmu proposait de la porter, ce dont elle déclina immédiatement, visiblement gênée. Il ne restait alors plus qu’une solution, pas le choix. Je soupirais naturellement.

« Bon, j’ai un autre moyen. Je n’aime pas y recourir, mais disons que c’est pour vous rendre service. » Fis-je, en composant des mudras.

Alors qu’ils s’interrogeaient sur ce que je préparais, ils virent un grand portail s’ouvrir devant eux. La vieille semblait étonnée, comme si elle avait déjà rencontré un des miens, à moins qu’elle ne sache simplement les légendes autour de la cité d’argent, notre monde à nous, les Watari ? Peu importait…

On emprunta donc le portail pour apparaître au temple de Susanoo en un rien de temps, grâce au sceau que j’avais dissimulé lors de ma rencontre avec Ashura, le moine du clan Yato.

« J’ignore pourquoi vous refuser de faire appel à votre pouvoir, mais je vous remercie de l’avoir utiliser pour moi et ainsi me permettre de faire mon travail. »

J’opinai d’un léger signe de tête, avant de chercher les responsables des lieux. Une fois qu’elle fût entre des bonnes mains, Jinmu et moi fûmes le chemin du retour, à pied…