@Tegami Hazure

- « Les rumeurs qui pourraient courir sur notre entrevue ne vous dérangeront pas ? Qu’un jônin rende visite à sa supérieure à cette heure et dans ses quartiers pourrait prêter à confusion… »

Yori eut un sourire à la suite de sa phrase presque amusée. S’il se permettait de souligner cette possibilité, c’était bien parce qu’il avait été salué par une multitude de personnes sur son chemin, qui comprirent plus ou moins qu’il se dirigeait vers l’appartement de la cheffe suprême de la ville. Il fallait également avouer que les potins circulaient comme une trainée de poudre dans les rues de la grande base militaire du pays du vent ; et qu’une partie de la population pourrait se faire des idées sur la nature de leur relation. Si l’Hizori connaissait déjà la réponse de sa supérieure (susceptible d’ignorer royalement sa remarque), il n’en demeurait pas moins qu’il aimait la taquiner de temps à autre. D’ailleurs, il était sans doute l’un des rares shinobis à se le permettre. Après avoir croisé le fer en plein désert lorsqu’ils furent ennemis, puis collaboré pour la grandeur de Suna (et par extension celle de Kaze), force était de constater qu’ils étaient liés par le destin d’une manière ou d’une autre. De ce fait, contrairement à plusieurs subalternes, Yori la respectait énormément mais ne la craignait pas, d’où son toupet occasionnel.

Même une personne aussi "sage" que lui pouvait être de temps en temps joueuse.

- « Vous êtes toujours aussi magnifique. »

La kazekage avait une beauté atypique, il fallait l’avouer. Son profil et sa dégaine étaient rares et elle ne correspondait pas du tout aux standards de l’époque. Les opposés s’attirent, disait-on. C’était sans doute ce qui la rendait quelque peu attractive pour un homme aussi posé que le manieur de sable. Moult personnes pensaient d’ailleurs qu’il était plus ou moins coincé, mais Yori avait vécu énormément d’expérience à l’orée de la vingtaine, lorsqu’il avait abandonné la voie de l’ascétisme pour suivre la sienne. S’il avait surtout brillé en tant que défenseur de la veuve et de l’orphelin çà et là, ce qui lui avait valu sa renommée dans tout le pays, il avait également connu la vie sous tous ses angles. C’était ce vécu qui lui permettait d’avoir un certain recul sur les épreuves de la vie. Bien sûr, son ancienne vie de moine aidait également. « Voilà un petit quelque chose. » Tranquillement, il posa sur la table basse un panier bien garni de fruits, mais aussi de morceaux de viandes cuits comme il le fallait par les femmes de son clan. De petits délices à consommer à n’importe quelle heure et qu’elle apprécierait peut-être si elle s’en donnait la peine.

- « D’ailleurs, devrais-je me cantonner à mon rang de jônin et vous adresser la parole avec tous les honneurs qui vous sont dus… ? Ou est-ce que je peux faire fi des formalités et être plus direct, Hazure-san ? »

C’est sur cette demande qu’il s’assit tranquillement à l’endroit qu’elle avait désigné… Mais sur le sol et en seiza, comme à son habitude. Il avait délaissé le siège pour se tenir à l’ancienne et lui laisser une certaine ascendance au niveau des postures, puisqu’elle le surplombait complètement de son trône. Tranquillement alors, il s’empara de sa tasse, huma le café qui sentait bon les terres de Kaze et s’autorisa une petite gorgée. Ses yeux s’écarquillèrent alors : s’il était froid, il n’empêchait qu’il était fort. Fort et bon. Un délice qu’il se permit de savourer une fois encore, via un deuxième puis une troisième gorgée. Et puis, d’un seul coup… « Qu’est-ce que signifie "autre chose" pour vous ? Une politique interne axée sur la criminalité qui ne décroit malheureusement pas sur nos terres ou bien une politique externe axée essentiellement sur les puissances rivales que nous devrions surveiller voire peut-être même infiltrer ? » Yori avait surtout perdu son sourire. Si son beau visage n’était pas froid, son regard, lui, s’était drapé de sérieux. Dès lors qu’on parlait du bien-être du peuple et de sa sécurité, il n’était plus le même. L’affect n’avait plus lieu d’être.

« Voire même les deux volets, en fin de compte… ? Délimitons donc le sujet. Passer à autre chose me semble pertinent, oui. Votre gestion de la base militaire étant parfaite, nous avons maintenant toute la légitimité de voir large. » Il était inutile de se perdre en recommandations au tout début. L’idée n’était pas de faire son crâneur ou de vouloir gagner des points. A quoi bon de toute façon ? Yori n’était pas spécialement ambitieux et sa place actuelle dans la hiérarchie lui allait à merveille. De plus, la kazekage avait dû bien mûrir la question… Elle devait sans doute chercher approbations sur des initiatives à concrétiser, très certainement. Mais bien avant qu’ils ne se perdent définitivement dans ces histoires politico-militaires, l’homme eut un regain de chaleur et surtout d’espièglerie. « Je vous aide à ranger votre appartement ? Ça ne me dérangerait pas, vous savez… » Bordel organisé, d’accord. Mais quand une petite culotte trainait non loin de leur position, à la vue de tous, il y avait quand même un problème. Son regard ne s’y attarda point, mais il fut assez long pour titiller encore sa supérieure qui ne manquerait surement pas de le remettre à sa place.

- « N’hésitez pas pour la viande. C’est bon quand c’est encore tout chaud. »

Les répliques de sa supérieure n’avaient absolument pas consterné Yori. Il s’y était très clairement attendu et était même un brin amusé de constater qu’elle n’avait absolument pas changé. Ou peut-être était-ce le contraire justement ? Qu’une ancienne criminelle fasse preuve d’autant de sang-froid et de rigueur professionnelle était admirable. Si le jônin avait été sceptique comme plusieurs personnes devant la volonté du daimyo de faire d’Hazure la première ombre de Suna, l’année entière qui s’était écoulée lui avait démontré pourquoi. Il semblait que la doyenne avait toujours un temps d’avance sur ses sujets. Tout bonnement impressionnant… L’estime qu’il avait pour Sano Kane ne faisait que croitre d’années en années…

- « Les deux points mettent en exergue un problème majeur : notre manque d’institutions spécialisées dans des domaines bien précis. Avoir une grande armée est une bonne chose. Seulement, elle est trop généraliste et son état actuel ne lui permet pas d’être efficiente comme il se doit. En l’occurrence, il nous faudrait un groupe rompu dans l’art de la traque et un autre qui s’occuperait de surveiller, protéger et réguler la population sunajine ainsi que ses activités… »

Yori avait eu une mine songeuse, tout en ayant répondu sans prendre le temps de réfléchir. Dans le même temps, il lui était difficile de cogiter autrement, tant sa position dans l’armée était un exemple palpable d’un problème devenu récurrent au sein de leurs forces. S’il était un jônin et qu’il avait autorité sur un bon nombre de shinobis, l’Hizori n’était assigné à aucune fonction spécifique en réalité. C’était la raison pour laquelle le manieur de sable avait porté plusieurs casquettes durant l’année écoulée : faire de la surveillance, traquer des criminels, enseigner les rudiments du ninjutsu aux plus jeunes… Bref, autant de tâches importantes, mais bien trop nombreuses pour un seul homme. Compartimenter l’armée était un impératif.

Bien sûr, le jônin n’était pas non plus stupide. Il savait que la réhabilitation de Suna avait été la préoccupation majeure de sa supérieure qui n’avait pas eu la largesse de se pencher correctement sur d’autres problèmes. Toutefois, il se posa brièvement la question suivante : comment se faisait-il que la kazekage n’ait été mise au courant que maintenant pour la gestion du port ? Même lui le savait.  Une négligence de sa part ? L’Hizori était d’accord pour dire qu’elle était désordonnée dans sa vie privée comme en témoignait l’état de son appartement, mais tout de même… Elle était alerte comme personne et le kazejin ne le savait que trop bien. Un coup des pontes siégeant à la capitale ? C’était fort probable. Ce ne serait même pas surprenant…

- « Assainir les activités de la ville et faire régner l’ordre n’est pas un problème à terme. Traquer des criminels, surtout les évadés d’Arashi est un tantinet plus difficile compte tenu de leur éventuel niveau de dangerosité et de la taille du pays, mais je suis persuadé que mettre les bonnes personnes sur ce genre de missions pourrait également régler la situation même partiellement. Néanmoins, récupérer le port à votre compte risque d’être fort laborieux. Il ne s’agira pas seulement de prouver à la cour impériale que vous pourrez vous en occuper vous-même, vous en conviendrez. Au-delà de l’importance stratégique et économique de ce port, le département qui s’en charge est peut-être un moyen tout désigné pour les vassaux Sano-sama de toujours garder un œil sur vous… Il va peut-être falloir demander audience au daimyo pour exposer et défendre votre démarche. »

En y réfléchissant bien, peut-être était-ce une disposition de Sano-sama elle-même ? La doyenne était tellement rusée et subtile dans ses manœuvres que tout était possible avec elle. A la suite de cette réflexion, l’héritier des Hizori eut un doux sourire et reprit un peu de son café, tranquillement. Ces considérations politiques étaient épuisantes et il se faisait peut-être des idées, mais là encore, il essayait de ne rien négliger. Pour avoir côtoyé les pontes et les politicards qui constituaient le gouvernement du daimyo, il avait appris beaucoup. A ce titre, Yori se doutait que tous les vassaux n’étaient pas satisfaits de voir une ex-prisonnière à la tête de la plus grande armée de Kaze. Pouvait-on seulement leur en vouloir si le cas était avéré ?

- « Quelles sont donc vos idées, Kazekage-sama ? »

Cette fois-là, Yori ne répondit pas immédiatement. Il se laissa un temps de réflexion en pensant aux éventuels profils qui pourraient intéresser sa supérieure. Deux noms lui revenaient en tête, mais il se garda bien de les citer immédiatement. Après tout, il fallait qu’il prenne son temps pour grossir les rangs de ladite unité spéciale. De ce fait, un petit blanc s’installa dans la conversation. Ses pouces traçaient tout doucement les contours de la tasse qu’il avait en main, tandis que ses yeux se perdaient dans le vague. Une idée toute évidente émergea doucement dans son esprit, avant qu’il ne laisse échapper un soupir. Il n’aimait pas spécialement verser dans les stratégies viles, mais il savait que les combines étaient inhérentes aux affaires politico-militaires de ce monde shinobi violent et sans aucune pitié. Une période bien sombre…

- « Je suppose que vous y avez déjà pensé, mais qu’en est-il de vos contacts à Junapura ? Vous devez avoir quelques personnes y habitant qui vous estiment encore, n’est-ce pas ? L’idée d’en faire des mercenaires pour certaines têtes d’Arashi n’est pas forcément dénuée de sens… »

Le ton de sa voix n’avait pas été sec, mais plutôt monocorde. Cette fois-ci, son regard avait perdu son éclat doux et bienveillant. L’homme n’était plus. Seul le jônin soucieux de l’avenir de ses pairs subsistait. C’était une idée assez sale en vérité. Dans sa vision des choses, quelques fortes têtes de Junapura pouvaient accepter l’offre et affronter les prisonniers d’Arashi sur le territoire. Bien sûr, le travail de repérage serait mâché par quelques shinobis au préalable, mais la suite pouvait s’avérer forte intéressante en ce sens que Yori souhaitait tout simplement une boucherie de part et d’autre. Qu’ils s’entretuent tous arrangerait bien les affaires du pays. Néanmoins, l’Hizori était conscient que ce plan serait difficile à mettre en place. En plus de ne pas être stupides, peu de criminels seraient disposés à suivre leur ex-partenaire sur un tel coup.

- « Je m’attèlerai à prospecter les rangs comme il se doit. Cela prendra un certain temps, mais je ferai en sorte de vous trouver des profils intéressants. Cependant, j’aimerais savoir pourquoi vous m’incombez d’une telle tâche. Une raison particulière, hazure-san ? »

Quand Yori était dans un tel état d’esprit, il lui était impossible de penser à une éventuelle blague. Dans une atmosphère plus détendue, il aurait certainement continué de la nommer par son titre, mais l’occasion ne s’y prêtait plus. Il y avait en effet un temps pour tout chose. On parlait après tout d’un sujet sérieux qui impliquait la vie de quelques ninjas triés sur le volet. Cela le frustrait de le reconnaitre, mais sa supérieure avait raison sur un point : moult shinobis n’avaient pas du tout l’expérience de combats à mort. Les membres de l'armée sunajine avaient un énorme potentiel mais bien peu de réels vécus. Contre des criminels de hauts calibres voire même des évadés d’Arashi, l’issue des combats risquait d’être dramatique et la perspective quasi-certaine de perdre de jeunes pousses sur le champ d’honneur était insupportable pour le jônin.

- « Hormis ces points, y a-t-il d’autres sujets que vous souhaiteriez aborder ? »

- « Même si je suis un Hizori… ? »

Comme par magie, la phrase eut pour effet de décontenancer Yori pendant un moment, avant qu’il ne comprenne là où la kazekage voulait en venir. Son air sérieux s’envola et un petit rire lui échappa sur le coup. La pauvre devait avoir souffert des traques et confrontations l’opposant aux manieurs de sable, c’était clair. Suite à cette réflexion amusante, il retrouva alors son visage habituel, c’est-à-dire, paisible et avenant. Là, il venait de comprendre qu’en plus d’être très versatile, Hazure était un brin rancunière. Ou peut-être même jalouse du statut informel de son clan dans tout le pays ? Il n’y avait pas de quoi si c’était le cas. Après tout, elle-même faisait partie des illustres Tegami tous aussi honorables, même si son profil jurait complètement des autres membres de son clan qu’il avait pu côtoyer. Un vrai cas à part, cette femme…

- « J’avais également l’ambition de former une… escouade depuis un petit moment déjà. Ce sera fait en temps et en heure. Et si je puis me permettre, vous devriez vous trouver une assistante qui pourrait s’occuper des tâches ingrates en plus de jouer le rôle de conseiller. »

Yori ne parlait pas là d’une simple secrétaire, mais bel et bien d’un bras droit qui aurait accès aux informations même les plus confidentielles, sensibles et qui pourrait soulager administrativement la trentenaire. Cette dernière était clairement une femme de terrain, pas une vulgaire gratte-papier… Une réalité qui inquiétait un peu le jônin dans un sens. Si elle engrangeait indéniablement de l’expérience en matière de gestion et de politique, l’ombre du pays du vent risquait fort d’être émoussée en matière de combat. Bien évidemment, l’héritier des Hizori ne la sous-estimait pas puisqu’elle devait sans doute s’entrainer pour rester à niveau, mais le pauvre officier qu’il était ne pouvait pas s’empêcher de se faire du mouron. A tort, peut-être… Une pensée qu’il décida de chasser de son esprit en vidant définitivement sa tasse.

- « Hormis les traqueurs dont je devrais avoir la charge, y a-t-il d’autres institutions ou unités que vous prévoyez de créer ? »

Au point où on en était, le sableux voulait savoir ce qu’elle planifiait pour le reste et comment se dessinait enfin un état-major digne de ce nom pour Suna. Ses yeux se posèrent furtivement sur la cuisse pleine qu’elle avait mis en évidence en croisant les jambes ; mais il ne s’y attarda pas comme l’aurait surement fait un satyre avide de chairs. Il reconnaissait qu’elle était belle à sa façon, sans pour autant s’extasier devant sa plastique. Néanmoins, une telle réunion intime aurait tôt fait d’induire en erreur un pauvre hère. Entre sa posture, sa décontraction et les sous-vêtements qui trainaient çà et là, n’importe quel autre shinobi un poil lubrique aurait surement fait abstraction de son caractère professionnel pour se concentrer sur le superflu. Était-ce finalement une sorte de test pour jauger son sérieux ou sa concentration ?

Ou se faisait-il des idées ? Va savoir…

Yori pour sa part fit une nouvelle fois de l’ordre dans ses pensées en se levant et en la surplombant.

- « Si je peux être dans la confidence bien entendu… » Qu’il conclut en posant sa tasse sur la table devant lui.

- « Par tâches ingrates, je faisais surtout allusion à la paperasse. L’administration peut être fastidieuse par moments, c’est quelque chose que je peux moi-même concevoir. Tout le contraire d’un recrutement çà et là… »

Prospecter n’ennuyait absolument pas Yori. Malgré l’impression qu’il pouvait donner, c’était même tout le contraire. S’il aimait composer des poèmes ou s’essayer à des écrits fantaisistes, il n’était pas pour autant friand des formulaires à remplir ou comptes-rendus à rédiger. Cependant, il s’en chargeait volontiers s’il devait le faire et l’effectuait avec soin. On pouvait exceller dans une chose sans forcément l’aimer, ce qui était son cas. Ce constat était également valable pour son niveau en combat. Être bon en ninjutsu n’était pas forcément une bonne chose à tous points de vue. Il n’était pas hanté par les meurtres qu’il avait déjà perpétrés, mais il ne pouvait pas s’empêcher, parfois, de se dire qu’il y aurait pu y avoir une autre issue.

- « D’ailleurs, puisqu’on éclaircit certains points, je voudrais savoir quelle vision et perspectives vous aviez pour cette institution. Vous sembliez assez perplexe quand j’ai mentionné le mot traqueur. Mettre tous les œufs dans le même panier, hm ? Qu’entendiez-vous par là ? »

L’héritier des Hizori l’avait compris. Ou plutôt pensait l’avoir compris. Cependant, la précédente réaction d’Hazure suscitait le doute chez le jônin qui préférait qu’elle lui dise clairement ce qu’elle attendait de lui et de ce fameux groupe à former. Il ne voulait pas s’octroyer des prérogatives qui pourraient lui porter préjudice plus tard ou même à Suna dans son ensemble ; même si les tâches qu’elle avait qualifié de spéciales revenaient pour lui à traquer et tuer ni plus ni moins. Il n’était pas forcément ravi d’endosser un tel rôle, mais il était conscient que faire le sale boulot revenait à contribuer au bien du plus grand nombre. Et puis, quoiqu’elle puisse penser, n’importe quelle personne ne faisait pas l’affaire pour ce genre de missions.

- « Pour avoir travaillé dans les hautes sphères de la capitale pendant plusieurs années, j’aurai tendance à affirmer que les femmes sont meilleures que les hommes dans l’assistanat, mais en vérité, peu importe le genre de la personne qui vous épaulera à l’avenir. L’important réside dans l’efficacité et la discrétion de l’élu, même si je dois avouer que vous êtes en droit de vous faire plaisir... »

Après avoir appuyé sur le dernier mot, Yori eut un sourire malicieux. Définitivement, il ne se lassait pas de l’embêter par moments. Ses pensées étaient limpides, quoique légèrement indécentes. Mêler l’utile à l’agréable n’était pas dans son genre, mais il ne jetterait pas la pierre à quiconque aurait une telle approche. Avoir un beau serviteur auprès de soi pour diverses raisons s’entendait. C’était même monnaie-courante chez les bureaucrates et autres vassaux du daimyo. Cependant, même sans avoir des pensées grivoises, le sableux l’imaginait mal prendre un homme à ses côtés. Simple intuition. Il préféra ne plus trop y penser en attendant de voir ce qu’elle lui répondrait par la suite. La réunion s’approchait sans doute de son terme.

- « Ce n’est pas amusant si vous vous attendez à ce que j’en fasse une. »

Yori pouffa de rire. Il fut bien tenté d’en faire une sur le fait qu’il pouvait découcher ici ce soir même, mais il préféra s’en abstenir, histoire de ne pas pousser le bouchon plus loin. Et puis, vu qu’il avait eu confirmation de ce qu’elle voulait mettre sur pieds, il pouvait enfin prendre congés. De ce fait, il s’inclina respectueusement devant la jeune femme -un poil plus âgée que lui cependant-, avant de se diriger vers la porte. Il n’y avait plus grand-chose à dire. L’idée était maintenant de se mettre au boulot et ce le plus vite possible.

- « Je vous reviendrai vite. Passez une bonne soirée, hazure-san. »

Sur cette salutation, l’héritier des Hizori ouvrit sa porte. La brise très fraiche qui s’abattait sur la ville lui arracha immédiatement un frisson. Quand bien même habitué à ce genre de température de nuit, se faire surprendre était néanmoins toujours aussi désagréable comme sensation. Mais sans pour autant s’en offusquer ou faire grise mine, l’homme fit un pas dehors. Lorsqu’il passa le seuil de la porte, il se retourna malicieusement vers l’ombre du vent. Ses yeux pétillaient d’une certaine malice. Il avait oublié un petit détail, mais tant pis… ?

- « Ne jetez pas le présent que je vous ai envoyé. Ce n’est pas empoisonné, ne vous en faites pas. »

Sur cette phrase, Yori lui adressa son regard le plus doux et le plus innocent, avant de disparaitre comme par magie. Un mini tourbillon de sable se dessina à l’endroit où il fut précédemment debout, avant d’être balayé par un énième coup de vent qui fit grincer la porte entrouverte du petit studio de la Tegami. Le jônin venait tout simplement de faire usage d’un déplacement instantané. En chemin, il eut un petit rire. Les probabilités pour qu’elle jette le tout à la poubelle, lui renvoie son panier ou se venge d’une autre manière était assez élevées…

Mais c’était de bonne guerre… Ne souhaitait-elle pas une « p’tite blague » pour la fin, après tout ?