Tournevis et autres instruments s’enchaînaient entre les mains du scientifique. Il profitait d’un temps de répit pour se concentrer sur ses outils de travail. Les tentacules lui permettaient de faire de nombreuses choses. Notamment de l’aider à l’hôpital ou dans ses expériences. Il retrouvait à Suna un lieu où il pouvait laisser libre cours à sa créativité et à sa soif de savoir. Il passait pas mal de temps ici, que ce soit au chevet de patients, ou retiré dans un laboratoire à l’écart de tout. Au moins, il se sentait un peu comme chez lui dans cette pièce à l’abri des regards. Il ne cessait de songer à son fameux projet. Son entrevue avec la Kazekage avait renforcé un peu plus sa motivation et le faisait souvent plonger dans de longues réflexions sur l’apport que pourrait avoir cet endroit.

La tête encore une fois dans ses pensées malgré ses dextres qui s’affairaient à leur tâche, il fut quelque peu surpris lorsque surgit une jeune femme. Cette dernière semblait le connaître. Confus que ce ne soit pas réciproque, Akuhei en perdit son outil qui vint glisser sur la table devant laquelle il se tenait. Il pivota sa tête vers son interlocutrice afin de lui adresser un sourire un peu gêné :

- Bonjour euh…navré je n’ai pas retenu votre nom.

Un petit mensonge pour justifier son malaise. Il avait été une figure d’apprentissage autrefois mais ici, il n’avait pas une place particulière, malgré le suffixe élogieux qu’elle avait placé devant son prénom. Cette marque de respect le désarçonnait un peu plus que cette irruption impromptue ou le fait qu’il ne connaissait pas l’identité de la jeune femme. Elle se montrait néanmoins curieuse de son travail. Toujours un peu mal à l’aise de montrer ses appendices synthétiques, Akuhei avait préservé ce large manteau qui en camouflait la base, le faisant passer pour un bossu. Les longs serpents de métal reposaient sur la table. La simple curiosité qu’elle exprimait le mit néanmoins un petit peu à l’aise et le poussa à agir de la façon suivante.

Il écarta les pans de son vêtement pour permettre plus de mouvement à ses prothèses qui obéirent à son ordre mental. Le tentacule supérieur droit s’allongea pour aller récupérer un ustensile qui se trouvait juste à côté de la jeune fille, sur la large table où elles reposaient une seconde plus tôt. Un sourire un peu plus franc mais toujours un peu timide accompagna les mots du médecin.

- Un peu de maintenance, rien de très fabuleux. Et vous ? Je peux peut-être vous aider ?

Kansai du clan Mekata. Cette fois, Akuhei ne manquerait pas de s’en rappeler. Il avait été impoli une fois, il ne le serait pas à nouveau. Un petit hochement de tête accompagna cette présentation pour assurer à son interlocutrice que l’information était bien reçue et qu’elle ne serait plus omise. Elle n’avait pas l’air de quémander de l’aide, se vantant même d’être d’ordinaire celle à qui on venait la réclamer. Ce comportement fit sourire le trentenaire qui était heureux de pouvoir échanger avec quelqu’un qui semblait partager beaucoup de points communs avec lui.

Elle en vint rapidement au sujet de cette entrevue qui n’était pas hasardeuse. L’évocation des prothèses et de l’aide qu’elle pouvait lui être utile fit scintiller les yeux du scientifique derrière ses lunettes teintées. Il n’avait parlé de ça qu’à une seule personne. Deux précisément mais l’autre avait disparu depuis fort longtemps. La Kazekage avait tenu parole en disant qu’elle essayerait de lui trouver des bras pour l’aider dans cette ambitieuse entreprise. Camouflé par les verres, les yeux de l’Itsuru scannèrent plus attentivement la demoiselle, comme pour déceler un potentiel discernable à l’œil nu. Il se maudissait de ne pas avoir approfondi sa connaissance des clans, pour peut-être avoir un indice sur ses particularités.

Enthousiasmé à l’idée de pouvoir enfin partager son projet avec quelqu’un, Akuhei eut un nouveau sourire bienveillant alors qu’il avait abandonné les bricolages qu’il effectuait avec l’irruption de sa potentielle future collègue. Il se tourna un peu plus vers elle, dévoilant à la lumière ses prothèses qui le rendaient si particulier.

- Oh je vois, ce doit être la Kazekage qui vous envoie. Ravi de vous rencontrer. J’imagine qu’elle ne vous aurait pas envoyé si elle ne vous jugeait pas capable d’apporter votre aide. Puis-je me permettre de vous interroger un peu plus sur vos compétences en matière technologique ?

Un premier pas avant de se plonger véritablement dans le cœur du discours. Elle n’avait pas l’air entièrement au fait de ce qui l’avait amené ici. Akuhei gardait ça pour plus tard, dès qu’il en saurait un peu plus sur cette jeune femme.

La Raïkage se cachait bien derrière cette rencontre fortuite, comme l’avait logiquement déduit le scientifique. Rien de transcendant comme déduction étant donné qu’il n’avait partagé ce projet qu’avec elle. Il ne s’attarda donc pas plus sur cette information pour se concentrer sur la suite. Attentif au discours de sa jeune interlocutrice, il se retrouva un peu pris en porte-à-faux lorsqu’il lui avait demandé ses connaissances en matière scientifique. Il avait bien entendu des lacunes sur les noms des clans, mais ce n’était pas là le seul sens de sa question.

- Un nom ne reste qu’une appellation. Je me suis nommé Akuhei pendant des années, ce qui ne m’a jamais empêché de manier ces outils.

Il avait maintenant dévoilé les quatre bras métalliques avec un peu plus de fierté. Sa petite phrase n’était qu’une remarque sur le fait que derrière un nom se cachait une personne et des aptitudes personnelles particulières. Il n’y avait pas toujours de corrélation logique et il fallait apprendre à voir au-delà. La demoiselle n’avait cependant pas perdu de temps pour répondre à son interrogation. Elle se vanta être responsable d’une partie des installations de la Serre. Un rire tonitruant accompagna son annonce, que le médecin prit avec un léger sourire en coin poli.

Il en apprit bien plus par conséquent sur les capacités de la Mekata. Son profil semblait adéquat aux projets du scientifique. Il comprenait mieux son implication par la Raïkage. Elle l’avait prévenu lors de leur entretien qu’elle tâcherait de mettre de bons éléments en présence. La première approche s’annonçait prometteuse.

- Ce doit-être un endroit merveilleux, confia Akuhei suite aux propos de la kunoichi. J’aimerais pouvoir le visiter un jour, même s’il sera lointain.

Il devait bien se faire à l’idée que ses petites escapades n’étaient plus aussi affriolantes qu’à l’époque. Autrefois il n’avait que ça pour survivre, aujourd’hui il devait être présent pour Suna et sa famille. Sa curiosité devrait patienter.

- Mais concentrons-nous sur ce qui vous amène. Pourriez-vous établir un schéma simplifié du fonctionnement d’une de mes prothèses ? proposa-t-il en déroulant un tentacule devant Kansai. Non pas que je doute de vos capacités mais j’aimerais voir votre manière de travailler si ça ne vous ennuie pas.

Un acquiescement de la tête accompagna les propos de la Mekata qui tâchait d’abord de se renseigner un minimum avant de foncer tête baissée dans son plan. Ayant eu le renseignement par le mouvement du médecin, elle se saisit du matériel nécessaire à la confection du plan. Elle avait déjà eu le bon réflexe. Elle marquait un point auprès de l’Itsuru.

Alors que ce dernier gardait un tentacule à la disposition de son invitée, il poursuivait sa tâche précédente, non sans jeter quelques coups d’œil au travail de la kunoichi. Ses petits jets d’yeux étaient camouflés par le verre de ses lunettes teintées. Il pouvait continuer de travailler sans commettre d’impair grâce à la mobilité des trois autres tentacules. Elle semblait avoir l’œil vif et l’esprit qui allait de pair avec. Son schéma se construisait petit à petit et elle ne s’était pas lancé dans des spéculations en prenant certaines libertés au niveau des mécanismes qui animaient ses bras supplémentaires.

Lorsqu’elle rendit sa copie, le tentacule lui ayant servi de modèle s’empara du papier pour l’amener juste sous le nez du scientifique qui scruta le rectangle de papier à la recherche des petits détails. Elle avait respecté ce qu’il lui demandait. Il était bien sûr impossible pour elle d connaître les rouages de la machine Itsuru, d’où la demande de ce dernier à ce que cela reste simplifié. Elle avait néanmoins émis de bonnes hypothèses à partir d’observations pointues. Le tout correctement retranscrit de manière lisible. Autant de qualités qui lui seraient utiles pour son projet futur. Il comprenait mieux la présence de la jeune femme et pourquoi la Shodaime l’avait envoyée ici.

Délaissant son œuvre, il pivota vers son interlocutrice pour la féliciter et poursuivre la discussion.

- C’est un très bon début vous avez compris l’essentiel de cette prothèse et c’est tout ce que je vous demandais. Quant au fonctionnement, il reste obscur. Même pour moi, car je ne suis pas né au sein du clan à proprement parler.

Relater son passé et l’histoire de ces membres mécaniques allait être l’occasion d’une transition sur sa présence ici, qui ne lui avait peut-être même pas été expliqué.

- J’ai reçu ces créations à la suite d’un accident où j’étais censé perdre l’usage de mes bras. Quelques décennies à devoir me faire à ces améliorations. J’ai heureusement pu retrouver l’usage de mes bras naturels mais j’ai réussi à acquérir le même contrôle avec ces prothèses. Pourtant, je n’en connais pas forcément la structure interne car je n’ai jamais osé y toucher, de peur de faire une erreur et de les rendre définitivement hors service.

Un des tentacules partit plus loin comme un serpent de métal se faufilant sur le sol. Il progressa lentement vers un outil placé plus loin. Une fois l’objet en main, il le ramena subitement à lui pour le proposer à la Mekata. Il allait pouvoir découvrir de quoi elle était véritablement capable sur le terrain. La pince à l’extrémité du bras métallique s’ouvrit pour laisser apparaître un tournevis. Akuhei attendit qu’elle s’en saisisse avant d’enfin formuler sa demande.

- La théorie est une chose, reste à voir comment se passe la pratique. Que diriez-vous que nous apprenions un peu plus sur ce que renferme ce tentacule ?

- Disons que ce n'est pas aussi simple que cela, admit Akuhei.

Son cas avait de quoi déconcerter les savants de ce monde. Lui-même avait encore du mal à comprendre son talent, bien qu'il se doutait qu'il le devait à son côté maternel. Il n'avait rien hérité de son père, fort heureusement. Il pouvait constater que la kunoichi n'avait pas été envoyé pour rien. Elle était véritablement curieuse et instruite. Une érudite serait une alliée de taille dans son entreprise ambitieuse. Plus le temps passait, et plus il comprenait la raison de sa présence ici. Bien avisée avait été la Kazekage de l'envoyer. Le médecin ne laissa pas planer le doute très longtemps néanmoins.

- Je suis Itsuru mais je ne l'ai découvert que tardivement. Un accident aurait dû me priver de mes bras mais j'ai été "secouru" par ce biais.

L'un des tentacules s'était dressé comme pour démontrer ses dires. Il repartit de suite après à ses occupations, alors qu'Akuhei poursuivait sa discussion avec l'érudite.

- J'en ai aujourd'hui la pleine maîtrise bien sûr mais je n'ai jamais eu l'occasion de pousser plus loin l'étude de leur constitution et de leur fonctionnement. Comme vous le disiez, c'est instinctif : dans la pratique. Dans la théorie c'est une autre paire de manches. Je soupçonne que ma mère m'ait transmis des gênes me prédisposant à utiliser ces prothèses mais il m'a fallu du temps pour les apprivoiser. Par la suite j'ai pu me resservir de mes bras.

La danse des tentacules perdit en intensité pour retrouver un semblant de calme. Alors que trois d'entre eux s'élevaient très légèrement de part et d'autre de leur maître, le dernier vint s'étaler de tout son long sur l'établi de travail à côté des deux shinobis. Semblant inerte, il ne décrivait plus aucun mouvement. Prêt à être étudié avec attention, il faisait presque peur ainsi présenté. Il était perceptible encore qu'il pouvait se mouvoir à tout moment. Cependant, Akuhei en avait parfaitement le contrôle, il n'avait pas à s'en faire.

Le médecin prit un deuxième tournevis et s'approcha pour provoquer un petit déclic à l'extrémité, juste à la jonction du corps du tentacule et de la pince qui le terminait. Les mailles qui le composaient suivirent petit à petit sur les mouvements minutieux de l'homme de science. Aussi précautionneux que curieux, il guettait la moindre réaction potentiellement involontaire mais tout se déroulait sans accroc. De petits cliquetis emplissaient l'espace sonore jusqu'à ce que l'Itsuru s'arrête et ne vienne briser le silence :

- Maintenant, je vais avoir besoin de votre aide. C'est la base de la prothèse qui nous permettra d'étudier l'intérieur mais je préfère laisser ça à des mains humaines. Vous devriez trouver un interstice où glisser le tournevis. Il vous suffira de faire levier puis de dévisser l'élément mis à nu. Je vous préconise le plus grand soin, car j'ignore moi-même ce que cela donnera. Prenez votre temps.

Akuhei venait de dévoiler la base de ses prothèses. Plantés dans le dos foré pour les maintenir, il y avait la base métallique des quatre appendices. Celui concerné se trouvait le plus près de la Mekata, soit à la droite de l'Itsuru en bas. Le médecin avait juste pivoté sa tête pour essayer de discerner au mieux ce qui se passait. Pour prétendre à la fabrication de prothèses efficaces pour les infirmes, il devrait d'abord comprendre les siennes. Mais il ne pouvait le faire seul.

Spoiler:

La question était naturellement posée. Elle devait intriguer mais d'un côté, l'Itsuru la comprenait. Cette problématique lui serait souvent soumise en même temps. Mettre à profit la technologie Itsuru au service de civils. Même si son ambition profonde l'amènerait plus loin, le but premier de cette entreprise résidait bien là. L'accès simplifié des estropiés à une nouvelle vie. Les civils étaient les premiers touchés par les maux de la guerre. Akuhei risquait sûrement de s'attirer les foudres de son clan par la même occasion. Ce serait un problème qu'il verrait en temps et en heure. Pour l'instant, il devait apprendre à connaître sa propre technologie avant de la rendre accessible.

- Là va être tout le défi de nos recherches ma chère. Comprendre et reproduire cette technologie est une chose, l'adapter pour qu'elle soit à la portée de tous en est une autre. D'où les premiers concernés. Si nous parvenons à créer des prototypes autonomes sans nécessité d'une consommation de chakra, ce sera une belle avancée.

Qui devait passer par le désossage des prothèses du docteur. La Mekata s'était appliquée à suivre ses instructions. Le déclic qui retentit ne semblait pas anormal. Il semblait décrire la même sonorité claire que les précédentes plaques du membre en question. Après tant d'années, l'Itsuru allait enfin découvrir les secrets de cette structure métallique qui lui avait permis de poursuivre dans la voie du shinobi. Il pouvait enfin refaire face à sa table et admirer leur objet de convoitise.

Le membre mis à nu offrait le trésor de son contenu. Toute une machinerie complexe animait l'intérieur du revêtement de métal. Un agencement alambiqué de pièces qui s'intégraient de manière parfaite pour un rendu harmonieux en parfaite symbiose avec la coque extérieure. Akuhei ignorait toujours comment son paternel avait fait pour "bricoler" ça mais c'était quelque chose d'hautement sophistiqué. Reizoku gardait ses secrets depuis toujours. Le docteur garderait ces questions pour le jour où il retrouverait le tyran. Bien qu'il n'était pas sûr que ce jour-là, l'heure soit à la discussion et aux débats scientifiques.

L'Itsuru s'empara d'une feuille vierge à proximité pour commencer à gribouiller un plan non exhaustif de ce qu'ils pouvaient observer. D'un silence religieux, Akuhei était plus que fasciné par cette machinerie qu'il trimballait derrière son dos depuis tout ce temps. Si ses yeux étaient visibles, ils auraient renvoyé cette petite étincelle qui l'animait lorsqu'il était pleinement dans sa bulle. Il n'en oubliait pas son accompagnatrice qu'il gratifia de quelques mots malgré l'instant magique qu'il passait.

- Jamais je n'aurais imaginé une telle ingénierie. Nous allons avoir du travail !

Une fois le schéma achevé, l'Itsuru reposa papier et crayon pour présenter de nouveau son dos à l'apprentie mécanicienne.

- Auriez-vous la possibilité de le remonter tel qu'il était ? Afin que nous nous assurions de votre capacité de montage.