Shinichi était fatigué. Fatigué de sillonner les routes à la recherche de partenaires, fatigué de faire semblant et plus que tout : fatigué de devoir négocier avec les uns et les autres une allégeance éphémère. Car qu’on se le dise, il croyait autant en la fidélité des gus qu’il avait rencontré qu’en la capacité du Daimyo à remettre sur pieds le pays.

Il lui fallait des partenaires fiables et puissants. Or pour l’heure, il n’en avait guère trouvé assez. Certes il y avait Kamui ainsi que le compère Tendo néanmoins il lui fallait recruter d’autres shinobis capable d’impacter réellement le monde ninja. Comme le disait si bien le Kitase, ce n’était pas en recrutant Joe le rigolo qu’il allait aller très loin.

« Badim badoum. ♫ » Toujours cet air idiot. Shinichi fredonnait encore et encore cette même comptine qu’il avait entendue il y a fort longtemps et qui restait gravée dans sa mémoire. Il ne savait pas pourquoi mais il était certain que cet « air » allait avoir une importance capitale pour la suite de sa quête… Ou pas.

C’est donc fatigué et abruti par cette chanson qu’il chantait depuis des heures que Shinichi traversait une forêt afin de rejoindre un village qu’on lui avait indiqué. Le Kitase avançait avec la plus grande prudence afin d’esquiver les bandits et autres criminels sillonnant les routes. Mizu no Kuni était rempli de personnes malintentionnées et le maître des poulpes ne souhaitait pas faire leur rencontre. Ainsi donc, il prenait tout les détours possibles et inimaginables quand, soudain, il s’arrêta. Un gus – vraisemblablement aussi idiot et faible que lui – s’entraînait avec un bâton. Ce n’était pas très glorieux, si bien que le Kitase s’approcha : « Bien le bonjour, voyageur. » Il parlait avec un ton et un phrasé bien trop élégant pour continuer sur cette lancée des heures entières. Aussi, il continua sur un ton plus familier : « Quoi de beau aujourd’hui ? » Ou de moches. Car la vie était remplie de sales affaires. D’ailleurs Shinichi s’était empêtré dans une sombre histoire il y a peu … Kamui ainsi que son collègue avaient jugé bon de faire une farce … Bref, peu importe.
« Je me présente, Kitase Shinichi, enfant de la brume et futur roi du monde. » Il l’avait vu en rêve. Et c’est bien connu, les rêves ne mentent jamais. C'était son destin. On lui avait fait comprendre. Et il l'avait compris. Pas sûr en revanche que ce soit judicieux de le crier sur tous les toits. Il n'y avait ni Kamui ni Tendo pour le protéger en cas d'embrouille.

Voilà des jours que Tobiren n'avait pas fait une pause dans sa ruée vers l'est de Mizu, il avait donc décidé qu'il devait établir un campement pour se reposer un peu, et prendre également du bon temps afin de s'entraîner, routine importante pour lui et surtout son corps de rêve. En quelques heures, il avait dressé de quoi dormir à l'abri, alors certes, ça ne valait pas les quelques gîtes qu'il avait pu croiser sur la route, mais c'était surtout bien moins cher. Le hic, c'est qu'une bonne douche chaude, il en rêvait.
Pas de risque en revanche de tomber sur qui que ce soit dans cette forêt, pas le moindre bruit à l'horizon, mêmes les animaux semblaient avoir désertés cet endroit. Il n'allait pas être déranger, il en était convaincu, le nuit allait être bonne.

Au matin, pas de réveil brusque pour lui, il n'avait pas été dérangé par le moindre individu ou animal. De plus, une solution pour son problème de douche se présentait à lui. Il avait plus durant la nuit, et il faisait un peu froid. A peine debout, il se mettait à l'aise, tombait la tenue de shinobi afin de se rafraichir un peu avec de grosses feuilles qu'il pouvait tirer des arbres. Il y avait mieux pour faire la toilette, mais la rosée du matin encore présente et les feuilles humides lui permettait de se sentir mieux.

Aussitôt terminé, il sautait dans ses bottes et enfilait la tenue ancestrale de la longue lignée des Senru, composée de lui-même et son défunt père, et s'apprêtait à s'entrainer.
Pas de bâton sur lui, il taillait rapidement de quoi travailler ses manipulations du bois dans les branches d'un arbre qui ne demandait qu'à servir de cobaye. En place il commençait à entamer quelques mouvements...

« Bien le bonjour, voyageur. » entendit-il.

Il se retournait avant de constater qu'un jeune homme se dressait là, derrière lui. Il ne l'avait même pas entendu arriver, ouf, quelques minutes auparavant et il aurait pu se retrouver dans une situation plutôt gênante. L'individu baragouinait une phrase qu'il n'avait pas entendu, avant de rapidement enchaîner:

« Je me présente, Kitase Shinichi, enfant de la brume et futur roi du monde. »

Rien que ça ? Avec ce physique ? Il ne manquait pas de toupet. Cela ne servait à rien de le juger en première impression, et ce n'était d'ailleurs pas dans les habitudes de Tobiren qui avec un sourire tout ce qu'il a de moins naturel répondait.

- Bonjour enfant du roi. Je suis Tobiren, j'appartiens à la grande lignée des Senru, en quoi puis-je t'être utile ?

Sans doute n'avait-il pas compris ce que l'individu lui avait dis, s'emmêlant les pinceaux entre ses rêves et la réalité.

Shinichi ne s’était pas fait comprendre. Son interlocuteur était certainement idiot. Il n’était pas fils de roi. Du moins pas à sa connaissance. Qui sait, il allait peut-être avoir une bonne surprise d’ici peu. Si l’inconnu faisait certes parti d’une grande lignée – d’après ses propres dires, dires que Shinichi ne pouvait vérifier – son intellect n’était pas des plus développé pour autant.

Le Kitase grimaça. Il hésitait entre le reprendre et passer l’éponge. Doté d’une sagesse infinie, Shinichi opta pour la seconde option et lâcha sans grande conviction : « Euh. Qu’à cela ne tienne. »  Son interlocuteur n’avait rien compris mais peu importe. Si quiproquo il y a, il le réglerait par après. Ce n’était pas urgent dans tous les cas. Il y avait des affaires plus importantes à régler. Shinichi avait le sens des priorités et c'est ainsi qu'il reprit : « Rejoins mon armée et aide-moi à accomplir la prophétie. » La prophétie … Il ne se doutait pas qu’il avait été victime d’un genjutsu mais qu’à cela ne tienne.

C’est avec le plus grand sérieux du monde qu’il poursuivit : « J’ai vu en rêve ma formidable ascension. Et je te propose d’être acteur de cette grande épopée. » Une grande épopée qui n’avait pas réellement commencé mais là encore, il s’agissait d’un détail que Shinichi passa sous silence.

Le maître des poulpes avait moult arguments de vente. Il ne tarda pas à les exposer à ce voyageur inconnu : « Ils sont déjà nombreux à avoir rallié ma cause. Je ne connais pas ton clan, je dois l’avouer. Mais c’est avec plaisir que je t’accueille, toi ainsi que les autres. » Car il espérait naïvement que tous les Senru – et il les espérait nombreux – allaient le suivre en un claquement de doigt. Soit dit en passant « Ils sont nombreux », ils étaient pour l’heure deux ; Voire trois si l’on considérait que Koga faisait parti de son équipe. Ce qui n’était pas le cas. Il laissa à son interlocuteur quelques instants pour réfléchir puis demanda : « Alors, ton avis ? »

Il attendait avec une impatience presque enfantine sa réponse. Il espérait pouvoir compter ce grand idiot parmi les siens. Il était doué pour rallier à lui les gens globalement diminués mentalement.

Une prophétie ? Quelle prophétie ? Son père avait déjà parlé de l'enfant de cette prophétie mais enfin, quel pourcentage de chance pouvait-il y avoir que ce jeune homme soit l'élu ? Tobiren commençait à avoir les yeux ronds, étonné, voir même un peu impressionné. Quelle proposition était entrain de s'offrir à lui, il n'aurait sans doute pas deux fois dans sa vie une telle opportunité. Le jeune homme se redressait face à son interlocuteur, cette discussion prenait une tournure sérieuse.

« J’ai vu en rêve ma formidable ascension. Et je te propose d’être acteur de cette grande épopée ; Ils sont déjà nombreux à avoir rallié ma cause. Je ne connais pas ton clan, je dois l’avouer. Mais c’est avec plaisir que je t’accueille, toi ainsi que les autres »

Un rêve prémonitoire, incroyable. La décision était déjà prise dans la tête du Senru, il allait rejoindre cette grande famille et se battre à ses côtés. En revanche, il craignait un peu pour lui, étant donné la mauvaise expérience avec sa dernière équipe, tous ayant péri dans un odieux attentat.
En revanche, il y avait une légère méprise: Les Senru n'étaient pas réellement un clan, mais plutôt une petite famille... très petite famille... très très ... enfin un enfant unique quoi. Il se devait d'être transparent et de lui dire.

- Ce projet semble formidable ! Je veux y croire, je veux me joindre à toi, mais par contre laisse moi corriger un point. La lignée des Senru était surtout grande par le talent, même si j'en suis le dernier survivant... Donc en fait, on va te rejoindre au nombre de un.

La main tendue face à l'individu, après avoir pris soin d'enfiler sa manche afin d'éviter tout contact avec une quelconque bactérie qui pouvait se trouver sur le Kitase, Tobiren était très enthousiaste, c'était le début d'une très bonne période pour lui.

- Nous allons faire du bon boulot ensemble. J'espère un jour pouvoir rencontrer le roi.

Formidable. Tel était le qualificatif utilisé par le Senru afin de qualifier l’entreprise du Kitase. Ce dernier, à sa grande surprise, était parvenu à intéresser son interlocuteur malgré son propos décousu. Le bougre avait définitivement une chance que l’on pourrait qualifier d’insolente. Le destin avait mis sur sa route cet individu aux compétences aussi douteuses qu’inconnues.

Seul bémol à cette affaire, le Senru était finalement seul. Probablement aussi seul que notre protagoniste. Sa famille était pour ainsi dire inexistante. Et le gus qui venait de rejoindre ses maigres rangs ne semblait pas posséder toutes ses facultés cognitives puisqu’encore à cette heure, il cherchait « un roi ».

Shinichi arqua un sourcil puis fit mine de n’avoir rien entendu. S’il voulait que le projet soit mené à bien, il lui fallait faire l’autruche un moment : « Fort bien. Il nous faut rallier d’autres personnes à notre noble cause. Mais avant ça … Hum. Que sais-tu faire ? » Shinichi aurait probablement dû commencer par ce point-là. Qu’on se le dise, il s’attendait à tout en terme de réponse. Et surtout à n’importe quoi. « En ce qui me concerne, je suis très doué pour ce qui est de … » Il s’arrête net. Pour quoi était-il doué déjà ? Pas grand-chose hormis parler et faire étalage de talents qu’il ne possédait guère. Quoiqu’il en soit, il reprit avec un sérieux et un calme que certains qualifieraient d’olympien : « D’invoquer des créatures. On me surnomme le maître des poulpes. » Il s’était en vérité surnommé ainsi lui-même. Soit dit en passant, ses capacités à invoquer des créatures était pour ainsi dire inexistante. Il avait certes signé un pacte avec la race citée mais il était incapable d’invoquer qui que ce soit de lui-même pour le moment.

« Je dois rejoindre la prochaine ville, des gens m’y attendent. De plus, je cherche un certain Rin. Cet homme doit m’aider à accomplir ma destinée. J’imagine que tu ne connais pas de Rin ? » Rin par ci, Rin par là. Ce nom était commun et il avait autant de chances de rencontrer cet individu en demandant au hasard au premier venu que de remporter le premier prix d’une tombola organisée à Asanagi.
Ceci-dit qui sait... Comme dit plus tôt, il avait une chance insolente ces derniers temps alors ... Autant essayer.

Rallier d'autres personnes à leur cause, bien évidemment, un si grand projet ne pouvait être monter qu'à la force des bras de deux shinobis, il allait falloir être une véritable armée pour se hisser au sommet. Il en convenait, convaincre allait être le maître mot de ces prochaines semaines, trouver des individus et les convaincre comme il venait de l'être.

Venait à présent le moment d'étaler sa science, ou plutôt son talent. Qu'était-il capable de faire, qu'allait-il pouvoir apporter au Kitase ? Pour être honnête pas grand chose, car bien qu'il savait se débrouiller seul pour survivre, ce n'était pas le plus grand des entrepreneurs, ni même le plus inventif, ni même le plus grand dirigeant. Non ce qu'il savait faire, c'est se battre, et il se débrouillait pas si mal, bientôt maître dans l'art de manipuler les bâtons, il était ainsi un très bon combattant au corps à corps, mais ce qui le distinguait des autres, c'était ce sublime héritage que lui avait laissé son défunt père.

Quelle était sa surprise lorsque son nouvel ami lui annonçait être en réalité le maître des poulpes. Un invocateur, comme lui, étonnante coïncidence.

- Maître des poulpes ? Je suis moi-même lié avec les Singes !

Les deux là étaient sans doute fait pour s'entendre. Tobiren imaginait déjà des techniques combinés de poulpe et de singe. En tout cas pour l'heure, il était temps de reprendre la route, avec son nouvel allié, prochaine destination, eh bien la prochaine ville, qui se trouvait être... Laquelle d'ailleurs ?

- De quelle ville parles-tu ? J'ai connu une Rin il y a fort longtemps, il s'agissait de l'animal de compagnie d'une voisine, une chatte adorable. Du coup rien à voir avec l'homme que tu recherches j'imagine, mais je ne connais personne d'autres qui se prénomme ainsi.

Avec ça, il risquait forcément de le retrouver, ou pas...