C’est un véritable carnage.
Le pacifisme se prend une claque monumentale, qui le laisse à terre, silencieux. Il ne se relève pas.
Dans le dos de la Raikage, le Kangourou s’agite, se met très vite en marche. Elle a rétamé le balourd qui l’a insultée, mais il reste encore bien des badauds qui ne perdent rien pour attendre.
Itoe soupire.
Clac, clac, bam, boum, paf. Un autre, au tapis, qui s’écrase mollement, véritable carcasse à laquelle on a arraché l’âme.
L’albinos observe ce carnage d’un œil mauvais. Elle ne sait pas quoi en penser. Elle ne sait pas quoi faire. Elle a l’impression que seule la violence pourra régler ce conflit, mais il y a la voix de Kel, en écho dans sa tête, qui lui redonne un semblant de logique. De douceur.
Son camarade ne cessera pas de frapper s’ils ne cessent pas non plus. Itoe l’a envoyé sur le terrain, elle l’a fait partir à pleine vitesse et l’a rendu coupable d’un énième massacre. Il n’en a pas l’air malheureux – elle ne comprend pas comment fonctionnent ces animaux – mais elle ne peut s’empêcher de se sentir coupable.

A-t-elle fait le bon choix ?

Au fond, un gros lourdaud sort de nulle part. Il a l’air remonté, comme tous les autres. Mais, en plus de ça, il a l’air motivé.
Motivé à casser des figures.
Ça ne lui plaît pas beaucoup plus, à Itoe.
Elle soupire.
Dans un dernier élan de lucidité, elle s’avance une nouvelle fois. D’un signe de la main, elle intime à Loss de se calmer, au moins pour le moment.

« Y a-t-il quelqu’un de censé, ici ? »

Croise les bras sur sa poitrine, s’avance au milieu de la foule. D’ici, elle peut être embrochée par à peu près tout le monde. Ils peuvent tous se jeter sur elle et lui faire de gros, très gros dégâts.
Mais parfois, il faut savoir se mouiller pour préserver les siens.

Un homme, loin de tous, finit par émerger d’une tente. La sienne est plus grande, elle a l’air plus confortable que les autres.
S’agit-il du chef ?
Itoe reste droite comme un I, silencieuse. Observatrice. Elle attend le moindre faux pas pour leur planter le couteau dans la gorge. On ne sait jamais, après tout. On oublie souvent que l’Homme, avant d’être une créature dotée d’une réflexion, est dotée d’instincts.
Quelque chose lui dit que les leurs ne sont pas ni bienveillants, ni très malins.

L’homme passe dans la foule, qu’il coupe en deux. Il impose un respect véritable, qui ferait presque plaisir à voir. Itoe reste pantoise.
Ça, au moins, c’est du bon chef.

« Moi, Chef Zunsha, accepte de converser avec toi. »

Un silence tendu. Lequel des deux dégainera le premier ?
Elle hoche la tête. Ses deux compagnons n’hésiteront pas à se ruer à son secours et faire voler les badauds. Tout ira bien.

« Je suis Seika Itoe, actuelle Kage du village des nuages. Comme vous le savez, le traité de paix en vigueur sur ces terres interdit de s’installer ici. Par équité, il est de mon devoir de vous demander de quitter les lieux. J’aimerais, pour cela, ne pas avoir recours à la violence. Nous éviterions bien des pertes, de votre côté comme du mien. »

Mais surtout du vôtre, ce serait dommage, n’est-ce pas ?
Itoe décroise les bras, les laisse retomber mollement le long de ses hanches. Elle ne démordra pas, mais il ne faut pas afficher de posture défensive. Le but est, avant tout, de passer un message de paix. D’appliquer au mieux sa propre politique : elle ne veut pas les tuer. Elle ne le veut pas, mais elle le fera si c’est nécessaire.
Il n’y a plus qu’à espérer que ça ne le soit pas.

« Pourquoi ? »

Itoe penche la tête, peu certaine d’avoir compris.
Il reprend aussi sec.

« On a pas signé c’traité, nous. Y a pas Zunsha dans les noms. Alors on a l’droit. »

Ah, alors il le perçoit ainsi.
Soupir.

« Ce n’est pas aussi simple. Il y a des règles que tous les clans ici, Zunsha ou non, signataires ou non, se doivent de respecter. Sinon, vous vous doutez bien que d’autres se seraient installés ici avant vous, n’est-ce pas ? »

Le chef n’a pas l’air convaincu, au contraire. Il baragouine quelque chose, marmonne dans sa barbe. Il a l’air de chercher ses mots.
Il finit par y parvenir.

« J’m’en fous ! On est là, maintenant ! Faudra changer l’traité ou nous faire partir ! »

Nouveau soupir. Il a beau prendre une voix tonitruante, ça ne fait pas de lui un être moins stupide.
Ni moins sur la fine ligne qui mène à la grande claque dans la figure.

« Il n’y a vraiment aucun autre moyen ? J’aimerais éviter les bains de sang. »

Itoe inspire profondément.
Pas de bagarre.
Pas de bagarre.
Pas de bagarre.

« Non ! Foutez-moi ça au cachot, les gars, et qu’ça saute ! »

Ah, bah si.
Bagarre.

« Loss, Kel, à nous ! »

Itoe compose des mudras, disperse une grande quantité de pollen sur de nombreux balourds à sa gauche. Le Mojuzuka et son compagnon ne devraient pas tarder à arriver, en passant par la droite. Ils ne risquent rien.
Les Zunsha se mettent à tousser, d’une quinte de toux qui dure, dure. Cette vilaine toux qui ne s’en va pas, qui gratte terriblement. Itoe reste en position, aux aguets : on ne sait jamais. Peut-être qu’un autre va leur sauter dessus.

Pour le moment, le chef ne bouge pas.
Mais il émane de lui une force bien supérieure à celle des autres.
Il faudra qu’ils soient prudents, méthodiques.
Et qu’ils fassent sauter un maximum de têtes.

Comme depuis le départ, le marsupial est le seul à s’élancer. Kel, plus réservé, observe la scène. Il n’a pas l’air de fuir le combat, ou d’être anxieux. C’est plutôt comme si … Comme s’il attendait.
Comme s’il attendait que ce soit son tour.
Ou qu’il faille qu’il s’en mêle.
Heureusement pour lui – ou malheureusement, tout dépend de la perception – le kangourou a l’air de très bien se débrouiller. Il n’a pas l’air d’avoir besoin d’aide.
Ici et là volent des silhouettes, envoyées au tapis par la force de ses pattes.

Itoe ne peut cacher sa surprise : elle n’a pas souvent vu un duo de Mojuzuka à l’œuvre. Cette première fois est un réel plaisir.
Cette symbiose entre l’Homme et l’animal est impressionnante. Elle est portée si haut qu’elle permet à l’un et à l’autre de se battre ensemble. Ils ont cette foi inébranlable, qui leur permet de livrer bataille côte-à-côte, en sachant de quoi leur partenaire est capable.
Ils se complètent.
Au fond, si leur comportement est inhabituel, avec le kangourou au front et Kel sur les lignes arrières, il n’empêche que ce fonctionnement leur convient. De fait, Loss plonge, fonce à toute vitesse à travers ses adversaires et jamais, non, jamais, il ne regarde derrière lui.
Il y va, c’est tout.
Comme s’il était invincible.

Enhardie par ce constat, Itoe décide de ne pas les laisser s’amuser seuls.
Les bandits ont l’air de vouloir de la chair fraîche. Cette arrogance qui leur donne l’impression qu’ils peuvent tout vaincre, parce qu’ils ont vaincu les autres.
Mais les autres, ce n’est pas Itoe.
Ce n’est pas Kel.
Ce n’est pas Loss.
Les autres sont ceux qui font appel à des plus forts. Ceux qui, en dernier recours, en appel à des forces supérieures, des forces qui dépassent celles de beaucoup d’autres. Notamment celle de ces balourds.

Les silhouettes s’affaissent, s’écroulent, disparaissent de son champ de vision.
Loss continue son carnage, en s’éloignant de plus en plus.
Il laisse le champ libre à Itoe, pour mettre le camp sens dessus dessous.
Un sourire sur les lèvres, la Seika ne se fait pas prier.
Elle compose des signes, fait pleuvoir de nombreux pétales partout autour d’elles, qu’elle projette à pleine vitesse sur ses adversaires.
L’action est répétée deux fois, jusqu’à obtenir des résultats satisfaisants.
Les bandits, d’abord massés les uns avec les autres, tentent une nouvelle approche. Ils se dispersent un peu, cherchent des failles, des ouvertures.
Au point d’en oublier l’existence des deux autres ninjas. Ils se focalisent sur Itoe, à tel point que leur vision se ferme presque entièrement.

Loss déboule de nulle part, plus échauffé que jamais. Les pattes arrières, les pattes avant, toutes y passent. C’est sa propre version de la salade de phalanges.
À en voir les pauvres bandits qui s’effondrent, elle est plutôt bonne !
Enfin, bonne pour les autres. Itoe se passera de la goûter.

Alors que le kangourou repart, l’albinos en profite pour emporter une autre partie de la bande. Cette fois, pas de demi-mesures.
Elle compose de nouveaux signes, fait déferler une grande vague sur le terrain. Kel et Loss, trop loin d’elle pour être touchés, poursuivent leurs propres combats de leur côté.
Face à Itoe, nombreux sont les bandits qui se font balayer. S’ils se relèvent, courageux et prêts à en découdre, ils se rendent rapidement compte qu’ils sont bloqués.
Ils sentent cette désagréable sensation, là, loin en eux. Elle est quelque part, ils ne savent pas où. Ils ne comprennent pas trop.
Mais ça monte, ça monte.
Et plus ça monte, plus ils se sentent faibles.

Un long échange de regards se joue face à la Raikage.
Elle croise les bras sur sa poitrine, avance de quelques pas.
Les bandits bougent tous en même temps, comme un unique mouvement. Ils se regroupent.
Certains sont déjà à terre, à la recherche d’un remède.
Parmi les murmures, Itoe perçoit une insulte. « Sorcière ». Le mot la fait sourire.
Ils vivent dans un monde où le chakra existe, mais elle est une sorcière ?

« Ninja. »

Elle lui glisse un clin d’œil, continue son chemin.
Aucun d’entre eux n’a le pouvoir de se relever, et pour cause : la vague, pleine de poison, s’est infiltrée dans leurs plaies. Les pétales ne servent pas qu’à faire joli, non.
Ils servent à préparer le terrain.
Difficile de le voir venir, pour des bandits qui ont l’habitude des combats armés. Ah, ça, ils ne pouvaient pas le prévoir.

Ils la laissent passer, s’écartent.
Itoe en profite pour traverser la foule et arriver au plus près de leur chef.
Face à lui, elle se raidit, droite comme un I. Les bras croisés sur sa poitrine, la Raikage le jauge un instant. Que va-t-il faire, maintenant ?

Elle inspire profondément. D’une main, la Seika montre le carnage perpétré sur leurs terres.

« Voici ma dernière sommation. En tant que Shodaime Raikage, moi, Seika Itoe, vous appelle, vous, le Chef du clan Zunsha, à rendre les armes. Si vous cessez la bataille immédiatement, nous vous laisserons lever le camp et quitter les lieux en vie. Nous nous occuperons des blessures de vos combattants et ferons en sorte que vous ne soyez jamais poursuivis. »

C’est honorable, non ?
Elle n’est pas certaine que ça suffise.
Ses bras se sont décroisés, une main venue sur sa poitrine pour prouver la sincérité de son entreprise.
Il peut encore refuser, il peut encore accepter.

L’avenir des Zunsha repose désormais entre ses mains.
Quel que soit son choix, il fera basculer leur futur.
À tous.

Un grommellement.
C’est tout ce qu’il a à lui donner.
Au moins pour les quelques secondes qui suivent.

Il les regarde tous, n’est plus sûr de ce qu’il doit faire.
Le Chef Zunsha est un combattant. Un homme puissant, pour qui la seule loi est celle du plus fort. Si ses hommes ne sont pas capables de se défendre, quelle que soit la menace, ils sont bannis. S’ils veulent quelque chose, ils doivent se battre pour l’obtenir. Ces batailles, pour lui, ne sont ni futiles, ni inutilement dangereuses. Il considère qu’ils ont bâti leur « Empire » à la sueur de leurs fronts. Qu’ils méritent ce qu’ils ont là.
Bien sûr, qu’ils le méritent. Après tout, ils se sont battus pour ça. Battus pour de vrai.

« Combien de mes frères sont morts pour cette terre, toi la Kage ? Tu sais ? »

Itoe penche la tête. La réponse est évidente, la question est rhétorique. Elle ne dit rien.
Mais elle laisse tomber la main posée contre son cœur.
Il ne lâchera pas prise.
Il n’a jamais prévu de lâcher prise.
Elle sait que la bataille va reprendre.
Au loin, Kel et Loss le savent aussi. Ils le savent, mais ils restent dans leur coin, silencieux. Ils n’ont pas envie de s’en mêler, pas encore.
La patte du marsupial martèle le sol, mais son compagnon le tient en place. Ils savent tous deux ce qui les attend, s’ils se jettent dans l’action trop tôt. Ils savent qu’ils risquent de se faire broyer par le chef, mais aussi par Itoe.
Ils savent que leur mission, actuellement, est d’attendre que ce duel de regards ne se termine, quel que soit le temps qu’il prendra.

Itoe finit par secouer la tête, comme si le chef n’attendait que ça.
Une réaction, n’importe laquelle.
Juste un signe pour lui dire qu’il peut continuer.
Preuve qu’ils sont assez perdus, les bonshommes. Emmitouflés dans le confort de leur tente, au point d’y perdre de vue les réalités contemporaines.

Il grommelle une nouvelle fois.

« Trop. »

C’est tout ?
Ça tombe comme une casserole, ça casse tout le rythme. Itoe tique. Tout ça pour ça ?
L’homme croise les bras sur sa poitrine, à son tour de faire le colosse.

« On s’est battus pour ça, toi la Kage. T’as fait quoi, toi ? T’as pris un village, c’est tout ? Donc t’es plus forte que nous ? »

Un large sourire illumine le visage de l’albinos.
L’autre problème des civilisations archaïques, c’est qu’elles considèrent la femme comme un simple outil de reproduction. Les femmes font la nourriture, le nettoyage, la lessive. Et elles se font engrosser.
Le combat, pour une femme ? Berk ! Ohlala, jamais ! Oh non, jamais de la vie !
Elles chassent pas, leurs donzelles. Enfin, si, elles chassent le bébé qui sort de leur gros ventre, là, mais c’est tout ! Hors de question de les laisser traîner où elles veulent, leurs femmes !
Qu’elle retourne à son ménage, celle-ci aussi, plutôt que croire qu’elle peut les faire déguerpir.

Le chef Zunsha crache un mastodonte blanc sur le sol. La salive est gluante, collante. De là où elle se trouve, Itoe jurerait pouvoir la sentir, tant elle prouve un manque d’hygiène.
Inspire, expire.
Tente de ne pas vomir.

« Alors ? »

Il s’énerve. Il attendait réellement une réponse, encore une fois.
Itoe soupire.

« Vous ne répondez pas à ma question. »

Le rouge lui monte aux joues. Puis au nez. Puis au front. Jusqu’à ce qu’il devienne un ballon écarlate, le visage boursouflé par la colère.
Il a envie de l’étriper. De lui faire manger ses paroles.
Sa fleur, dans l’œil ? Il va lui servir en salade. Et après, il la démembrera et fera de bons steaks avec ses restes.
Oh, il bout, il bout si fort que de la fumée semble s’échapper de ses oreilles.

Itoe, de son côté, reste de marbre. Elle l’observe sans ciller, sans que ses lèvres ne se tordent d’une manière ou d’une autre. Cet homme n’obtiendra rien d’elle, pas de réponse, pas de proposition autre que celle qu’elle a proposée. C’est à prendre ou à laisser.
Et s’il la laisse, ils savent très bien ce qui se passera ensuite.
Ils ne sont que trop habitués à ces duels de regards, qui ne se finissent jamais par un accord.
Ils savent.

Ils attendent simplement de savoir lequel des deux bougera en premier.

Le silence commence à peser lourd sur les épaules de chacun.
Loss, le kangourou de Kel, habituellement si énergique, a cessé de taper de la patte. Il n’y a pas un seul son, pas même de la part des bandits éparpillés un peu partout. Même eux ont cessé de geindre.
C’est étrange.
Comme si, finalement, le temps était en train de se figer autour d’eux. Comme s’il ne se passait plus rien dans cette bulle.
Le moindre mouvement, tout le monde le sait, signera la fin de cette étrange trève.
Elle signera le retour des hostilités.

Le Chef Zunsha, fier de sa puissance et de ses possessions, ne démordra pas. Il veut que ses demandes soient entendues, que ses actes soient légitimés.
Elle est la plus haute instance à laquelle il ait accès, pour le moment. Il le sait. S’il ne parvient pas à se la mettre dans la poche, il faudra qu’il la tue. C’est toujours la même chose, finalement.
Tuer ou être tué.
Encore et encore.
Un cycle qu’il connaît bien, le chef.

Un cycle auquel il est tellement habitué que, finalement, c’est lui qui lance la première offensive. C’est lui qui fonce.
Toutes griffes dehors, il s’élance en direction d’Itoe de sa démarche pataude.

« Kel, Loss ! En position ! »

L’albinos compose de rapides mudras, qui mènent à un puissant jet d’eau, qu’elle crache droit sur le colosse. Dans sa course, il n’a pas le temps de l’éviter : il y a trop de corps autour de lui. Pour atteindre Itoe, il va falloir qu’il ruse autrement.
Il va falloir qu’il se batte plus fort.
Ou qu’il utilise son cerveau.
Enfin, qu’il l’utilise pour autre chose que faire de la gonflette avec ses gros poings et ses muscles saillants.

Il s’immobilise, regarde son torse. Pas de bleu. Pas de bleu, mais une douleur plutôt remarquable. Il n’aurait pas pensé qu’une femme puisse être dotée de telles capacités.
Oh, oui, il l’a vue à l’œuvre. Il a vu ce qu’elle a fait à tous ses compagnons. Pourtant, quelque chose au fond de lui se répétait qu’elle ne lui ferait pas pareil. Qu’elle ne le pourrait pas.
Parce qu’il est le chef Zunsha, celui qui est arrivé là par sa force.
Seulement, dans sa réflexion, il oublie quelque chose. Un détail. Oh, minuscule, oui, mais qui a toute son importance : Itoe non plus, n’a pas été élue. Elle aussi est arrivée à son statut par la force. Et un peu grâce à son cerveau, aussi, mais il n’en a probablement rien à faire.

Il se met à gronder. Comme une forme de cri de guerre.
Un râle puissant, qui vient du fond de sa poitrine.
Oh, il gronde, il gronde fort.
Autour d’eux, tous les bandits qui peuvent encore bouger se remettent en marche. Certains rampent, certains clopinent. Ils donnent le maximum de leurs capacités, pour tenter d’offrir à leur chef la victoire dont ils ont besoin.

Certains parviennent à barrer la route de Kel et Loss pour un moment : aux prises avec eux, ils doivent d’abord les éliminer pour se rendre jusqu’à la Raikage. Ça leur prend un peu de temps, donc la Seika décide de s’en remettre à ses propres compétences.
Rien de grave jusque-là, seulement, elle aurait aimé que le duo Mojuzuka ait, lui aussi, son heure de gloire.

Itoe se met en position, reste bien droite et concentrée.
Dans sa direction fonce le chef, une nouvelle fois. Sauf que, cette fois, il est accompagné.
De chaque côté d’Itoe, des bandits arrivent. Parvenus jusqu’à elle en rampant, ils lui attrapent les chevilles et l’empêchent de bouger. L’albinos soupire.
Si elle remue les pieds brutalement, ils ne bougeront pas. Itoe n’est pas connue pour sa force, ni pour ses coups très puissants. Ils ne broncheront pas.
Il faut faire autrement.

Alors que le chef arrive à sa portée, la Raikage disperse du pollen tout autour d’eux. Un puissant pollen urticant, qui aura vite fait de les mettre au tapis.
Le chef, toujours au top de sa forme, ou presque, flanque une monstrueuse pêche à la jeune femme, qui s’écroule sur le coup.
En se laissant tomber, elle parvient à sortir de la zone d’action du pollen.
Le plus fort des Zunsha, alors qu’il se prépare à plonger sur sa victime, se rend compte que, quand même, ça le gratte.
Il tousse un peu. Ça le coupe dans son élan.
Il tousse un peu plus. Ça le gêne vraiment.
Il porte ses mains à sa gorge, se rend compte que ça ne le gratte pas que dedans. Dehors aussi.
C’est bizarre, ça.
Ça le gêne.
Vraiment beaucoup.

Au sol, les deux bandits l’ont lâchée, ils se tortillent comme ils peuvent.
Itoe sourit.
Elle a mal, son nez est probablement cassé, mais elle est aux portes de la victoire.

Le chef n’a pas voulu l’écouter. Il n’a pas voulu s’en aller.
Alors, quand tout ce beau monde se rend compte que ça sent vraiment pas bon, Itoe se redresse.
Par réflexe, elle remet ses vêtements en place, fait tomber les quelques spores qui la dérangent. Un sourire carnassier illumine son visage.
Du bout de l’index, elle enlève le sang qui coule de son nez, avant de composer de nouveaux mudras.

« C’était ma dernière sommation. Au revoir, chef Zunsha. Puissent les Dieux être plus cléments que moi. »

Un puissant dragon part à pleine vitesse dans sa direction. Aussi proche, il est emporté sur toute la trajectoire de la créature d’eau, qui le laisse seul au beau milieu des rochers.

Les bandits, autour, sont soit trop mal en point pour bouger, soit trop apeurés à l’idée de le faire. Kel et Loss, dans leur coin, en ont mis beaucoup au tapis, eux aussi.
Ils auront prouvé leur efficacité comme des chefs, malgré leur récente admission dans l’armée Kumojin.

Itoe remet tout en place : ses vêtements, son nez, ses cheveux. Proprette comme un sou neuf !
Elle observe ses deux compagnons.

« Beau travail, tous les deux. »

Un sourire plus doux.

« Venez. Nous enverrons une équipe de Chûnins démanteler le camp. Nous émettrons un nouvel accord, qui sera plus clair et ne permettra aucune transgression de ce type. »

Hausse les épaules.

« Enfin, s’il y a des malins qui veulent s’y frotter malgré tout, ils subiront le même sort. »

Parce qu’après tout, y a pas de raison.
Si la loi du plus fort est celle qu’il faut appliquer, alors Itoe l’appliquera, encore et encore.
Jusqu’à ce que Kumo tout entier soit reconnu comme le plus fort. Comme cette entité imprenable, qui s’en prendra à tous ceux qui troubleront sa tranquillité.