S'essuyant la gerbe de sang dégoulinant sur le coin de sa lèvre, le Watari se relevait lentement, avec une douleur qu'il ne pouvait pas dissimuler. Craquant un à un ses doigts, il regarda dans les yeux son aîné avant de lui adresser un unique mot.

– Encore.

Le nouveau leader de l'escouade prodigieuse acquiesça d'un signe de tête, avant de se remettre en position de combat. Les deux hommes forts du Kagirinai se trouvaient dans une assez grande pièce souterraine de leur manoir fraîchement acquis. Cette salle était parfaitement aménagée pour permettre à la petite fratrie de s'entraîner rigoureusement via les nombreux artifices disposés dans cette galerie conçue par et pour les shinobis.

Ainsi, sans crier garde, le manieur de bras mécaniques s'exécuta, lançant avec éclat et panache l'une de ses prothèses contre son sang. L'Exilé répondit à cet assaut en composant rapidement quelques mûdras afin de distordre l'espace et ainsi dévier la premier tentacule métallique. Hélas, pour lui, la deuxième demeurait déjà en route.

L'exercice ne possédait aucune complexité cachée. Waichiro devait tenir le rythme face à son frangin pour sans cesse dévier les attaques avant de se prendre la prochaine dans la mouille. Le but premier réside dans l'amélioration du Ninjutsu de l'Exilé face au Taijutsu rapide et instantané d'Akuhei. Exécuter des mûdras pénalise drastiquement le lanceur et c'est là toute la quintessence de cet entraînement.

Malgré sa rapidité, le manipulateur de la réalité ne pouvait rivaliser face à la vitesse d'action que ces prothèses lui prodiguait. Il parvenait à en dévier une, deux, mais la troisième atteignait toujours sa cible. Après plusieurs heures de combat intensif, le chef du Kagirinai arrêta les hostilités. Les deux hommes ressassèrent les différentes passes d'armes pour les analyser en profondeur et en ressortir grandi dans l'art du combat. Le scientifique s'éclipsa, par la suite, pour se rendre à l'hôpital où on l'attendait. Remontant à son tour, le briseur de la matière fit un petit détour par la cuisine de sa demeure pour s'hydrater après ces efforts.

Le bruit strident de cette maudite sonnette interpella l'Exilé qui se rendit sans attendre au hall d'entrée du nouveau manoir Kagirinai. La tête brune ouvrit promptement la porte pour découvrir ce qui pouvait se dissimuler derrière. Le Watari ne cacha pas sa surprise lorsqu'il observa cette jeune demoiselle comme étant la responsable de ce bruit si désagréable. Cette très jeune femme, au teint pâle et aux yeux écarlates, fit virevolter ses cheveux d'ébènes lorsqu'elle s'inclina respectueusement, déclinant, au passage, son identité et la raison de sa venue. Le visage encore abîmé suite à son entraînement, le manipulateur de l'espace répondit finalement à sa prétendue homologue clanique.


– Une autre Watari au sein de Suna. Voilà qui est... Surprenant ! Je t'en prie, rentre donc.

Se déplaçant légèrement sur le côté, Waichiro invita chaleureusement la prénommée Mihoko à pénétrer la demeure de l'expérience de Reizoku. Le déformateur de substance indiqua à son invité le grand salon visant à accueillir, habituellement toute la fratrie.

– Tu désires quelque chose à boire ?

Répondant aux instructions de sa semblable, il rejoignit par la suite cette dernière dans le salon.

– Je vois que tu as fait tes devoirs. En débarquant sur le pas de ma porte avec toutes ces informations, je t'aurais très probablement accueilli d'une manière différente si nous ne partagions pas le même clan. En quoi puis-je t'aider, Mihoko ?

Saisissant le verre d’eau quémandé par la demoiselle, le Watari se questionna. Comment la prénommée Mihoko avait-elle retrouvé celui qui brise la réalité ? Depuis son arrivée au sein Suna, la tête brune s’efforça de cacher son don singulier pour éviter justement de se faire trop remarquer. Est-ce que cette jeune femme possède un accès à la liste des différents shinobi du sable ? Ou bien, ce qui demeure la solution la plus sensée, a-t-elle été en contact avec un membre du Kagirinai qui lui aurait révélé la nature du pouvoir de l’Exilé ? Une réponse devait être obtenue pour chasser les zones d’ombres qui dérangeait grandement l’hôte de cette petite entrevue.

Regagnant le salon auprès de son invité, le manipulateur de l’espace prit un verre d’un liquide un peu plus robuste que l’eau. S’installant dans un fauteuil, il remua légèrement le contenu et le contenant en observant la demoiselle. Il écouta, sans interrompre, son homologue clanique avant de rebondir sur un point particulier.

– Une inconnue qui débarque chez moi en connaissant mon nom et mon prénom, cela éveille, certe, ma curiosité, mais cela me rend aussi très méfiant. Je pense que tu peux comprendre pourquoi sans notre nom commun, je n’aurais pas réagis de la même manière.

La jeune Watari souleva un point que Waichiro ne pouvait contredire. Les occasions de rencontrer des membres de ce clan si singulier sont rares. Ce n’est qu’après trente ans d’existence que le bougre croise un autre membre de son clan qui n’est pas sa génitrice. Pendant l’espace de quelques secondes, l’Exilé se perdit dans le passé, repensant aux quelques souvenirs qu’il possédait de sa mère avant d’être arraché par le Kagirinai. Buvant une grande gorgée de ce liquide provoquant une meilleure réalité, le maître de la matière sortit de son silence.

– Je comprends parfaitement. J’aurais très certainement fait la même chose si j’avais appris qu’un membre de notre clan était présent à Suna. D’ailleurs, si je peux me permettre de te demander, qu’est-ce qui t’as permis de découvrir mon identité ?

Cette question trottait depuis de bien longues minutes dans l’esprit aiguisé de l’Amejin qui se devait d’apprendre cette information. Alors que Mihoko dévoila les raisons de sa rencontre avec son aîné, le membre de l’escouade Kagirinai ne pouvait s’empêcher de rire jaune lorsque la petite evoqua les valeurs des Watari. Lui qui n’avait connu que son clan par le spectre de sa mère reniée, il n’allait guère pouvoir aider la jeune demoiselle, du moins, sur ce plan.

– Tu n’es pas tombé sur le bon Watari, hélas pour toi. Tout ce que je connais des valeurs de notre clan vient de bouquins poussiéreux et de cette marque que j’ai sur mon front. Je peux néanmoins t’apprendre ce que je sais si tu le désires.

Waichiro pointa son front avec son index avant de reprendre.

– Pour ce qui est de ton développement en aptitude clanique, je vais pouvoir t’aider. J’ai dû apprendre à la dure en me basant sur ces vieux bouquins et je ne souhaite ça à personne ! Comme l’a dit un grand homme, apporter la lumière c'est pour que tout le monde y voit, si c'est seulement pour ma pomme j'vois pas l'intérêt !

Buvant le restant de son verre d’une traite, le rejeton de Reizoku se leva avant de composer quelques mûdras simples tout en prenant la parole

– Mais avant tout, je dois évaluer tes capacités. Es-tu capable de faire…

Très vite, la distance entre les deux Watari se reduisit prodigieusement, amenant l’Exilé juste à côté de Mihoko

– Ça ?

La manœuvre pouvait paraître un peu cavalière, mais le Watari comptait bien sur cet effet pour que la jeune homologue clanique de ce dernier comprenne une partie des connaissances que son aîné possédait. Dans un sentiment mêlant timidité et excitation, Mihoko répondit par la négative avec une voix douce et apaisante. La technique en question n’avait rien d'impressionnant sur le papier, mais elle représentait la quintessence de ce qu’un Watari doit maîtriser et ce que la demoiselle doit viser.

L’Exilé fit dos à la jeune femme pour regagner sa place initiale, écoutant alors les paroles de son élève d’un jour. Énumérant la liste de ses capacités, la tête brune tiqua lorsqu’elle parla de portails. Le bougre se remémora ses divers entraînements dans le complexe académique de Reizoku. Passer à travers ces maudits portails déclenchait une irritation intense chez Waichiro. Il ne pouvait guère l’expliquer, mais de ce fait, son répertoire et ses connaissances dévièrent de ce que l’on peut attendre d’un manipulateur de l’espace dit lambda.

Posant ses mains sur la table en se penchant légèrement, le maître de la matière ne pouvait s’empêcher de sourire face à la curiosité de son interlocuteur. Qui pouvait-il être pour s’interposer entre un humain et la connaissance ?

– C’est déjà un palmarès impressionnant pour ton jeune âge. Bien. Allons dans un endroit plus adapté à l'entraînement.

Ouvrant la marche, le membre de l’escouade Kagirinai invita la demoiselle à le suivre dans le cœur de ce manoir, en prenant les deux verres posés sur la table. Pendant la descente des quelques marches menant à la salle d’entraînement, l’instructeur improvisé se permit de rebondir sur les précédents propos de la Watari.

– Akuhei est donc ton sensei ? Intéressant. Un bel esprit, très intelligent et très humain, malgré son apparence. Tu es entre de bonnes mains, tu peux me croire. Tu as bien compris, nous sommes, pour tout te dire, frère…

Continuant sa marche, Waichiro leva son doigt pour se permettre une correction

– Enfin, demi-frère s’il on veut être précis, même si cela ne change rien pour moi.

Arrivé dans l’immense salle qu’il avait quittée précédemment, le briseur de réalité fit de la place sur une table afin de placer les deux verres à une distance, l’un de l’autre, de l’ordre d’un bon. Une fois la scène installée, il se tourna vers Mihoko.

– Bien, commençons par la première étape. Toi qui sait déjà tordre l’espace, tu vas devoir reprendre le même principe pour l’appliquer à ses deux verres. Le but étant que les deux verres se rapprochent à une vitesse telle qu’ils s’entrechoquent et que l’impact les brise. Ne te retiens pas dans tes mouvements, je serais là pour te contenir si jamais il y a un problème.