Rise lit l’ordre de mission, sans trop le comprendre. Comment ça, elle est prêtée à l’Académie ? Donc on la refourgue, comme ça, hop, sans prévenir ? C’est un objet, pif, paf, on se la passe, comme ça on s’assure que les tâches ingrates sont réalisées ? Un peu bizarre, quand même, d’envoyer une fille qui manipule les morts, pour aller s’occuper de gamins. Au fond. Hm. Quand elle se regarde dans le miroir, Rise se dit qu’elle n’est p’têt’ pas si peu taillée pour l’affaire, justement. Après tout, s’ils survivent à son œil unique et à ses cadavres, c’est qu’ils sont solides. Ou qu’ils le seront. Un entraînement à la dure, quoi. Alors ouais, pourquoi pas.
Pour cette mission, Rise est accompagnée de Tegami Ayane. Si son prénom ne lui dit absolument rien, elle est pourtant informée de ses capacités. Les Tegami de Suna sont connus pour manipuler la lumière. Ça la fait sourire, Rise. Parce que, quand même, c’est cocasse. Ils mettent une nécromancienne avec une nana qui fait des flashs lumineux. C’est un peu la mort contre la vie. Ça fera au moins le spectacle, quand elles devront se battre l’une contre l’autre.
Rise hausse doucement les épaules. Moui, finalement, cette mission ne sera p’têt’ pas une plaie, ni quelque chose d’ingrat. Bien gérée, elle peut être encore plus intéressante qu’une mission d’une envergure plus importante.
Allez, il est l’heure d’entraîner des minots !
Rise déboule à l’Académie, armée de son engouement habituel, un large sourire sur les lèvres. Elle se poste devant, en attendant sa partenaire du jour. Elle se demande déjà comment va se passer ce stage. Trois jours. Trois fois plusieurs heures, pendant lesquelles il faudra leur expliquer ce qu’est un ninja. Là, par contre, c’est réellement problématique. Rise a quelques notions, mais à part dire que c’est de la bagarre et de la protection, elle voit pas trop. Ce n’est pas comme si c’était une grande ninja, la borgne. Au contraire. C’est un peu une plouc, quand on regarde bien. Enfin, un peu, c’est pour pas la froisser. Mais tout le monde sait que, bon. Rise, c’est Rise.
Une jolie brune, bien habillée, qui mesure une bonne dizaine de centimètres de plus qu’elle, voire plus, finit par arriver. Probablement Tegami Ayane. La borgne l’observe un instant, prend le temps de s’imprégner de ses traits, de sa démarche. Elle, c’est pas une plouc. Oh, non. Elle a une sacrée classe.
Rise attend qu’elles soient à une hauteur convenable pour prendre la parole.
« Salut ! Je suis Rise ! Enchantée ! »
Elle fait une courbette maladroite, qui perd en dignité quand elle se baisse un poil trop bas. Sans même s’en rendre compte, la Sugawara se relève assez rapidement. Les bonnes manières, elle les connaît pas trop. Mais elle essaye très très fort – un peu trop, d’ailleurs.
« Alors, hum. J’espère que tu es une bonne enseignante. J’ai jamais fait ça. »
Mettre tous ses espoirs sur l’épaule de la Tegami, sans aucune vergogne. Comme pour le reste, Rise va faire de son mieux, mais si au moins l’une des deux part avec de l’expérience, ça ressemblera moins à rien. Ce serait dommage de faire honte à Tegami Hazure, quand même. Très dommage.
L'Académie de Suna, là où on forme les futurs shinobi du village, demande à ce qu'on leur prête deux ninjas pour qu'ils expliquent aux plus jeunes -et moins jeunes- en quoi consiste le métier de Ninja de Suna, car oui, ninja est un métier, pas juste un passe-temps. Cette intervention durera environ trois jours, au terme desquels les deux Sunajin choisis devront livrer un combat pour montrer à ces aspirants ce dont sont capables des ninjas. Vous avez été choisies alors ne faites pas honte au village, bonne chance !
Été de l’An 150 ~ Académie ~ Suna Gakure No Sato ~ Jounée
Tu avais bien reçu ton rouleau de mission et tu te demandes comment cela va là-bas. Il faut dire que tu es parti il y a un petit moment de ce lieu et pas forcément dans les meilleures conditions qui soit. Tu es presque sûre qu’il s’agit d’une vengeance de la part de l’académie mais qu’importe. Cela te rappellera des souvenirs en y remettant les pieds. Car oui, tu as de sacrés souvenirs de ce lieu. Te levant de bonne heure, comme d’habitude, tu finis par t’habiller. En effet, même si tu ne vas pas prendre ton poste, tu vas à un endroit qui a son importance pour les années à venir. C’est aussi là-bas que tu as pu entamer ta carrière dans l’armée de Suna alors que personne ne te voyait là-dedans. Honnêtement. Tu as toujours su régler les conflits avec tes camarades de classes sans jamais que le sang ne soit versé et on t’a longtemps maudit pour ça. Donc oui, tu as fait beaucoup de bêtise, mais tu n’as pas fait que des bêtises et c’est une chose que tes anciens professeurs n’ont probablement pas oubliés. Il faut dire qu’avec le duo que tu formes encore avec Mitsurugi, personne n’était épargné. Sur ta tenue se trouve forcément ton symbole de clan et même si tu aimerais te faire discrète là-dessus, tu devais le porter et fièrement, cela dit. Mais pour toi, c’est tellement devenu habituel que tu n’y prêtes plus aucune attention. Une fois habillée, tu attrapes de quoi déjeuner et tu quittes ton appartement sans même savoir si ton colocataire était toujours là. Il t’arrive de te demander ce qui serait arrivé si tu étais encore à l’académie alors que tu avais toujours su te débrouiller avec les exercices de tes formateurs. Il faut dire que ton clan avait commencé le travail avant même que tu mettes les pieds là-bas. Bien entendu, tu as pensé à ta partenaire du jour car même si tu ne la connais pas, elle mérite que tu lui accordes ton attention. Surtout que cela va avoir lieu sur trois jours d’affilier.
Marchant à travers les rues, tu étais joyeuse et tu chantonnais alors que tu progresses rapidement. Tu n’es pas du genre à arriver en retard et tout au long de ton passage là-bas, tu n’es jamais arrivé en retard. Mais depuis que tu es diplômée si on peut dire, cela t’arrive de temps en temps surtout quand tu as la fâcheuse tendance à aller t’entraîner en solitaire la nuit. Mais c’est encore un détail que tes supérieurs savent et que tu ne caches pas du tout. Au contraire. Comme tout le monde, tu cherches à évoluer, t’épanouir un peu plus et à devenir une personne sur qui on peut compter bien que tu ne fasses pas l’unanimité de tes supérieurs. Qu’importe après tout. Mangeant ton petit déjeuner, tu salues plusieurs de tes camarades sur le chemin et tu finis par arriver sur place après avoir fini de manger. Tu marches tranquillement en sachant que tu avais de l’avance. Tu lèves ton regard vers une personne qui semblait attendre quelqu’un. Au départ, tu te demandes si c’est bien la personne qui doit travailler avec toi et finalement, elle s’adresse à toi lorsque tu arrives à bonne distance. Tu t’arrêtes et tu lui montres un grand sourire. Tu ne te moques pas lorsqu’elle descend trop bas avec sa courbette. Une fois qu’elle est redressée, tu fais une révérence à ton tour. La politesse vont dans les deux sens et tu es assez joyeuse.
« — Enchantée Rise. Je suis Ayane. »
Bien entendu, par ton nom, tout le monde sait que tu es plutôt du genre bien élevé, mais il faut parfois se méfier de la lumière qui peut se révéler aussi mortelle qu’une arme. Après plusieurs secondes, tu te redresses et tu la regardes avec le sourire, ce sourire qui montre que tu es joyeuse. Puis, tu lui tends un petit sachet. Il faut bien briser la glace à un moment donné et tu es en quelque sorte habituée à ce lieu puisque tu as été diplômée ici il y a quelques mois. Il n’y a dont aucune raison que cela se passe mal. Cependant, au vu des détails donnés sur l’ordre de mission, tu es quasiment certaine que tu vas avoir à faire à des cadets de première année. Tu avais eu la chance de rapidement te retrouver diplômée mais ce n’est probablement pas le cas de tout le monde. Et puis, le fait que tu portes le même nom que la Kazekage t’a aussi ouvert des portes que tu n’avais jamais soupçonné. Loin de là. Malheureusement, tu n’es pas du genre à profiter de ça et tu détestes même qu’on le fasse parce que tu es une Tegami.
« — Est-ce que tu as faim ? J’ai apporté des beignets si jamais ! »
Tu te montres souriante et tu la regardes sans la juger. Tu n’es pas là pour ça mais par contre, tu ne connais pas encore son affinité avec la nécromancie. Et même si tu viens à l’apprendre, cela ne t’empêchera pas de la considérer comme une collègue, une partenaire et peut-être même une amie sur le long terme. Après tout, même si c’est bizarre alors tu es tout aussi bizarre en maîtrisant la lumière. Rise t’explique qu’elle souhaiterait que tu sois bonne enseignante. À vrai dire, tu n’as jamais essayé enfin hormis avec ton binôme inséparable mais lui, c’est autre chose. Tu gardes le sourire.
« — Moi non plus mais faut bien mettre la main à la pâte. Mais je ne me formalise pas. Je connais ce lieu comme ma poche… »
Tu hausses les épaules et tu gardes le sourire alors que tu venais de lui répondre sincèrement. Bien que tu fasses partie d’un clan, tu n’es pas en contact avec les plus jeunes pour les former. C’est le rôle des gardiens de mémoire. Cependant, il faut bien commencer quelque part. C’est d’autant plus valable pour toi qui te mets à la place de tes anciens professeurs. Qu’est-ce que tu as pu leur en fait baver ? Tu avais quand même la côte ici mais encore une fois, à cause de ton nom de famille. Parfois, tu aimerais qu’on oublie que tu appartiens au même clan que la cheffe du village. Tes yeux se posent sur l’académie et tu deviens quelque peu mélancolique. De vieux souvenirs viennent de pointer le bout de leur nez et tu avais toujours ce sourire. Tu étais en avance et ta camarade aussi alors, vous aviez un peu le temps de faire un peu plus connaissance avant d’aller vers la salle des Enseignants. Tu sais très bien où elle est.
Ayane, délicat rayon de soleil. Son sourire illumine la journée de Rise. Elle a l’air si douce. Si gentille. La borgne l’observe, son air intrigué sur le visage. Qu’y a-t-il à découvrir sur Ayane ? Qu’est-ce qu’elle va apprendre, après ces quelques jours à ses côtés ? S’entendront-elles ? La lumière qui flirte avec les ténèbres. La vie et la mort, de tous temps opposées, finalement alliées, pour travailler main dans la main.
Le sourire de Rise revient au galop, grand comme une banane. Des beignets ! Elle a récupéré le sachet, qu’elle a observé un instant. Ce sont sûrement les manières qu’ont les descendants de grande lignée. La nécromancienne est une plouc, elle s’y connaît pas très bien. Mais elle sourit, parce que ça la touche un peu, quand même.
« Merci beaucoup ! Je n’hésiterai pas ! »
C’est une jolie femme, Ayane. Elle a l’air moins amochée que Rise. Elle a l’air plus mature, aussi. Bien plus adulte que la petite folle qui la regarde. Il y a quelque chose, chez elle, que la borgne ne peut expliquer. Quelque chose qui l’attire, lui donne envie de la suivre. Une sorte de confiance, qu’elle instaure naturellement, sans même chercher à la faire naître. Elle est là, elle existe. Elle apparaît sans qu’on comprenne bien pourquoi. Du coup, même si elles ne sont pas trop douées pour enseigner, il y a moyen de faire quelque chose de bien.
Le sourire de la nécromancienne se fait plus doux. Rassurant.
« Ça devrait aller. »
Elle hausse les épaules.
« Après tout, si on est là, c’est qu’on est sûrement taillées pour ça. »
Enfin, ça, c’est en théorie. Parce qu’en pratique, peut-être que les missions sont attribuées ici et là, sans qu’il y ait une réflexion. Les ninjas ne sont que des noms, écrits dans une liste, dans laquelle les membres de l’administration piochent. Ils sont là, ils sont disponibles, ils auront donc telle ou telle mission à accomplir. Ça, c’est possible. Moche, mais c’est une réalité qu’elles ne peuvent écarter. Rise hoche doucement la tête, plus pour elle-même que sa collègue.
« Ouaip’ ! Tout ira bien. Faudra juste qu’on leur montre que, bon, c’est pas si facile. Et c’est pas une partie de plaisir non plus. »
Jusque-là, rien de surprenant. Rien de nouveau, non plus. La dure loi de la vie de ninja : prendre le risque de mourir, un peu tous les jours, même pendant les missions les plus routinières. Qui donc aimerait suivre cette voie, finalement ?
La question d’Ayane ramène Rise sur terre. Elle s’échappe de ses songes. Ne comprend pas réellement d’où vient cette question, ni ce qu’elle doit y répondre. Dans le doute, Rise choisit d’agir naturellement.
« Bein, ça va, je crois ? J’veux dire. J’ai pas l’impression d’être au mauvais endroit. »
Un sourire. Personne n’aimerait être ninja. Sauf quelques uns. Dont elle.
« Et toi ? Ça fait longtemps, que tu es dans l’armée Sunajin ? »
Pas lui demander si elle est ici depuis longtemps. C’est une Tegami, évidemment qu’elle y est depuis un moment. Mais l’armée ?
« C’est par choix ? Ou par obligation ? »
Ou se situe-t-elle quant à son héritage ? Rise la jauge, tente de la comprendre. Tente d’évoluer un peu aux côtés de sa partenaire. Leur mission ne se déroulera que mieux, si elles travaillent main dans la main. Encore plus si, finalement, elles font état de leurs propres motivations. Elles ne sont pas les plus fortes, mais, pour ces enfants et ces jeunes, elles sont une forme de modèle, malgré tout. Autant jouer sur cette réalité.
Été de l’An 150 ~ Académie ~ Suna Gakure No Sato ~ Jounée
Tu n’avais jamais martyrisé les nouveaux et encore moins les initiés de l’académie. Tu es toi aussi passé par là et ce lieu te remémore de nombreux souvenirs. Tu as vraiment passé de bons moments ici même si tu avais fait baver ton professeur. Il faut dire que tu avais l’impression de t’ennuyer donc tu cherchais à t’occuper. Heureusement, depuis la fin de l’académie, tu t’es un peu assagie, mais tu ne regrettes pas d’avoir fait les quatre cents coups ici. Il faut dire qu’avec ton meilleur ami, vous saviez comment vous y prendre. Tu observes le bâtiment réservé à l’enseignement avant de sourire de plus belle. Tu finis par tourner la tête vers ta camarade et tu avais bien vu son air intrigué puis un immense sourire apparaître, surtout en parlant de beignet. Par ailleurs, tu lui tends le sac avec plaisir car après tout, tu les as pris pour elle sur le chemin un peu plus tôt dans la matinée. Tu as toujours été comme ça sauf les semaines après avoir perdu tes deux parents. Ce qui est normal vu que tu les as vu souffrir et disparaître devant tes yeux d’adolescente. Mais tu as plus d’années dans la bouteille et surtout, tu as appris à vivre sans eux même s’ils te manquent énormément.
Cependant, tu continues à avancer et à progresser alors que tu espères qu’ils sont là pour veiller sur toi. Tu écoutes ta camarade sans vraiment chercher à prendre le dessus sur elle. Oh non, ce n’est pas ton genre ou alors, tu le fais inconsciemment. Tu es plutôt une diplomate qu’une kunoichi de force brute. Après, tu dois savoir te défendre afin d’aider ton clan mais aussi probablement ta descendance, si tu en as une. En ce qui te concerne, cela n’est pas dans tes priorités, loin de là. Une chose à la fois non ? Tu écoutes ta camarade du moment avant d’hocher la tête. La réalité est souvent dure à accepter, mais il faut toujours se démarquer pour sortir de ce cercle vicieux du numéro qu’on t’attribue, qu’on te donne par hasard dès que tu sors de l’académie, ce même lieu où tu te trouves actuellement. Tu connais une partie du rouage et tu sais très bien comment cela se passe, mais tu fais partie de ceux qui restent silencieux, qui attend une opportunité de montrer ce qu’ils ont dans le ventre. Et puis, il faut bien passer par là pour s’en sortir.
Bien sûr, tu espères évoluer au même titre que la grande majorité des genins qui sortent de là. C’est justement pour ça que tu as rejoint l’armée. Tu veux te prouver à toi-même ainsi qu’aux membres de ton clan que tu peux y arriver, devenir plus forte que tu ne l’as jamais été, mais il faut savoir faire preuve de patience mais aussi avoir de l’énergie à revendre, car les entraînements ne sont pas si simples que ça. Et tu le sais mieux que personne, car il n’est pas rare de te voir t’entraîner la nuit ou le soir avec une autre personne. Bien sûr, personne n’est au courant de votre arrangement, mais tu estimes que c’est très bien comme ça. Tu gardes le sourire alors que tu as le regard tourné vers Rise. Elle te pose des questions alors il faut bien y répondre sinon tu risques de passer pour une malpolie, encore.
« — Depuis quelques mois après un passage ici. »
Sa question te fait replonger quelques mois en arrière où tu confirmais encore à ton oncle que tu voulais terminer tes quelques études ici afin de devenir Kunoichi. Tu n’as rien de surhumain et pourtant, tu étais devenue beaucoup plus responsable et beaucoup moins flemmarde aussi. Au début, tu te plaignais beaucoup parce que tu devais te lever très tôt mais aussi parce que tu devais faire du sport, t’entraîner avec tes professeurs. Mais finalement, tu as accepté tous ces changements et cela t’a aussi permis d’évoluer dans le bon sens. Donc oui, ce lieu te rappelle beaucoup de chose. Tu montres un sourire mélancolique avant de répondre à la seconde question de Rise.
« — Par choix. Je suis venue ici de mon propre chef. Et toi ? Tu es née à Kaze ou tu viens d’un autre pays ? »
Tu te demandes même si tu apprécies d’être shinobi et la réponse est oui. Du moins, pour le moment. Tu as conscience du potentiel de ton héritage mais ton oncle ne t’a jamais poussé. Pour la grande majorité de ton clan, tu n’as rien à faire ici parce que tu étais incapable de respecter des ordres qu’on te donnait et qu’on finirait par te mettre à la porte. Cependant, hormis à l’académie, tu as su te calmer et montrer que ton propre clan est un clan de vipères. Tu ne t’imagines pas à la tête de ton clan et ce n’est nullement ton objectif et puis, tu sais que tu n’y resteras probablement pas vu que tu es une femme. Il arrivera peut-être un moment où tu perdras le nom de Tegami pour celui d’un autre, la personne que tu aimeras probablement. C’est ce que tu te dis.
« — Tu veux faire le tour de l’académie avant d’aller se présenter au Kouchou ? »
Tu parles bien du doyen qui est à la tête de l’académie. Tu le connais plutôt bien puisque tu es passé un certain nombre de fois dans son bureau. Tu as d’ailleurs un sourire en coin en énonçant son titre. De mémoire, il était assez sympathique avec toi et il n’a jamais douté de tes capacités. Cependant, il aimait pas que tu fasses les quatre cents coups avec ton meilleur ami. Pourtant, tu n’as jamais été mise à la porte et tu es aujourd’hui diplômée. Qui sait ? Il est peut-être fier de t’avoir vu intégrer. Tu ne le sauras peut-être jamais, mais tu risques de recevoir des piques lorsque tu retourneras dans le bureau de ce dernier.
Quelques mois ? Ça veut donc dire qu’elles sont toutes deux plus ou moins des novices. Ayane probablement moins, notamment grâce au sang qui coule dans ses veines. Enfin, c’est une supposition. Rise part du principe que, quand on vient d’un clan en particulier, on a l’enseignement qui vient avec. Peut-être, peut-être pas, finalement. De son côté, la nécromancienne n’a pas eu cette chance. Issue d’une famille éteinte bien trop tôt, tout son savoir lui vient de livres et de son frère. Une collaboration qui les a menés jusqu’ici, tous les deux. Qui l’a poussée à s’enrôler. Un sourire étire ses lèvres. Il semble que les horizons de chacun finissent par se croiser, tôt ou tard. On ne pourra pas rencontrer tout le monde, c’est évident, mais on pourra croiser ceux qui marqueront toute l’existence. Ceux qui laisseront une marque indélébile. Ayane fera-t-elle partie de ceux qui modifient considérablement la vie de Rise ? Fera-t-elle partie de ce réseau solide, soudé, où chacun a un impact sur ses choix ? Ses perceptions ?
La borgne observe la femme de lumière avec un sourire. Elle ne le sait pas encore. Mais se retrouver avec elle, ici, pour enseigner à la jeune graine ? Ça l’amuse déjà pas mal.
L’œil indigo se dépose sur Ayane. Elles ne sont peut-être pas si opposées, finalement. Leurs choix les ont menées à entrer au sein de l’armée Sunjain. Leurs choix les ont menées ici, aujourd’hui. Un nouveau sourire, plus doux.
« Je viens de Kaze ! Je suis venue quand j’ai entendu que le village rouvrait ses portes. »
Destins similaires. Elles avancent dans l’académie. Ayane, bien plus calée que Rise en la matière, prend les devants. Ça arrange la borgne, à vrai dire. Il lui suffira de suivre, peut-être sans rien dire, ou peut-être pour répondre aux questions. Vu le caractère de sa supérieure, la nécromancienne n’aura peut-être pas tellement de travail. Elle a l’air à l’écoute, patiente. Douce. Moins brutale que la Sugawara. Bon point pour elles, ça. Ça les aidera.
Rise cligne de l’œil. Ce qu’elle préfère ? Elle a l’impression d’être guidée. D’être la petite dernière à qui on montre le monde. Une sensation de vulnérabilité qui la laisse perplexe.
« Oh. Euh. Le doyen ? »
Elle se gratte l’arrière de la tête.
« Oui, le doyen. Comme ça, on a plus de temps pour faire le tour après. »
Sûre d’elle, Rise. C’est la marche à suivre, selon elle. La plus efficace. Un hochement de tête.
« Il a p’têt’ des conseils à nous donner, aussi ? Ça pourrait être précieux. En plus d’autres pistes, qui sait ? »
Comme elles n’ont jamais fait ça, toutes les deux, le doyen pourra leur faire part de sa propre expérience. Enfin, c’est l’idée que s’en fait la borgne. Peut-être ne va-t-il rien leur dire, peut-être va-t-il trop en dire. Dans les deux cas, l’expérience sera un peu caduque. Elle décide de lui faire confiance, de se référer à son titre. Reste à savoir si c’est une bonne idée.
Autant que possible, Rise avance en observant autour d’elle, pour s’imprégner un peu de l’académie. Pas sûre de là où elle met les pieds. Suivre Ayane lui permet de ne pas se faire engloutir par les couloirs. Un bon rempart contre son étourderie.
« J’pense qu’on est les mieux placées pour parler de notre expérience en tant que ninja, pour leur dire que c’est un métier, que c’est dangereux et prenant. Mais j’pense que le doyen a plus de clés que nous, sur la manière de s’adresser à eux par exemple. J’imagine qu’on peut pas tout dire non plus. »
Réfléchit un instant.
« Il y a des récompenses, oui. Être un héros, tout ça. Mais y a les risques. Et j’pense que c’est ce qu’on nous cherche à faire dire. Les risques. Sans leur faire peur. »
Rise lève une main dans ses cheveux.
« Ça va pas être facile. »
Comment on dit tout ça à des enfants ? Des jeunes ? Sans leur donner la frousse ? Sans trop les motiver non plus ? Elle n’a jamais fait ça, Rise. Elle préfère cent fois ses cadavres, d’un coup. Ils ont moins de questions à poser. Et ils n’ont plus d’états d’âme. Peu importe s’ils meurent, ils s’en rendront pas compte vu qu’ils sont déjà morts.
Oh, le doyen a tout intérêt à être précis, concis et fort. Très fort dans son domaine. Parce qu’elle est pas sûre de si bien s’en sortir, Rise. Et elle ne sait pas si Ayane est plus douée. Probablement, mais à quel point ?
Oui, quelques mois. Quelques mois déjà que tu as quitté ce lieu. Mais comme de nombreuses personnes, tu as grandi dans le pays et même une partie de ta vie au sein de la Capitale. Toi aussi, tu as perdu ta famille bien trop tôt mais c’est un poids commun dont vous n’avez pas connaissance. Pas pour le moment. Tu restes chaleureuse et accueillante avec tes camarades mais parce qu’on t’a appris à vivre au jour le jour. D’autant plus depuis la mort de ceux qui t’ont appris la vie pendant treize années. Cette période joyeuse avant que ton oncle ne prenne en main ton éducation. Tu n’as jamais été malheureuse mais la vie n’était pas la même et tu sentais clairement la différence entre les deux « vies ». Mais depuis que tu as pris la décision de rejoindre l’armée de Kaze, tu as cette impression d’avoir pris la première grande décision de ta vie sans jamais le réaliser concrètement. Tu as beau porter un nom de clan, il n’en reste pas moins un nom. Tu savais que ceux qui portent un nom de clan prestigieux se voit ouvrir de nombreuses portes mais ce n’est pas là ton avis. Et puis, ton clan est si grand que tu n’es même pas sûre de connaître tout le monde.
Tu souris à ta camarade de ces trois prochains jours et tu apprécies l’échange que tu as avec elle. C’est aussi là l’intérêt d’une mission de ce type. Apprendre à connaître les autres, à te connaître et seulement après, tu pourras évoluer. Car tu sais que la confiance entre camarade est la clé de la survie de l’armée sunajine. Mais tu sais que tu peux être aussi faible qu’une mouche car finalement, c’est ce que tu es dans ce monde. Un grain de sable, une poussière qui peut s’envoler au moindre coup de vent ou de brise qui pourrait se manifester dans ce pays si fier et pourtant si frêle. Tu avais pris les devants vu que tu connais ce lieu comme ta poche. Et pourtant, tu n’y as pas forcément laissé un bon souvenir. Tu mettais tes formateurs en colère et pourtant, c’est ici que tu as tes meilleurs souvenirs. Cela te rend un peu trop mélancolique et certains des élèves de cette académie vont probablement te reconnaître. Autant dire que tu n’es pas vraiment à l’aise, mais tu ne peux plus reculer. Observant la bâtisse, un sourire mélancolique apparaît sur ton visage. Tu tournes le regard vers Rise tout en gardant ton sourire et tu hoches la tête. Tu parlais bien du doyen mais ici, tu penses plus au directeur de l’académie.
« — Tu verras, il est très sympa ! ».
Tu le connais et tu as passé un temps certain dans son bureau. Tu entends Rise parler à voix haute et tu lâches un petit rire. Pour le coup, la situation est vraiment amusante. Et puis, tu ne peux pas lui donner tort. Pour beaucoup, le fait de devenir une kunoichi ou un shinobi du village est synonyme de héros. Mais la réalité est plus dur que ce qu’on la grande majorité des personnes qui sont dans cette académie. Tu regardes avec amusement ta partenaire du moment avant de reprendre la parole. Bien sûr, le ton amusé accompagne tes paroles.
« — Parce que tu pensais devenir une héroïne en devenant kunoichi, Rise ? ».
Bon d’accord, ce n’est pas drôle de se moquer des autres mais cette image la rend encore plus drôle. Lorsque tu y étais, ton rêve n’était pas de devenir une héroïne mais simplement une personne capable de se défendre et de survivre. Cela te hante depuis que tu as vu tes parents mourir il y a huit ans et tu avais dû continuer de grandir sans eux, bien loin de l’esprit familial que tu avais connu dans ton village natal. Peut-être y remettras-tu les pieds un jour ? Tu verras bien où les vents te guideront dans le pays, mais tu espères y retourner afin de savoir ce qui a changé. Tu gardes ce sourire sur ton visage alors que tu la guides dans l’académie pour rencontrer le doyen ou le directeur. À vrai dire, son bureau n’est pas si loin de l’entrée de cette dernière et après plusieurs mètres dans l’enceinte de l’établissement. Autant dire que tu as comme des papillons dans les yeux. Tu t’arrêtes devant la dite porte et tu frappes à la porte.
« — Yukabe-dono, êtes-vous là ? ».
Tu avais frappé à la porte et tu avais un sourire en coin. Tu avais hâte de voir sa réaction lorsqu’il te verra. Pour le moment, pas de réponse mais la porte finit par s’ouvrir avec une tête qui dépasse. Tu gardes alors ton sourire et tu fais coucou de la main. Et là, tu vois une tête dépitée. Sans plus attendre, tu te mets à rire à gorge déployée. Il n’a pas du tout changé alors que beaucoup de choses ont changé pour toi. Tu es devenue plus sérieuse et moins gamine depuis que tu es diplômée. Et surtout, tu es en bonne voie de devenir diplomate alors tu en as parcouru du chemin depuis quelques mois en arrière. Une fois que tu es calmée, tu poses les mains sur tes hanches avant de reprendre la parole.
« — Yukabe-dono, ne faites pas cette tête-là. On dirait un scorpion du désert. ». « — Ayane-chan. Je ne m’attendais pas à vous revoir si vite ! » « — Moi non plus mais cela fait du bien de revenir ici. ». « — Cela dépend pour qui ! »
Il replace ses lunettes sur le nez alors que tu ris encore. Tu lui en as fait voir de toutes les couleurs durant ta période académique. Tu le regrettes un peu aujourd’hui, mais tu as tes meilleurs souvenirs en ce lieu et pour rien au monde, tu les oublieras. Jamais. Tu les aimes ces souvenirs et c’est ce qui forge la personne que tu es devenue. Tu lui souris avant de reprendre la parole un peu plus sérieusement. Après tout, tu étais là pour le travail et nullement pour le faire tourner en bourrique.
« — Yukabe-dono, je vous présente Sugawara Rise. On est envoyé ici pour les trois jours d’immersion. ». « — Et c’est toi qu’on a envoyé ? » « — Bien évidemment. Il paraît que je vous ai manqué ! ».
Tu ris une troisième fois. Lui ne le prenait pas de la même façon. Il faut dire que ton passif ici est loin d’être tout blanc. Loin de là et tu l’avoues sans détour. Tu aimais faire un peu de bordel ici mais qu’importe puisque tout ça appartient au passé. Le doyen se racle la gorge et tu te calmes rapidement. Malgré le temps qui a passé, tu avais encore du respect pour lui.
« — Malgré toutes les heures que tu as passées ici, tu apprécies de revenir ? » « — Bien sûr. Ce n’est pas parce que je suis diplômée que je bannis ce lieu ! ». « — J’espère pour toi que tu t’es calmée depuis ton passage ici. » « — Tout à fait et je vous rassure, je ne suis pas là pour causer le moindre problème dans cette académie. Beaucoup de choses ont changées… ». « — Se pourrait-il que la jeune et turbulente Tegami soit devenue plus responsable ? » « — Cela se pourrait bien, oui ! ».
Tu gardes le sourire et tu observes le doyen simplement. Oh que oui. Tu as beaucoup évolué ses derniers mois. Tu es devenue bien plus mature ou plutôt redevenue. L’académie était comme ton exutoire et comme tu t’y ennuyais fermement, tu faisais ton bordel avec ton meilleur ami qui a été diplômé en même temps que toi. Tu croises les bras, permettant ainsi à Rise de poser des questions. Car tu supposes qu’elle doit en avoir.
Elle est gentille, Ayane. Douce comme du coton. Sa voix n’atteint jamais des intonations trop aiguës ou trop graves, il ne semble pas qu’elle ait un mot plus haut que l’autre. Il y a un sourire sur ses lèvres, presque tout le temps. Elle est comme une plume, qui tombe doucement et caresse la peau sans réellement la toucher. C’est une présence qui effleure, qu’on remarque à peine, mais qui parvient à apaiser l’esprit. Rise lui sourit.
D’accord, il est gentil, Yukabe. Et tant mieux. C’est probablement Ayane qui fera le gros du travail, dans leur situation. Si Rise est relativement sociable, elle a beaucoup moins d’expérience ici que la Tegami. Cette dernière connaît les lieux et les gens, ce qui lui donne un avantage de taille par rapport à la Sugawara. Dans son ombre, la demoiselle se contente de suivre son aînée, sans se poser de questions.
Quand Ayane lui pose la question, Rise cligne rapidement de l’œil. Ça amuse la brune, apparemment. La nécromancienne reste interdite un instant, le temps de réaliser que, non, elle n’a jamais pensé devenir une héroïne. Elle ne l’a jamais espéré non plus. Ça tombait juste sous le sens, après tout ce qu’ils avaient vécu avec Akihiko. Ça lui fait bizarre. Elle rougit, répond par un petit rire.
« Non, pas vraiment. »
Se gratte l’arrière de la tête. Heureusement pour elle, leur voyage se termine ici. L’apparition de Yukabe dans leur conversation permet à Rise de s’échapper de cette situation un peu dérangeante. Elle n’est pas ninja pour accomplir un rêve d’héroïsme. Ni pour devenir une éminente ninja du sable. Elle est là pour améliorer ses compétences. Donner une réponse à ses questions les plus complexes. Pas là pour être le modèle que tout le monde attend.
La bouille de Yukabe apparaît, complètement déconfite. Il n’est pas sûr de ce qu’il voit. Comme s’il faisait face à un fantôme. Comme s’il ne voulait vraiment pas voir ce qu’il voit. Ayane éclate de rire, ce qui n’arrange pas la situation du bonhomme. Rise reste muette, amusée par ce qui se déroule sous ses yeux. Même les plus fortes têtes peuvent faire face à des cauchemars. Elle se calme, se moque un peu moins. Il y a des accents taquins dans sa voix, mais ils sont portés par une bienveillance immanquable. Ayane a l’air d’apprécier cet homme. De ce que Rise comprend, elle lui a mené la vie dure pendant ses études, pourtant, elle semble lui être reconnaissante. La borgne reste effacée, plus que contente de ne pas être sous les projecteurs.
Ça dure un instant, le temps pour la Tegami de se moquer un peu plus. Le doyen est dans la panade. Il n’a pas l’air si gêné, mais il n’est pas tout à fait à l’aise non plus. Il voit cet étonnant bulldozer revenir sur son terrain, alors qu’il pensait en être débarrassé. Pauvre de lui. Rise sourit. Elle finit par être présentée à son tour. Petite courbette, toujours dans le plus poli des silences.
Ayane était une vraie terreur, apparemment. Le fait qu’elle soit ici le laisse plutôt abasourdi. Rise observe la scène d’un œil interrogateur. Quels coups lui a-t-elle faits pour qu’il soit aussi méfiant ?
Ils reprennent, font état du passé, jusqu’à ce que le silence revienne. Le mot « turbulente » résonne dans les oreilles de la Genin. Ayane ? Turbulente ? Ayane. Turbulente. Ça fait tilt. Ça colle pas, pour Rise. Mais elle ne la connaît pas assez, alors peut-être qu’il y a cette phase qu’elle ignore. Cette jeune femme a bien des mystères à livrer.
Quand Rise est certaine qu’ils ont tous les deux fini d’échanger, elle décide de s’immiscer. D’apparaître. Pour de vrai.
« Bonjour ! Enchantée de faire votre connaissance ! »
Nouvelle courbette.
« Comme j’aimerais faire en sorte que ça se passe pour le mieux, hum, j’aimerais que vous nous parliez un peu des meilleures méthodes ? J’veux dire, pour leur parler, ce genre de choses. »
Rise dégaine un petit carnet et un crayon, prête à noter tout ce que le doyen pourra lui raconter. Il l’observe un instant. Un sourire étire ses lèvres, dévoile une denture propre et soignée. Il a l’air moins méfiant avec la Sugawara, bien qu’un peu sur sa réserve. On ne sait jamais : même l’adorable Ayane a pu être une vraie terreur. Que dire de celle-là, avec son cache-œil et sa petite voix ? Elle n’est pas toute blanche, après tout.
« La première règle, c’est de ne pas les infantiliser. Ils veulent être traités comme des égaux. Parlez leur comme vous parleriez à n’importe qui. »
Il hausse les épaules.
« Ils ne sont pas idiots, ils comprendront aisément ce que vous souhaitez leur faire comprendre. »
Rise hoche la tête, prend en note : leur parler naturellement. OK, jusque-là, c’est plutôt simple. Il enchaîne.
« La seconde règle, c’est de ne rien leur cacher. Ces enfants souhaitent devenir des ninjas, mais ils ne doivent pas oublier que ce n’est pas qu’une partie de plaisir. On y perd des proches et on y trouve parfois une mort prématurée. Il faut qu’ils le sachent. Vous n’avez pas besoin d’entrer dans les détails, ce serait superflu et ça alimenterait une peur qui les empêcherait de s’épanouir. » Il marque une pause. « Au fond, c’est plutôt simple : soyez honnêtes. Ils veulent connaître votre expérience, pas celle des chiffres ni des récits. Juste la vôtre. »
La Genin note, note, note encore.
« Enfin, la dernière règle, c’est de vous amuser. Vous êtes ninjas, non ? Pour quelle raison ? Racontez-leur. Montrez-leur que c’est aussi du plaisir. Il faut les mettre au courant, pas les traumatiser. À vous de trouver le juste milieu. »
Rise opine du chef une nouvelle fois.
« D’accord ! Merci, monsieur. »
Les commissures de ses lèvres s’étirent en un sourire grand comme un croissant de lune. Elle est satisfaite. Son regard repart sur Ayane, qu’elle observe un instant, avant de hocher la tête une dernière fois.
« Je pense que c’est bon pour moi. Tu as tout ce qu’il te faut ? »
Si c’est le cas, elles pourront toutes deux repartir tranquillement. La suite de leur aventure est de visiter l’académie, pour que Rise puisse se familiariser avec les lieux. Elle imagine qu’une fois leur tour terminé, elles iront rencontrer les élèves. Ça lui semble être la suite logique. Reste à savoir si Ayane s’y prend de cette façon.
Effectivement, tu es du genre à être bienveillante avec les autres mais terriblement stricte avec toi-même. Bien sûr, peu le savent puisque personne ne te fréquente réellement tous les jours sauf Mitsurugi. Mais cela a littéralement le coup de cœur pour lui dès que tu avais mis les pieds à l’académie et tu ne l’as jamais quitté. Pourtant, vous n’avez rien d’un couple. Il vit dans l’appartement que ton oncle loue pour toi, mais il a sa propre chambre comme tu as la tienne. Il est un peu le frère que je n’ai jamais eu et que je n’aurais peut-être jamais. Le grand frère même. Car oui, il est âgé de deux années de plus que toi mais cela ne te gêne pas. Tu as probablement des supérieurs qui ont ton âge. Tu ne te formalises pas avec ça. Rhalala, revenir ici ne te laisse pas de marbre et tu vas en avoir des choses à raconter à ton meilleur ami ce soir. Tu es presque sûre qu’il aurait aimé revenir ici à tes côtés. Ce serait une bonne idée de venir faire un coucou de temps en temps. Oui, tu aimes ce lieu et tu te demandes même si tu m’espères pas devenir instructeur par la suite. Tu hoches la tête lorsque Rise t’avoues qu’elle n’espérait pas devenir une héroïne en devenant kunoichi. Voilà au moins une chose où vous êtes d’accord toutes les deux. Tu n’as jamais cru au fait de devenir un héros et tu es même bien trop discrète pour ça.
Tu laisses Rise avec le doyen alors que tu as les bras croisés. Tu montres un sourire plus grand lorsque tu la vois sortir un carnet et un crayon. Tu pensais que tout le monde passait par la case « académie » mais il semblerait que cela ne soit pas le cas. Tu trouves ça même attachant. Cependant, tu ne les interromps pas. Bien sûr, tu écoutes et la première règle te fait glousser. Cela te rappelle une discussion que tu avais eue avec un de tes anciens professeurs. Ce dernier est maintenant à la retraite mais c’était le seul de l’époque à ne pas nous prendre pour des enfants. Enfin, il faut dire que les personnes de ma promotion n’étaient pas aussi âgées que moi ou Mitsurugi. C’est peut-être pour ça qu’on s’est bien trouvé. Tu cales ton pied contre le mur tout en observant et en écoutant. Cela te rappelle vraiment beaucoup de choses et tu ne regrettes pas d’être passé par là. Cela t’a quand même appris quelque chose même si tu t’ennuyais fermement parfois. Tu n’avais rien d’une mauvaise élève, mais tu étais turbulente. Pourtant, cela ne te gêne pas de revenir ici. Et puis, ces souvenirs ne sont pas si vieux. C’est alors que Rise te demande si tu as tout ce qu’il faut. Tu te redresses, posant ton pied au sol, décroisant les bras et hochant la tête.
« — J’ai tout ce qu’il me faut ! Yukabe-dono, quelles sont les salles que vous avez réservées pour l’occasion s’il vous plaît ? ». « — La salle 8.4. Je pense que tu te souviens de cette salle, Ayane-Chan ! » « — Oh oui. Je ne suis pas prête de l’oublier. Merci infiniment ! ».
Après les formalités d’usage et quelques échanges polis avec le Doyen, tu finis par quitter son bureau. Tu lèves les yeux vers la pendule et tu montres un sourire. Il était encore un peu tôt et tu connaissais les horaires de l’académie. En général, c’est à neuf heures que cela commence, mais tu étais venue plus tôt afin d’aller parler avec les instructeurs. Plus particulièrement celui qui enseigne dans la salle réservée pour l’occasion. Trois jours dans la même pièce alors il faut quand même se présenter au professeur. Tu l’as eu aussi comme professeur et même comme professeur principal alors tu le connais plutôt bien même si ta relation avec lui est restée d’enseignant à élève. Peut-être qu’il te verra autrement cette fois-ci. Gardant ton sourire, tu te tournes vers Rise.
« — On a un peu de temps devant nous. Est-ce que tu veux visiter les lieux ? ».
Cela n’est pas trop surtout que pour l’aspect pratique, c’est clairement au terrain d’entraînement que cela va se passer alors autant qu’elle sache où aller lorsqu’il faudra qu’on s’affronte. Car oui, tu sais déjà d’avance qu’ils vont te demander d’affronter Rise. Ou du moins, tu t’y attends. Il faut dire qu’à leur place, tu étais pareille même si tu avais déjà de bonnes bases sur ce qu’était la réalité du monde ninja. En entrant ici, tu savais ce que cela voulait dire, mais tu avais apprécié de voir tes camarades être immergés dans ce genre de rencontres. Et puis, il y a toujours quelque chose à apprendre même lorsqu’on est à l’académie.
« — J’ai réfléchis à la façon dont on peut procéder. Je pensais à travailler l’aspect théorique des ninjas aujourd’hui : comment voit-il la profession ? Pourquoi veulent-ils en devenir un ? Les clans connus de Kaze et leur compétence. Pour demain, je pensais voir avec eux les lois qui régissent sur nous et leur origines, la hiérarchie ainsi que différents métiers tout en étant shinobi. Et l’aspect pratique pour dans deux jours. Est-ce tu as quelque chose à ajouter ? Qu’est-ce que tu en penses ? ».
Après tout, même si tu es dans ton élément, tu sais que Rise est elle aussi genin et elle a le droit d’avoir des idées à soumettre. Par ailleurs, le fait qu’elle n’est pas passée ici t’oblige à être plus attentive avec elle. Car finalement, ce sera aussi sa grande première dans une académie alors autant faire les choses bien et qu’elle passe une agréable journée. Même trois. Tu t’en fais un point d’honneur.
Les choses s’enchaînent progressivement. Elles en ont fini avec le Doyen, qui leur a indiqué la salle dans laquelle elles vont travailler pour les jours à venir. La salle 8.4. Pour Rise, ce n’est qu’un numéro parmi tant d’autres, qui ne font pas spécialement sens. Heureusement pour elle, Ayane vient de cet endroit, elle y a passé beaucoup de temps et se souvient de bien des détails. Cet endroit, c’est un peu comme une ancienne maison qu’elle a quittée et où elle revient, un peu timidement, un peu joyeusement.
Ayane propose une nouvelle fois de visiter les lieux, histoire de s’en imprégner correctement. Et puis, comme dit, elles ont pas mal de temps devant elles. La Tegami, bien plus assurée et calée que la borgne sur le sujet, propose une première approche pour leur mission. Elles commenceraient la première journée en leur demandant comment ils considèrent la profession, qu’est-ce qui les attire dans ce métier, mais aussi les clans connus de Kaze et ce qu’ils savent faire. Rise réfléchit un instant : est-ce qu’elle connaît tous les clans du pays ? Il y a les Hizori, les Tegami, mais après ? Les Azaku et les Itsuru ? Alors, jusque-là, oui, mais qui fait quoi dans cette histoire ? Elle rougit. C’est mal barré.
Sauf qu’elle ne dit rien et se contente de hocher la tête : Ayane sera l’examinatrice de la journée. Elle, elle sera. Euh. Le clown. Le joyeux luron. L’adorable nain qu’il y a au fond du jardin, qui a toujours la main levée pour souhaiter la bienvenue. Ça lui va bien, ça.
La seconde journée sera sous le signe de la rigueur. Les règles, les lois, la hiérarchie et les divers métiers du monde Shinobi. Ça, c’est un peu moins lointain. Elle hoche la tête, prend bonne note.
Puis, le dernier jour serait celui de la bagarre. Elle ne le dit pas, mais elles le savent toutes les deux. Rise n’a rien à ajouter, donc elle accepte de but en blanc tout ce qui lui est proposé. Ce plan lui paraît parfaitement parfait, rien à y redire ni de point à modifier. Il n’y a plus qu’à se laisser porter.
Les deux premiers jours passent assez simplement : certains étudiants sont brillants, d’autres sont plus discrets et certains sont de véritables cancres. Ils passent parfois pour d’insupportables élèves, qui n’écoutent rien et n’en ont rien à faire de tout ce qui les entoure. Grande adepte de la pratique, Rise ne peut que comprendre ce qui les anime. La théorie, ça la barbe bien vite. C’est pourquoi, quand les explications ne filtrent plus et qu’ils ne se sentent plus capables d’être attentifs, elle passe dans les rangs et les motive à sa manière. Ils auront la pratique. Ils auront l’entraînement. Ils auront cette bagarre qui les fait tant vibrer. Elle le leur promet. Et d’un coup, tout roule bien plus simplement.
Ça file à sa vitesse, sans trop d’encombres. Au même titre que les élèves, Rise apprend de nombreuses choses pendant ces deux jours. Elle se permet d’ajouter quelques précisions, ainsi que de faire de la prévention. Être ninja, ce n’est pas juste sauver des vies ou être un héros. C’est aussi s’exposer à la mort et la donner. Ce n’est pas toujours simple et ça demande une rigueur colossale. On ne vient pas les mains dans les poches pour manger des bonbons. Ça, ça ne marche pas. Encore moins à l’ère dans laquelle ils vivent.
Ça leur fait un peu peur, mais ça ne les démotive pas le moins du monde. Au contraire, ils ont l’air particulièrement enjoués à l’idée de mener à bien ces tâches et se battre pour une cause en laquelle ils croient. Certains sont partisans de la méthode d’Hazure, trouvent qu’elle est une bonne Kazekage et souhaitent faire pareil. D’autres veulent simplement honorer leurs racines, porter leur village au sommet. Les derniers sont plus réservés sur leur motivation, mais des étoiles scintillent dans leurs yeux quand ils pensent à l’avenir.
S’ils ne sont pas encore tout à fait au fait de la réalité du monde, ils sont au moins rêveurs et attachés à leurs objectifs. C’est déjà pas mal.
Le dernier jour apporte avec lui son lot d’adrénaline. Après les avoir fait lutter les uns contre les autres, Ayane et Rise se mettent sous les feux des projecteurs. Une première bagarre simple, lisse, sans chakra. Puis une seconde. Rise met ses compétences en action, fait appel à un cadavre – le plus beau de sa collection – tandis que la Tegami emploie ses pouvoirs claniques. Ça fait un peu peur. Ça surprend. Mais c’est un affrontement comme ils n’en voient que très rarement, alors ils s’extasient pas mal sur le déroulement qui leur est proposé. Ils sont plutôt satisfaits.
La bataille se finit sur une victoire de la nécromancienne, qui a profité des lacunes au corps-à-corps de sa comparse pour s’engouffrer et remporter le combat. Ça fait applaudir tous les étudiants, qui sont encore plus excités à l’idée de devenir comme elles un jour.
Pendant ces trois jours, ils ont appris bien des choses, découvert des personnes pleines d’énergie ou plus réservées, qui ne se laissent jamais abattre. Des personnes ayant un aperçu de la vie dans laquelle ils tendent à se lancer. Ce ne sera pas simple, ils le savent. Ils vivront parfois des expériences traumatisantes, ils le savent aussi. Mais un véritable patriotisme leur permet de tenir bon. D’y croire. De se battre plus fort encore.
Alors, rendez-vous lors de futures missions ?
Rise remercie Ayane pour son assistance et pour cette mission aussi intéressante que palpitante. Elle décide de prendre le rapport de mission en main – non sans lutter pour obtenir raison – et se rend rapidement au palais. C’est beaucoup de travail, d’être ninja. C’en est encore plus quand on doit enseigner à des apprentis.
Mais ce n’est pas déplaisant, finalement. C’est même plutôt intéressant !
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Seika Itoe